1 Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai point la charité, je suis un airain qui résonne, ou une cymbale qui retentit. 2 Et quand j’aurais la prophétie, et que je connaîtrais tous les mystères, et toute la science ; et quand j’aurais toute la foi, jusqu’à transporter les montagnes, si je n’ai point la charité, je ne suis rien. 3 Et quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, et que je livrerais mon corps pour être brûlé, si je n’ai point la charité, cela ne me sert de rien. 4 La charité use de patience ; elle use de bonté ; la charité n’est point envieuse ; la charité ne se vante point ; elle ne s’enfle point ; 5 elle n’agit point malhonnêtement, elle ne cherche point son intérêt ; elle ne s’irrite point ; elle ne pense point le mal ; 6 elle ne se réjouit point de l’injustice ; mais elle se réjouit avec la vérité. 7 Elle excuse tout, elle croit tout, elle espère tout, elle endure tout. 8 La charité ne périt jamais. Soit les prophéties, elles seront abolies ; soit les langues, elles cesseront ; soit la connaissance, elle sera abolie. 9 Car nous connaissons en partie, et nous prophétisons en partie ; 10 mais quand la perfection sera venue, ce qui est en partie sera aboli. 11 Quand j’étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant ; mais lorsque je suis devenu homme, j’ai aboli ce qui était de l’enfant. 12 Car maintenant nous voyons dans un miroir, obscurément, mais alors nous verrons face à face ; maintenant je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme j’ai été aussi connu. 13 Maintenant donc ces trois choses demeurent : la foi, l’espérance et la charité ; mais la plus grande est la charité.
Les dons les plus brillants n’ont aucune valeur sans la charité
Sans elle ;
Charité signifie amour. On pourrait donc, suivant l’exemple donné par la plus littérale des versions modernes, employer constamment ce dernier mot qui présente à l’esprit une idée si précise et si belle, tandis que le premier a été si souvent défiguré par l’usage qu’on en fait. Luther et la version anglaise appuient de leur vénérable autorité l’emploi de ce terme, sans craindre le rapprochement qu’il provoque entre l’amour divin et l’amour humain.
Malgré cela et bien qu’en maints passages nous ayons suivi cet exemple pour plus de clarté, un motif bien grave nous paraît militer ailleurs en faveur du mot charité, qui, en un certain sens, répond seul complètement au terme original (agapè) : ce motif, c’est l’autorité du Nouveau Testament tout entier.
En effet, les auteurs sacrés avaient sous la main le mot usuel d’amour. Pourquoi ne l’ont-il jamais employé ? Pourquoi aussi les traducteurs latins, tant anciens que du siècle de la réforme, ont-ils constamment préféré le mot de charité à celui d’amour ? C’est qu’ici la pensée religieuse se meut dans un tout autre domaine.
Le paganisme ne s’est jamais élevé au-dessus de l’amour (erôs) ; Il n’a pas connu la charité (agapè). Pour lui, l’amour, même sous sa plus noble forme (et on sait qu’un Platon l’élevait jusqu’à l’amour divin), n’est encore qu’une aspiration vers l’amour, née du sentiment que l’on ne possède pas ce qui est souverainement aimable. La charité chrétienne, au contraire, c’est Dieu lui-même habitant dans le croyant, en sorte que des sources d’eau vive jaillissent de lui en vie éternelle (Jean 4.14). Ce chant de triomphe, sur le pur amour, est doublement beau dans la bouche de Paul. Jean, l’évangéliste, est l’apôtre de la charité ; Paul est le prédicateur de la foi. Ce chapitre est le témoignage de sa nature nouvelle ; son vieil homme ne connaissait pas l’effusion d’un tel amour. Aussi son style même se transforme ici ; il perd sa forme dialectique pour revêtir la simplicité, la limpide profondeur qui distingue saint Jean. La charité, dont il retrace ici le caractère, n’est pas un simple sentiment du cœur, mais la direction la plus intime de l’homme tout entier vers Dieu et vers sa volonté. Les plus nobles manifestations de l’amour naturel, l’amour de la mère pour son enfant, de l’enfant pour sa mère, ne sont que de faibles images de cet amour céleste, engendré dans le chrétien par le sentiment de sa rédemption. L’expérience qu’en a fait l’apôtre a allumé en lui une flamme qui ne s’éteint jamais. Cet amour fait cesser l’isolement où l’homme vit dans son état de péché et consomme son unité avec Dieu et de Dieu avec lui. L’amour de Dieu devient son amour, car ce n’est plus lui qui vit, mais c’est Christ qui vit en lui.
Parmi les dons que l’apôtre oppose à la charité, il commence précisément par celui que les Corinthiens élevaient au-dessus de tout, le don des langues (comparer 1 Corinthiens 12.10, note et 1 Corinthiens 14). Il ne faut pas voir dans les langues des anges une simple hyperbole ; il y a une réalité dans le langage du ciel, quel qu’il soit, puisque Paul y avait entendu des choses ineffables (2 Corinthiens 12.4).
L’airain qui résonne (instrument de musique), comme la cymbale retentissante, sans l’esprit qui leur donne le sens et l’harmonie, ne sont qu’un vain bruit : tels sont les dons les plus brillants sans la charité.
Les dons de prophétie, de science et de foi (1 Corinthiens 12.8-10, note), sans la charité, ne trouvent pas grâce aux veux de l’apôtre, non plus que le don des langues.
Il paraît impossible de posséder ces dons, et cela, au plus haut degré (toute la connaissance, toute la foi), sans la charité. Dirons-nous que l’apôtre a précisément voulu supposer l’impossible, afin de relever d’autant plus la valeur de la charité ? Les termes de l’original sont contraires à cette interprétation (tous les verbes sont à un temps positif avec quand ou si et non au conditionnel, comme nos versions sont forcées de les rendre). Nous devons plutôt avouer que, bien que contre nature, une telle séparation de ce qui paraît inséparable n’est que trop possible. Le péché a jeté dans l’homme un tel désaccord, qu’il peut s’établir un complet divorce entre la tête et le cœur, de sorte qu’alors la force divine se maintient et se manifeste dans l’intelligence et même dans la volonté, tandis que l’inclination la plus intime du cœur s’est déjà détournée de lui et ne puise plus l’amour à sa vraie source. C’est cette triste expérience que l’apôtre dépeint avec de vives couleurs, afin de mettre au jour la nature de la charité, qui donne seule à tous les faits religieux la vérité, la vie, l’harmonie.
Balaam est un exemple frappant de la prophétie sans la charité (Nombres 22). Quant à la connaissance sans la charité, voir les remarquables paroles de l’apôtre, 1 Corinthiens 8.1 ; 1 Corinthiens 8.3. La foi ici (comme 1 Corinthiens 12.9) n’est pas celle qui est imputée à justice (Romains 4.5 et suivants), qui nous unit au Sauveur et nous rend participants de Christ tout entier ; car une telle foi est inséparable de la charité.
Il s’agit ici d’un don (charisme), comme celui des langues ou des miracles et cette foi, quoiqu’elle ne soit pas absolument différente de l’autre, du moins dans son principe, ne saisit guère comme son objet que la toute-puissance de Dieu, dont elle s’empare, et, par elle, se rend possible l’impossible, jusqu’à transporter les montagnes (comparer Matthieu 17.20).
Ceci trouvait surtout son application dans l’état de l’Église de Corinthe, au milieu de la fermentation des dons extraordinaires, où l’humain se mêlait d’une manière étrange au divin. Mais de tout temps une foi très forte peut exister sans la charité, témoin le fanatique qui persécute avec sincérité, ou qui devient lui-même martyr de son erreur.
Quel que puisse être le motif de tels sacrifices des biens (grec : « distribués en morceaux ») ou même de la vie, ils ne servent de rien aux yeux de Dieu s’ils ne découlent de l’amour pour lui et pour les hommes.
Ce que Dieu veut, c’est le cœur, il refuse sans cela tout le reste. Quel jugement absolu sur toutes les œuvres de propre justice, sur toutes celles où l’homme se recherche lui-même !
L’apôtre la personnifie et en retrace l’image :
Comme l’apôtre personnifie la charité, il n’emploie en retraçant sa belle et sainte image ni épithètes pour la définir, ni adjectifs pour la qualifier, mais uniquement des verbes, le mot de l’action ; il dit ce qu’elle fait ou ne fait pas, conformément à sa nature intime. Il nous montre par là qu’elle n’est pas un sentiment vague et contemplatif du cœur, mais un pouvoir énergique qui agit dans la vie et en transforme tous les rapports.
Ainsi elle use de patience (grec : « de longanimité », elle « longanimise »), en ne se laissant point provoquer par le mal ; bien plus, son inépuisable bonté répand autour d’elle le bien, les bénédictions qu’elle puise à la vraie source.
Elle ne porte point envie ou jalousie.
Grec : « N’use point de vanterie, de jactance », ou encore de vanité, de fatuités ni en paroles ni dans la conduite.
Étrangère à l’orgueil, toujours humble, elle ne se permet aucun de ces procédés qu’on n’avoue point, dont on a honte, même devant les hommes (grec : « elle ne fait rien de honteux »). En général, ces caractères de la charité, donnés ainsi d’une manière négative, sont autant de censures des misères que Paul voyait à Corinthe et dans le cœur de l’homme.
Elle détruit au contraire l’égoïsme, qui est la racine de tout péché.
Ou « n’impute point le mal » pour en tirer vengeance ; elle l’oublie.
Elle n’a aucune joie secrète et maligne quand elle voit un frère tomber dans le péché, elle s’en afflige et se réjouit de la vérité (pratique), c’est-à-dire de la sainteté.
Nous traduisons littéralement : « Elle se réjouit avec la vérité ». Comme l’apôtre dans tous ces versets personnifie la charité, il le fait de même quant à la vérité, en sorte que l’une, rencontrant l’autre, se réjouit avec elle ; et cette joie, c’est le cœur aimant qui l’éprouve, par sympathie et parce qu’il aime ce qui glorifie Dieu, la vérité !
Grec : « elle couvre tout », c’est-à-dire les fautes et les péchés des autres autant que cela est permis.
Dans les autres, à l’égard d’elle-même, sans pour cela appeler jamais le mal bien, les ténèbres lumière.
Croire et espérer beaucoup des hommes, est souvent le plus puissant moyen de les amener au bien, tandis que la défiance, l’esprit de jugement provoquent le mal.
Elle ne saurait périr, car elle est Dieu même en nous, tandis que les autres dons deviendront inutiles dans l’état de perfection (8-10).
Preuve et développement de cette vérité par deux images : Ce qu’est le petit enfant à l’homme fait, ce qu’est la vue obscure des objets dans un miroir à la contemplation immédiate de la réalité, tel est notre état présent relativement à la perfection (11, 12).
Conclusion : la charité est plus grande que la foi, qui sera changée en vue et que l’espérance, qui cessera par la possession (13).
Grec : « Ne tombe ou ne cesse jamais », parce qu’elle est l’essence même de la vie de l’âme, de la vie du ciel, puisée en Dieu, qui est amour. L’amour, dans sa perfection future, ne sera différent de l’amour qui vit maintenant dans le cœur de l’enfant de Dieu que par cette perfection même et non par sa nature. Il n’en est pas ainsi des dons de l’Esprit qui ne sont que pour un temps, semblables à l’échafaudage qui tombe lorsque l’édifice est achevé (versets 8-12).
Les versets 9 et 10 donnent la raison pour laquelle les dons désignés au verset 8 cesseront, comme l’indique déjà la liaison au moyen de car (verset 9). Puis l’apôtre développe encore cette raison par deux similitudes (versets 11 et 12).
Parce que nous connaissons et prophétisons en partie, par fragments, d’une manière extrêmement imparfaite, la science et la prophétie seront abolies, pour faire place à un tout autre moyen de connaître (verset 12).
Relativement à la prophétie, cela est évident et cette déclaration a déjà été accomplie historiquement dès ici-bas. Mais quant à la science ou connaissance, comment cela peut-il être, puisqu’il est dit que connaître Dieu, c’est la vie éternelle (Jean 17.3), et que la connaissance est identifiée avec l’amour même, qui ne périt jamais (1 Jean 4.7 ; 1 Jean 4.8) ?
À cette question, qui n’est pas sans difficulté, on peut au moins répondre :
Ainsi encore la prophétie, cette inspiration immédiate de Dieu (1 Corinthiens 14), sera abolie, mais la communion parfaite avec Dieu sera la plus haute prophétie. De même la connaissance ; ses moyens pénibles et lents feront place à la vue immédiate ; ses résultats fragmentaires (en partie) disparaîtront devant la plénitude de la vérité, dans la pure lumière. Ce qui prouve que telle est la pensée de l’apôtre, ce sont les deux comparaisons par lesquelles il l’explique (versets 11 et 12).
En un sens, la science de l’enfant subsiste certainement encore dans celle de l’homme fait ; mais, d’un autre côté, on peut dire qu’il n’est pas une de ces notions puériles qui n’ait été abolie par la science de l’âge mûr.
Notre vie ici-bas, en comparaison de la vie du ciel, est infiniment moins encore que la première enfance à l’égard de la plus mûre expérience ; car, entre la terre et le ciel, il n’y a pas seulement la distance de la foi à la vue, mais surtout la distance du péché à la sainteté. Or, même au plus haut degré de développement possible, le chrétien marche par la foi, une foi souvent obscurcie et non par la vue (2 Corinthiens 5.7).
Cette image aussi, comme celle du verset 11 (voir la note qui précède), que l’apôtre n’entend pas l’abolition de la connaissance actuelle d’une manière absolue, car un miroir peut bien ne montrer les objets que d’une manière très imparfaite, défigurée, ne présenter que des formes indécises et obscures (c’était surtout le cas des miroirs métalliques des anciens) ; mais pourtant ces objets ainsi vus sont bien les mêmes qui existent dans la nature et que le miroir reflète si mal.
Le chrétien compare les vérités révélées avec son expérience, avec ses besoins, avec le monde extérieur et voilà pour lui le miroir où se réfléchit l’image des choses divines ; mais comme ni le monde extérieur, qui est plein de mystères, ni son propre cœur, qui est obscurci par le péché, ne lui rendent purement et nettement cette image, il voit obscurément, « en une énigme » (grec), énigme dont il cherche le mot, qui lui est donné tantôt d’une manière, tantôt d’une autre ; et ainsi il avance, de degré en degré, laissant derrière lui mille questions sans réponse, jusqu’au jour où il verra face à face, immédiatement, sans le moyen du miroir.
Comme j’ai été connu : de Dieu (comparer 1 Corinthiens 8.3, note). Cette connaissance mutuelle sera une mutuelle pénétration par l’amour ; en d’autres mots, une communion parfaite : (voir 1 Jean 3.2) « Nous le verrons tel qu’il est » en lui-même, tandis qu’ici-bas nous le voyons seulement tel qu’il est en nous (comparer Jean 17.21).
Maintenant, pour tout le temps de l’épreuve, bien que les autres dons doivent cesser, demeurent ces trois éléments de la vie chrétienne : la foi, qui, dans les choses religieuses, est la source de toute connaissance vraie, saisit comme présents les biens qui nous sont révélés et offerts en Jésus-Christ et possède dès icibas, dans la mesure de son développement, ce dont nous jouirons complètement quand cette foi aura été changée en vue.
L’espérance, qui repose sur la foi, n’en diffère qu’en tant qu’elle est entièrement dirigée vers l’avenir, vers la délivrance, vers la perfection. Elle est le vif sentiment que « ce que nous serons n’a pas encore été manifesté » et que cette « manifestation des enfants de Dieu » est aussi nécessaire à notre perfection qu’elle est certaine d’après les promesses de Dieu. La foi rassasie (Jean 6.35) ; l’espérance donne la faim (Romains 8.19-25) ; l’une et l’autre sont nécessaires à notre avancement dans la vie intérieure. Par la foi, nous avons communion avec Christ, paix avec Dieu, accès auprès de lui ; l’espérance maintient en nous le sentiment que nous n’avons encore que les arrhes de ce qui nous est réservé (2 Corinthiens 1.22, note), elle est un perpétuel soupir vers l’infini et la perfection.
La charité est au-dessus de l’une et de l’autre, non seulement parce qu’elle subsistera quand la foi sera changée en vue et que l’espérance sera accomplie (verset 8, note) ; mais encore parce que la charité est l’âme, la vie de l’espérance et de la foi. La charité, c’est Dieu en nous ; et Dieu sera tout en tous.
Par cette exposition, le but de l’apôtre est admirablement rempli : la foi, par où il n’entend plus ici (comme 1 Corinthiens 12.9 ; 1 Corinthiens 13.2) un don extraordinaire et passager, mais le moyen permanent de la vie chrétienne ; l’espérance, qui est comme la jouissance anticipée du ciel, sont certainement supérieures aux dons miraculeux les plus distingués. Et pourtant la charité est plus grande encore que la foi et que l’espérance ! Quelle leçon pour ces Corinthiens qui s’élevaient à leurs propres yeux par l’excellence de leurs dons, en oubliant les uns envers les autres les plus simples obligations de la charité ! Cette leçon, au reste, est indispensable à recueillir dans tous les temps.
Quelques exégètes prennent le mot maintenant, non comme une désignation du temps présent, mais comme une conclusion logique et pensent que le verbe demeurent assigne une durée perpétuelle, éternelle à la foi et à l’espérance, aussi bien qu’à la charité. Ces trois dons de la grâce seraient, même dans le ciel, les éléments d’un développement indéfini de l’âme. Mais qui peut concevoir la foi et l’espérance là où est la vue et la possession ? Paul lui-même n’a-t-il pas répondu à cette question (Romains 8.24) ?
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