1 Et l’Éternel parla à Moïse en disant : 2 Fais-toi deux trompettes d’argent ; tu les feras d’argent battu. Elles te serviront pour convoquer l’assemblée et pour faire lever les camps. 3 Quand on en sonnera, toute l’assemblée se réunira auprès de toi, à l’entrée de la Tente d’assignation. 4 Si l’on ne sonne que d’une trompette, les princes, chefs des milliers d’Israël, se réuniront auprès de toi. 5 Quand vous sonnerez en fanfare, les camps qui campent à l’orient se lèveront ; 6 quand vous sonnerez en fanfare pour la seconde fois, les camps qui campent au midi se lèveront : on sonnera une fanfare pour les départs. 7 Pour convoquer l’assemblée vous sonnerez, mais vous ne sonnerez pas en fanfare. 8 Les fils d’Aaron, les sacrificateurs, sonneront des trompettes. Ce sera une ordonnance perpétuelle pour vous et pour vos descendants. 9 Lorsque vous irez à la guerre, dans votre pays, contre l’ennemi qui vous attaquera, vous sonnerez des trompettes en fanfare, et vous serez remis en mémoire devant l’Éternel votre Dieu, et vous serez délivrés de vos ennemis. 10 Et dans vos jours de joie, dans vos solennités, et au commencement des mois, vous sonnerez des trompettes, en offrant vos holocaustes et vos sacrifices d’actions de grâces, et elles seront pour vous un mémorial devant votre Dieu. Je suis l’Éternel, votre Dieu. 11 Et il arriva, la seconde année, le second mois, le vingtième jour, que la nuée s’éleva de dessus la Demeure du témoignage. 12 Et les fils d’Israël partirent du désert de Sinaï, marchant d’étape en étape, et la nuée s’arrêta dans le désert de Paran. 13 Et ils se mirent en marche pour la première fois, selon l’ordre de l’Éternel transmis par Moïse. 14 Et la bannière du camp des fils de Juda se mit en marche en premier lieu, selon leurs troupes, et sa troupe était conduite par Nahason, fils d’Amminadab ; 15 et la troupe de la tribu des fils d’Issacar, par Néthanéel, fils de Tsuar ; 16 et la troupe de la tribu des fils de Zabulon, par Éliab, fils de Hélon. 17 Et la Demeure fut démontée ; et les fils de Guerson et les fils de Mérari se mirent en marche portant la Demeure. 18 Et la bannière du camp de Ruben se mit en marche, selon ses troupes ; et la troupe de Ruben était conduite par Élitstur, fils de Schédéur ; 19 et la troupe de la tribu des fils de Siméon, par Sélumiel, fils de Tsurischaddaï ; 20 et la troupe de la tribu des fils de Gad, par Éliasaph, fils de Déuël. 21 Et les Kéhathites se mirent en marche, portant les meubles sacrés ; et les autres dressaient la Demeure avant qu’ils arrivassent. 22 Et la bannière du camp des fils d’Éphraïm se mit en marche, selon leurs troupes ; et la troupe d’Éphraïm était conduite par Élisama, fils d’Ammihud ; 23 et la troupe de la tribu des fils de Manassé, par Gamliel, fils de Pédahtsur ; 24 et la troupe de la tribu des fils de Benjamin, par Abidan, fils de Guidéoni. 25 Et la bannière du camp des fils de Dan se mit en marche, selon leurs troupes, formant l’arrière-garde de tous les camps ; et la troupe de Dan était conduite par Ahiézer, fils d’Ammischaddaï ; 26 et la troupe de la tribu des fils d’Asser, par Paguiel, fils d’Ocran ; 27 et la troupe de la tribu des fils de Nephthali, par Ahira, fils d’Enan. 28 Tel était l’ordre de marche des fils d’Israël, selon leurs troupes ; et ils se mirent en marche. 29 Et Moïse dit à Hobab, fils de Réuël, le Madianite, beau-père de Moïse : Nous nous mettons en marche pour le lieu dont l’Éternel a dit : Je vous le donnerai. Viens avec nous, et nous te ferons du bien, car l’Éternel a promis de faire du bien à Israël. 30 Et il lui répondit : Je n’irai point ; mais j’irai dans mon pays et dans ma famille. 31 Et Moïse dit : Ne nous quitte pas, je te prie ; car tu sais où nous camperons dans le désert, et tu seras notre œil. 32 Et si tu viens avec nous, le bien que l’Éternel nous fera, nous le partagerons avec toi. 33 Et ils partirent de la montagne de l’Éternel et firent trois journées de chemin ; et l’arche de l’alliance de l’Éternel marcha devant eux trois journées de chemin, pour leur chercher un lieu de repos. 34 Et la nuée de l’Éternel était au-dessus d’eux pendant le jour, lorsqu’ils partaient du camp. 35 Et quand l’arche partait, Moïse disait : Lève-toi, Éternel !
Et que tes ennemis soient dispersés !
Et que ceux qui te haïssent fuient de devant ta face ! 36 Et quand elle s’arrêtait, il disait : Reviens, Éternel, vers les myriades des milliers d’Israël !
Deux trompettes d’argent. C’est ici qu’apparaît pour la première fois l’espèce de trompettes désignée par le nom de chatsôtsera. Cet instrument avait (d’après Josèphe, certaines monnaies juives et les bas-reliefs de l’arc-de-triomphe de Titus) la forme droite et environ une coudée de longueur. Les prêtres seuls devaient s’en servir (verset 8). Le nombre de ces trompettes sacrées a varié : ici, il n’est parlé que de deux, une pour chacun des fils d’Aaron ; dans 1 Chroniques 15.24, de sept et dans 2 Chroniques 5.12, de cent-vingt.
D’argent battu : d’un seul lingot, ce qui rendait l’instrument plus sonore.
Quand on en sonnera : des deux à la fois. Elles sonnaient sans doute sur deux tons différents, en sorte que les deux espèces de signaux indiqués ici pouvaient facilement se distinguer. Il y avait aussi deux manières de sonner : l’une (verset 3), correspondant à ce que nous appelons des coups de trompettes ; l’autre, plus prolongée, sera mentionnée au verset 5.
Ce coup des deux trompettes, dont parle le verset 3, avait pour but soit de convoquer le peuple autour du Tabernacle, naturellement en la personne de ses représentants, soit simplement de le mettre sur pied, la face tournée vers le Tabernacle, pour être attentif aux ordres de l’Éternel.
S’il n’y a qu’une trompette, les douze princes seuls (Nombres 1.16) sont appelés.
Les signaux de départ pour la division de l’orient (Juda) et pour celle du midi (Ruben) sont seuls indiqués, sans doute comme exemples.
La nuée ordonnait le départ, en général ; les trompettes indiquaient pour chaque division le moment de se mettre en marche.
Une ordonnance perpétuelle : pas seulement pour le voyage du désert. Ce signal demeurera soit pour les marches en temps de guerre, semblables à la marche actuelle (verset 9), soit pour les solennités religieuses (verset 10).
Vous serez remis en mémoire. Comparez Exode 28.29. Le son éclatant de la trompette sera semblable à une prière montant vers Dieu pour lui rappeler son peuple.
Et dans vos jours de joie : pour un bienfait quelconque, par exemple une victoire.
Dans vos solennités : celles prévues Lévitique 23.
Un mémorial : même sens que le : en mémoire (verset 9). Voir une belle application historique 2 Chroniques 13.12-14.
Ce morceau paraît être tiré du document élohiste tandis que dès le verset 29 le récit paraît emprunté au document jéhoviste.
La seconde année. Comme les Israélites étaient arrivés au désert de Sinaï le premier jour du troisième mois de l’année précédente (Exode 19.1), ils avaient passé tout près d’un au au pied de la sainte montagne.
La nuée s’éleva. Le sens de ce signal devait être connu des Israélites (Exode 13.21 ; Nombres 9.23).
S’arrêta dans le désert de Paran. On a parfois identifié cet arrêt de la nuée et du peuple avec celui dont il est parlé Nombres 13.1, qui fut celui de Kadès et on en a conclu que le verset 11 comprenait toute la première partie du voyage dans le désert, telle qu’elle se trouvait dans le document élohiste (en y ajoutant l’ordonnance suivante sur la Pâque). Mais l’expression s’arrêta dans le ou au désert peut tout aussi bien désigner un arrêt au commencement qu’à la fin du désert de Paran ; et même beaucoup plus naturellement, puisque le verset 12 paraît indiquer le moment où Israël passa du désert de Sinaï à celui de Paran, au nord du précédent. Ce qui confirme ce sens, ce sont les trois jours de marche dont il est parlé au verset 33 qui aboutirent à la station de Kibroth-Hatthaava, suivie de celle de Hatséroth (verset 35).
Un voyageur moderne, Schubert, en 1837, fit en deux jours et demi ce chemin que durent faire les Israélites depuis Sinaï (Reise in das Morgenland, tome II, page 356). Parti le 7 mars du Sinaï, le 9 il voyait au nord et nord-ouest la chaîne du Tih comme une grande muraille ; vers deux heures de l’après-midi il atteignait une belle vallée avec une source que les Bédouins appelaient Aïn-el-Hadhra (selon Burkhardt) ou Hudhera (selon Robinson) ; à la suite venait un plateau qu’ils désignaient du nom de Phara. Le géographe Ritter (Erdkunde, tome I, pages 268-270) n’hésite pas à reconnaître dans le nom de Phara celui de Paran (Pharan) et dans le nom de Hudhera, celui de Hatséroth et à dire : C’est ici que commençait le grand désert de Paran que le peuple traversa de Hatséroth à Kadès (page 1087). Si Schubert ne mit que deux journées et demie pour arriver à cette localité que les Israélites atteignirent au bout de trois jours, il n’y a rien là que de naturel, une caravane de voyage devant marcher plus vite que tout un peuple. Ainsi s’explique très naturellement la parole Nombres 13.1, où nous verrons le peuple repartir de Hatséroth pour traverser le désert de Paran à l’extrémité nord duquel se trouvait Kadès.
Pour la première fois. Ces mots peuvent insister sur ce fait que dès le premier départ ils mirent fidèlement à exécution les directions que l’Éternel avait données pour la marche, ou bien opposer leur manière d’agir en cette circonstance à un procédé tout différent dans d’autres départs, ou enfin simplement rappeler que ce fut alors la première fois qu’ils eurent l’occasion de mettre à exécution les prescriptions divines sur ce point.
Selon l’ordre de l’Éternel… : soit celui de partir quand la nuée se lèverait (quoique nous ne trouvions nulle part cet ordre spécial dans la bouche de Moïse), soit l’ordre de se rassembler pour partir successivement, division après division, dès que la trompette sonnerait, comme cela avait été ordonné.
Départ de la première division comprenant trois tribus : Juda en tête (Nombres 2.3-9).
Fut démontée. Ce verset et le verset 21 impliquent, une dislocation de la tribu des Lévites non prévue dans l’ordre qui les concernait Nombres 2.17. Les deux divisions des Guersonites et des Mérarites, au lieu de marcher avec les Kéhathites entre les deux premières et les deux dernières divisions, sont placées ici entre la première (Juda) et la seconde (Ruben). On ne peut expliquer cette différence par la diversité des documents puisque notre passage, appartient à l’élohiste aussi bien que le chapitre 2. Mais on comprend que cette modification dans la marche fut amenée par un besoin pratique. Pour qu’en arrivant à la station prochaine les objets sacrés ne dussent pas attendre longtemps avant d’être recueillis dans le Tabernacle, il fallait que celui-ci ne tardât pas trop à être dressé ; et voilà pourquoi les Guersonites et les Mérarites, chargés des tentures et des piliers, prirent place avant la seconde division. Arrivant ainsi les premiers, ils pouvaient dresser le Tabernacle ; et les meubles sacrés, portés par les Kéhathites qui arrivaient assez longtemps après, pouvaient y être reçus immédiatement.
La seconde division : Ruben en tête (Nombres 2.10-16).
Puis la troisième famille des Lévites.
Et les autres dressaient. Il y a simplement : ils dressaient, ce qu’il faut entendre des Guersonites et des Mérarites (verset 17).
À leur arrivée, littéralement : à l’arrivée d’eux (les Kéhathites). En hébreu on use très librement des pronoms.
Les meubles sacrés : Mikdasch ici dans le sens d’objets sacrés, en général ; comparez Nombres 18.29.
Les deux dernières divisions (Nombres 2.18-21).
Et Moïse dit… Cette scène eut lieu au moment où l’on se mettait en marche.
Hobab. Nous connaissons trois noms de parents de Séphora, femme de Moïse : Réuël, Jéthro et Hobab ; ces noms sont accompagnés tous trois du terme de chôten, signifiant parent par alliance, soit beau-père, soit beau-frère. Il n’y a guère d’hésitation à avoir quant au premier et au troisième ; Réuël doit être le père et Hobab le frère de Séphora. Quant au nom de Jéthro, voir à Exode 3.1. Si ce nom désignait un troisième personnage, ce ne pourrait être qu’un fils de Réuël, un frère de Hobab. Ce peut aussi être un titre (son Excellence). Ces différentes hypothèses ont été, soutenues, sans que l’une d’elles s’impose. Mais il ne nous semble pas que Jéthro puisse être le même personnage que Hobab ; car pourquoi dans sa visite à Sinaï, Exode chapitre 18, serait-il appelé Jéthro et ici Hobab ? Le plus naturel est donc de penser que Hobab était le fils de Réuël (Jéthro) et qu’il était venu, comme Réuël un an auparavant, visiter Moïse.
Le terme rendu par beau-père peut s’appliquer grammaticalement soit à Réuël, soit à Hobab.
L’Éternel a promis… : Exode 34.10-11. Moïse offre à Hobab, ami des Israélites, d’être associé aux bénédictions que l’Éternel a promises à son peuple. Cette largeur de Moïse s’accorde bien avec la promesse faite à Abraham que toutes les nations de la terre seraient bénies en sa postérité.
Tu sais où nous camperons. Sans doute la nuée conduisait le peuple et lui indiquait chacune de ses stations ; mais l’expérience de Hobab et sa connaissance des lieux pouvaient être précieuses aux Israélites dans cette terre inconnue où il fallait trouver de l’eau et des pâturages. Puis, à côté de la colonne principale il y avait des expéditions partielles. Enfin les relations de toutes sortes avec les habitants du désert exigeaient l’intervention d’un homme connaissant la langue et les mœurs des tribus nomades.
Tu seras nos yeux : Tu nous feras découvrir ce que seuls nous n’aurions point aperçu.
Hobab a-t-il cédé aux sollicitations de Moïse ? Notre texte ne le dit pas, mais nous pouvons le supposer, puisque nous trouvons plus tard sa famille établie en Palestine dans le midi de Juda (Juges 1.16).
Et ils partirent. Reprise du récit, en vue d’amener la mention des trois premiers jours de marche.
Marcha derant eux… On a expliqué ces mots dans ce sens que l’arche devança le peuple à une distance de trois jours. Mais une telle séparation serait sans exemple ; et comment expliquer les versets 35 et 36 qui disent le contraire ? Ce verset signifie donc simplement, que pendant trois jours consécutifs l’arche marcha à la tête du peuple, sans qu’il se présentât un lieu de campement convenable. Voir à Nombres 11.1.
Il semble, d’après versets 17 et 21 et Nombres 2.17, que l’arche devait se trouver avec les Kéhathites au milieu du cortège et non être en tête et l’on a de nouveau conclu à une différence entre les documents. Mais nous trouvons ici la même manière de raconter que dans le cas des versets 17 et 21, qui apportaient une modification au chapitre 2, appartenant pourtant au même document. Nous voyons que, lors même que les Kéhathites marchaient au milieu du cortège portant les objets sacrés du sanctuaire, l’arche restait inséparable de la nuée qui dans les marches précédait le peuple, jusqu’au moment d’un campement où elle reprenait sa place au milieu du peuple (versets 35 et 36).
Pour leur chercher un lieu de repos : non pas en allant de droite et de gauche faire des perquisitions dans le désert, mais en avançant jusqu’à ce qu’il se trouvât une localité convenable pour y camper. Trois jours s’écoulèrent cette fois, non sans arrêt sans doute, mais sans qu’un seul endroit offrit un lieu de repos convenable.
Ce verset est très difficile et aucune des explications données ne nous a paru suffisante. Comment accorder ces deux déterminations pendant le jour et lorsqu’ils partaient, dont l’une s’applique à la journée tout entière, l’autre uniquement au moment du départ matinal ? Et que signifient les mots au-dessus d’eux ? Sont-ils pris au sens physique, pour dire que la colonne se changeait en un immense rideau couvrant l’espace de quelques lieues qu’occupait le peuple, ou dans le sens purement moral d’abri protecteur (Psaumes 105.39) ? Deux explications également invraisemblables. Il faut, croyons-nous, rapporter le pronom eux non au peuple, mais aux porteurs de l’arche (voir, pour l’emploi très libre de ce pronom, au verset 21). Ainsi la nuée marchait couvrant l’arche et ses porteurs, de même qu’elle la couvrait dans le Lieu très saint, et cela, de jour durant la marche, dès le moment où on la portait hors du camp pour suivre la nuée, lorsque celle-ci quittait la place centrale qu’elle avait occupée durant la nuit et allait se mettre en tête du cortège. Ce sens rend compte de la liaison de ce verset aux deux suivants qui de tout temps a été un problème pour l’interprétation.
Du camp. La préposition min (du) exprime une séparation, une sortie ; cette notion ne saurait s’appliquer au peuple qui ne sortait pas du camp puisqu’il l’emportait avec lui ; à moins que par le terme machané (camp) on ne voulût entendre ici le lieu de campement ; mais l’hébreu ne permet pas ce sens. Il faut donc reconnaître qu’il s’agit de l’arche et de ses porteurs qui s’avançaient hors du camp et continuaient leur marche sous la nuée.
Bénédictions que prononçait Moïse au moment où l’arche sortait du camp pour se mettre en tête de la marche (verset 35), puis lorsqu’elle reprenait sa place pour la nuit au milieu du camp (verset 36).
Lève-toi, Éternel ! Et que… : Que l’Éternel lui-même se lève du lieu de sa sainteté pour venir se mettre en tête du saint cortège et dissiper les ennemis qui pourraient pendant cette journée s’opposer à sa marche et lui barrer le passage ! C’est le texte du Psaume 68, qui est devenu en quelque sorte le psaume des Huguenots.
Quand elle s’arrêtait : le soir au moment du campement.
Reviens ! Non pas que l’arche dût revenir en arrière ; elle s’arrêtait simplement (verset 13) ; puis toutes les tribus venaient prendre autour d’elle la place qui leur était assignée.
Myriade de milliers : dix mille milliers d’hommes ; ou bien l’on entend par un millier une tribu (Nombres 1.16), comprenant plusieurs milliers de soldats.
On voit par cette invocation de Moïse combien est fausse l’idée que l’arche ait été, envisagée comme une sorte de palladium, possédant le pouvoir magique de procurer au peuple victoire et salut… Ce n’est pas de l’arche, c’est de l’Éternel dans la nuée au-dessus de l’arche, que Moïse attend salut et victoire pour le peuple. Si une idée superstitieuse s’est attachée à l’arche, ce n’est que plus tard, à une époque de décadence (1 Samuel 4).
Le texte ainsi compris ne présente aucune des contradictions que les critiques modernes ont cru découvrir entre les documents relativement à la place occupée par l’arche soit dans le repos, soit dans la marche. Tout est en plein accord et en même temps digne de Dieu et du peuple de Dieu. Les deux versets 35 et 36, dont on n’avait pas compris la relation étroite avec le verset 34, ont été enfermés dans le texte hébreu entre deux signes mystérieux dont les rabbins eux-mêmes ignorent aujourd’hui la signification. On a même voulu en faire, ainsi que de la bénédiction sacerdotale (Nombres 6.24-26), une partie du Pentateuque, équivalente à l’un des cinq livres. Tous ces malentendus et bien d’autres dont nous ne parlons pas, sont provenus de ce que l’on n’a pas compris le verset 34 et sa relation étroite avec l’invocation de Moïse.
Les préparatifs du départ terminés, l’armée de l’Éternel s’ébranle pour marcher à la conquête de la Terre promise. Comme la distance qui sépare le mont Sinaï de la frontière méridionale de la Palestine n’est que de onze journées de marche (Deutéronome 1.2), la prise de possession du pays pouvait suivre de bien près la conclusion de l’alliance. Mais une nouvelle révolte des Israélites, plus grave que toutes les précédentes, modifia profondément la marche normale des événements : le peuple fut condamné à rester dans le désert jusqu’à ce que toute la génération des adultes sortie d’Égypte eût complètement disparu.
Des trente-huit ans qui suivirent, nos livres sacrés ne nous racontent qu’une rébellion fomentée par quelques hommes et sévèrement réprimée. L’histoire suivie ne reprend qu’avec la quarantième année, lorsque la nouvelle génération, grandie dans le désert, fut en état de marcher à la conquête du pays de Canaan.
Comme dans la première partie de ce livre, le rédacteur a intercalé dans son récit divers groupes d’ordonnances sans rapport avec les événements racontés. Voici le contenu de cette seconde partie du livre :
L’itinéraire que suivirent les Israélites après leur départ du Sinaï est beaucoup plus difficile à déterminer que celui du voyage d’Égypte au Sinaï. Toute cette région est encore fort peu explorée ; presque tous les noms mentionnés nous sont inconnus et il est parfois difficile de mettre d’accord les différentes relations qui sont entrées dans le tissu du récit sacré. Nous chercherons à donner ici une orientation générale.
La presqu’île du Sinaï forme un triangle dont l’angle méridional est occupé par le mont Sinaï, avec le complexe de montagnes, de vallées et de plaines qui en dépendent. Tout le reste de la presqu’île au nord de cette région est formé par un haut plateau aride et sablonneux, coupé de nombreux ravins et de chaînes de collines, qui s’étend depuis l’Égypte à l’ouest jusqu’aux frontières de la Palestine au nord et à l’Arabie à l’est. C’est le désert Et-Tih, le grand et affreux désert (Deutéronome 1.19) qui portait au temps de Moïse le nom de désert de Paran.
Les Israélites l’ont parcouru en divers sens avant d’entrer en Palestine et le chapitre 33 des Nombres donne la liste de leurs stations pendant cette époque de pérégrination. Des vingt-et-un noms mentionnés, les deux derniers seuls noussont connus : Etsion-Guéber, port de la mer Rouge, près d’Elath, sur le golfe Elanitique ou oriental qui forme l’extrémité nord-est de la mer Rouge (1 Rois 9.26) et Kadès, dont nous allons parler. La situation de toutes les autres stations est incertaine ; les noms des deux premières se retrouvent seuls dans le cours de la narration (Nombres 11.34-35). Sur les quatre mentionnées Nombres 33.30-31 et qui se retrouvent Deutéronome 10.6-7, voir à ces passages.
Kadès est la plus importante de toutes ces stations, c’est la seule dont le nom revienne fréquemment soit dans la Pentateuque, soit dans les autres livres sacrés ; on le trouve souvent sous la forme de Kadès-Barnéa. Ci-devant, l’on n’était point d’accord sur son emplacement. Tandis que les rabbins le plaçaient dans la chaîne à l’est de l’Araba (la vallée qui va de la mer Morte à la mer Rouge), la plupart des commentateurs le cherchaient dans l’Araba elle-même. C’est au voyageur Rowlands que revient l’honneur d’avoir déterminé l’emplacement de Kadès (en 1842). Ses découvertes ont été confirmées par les voyageurs subséquents.
Le haut plateau montagneux qui porte en Palestine le nom de montagne d’Éphraïm et de Juda et qui se continue au sud d’Hébron, sous le nom de Négueb ou de Midi (Genèse 12.9, note), sur une longueur d’environ quatre-vingts kilomètres, aboutit à une large vallée, le Wadi Murreh, qui va de l’ouest à l’est et qui forme la frontière méridionale de la Palestine ; cette contrée est le désert de Tsin de nos livres sacrés. La vallée se bifurque à l’est devant le mont Maderrah pour déboucher par une double issue dans l’Araba ; la vallée du nord est le Wadi Fikreh, qui se dirige vers l’extrémité sud de la mer Morte, tandis que la vallée du sud descend dans l’Araba à peu près à égale distance entre la mer Morte et la mer Rouge, en face de Pétra.
Au sud du Wadi Murreh et le bordant sur toute sa longueur, en faisant face au bord méridional du Négueb, s’élève le haut plateau de l’Azazimât, de forme à peu près carrée et qui, au temps de Moïse, doit avoir été occupé déjà par les Édomites. Le versant occidental de ce plateau vers le désert de Paran est coupé de nombreux ravins dans l’un desquels, le Wadi Rethèma, Rowlands a trouvé une source abondante portant le nom de Aïn-Kudès. Cette localité répond parfaitement à tout ce que nous savons du Kadès de la Bible, elle se trouve sur le chemin du Sinaï à Hébron, au point où se détache de cette route celle qui conduit en Égypte (Genèse 16.7 ; Genèse 16.14, comparez Nombres 14.7) ; Kadès serait ainsi située à l’extrême frontière méridionale de la Palestine, entre la mer Morte et le torrent d’Égypte (Ézéchiel 47.19, note ; Nombres 34.4 ; Josué 15.3) et à proximité de la frontière d’Édom (Nombres 20.16). L’on comprend comment cette ville pouvait être attribuée également au désert de Paran (Nombres 13.26) et à celui de Tsin (Nombres 20.21 ; Nombres 27.14 ; Nombres 33.36 ; Deutéronome 32.51) qui se touchent dans cette région. C’est pourquoi aussi Psaumes 39.8, parle d’un désert de Kadès.
Mais si l’emplacement de Kadès semble maintenant positivement fixé, les difficultés renaissent quand il s’agit de déterminer le moment où les Israélites sont arrivés devant cette ville.
D’après le document élohiste, il semble que ce fut à la fin de leur séjour au désert, au commencement de la quarantième année (Nombres 20.1 ; Nombres 20.16 ; Nombres 33.36-38), en sorte que ce séjour n’aurait duré que quelques mois de la quarantième année ; d’après les autres documents, c’est de Kadès que sont partis les espions, tôt après le départ du Sinaï (Nombres 13.27 ; Nombres 32.8 ; Deutéronome 1.19 ; Josué 14.6). Le Deutéronome dit même expressément que le voyage de Kadès-Barnéa jusqu’à la frontière de Moab dura trente-huit ans (Deutéronome 2.14). En d’autres termes, ici il est parlé d’un séjour à Kadès au commencement du voyage dans le désert, là d’un séjour dans cette même localité à la fin de ces trente-sept ans de vie nomade pendant lesquels mourut la génération sortie d’Égypte avec Moïse.
On a supposé qu’il y avait deux localités de ce nom, l’une, Kadès-Barnéa, au sud de la Palestine, d’où seraient partis les espions et l’autre, Kadès tout court, qui serait identique avec les Eaux de Mériba (Nombres 20.13) et qui se trouverait sur la frontière d’Édom. Le passage Ézéchiel 47.19 suffit pour prouver que cette distinction est impossible et que la localité désignée par ces deux noms est la même et se trouvait sur la limite méridionale de la Palestine.
L’hypothèse la plus généralement admise est qu’il y a eu deux séjours dans ce Kadès, à trente-sept ans de distance, bien que la Bible ne parle jamais d’un retour en ce lieu. On a cherché à retrouver une trace du premier séjour dans le catalogue des stations de Nombres chapitre 33 et on a rapproché heureusement le nom de Rithma (verset 18) du Wadi Rethèma où Rowlands a retrouvé Kadès. D’après cette explication, qui nous paraît la plus vraisemblable, les Israélites se seraient dirigés, en partant du Sinaï, vers le nord (d’abord vers le nord-est, puis droit au nord). Quelques-uns ont supposé, au contraire, qu’ils avaient gagné d’abord la mer Rouge, à l’est, pour suivre la côte du golfe Elanitique en marchant vers le nord jusqu’à l’Araba. Mais un pareil détour est peu vraisemblable et le principal passage sur lequel on a cru pouvoir appuyer cet itinéraire ne prouve rien de pareil ; voir à Nombres 11.22 ; Nombres 11.31. Les deux premières stations furent Kibroth-Hatthaava et Hatséroth (Nombres 11.35 ; Nombres 33.16-17), au nord du Sinaï ; et la troisième indiquée, Rithma, doit être la même que Kadès, dans le désert de Paran (Nombres 13.26). Quant aux dix-sept autres stations, elles indiquent les marches et contre-marches du peuple pendant les trente-huit ans de vie nomade qu’il passa au désert. Pour la dernière partie du voyage, de Kadès à la frontière de Moab, l’itinéraire sera indiqué aux chapitres 20 et 21.
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