1 C’est à cause de cela que moi, Paul, le prisonnier de Jésus-Christ pour vous, païens… 2 si du moins vous avez appris la dispensation de la grâce de Dieu, qui m’a été donnée pour vous, 3 savoir, que c’est par révélation que m’a été donné à connaître ce mystère, comme je viens de vous l’écrire en peu de mots ; 4 par où vous pouvez connaître, en le lisant, quelle est l’intelligence que j’ai du mystère de Christ ; 5 mystère qui n’a point été donné à connaître aux fils des hommes, en d’autres générations, comme il a été révélé maintenant à ses saints apôtres et prophètes par l’Esprit ; 6 savoir que les païens sont cohéritiers, et d’un même corps, et participants à la promesse en Jésus-Christ, par l’Évangile ; 7 duquel j’ai été fait serviteur, selon le don de la grâce de Dieu, qui m’a été donnée selon l’efficace de sa puissance. 8 À moi, le moindre de tous les saints, a été donnée cette grâce d’annoncer parmi les païens la richesse incompréhensible de Christ, 9 et de mettre en lumière devant tous quelle est la dispensation du mystère caché dès les siècles en Dieu, qui a créé toutes choses ; 10 afin que fût maintenant donnée à connaître aux principautés et aux puissances dans les lieux célestes par l’Église la sagesse de Dieu, infiniment variée ; 11 selon le dessein arrêté dès les siècles qu’il a accompli en Jésus-Christ notre Seigneur, 12 en qui nous avons la liberté de nous approcher de Dieu avec confiance, par la foi en lui. 13 C’est pourquoi je demande de ne point perdre courage dans mes afflictions pour vous, ce qui fait votre gloire. 14 C’est à cause de cela que je fléchis les genoux devant le Père, 15 duquel toute famille dans les cieux et sur la terre tire son nom, 16 afin qu’il vous donne, selon la richesse de sa gloire, d’être avec puissance fortifiés par son Esprit quant à l’homme intérieur ; 17 que Christ habite dans vos cœurs par la foi, 18 étant enracinés et fondés dans l’amour, afin que vous puissiez comprendre, avec tous les saints, quelle est la largeur et la longueur et la profondeur et la hauteur, 19 et connaître l’amour de Christ, qui surpasse toute connaissance ; afin que vous soyez remplis de toute la plénitude de Dieu. 20 Or, à Celui qui, selon la puissance qui agit en nous, peut faire par-dessus toutes choses infiniment au-delà de ce que nous demandons ou pensons, 21 à lui la gloire, dans l’Église en Jésus-Christ, dans tous les âges, au siècle des siècles. Amen.
Un mystère dont l’administration a été confiée à l’apôtre
Je suis prisonnier de Jésus-Christ pour vous ; vous connaissez sans doute l’administration qui m’a été confiée d’un mystère que Dieu lui-même m’a révélé ; de ce que je vous ai déjà écrit, vous pouvez conclure la connaissance que j’ai de ce mystère. Il a été jusqu’ici inconnu aux hommes, mais Dieu l’a maintenant manifesté par son Esprit ; ce mystère est que les païens, toutes les nations, ont part à tous les trésors de grâce que renferme l’Évangile (1-6).
Cet Évangile, Dieu m’a fait la grâce d’en être le serviteur, à moi, le moindre de tous les saints, pour proclamer parmi les païens les richesses de Christ et éclairer tous les hommes sur ce mystère de la grâce, jusqu’ici caché en Dieu (7-9).
Le but de ce message est de révéler même aux anges du ciel la sagesse infinie de Dieu, selon son dessein accompli en Christ, par qui nous avons la liberté et l’accès auprès du Père, en toute confiance. Courage donc au milieu de nos souffrances ! (10-13).
Sous l’impression de la description qu’il vient de faire de la glorieuse vocation des païens dans l’Église, l’apôtre se tourne vers eux et veut répandre tout son cœur en prières pour eux. Mais, dès le premier verset, il interrompt sa phrase, il s’arrête à la grande pensée de son apostolat auprès d’eux, apostolat du mystère de miséricorde qui lui a été révélé (Éphésiens 3.2 ; Éphésiens 3.3) ; puis, à Éphésiens 3.14, il revient par les mêmes mots (à cause de cela) à son vœu plein d’amour, à sa prière (Éphésiens 3.14-21). C est avec un sentiment solennel, en prononçant son propre nom, que Paul se prépare à prier pour ses frères et qu’il s’appelle prisonnier de Jésus-Christ.
Ainsi, ailleurs, il appelle ses chaînes « ses liens en Christ » (Philippiens 1.13), ou encore « les liens de l’Évangile » (Philémon 1.13) parce que c’est pour Christ et pour son Évangile qu’il souffrait cette dure captivité. Ce n’est pas là seulement sa consolation, mais sa gloire (Galates 6.14 ; comparez Romains 5.3) La croix de Christ crucifie le péché et vivifie le pécheur au lieu de le tuer, comme le fait l’aiguillon de la loi.
« Tout cela, je le souffre pour vous », dit-il à ses frères convertis du paganisme, afin de leur montrer à quel prix il achetait leur introduction dans l’Église de Dieu. Quelle puissance de charité cette pensée donne à son apostolat (Éphésiens 3.2 et suivants) et à sa prière (Éphésiens 3.14 et suivants) !
La dispensation (comparez Éphésiens 1.10) confiée à Paul était, à la fois, le conseil de la grâce de Dieu pour le salut des pécheurs de toutes les nations et la vocation spéciale de cet apôtre à en devenir le ministre parmi les Gentils (pour vous). Cette pensée est développée Éphésiens 3.3-10.
Ces mots : si toutefois vous avez appris, etc., prouvent avec évidence que notre épître n’a pu être adressée aux Éphésiens seuls, qui connaissaient si bien l’apôtre et la nature de son ministère (voir l’introduction).
Le mystère est ce que Paul vient de nommer « la dispensation » (Éphésiens 3.2) et qu’il explique clairement (Éphésiens 3.6) Ce mystère, Paul l’a connu par révélation directe du Seigneur, non par l’instruction des hommes (Galates 1.12).
Comme je viens de vous l’écrire (dans cette lettre) ne signifie pas que l’apôtre ait déjà exprimé cette pensée d’une révélation directe, mais il entend ce mystère tel que (ou de la manière dont) il en a déroulé les richesses dans les deux premiers chapitres (voir en particulier Éphésiens 1.9-10 ; Éphésiens 2.11 et suivants ; comparez ci-dessous, Éphésiens 3.6).
Tel est le mystère (Éphésiens 3.3, note). Paul appelle ainsi toute vérité divine ou tout fait divin que l’homme ne peut connaître que par révélation. Ici il s’agit du fait de la participation de tous les peuples à la grâce de Dieu en Jésus-Christ. On sait combien les disciples de Jésus eurent de peine à comprendre et à croire cette miséricorde de Dieu ; il fallut qu’elle fût directement révélée à Pierre (Actes 10), comme plus tard à Paul (Éphésiens 3.3), et longtemps elle rencontra une opiniâtre résistance de la part des chrétiens judaïsants, grand sujet de lutte pour l’apôtre des Gentils.
Quand il dit que ce mystère n’a pas été révélé aux générations précédentes, il veut dire qu’il ne le fut pas avec la clarté avec laquelle il fut manifesté ensuite par l’Esprit aux apôtres et prophètes (voir sur ces mots Éphésiens 2.20, note) ; car les prophéties de l’Ancien Testament sont déjà remplies de la grande promesse du salut pour toutes les nations de la terre (Ésaïe 55.5 ; Ésaïe 2.2-3 ; Ésaïe 19.19 ; Ésaïe 19.22-25).
Mais c’est par l’Évangile seulement que parut dans tout son jour ce grand fait que Paul décrit (Éphésiens 3.6) par trois expressions d’une signification profonde (comparer Éphésiens 1.23 ; Éphésiens 2.15 ; Éphésiens 2.16 ; comparez Éphésiens 2.20, note).
L’épithète de saints appliquée aux apôtres et prophètes (Éphésiens 3.5) peut étonner sous la plume de Paul. Cette expression est insolite et semble inspirée par la vénération dont un âge postérieur entourait les fondateurs de l’Église. De Wette et d’autres ont fait de cette expression (comme de celle de Éphésiens 2.20 le fondement des apôtres et prophètes) un argument contre l’authenticité de l’épître. Mais il faut remarquer que saint veut dire, dans le langage de l’Écriture, mis à part, consacré et non, parfait, accompli. Dans ce sens, ce qualificatif est attribué aux prophètes de l’Ancien Testament (Luc 1.70) ; et, par Paul lui-même, à tous les membres de l’Église (Éphésiens 1.1 ; Philippiens 1.1 ; Colossiens 1.2 ; Colossiens 1.6).
Quoi d’étonnant dès lors que l’apôtre l’emploie pour désigner ceux qui sont constitués en dignité au sein de l’Église et qui sont les organes particuliers de l’Esprit de Dieu (comparer Éphésiens 3.8) ?
Le moindre de tous les saints annonçant la richesse incompréhensible de Christ ! voilà le contraste qui humilie l’apôtre, la grâce qui le remplit d’admiration (comparer 1 Corinthiens 15.9 ; 1 Timothée 1.12-15).
Plus Dieu élève un homme, plus celui-ci doit s’abaisser lui-même. Le mal qu’il trouve en lui est toujours plus grand que celui qu’il voit chez les autres ; c’est pourquoi il peut avec vérité se placer au-dessous d’eux (Philippiens 2.3).
Afin de montrer mieux encore la grandeur de sa vocation, l’apôtre dit qu’elle avait pour objet ce mystère caché dès les siècles en Dieu (comparez Éphésiens 3.5), et il ajoute : qui a créé toutes choses, pour rappeler que la rédemption est, aussi bien que la création, un acte de la toute-puissance du Créateur ; c’est une création nouvelle qui a plus coûté que la première.
À ces mots : qui a créé toutes choses, le texte reçu ajoute : « par Jésus-Christ », paroles non authentiques.
Les principautés et les puissances sont divers ordres des anges (comparer Éphésiens 1.21).
Or, bien que les anges de Dieu contemplent ses perfections, ils apprennent à les connaître mieux encore par l’Église, c’est-à-dire par la rédemption d’une race déchue, qui manifeste plus abondamment qu’aucune autre de ses œuvres la sagesse, la puissance et l’amour de Dieu (comparer Luc 15.10 ; 1 Pierre 1.12).
Ces mots de Éphésiens 3.11 : selon le dessein (Grec : « dessein des siècles ») reprennent la pensée de Éphésiens 3.9, à laquelle le Éphésiens 3.10 donne un développement nouveau et le but de l’apôtre est toujours de faire ressortir la grandeur divine de ce mystère accompli en Christ et dont l’administration lui a été confiée (Éphésiens 3.4-8).
D’autres traduisent : « …le dessein qu’il a formé en Christ », mais ce sens ne s’accorde guère avec la suite.
Dès lors, nous avons (Éphésiens 3.12, grec) la liberté (de parole, d’action) et l’accès (auprès de Dieu) en confiance ou persuasion (comparer Éphésiens 2.18 ; Hébreux 4.16 ; Hébreux 10.19-22).
Telle est la traduction littérale de ce verset.
Le sens de nos versions ordinaires : je vous prie de ne point vous décourager, est possible (Luther, Calvin, la Bible anglaise et la plupart des commentateurs traduisent ainsi).
Il nous paraît plus probable, toutefois, que la pensée de l’apôtre est celle-ci : « Je demande (à Dieu) de ne pas permettre que je me décourage, etc ».
De même qu’à Éphésiens 3.8, l’apôtre est saisi de la grandeur de sa vocation, des souffrances qui l’accompagnent, du sentiment de sa faiblesse et il termine par une humble supplication à Dieu pour lui demander sa force.
La dernière pensée du verset : ce qui est votre gloire, s’accorde très bien avec ce sens : l’apôtre considère ses souffrances comme contribuant à la gloire des Églises (comparez 1 Corinthiens 4.9 et suivants ; 2 Corinthiens 1.6) et il faut entendre ce mot dans son sens le plus élevé, c’est-à-dire comme signifiant la consommation finale de toute la vie chrétienne, la glorification.
Le serviteur de Dieu n’a pas d’autre but en se soumettant avec joie et avec constance à toutes les tribulations qu’il endure pour l’amour des âmes.
La gloire et le salut de l’Église est d’avoir un pasteur qui mette son honneur et sa confiance, non dans le crédit des hommes, mais dans la croix de Jésus-Christ.
Quelques interprètes pensent que la gloire des Éphésiens, ne consiste pas dans les souffrances de l’apôtre, mais dans le fait de ne pas perdre courage. On peut, d’après le texte, la rapporter à l’une et à l’autre de ces deux causes.
Pénétré de la grandeur de la vocation des païens, Paul fléchit les genoux devant Dieu ; il intercède pour ses frères, plein de confiance en ce Père miséricordieux qu’il invoque avec toute la famille qui se nomme d’après lui (14, 15).
Il demande : que ses frères soient forts de la force de l’Esprit dans l’homme intérieur ; que Christ habite dans leurs cœurs ; qu’ils soient tout pénétrés de l’amour divin, afin d’en comprendre l’immensité et de connaître l’amour dont Jésus les a aimés, bien que cet amour dépasse l’intelligence humaine ; en un mot, qu’ils soient remplis de toute la plénitude de Dieu (16-19).
Se regardant comme déjà exaucé, parce qu’il s’adresse à Celui qui toujours peut et veut faire beaucoup plus que nous ne demandons ou pensons, il donne gloire à ce Dieu, dont la gloire est éternelle (20, 21).
Le c’est pourquoi de Éphésiens 3.13 indiquait une conclusion tirée de ce qui précède immédiatement, c’est-à-dire, de l’apostolat de Paul (Éphésiens 3.8-12).
Le c’est à cause de cela de Éphésiens 3.14 reprend celui du Éphésiens 3.1 ; ayant achevé ce qu’il voulait dire de son ministère, l’apôtre revient, par la même expression conjonctive, à la grande pensée, qui, tout à l’heure déjà, remplissait son cœur : il adresse à Dieu des prières ardentes pour l’affermissement et l’avancement de ses frères dans la vie intérieure.
Les versets Éphésiens 3.16-19 expriment ce qu’il demande en leur faveur. Ces versets se rattachent donc directement à ce que Paul a dit des grâces immenses accordées aux chrétiens convertis du paganisme (Éphésiens 2.11-22) Ils ont déjà beaucoup reçu ; c’est ce qui lui donne courage et foi pour demander davantage, jusqu’à « toute la plénitude de Dieu » (Éphésiens 3.19).
Cette seconde prière de saint Paul pour les Éphésiens a ainsi la même motif que la première (Éphésiens 1.15-20), dont elle n’est guère que la reprise et le développement. Telle est la gratuité des dons de Dieu et notre pauvreté propre, que nous n’avons pas d’autre titre à des grâces nouvelles que les grâces déjà reçues ; mais ce titre suffit.
Ces paroles se rapportent au nom de Père, qui termine le verset Éphésiens 3.14 (Le texte reçu ajoute : « de notre Seigneur Jésus-Christ », contre les autorités les plus décisives).
L’apôtre fait un rapprochement de mots entre ce nom de Père (pater) et le mot de famille (patria), employé ailleurs dans le sens de tribu ou de descendance d’un père (Luc 2.4 ; Actes 3.25). C’est du Père céleste que toute famille sur la terre et dans le ciel tire son nom (Grec : « est nommée d’après lui »), de même que les familles des hommes portent le nom de leur père.
L’apôtre désigne par ce terme des familles spirituelles, celle des anges, celle des Israélites fidèles, celle des Gentils appelés à la foi. Dieu s’attribue ce beau titre de Père, non seulement comme Créateur, mais surtout parce que ses vrais enfants sont « nés de lui » (Jean 1.12 ; Jean 1.13), par une naissance nouvelle et qu’il a pour eux l’amour du plus tendre père.
Dans la pensée de l’apôtre, ce titre s’applique surtout à ses lecteurs convertis du paganisme et doit leur inspirer le sentiment que Dieu ne fait point d’acception de personne à leur détriment ; c’est la pensée qui reparaît si souvent dans toute notre épître (voyez surtout Éphésiens 2.18 ; Éphésiens 2.19).
C’est devant ce Père que l’apôtre fléchit les genoux, c’est-à-dire prie pour ses frères (Éphésiens 3.16-19), avec autant d’humilité que d’amour, faisant preuve du véritable esprit de prière.
La richesse de la gloire de Dieu, ce sont ses perfections, ici spécialement sa puissance et sa miséricorde que Paul implore.
La première grâce qu’il demande, c’est que l’homme intérieur, faible encore, soit fortifié par la puissance divine qui lui est communiquée (voyez sur cette notion de l’homme intérieur, Romains 7.22, note).
Cela ne peut avoir lieu que par l’Esprit de Dieu, qui vivifie en nous toutes ses grâces. En quoi consiste cette force ? Paul le dit abondamment dans ce qui suit.
Qu’il est admirable et au-dessus de l’homme, cet homme intérieur, dont la foi est la raison et la lumière ; dont la charité est le cœur et la vie ; dont le Saint-Esprit est l’âme et la force ; dont Jésus-Christ est la personne et la substance ; dont Dieu est le Père, l’héritage, la gloire les richesses et la demeure éternelle ; et que Dieu forme dans le temps, par une opération dont la puissance répond aux richesses et à la grandeur de sa gloire !.
Le Saint-Esprit fortifie la foi (Éphésiens 3.16), et cette foi nous unit à Christ au point qu’il demeure en nous et nous en lui. Il ne faut pas voir dans ces termes des figures, mais leur laisser toute leur vivante réalité (comparer Jean 14.23 ; Galates 2.20).
Un christianisme qui se contente du Christ pour nous, en reniant ou négligeant le Christ en nous (Colossiens 1.27), est une déplorable illusion.
D’autres traduisent : « Afin que, étant enracinés et fondés dans l’amour, vous puissiez comprendre… »
Cela revient au même pour le sens. Christ, demeurant en nous, y fait régner l’amour. Paul parle, dans ces versets, de l’amour de Dieu ou de Christ pour nous, non de notre amour pour lui ; mais l’apôtre demande que ses frères en soient pénétrés, qu’ils y plongent leurs racines, comme un arbre puissant plonge les siennes dans le sol et que, fondés en lui, ils soient semblables à un édifice inébranlable.
Par cet amour, plus que par aucune de nos facultés intellectuelles, nous serons rendus capables de comprendre (Éphésiens 3.18) et de connaître (Éphésiens 3.19), selon cette parole d’Augustin : « Si quelqu’un veut connaître Dieu, qu’il aime » !
Comprendre avec tous les saints, qui seuls ont l’intelligence spirituelle et avec qui tout chrétien se sent dans une communion vivante qui l’élève et le fortifie. Comprendre quoi ? Paul ne le dit pas ; sa pensée s’agrandit et embrasse l’infini, qu’il désigne en ces termes sublimes : la largeur et la longueur et la profondeur et la hauteur.
Mais sans doute il veut parler de ce mystère de miséricorde et d’amour dont il a entretenu ses lecteurs dans la première partie de ce chapitre (Éphésiens 3.3-4 ; Éphésiens 3.9) et qu’il contemple tout spécialement ici. Il demande à Dieu d’élever vers ce mystère toutes les aspirations de ses frères. Il proclame la largeur de cette miséricorde divine, qui s’étend à tout pays, à tout peuple, à tout pécheur ; la longueur, qui dure d’éternité en éternité en ce Sauveur qui jamais ne cesse d’aimer ; la hauteur, par laquelle une créature déchue est élevée du sein de sa poussière et de sa corruption jusqu’au trône de Dieu ; la profondeur, abîme insondable de cette miséricorde qui peut atteindre jusqu’au dernier des pécheurs dans sa dégradation (comparer Job 11.7-9).
Si nous ne comprenons pas encore ce mystère, contentons-nous, en attendant, d’imiter la charité de Dieu : sa profondeur, en secourant ceux qui sont dans la plus profonde misère ; sa largeur en embrassant dans l’amour de Dieu indistinctement tous les hommes, même ceux qui le méritent le moins ; sa longueur en ne nous bornant à rien et ne nous lassant jamais ; sa hauteur, en n’agissant que par lui comme notre principe, ne regardant que lui comme notre modèle, rapportant tout à lui comme à notre fin.
Ou si l’on préfère ne pas donner une signification particulière à chacune de ces quatre dimensions de l’amour du Seigneur, on peut y voir simplement l’expression de l’immensité de cet amour
qui enveloppe de toutes parts le croyant, qui s’étend dans tous les sens autour de lui à perte de vue.
Ces paroles encore dépendent immédiatement de ce qui précède : il faut être enraciné et fondé dans l’amour pour connaître l’amour dont Christ nous a aimés. Mais, comme si l’apôtre craignait d’avoir trop dit, d’avoir diminué l’amour de son Sauveur en supposant que nous pouvons le connaître, il se hâte d’ajouter que cet amour surpasse et déborde de toutes parts notre connaissance.
Que lui importe s’il froisse dans les termes la logique des hommes ! N’est-il pas ici tout entier dans une logique et une psychologie que le monde ignore : comprendre par le cœur, connaître en aimant ! Et qui donc connaîtra l’amour, sinon celui qui aime ?
D’ailleurs, c’est bien ici la vraie connaissance des choses divines et en particulier de l’amour de Christ : elle consiste à reconnaître qu’elle se trouve en présence de l’infini et que, plus elle se développe, plus se découvrent à elle de nouvelles perspectives qu’elle n’avait pas même soupçonnées.
L’apôtre avait exprimé la même pensée en écrivant aux Corinthiens : « maintenant nous connaissons en partie », par fragments. Lorsque l’amour de Christ s’est emparé de notre cœur avec une puissance divine, nous commençons à le connaître ; et, tandis que la connaissance intellectuelle tâtonne dans les ténèbres, celle de l’amour la devance de son regard plus pénétrant et marche de progrès en progrès, jusqu’à ce que, échappant à l’état d’enfance, nous parvenions, dans l’éternité, à l’état d’homme fait (1 Corinthiens 13.8-12, note ; 1 Corinthiens 8.2 note).
L’apôtre, il est vrai, parle de l’amour de Christ pour nous et non de notre amour pour lui. Mais aimer Christ est le seul moyen de « connaître son amour qui surpasse toute connaissance ». C’est ce qui a induit Luther à rendre ces paroles d’une manière inexacte, mais admirable dans sa hardiesse : « Aimer Christ vaut mieux que tout savoir ».
Grec : « Afin que vous soyez remplis vers ou jusqu’à toute la plénitude de Dieu ». Ici la prière de l’apôtre s’élève si haut, il sent si bien l’impossibilité de sa réalisation actuelle, qu’il emploie cette préposition jusqu’à qui montre cette réalisation progressive et ne devenant complète que dans l’avenir (comparer Éphésiens 4.13).
L’amour de Christ pour nous et en nous, est encore le moyen d’arriver à ce dernier terme. Et ce terme, c’est la plénitude de Dieu, c’est-à-dire tout son être, toutes ses perfections accomplies dans son Église et dans chaque membre du corps de Christ (Éphésiens 1.23, note).
Au delà de cette plénitude de l’amour de Dieu, de la sainteté de Dieu, de la lumière de Dieu, de la félicité de Dieu, de Dieu lui-même, il n’y a plus rien à désirer, ni à demander : c’est Dieu tout en tous. Ce vœu revient à l’espérance exprimée ailleurs par l’apôtre : « Nous sommes transformés en la même image de gloire en gloire, par l’Esprit du Seigneur » (2 Corinthiens 3.18).
Pénétré de ce sentiment que l’amour de Christ surpasse toutes nos pensées, tous nos vœux, toutes nos prières ; se souvenant que « nous ne savons pas nous-mêmes comment nous devons prier » (Romains 8.26), l’apôtre s’en remet avec confiance pour tous ses vœux et tous les besoins des Églises à ce Dieu qui prend plaisir à répandre sur ses enfants toutes les richesses de sa grâce.
Quoi que nous demandions ou même que nous pensions, Dieu peut et veut faire infiniment plus encore.
Paul fonde cette confiance sur la puissance divine qui agit en nous avec efficace (Grec : « énergie ») et qui nous a tirés de la mort pour nous rendre participants de la vie de Christ (Éphésiens 2.1-6).
C’est avec un sentiment profond d’adoration et d’amour que l’apôtre rend toute gloire à son Dieu. Son vœu ardent est que l’Église entière contribue à cette gloire de Dieu. C’est ce qui aura lieu, car il s’agit de l’Église en Jésus-Christ qui est en lui, dont il est la vie et à qui il assure le triomphe final. Suivant d’autres, il faut traduire : « dans l’Église, par Jésus-Christ ».
C’est encore par Christ que gloire est rendue à Dieu dans l’Église.
Cette gloire sera éternelle et sur la terre tant qu’il y aura des hommes et dans le ciel. Traduction littérale : En toutes les générations du siècle des siècles, c’est-à-dire du siècle le plus reculé, en d’autres termes : éternellement.
Amen, vérité, réalité immuable.
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