1 Et le troisième jour, il y eut des noces à Cana de Galilée, et la mère de Jésus était là. 2 Or Jésus fut aussi invité aux noces, avec ses disciples. 3 Et le vin ayant manqué, la mère de Jésus lui dit : Ils n’ont pas de vin. 4 Jésus lui dit : Qu’y a-t-il entre moi et toi, femme ? Mon heure n’est pas encore venue. 5 Sa mère dit aux serviteurs : Tout ce qu’il vous dira, faites-le. 6 Or, il y avait là six vases de pierre, pour servir aux purifications des Juifs, et contenant chacun deux ou trois mesures. 7 Jésus leur dit : Remplissez d’eau ces vases ; et ils les remplirent jusqu’au haut. 8 Et il leur dit : Puisez maintenant, et portez-en au chef de table. Et ils lui en portèrent. 9 Dès que le chef de table eut goûté l’eau changée en vin (et il ne savait pas d’où venait ce vin, mais les serviteurs le savaient bien, eux qui avaient puisé l’eau), il appelle l’époux, 10 et lui dit : Tout homme sert d’abord le bon vin, puis le moindre, quand on s’est enivré ; toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à présent. 11 Jésus fit ce premier de ses miracles à Cana de Galilée, et il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui. 12 Après cela, il descendit à Capernaüm, lui et sa mère et ses frères et ses disciples ; et ils n’y demeurèrent que peu de jours. 13 Et la Pâque des Juifs était proche, et Jésus monta à Jérusalem. 14 Et il trouva dans le temple ceux qui vendaient des bœufs et des brebis et des pigeons, et les changeurs assis. 15 Et ayant fait un fouet de cordes, il les chassa tous du temple, ainsi que les brebis et les bœufs ; et il répandit la monnaie des changeurs et renversa leurs tables ; 16 et il dit à ceux qui vendaient les pigeons : Emportez ces choses d’ici, ne faites pas de la maison de mon Père une maison de marché. 17 Ses disciples se souvinrent qu’il est écrit : Le zèle de ta maison me dévorera !
18 Les Juifs prirent donc la parole, et lui dirent : Par quel miracle nous montres-tu que tu as le droit de faire ces choses ? 19 Jésus répondit et leur dit : Abattez ce temple, et en trois jours je le relèverai. 20 Les Juifs lui dirent : On a été quarante-six ans à bâtir ce temple, et tu le relèveras en trois jours ! 21 Mais lui parlait du temple de son corps. 22 Lors donc qu’il fut ressuscité des morts, ses disciples se souvinrent qu’il avait dit cela ; et ils crurent l’Écriture et cette parole que Jésus avait dite.
23 Or, pendant qu’il était à Jérusalem à la fête de Pâque, un grand nombre crurent en son nom, voyant les miracles qu’il faisait. 24 Mais Jésus, lui, ne se fiait point à eux, parce qu’il les connaissait tous ; 25 et qu’il n’avait pas besoin que personne lui rendît témoignage d’aucun homme, car il connaissait lui-même ce qui était dans l’homme.
Jésus est invité aux noces de Cana
Le troisième jour après son départ pour la Galilée, il arrive à Cana, où se célébrait une noce. Il y est convié, avec ses disciples (1, 2).
Il repousse l’intervention de Marie, qui lui expose l’embarras causé par le fait que la provision de vin est épuisée. Il répond que son heure n’est pas encore venue et que Marie n’est pas en communion de sentiments avec lui. Celle-ci cependant recommande aux serviteurs de faire ce qu’il leur dira (3-5).
Il change l’eau en vin
Six vases de pierres sont remplis d’eau sur son ordre. L’eau est changée en vin. Le chef de table trouve ce vin meilleur que le précédent et en exprime son étonnement à l’époux (6-10).
La foi des disciples est affermie par ce premier miracle, qui leur révèle la gloire de leur Maître (11).
Le troisième jour à partir du jour indiqué Jean 1.44 comme étant celui du départ de Jésus pour la Galilée. La rencontre avec Nathanaël eut peut-être lieu le second jour (Jean 1.46, première note), le troisième fut celui de l’arrivée à Cana. Il fallait, en effet, trois journées pour se rendre de la Judée à Cana.
Meyer et M. Holtzmann d’après Robinson, placent cette localité à trois lieues au nord-ouest de Nazareth. M. Godet et d’autres retrouvent le Cana de notre récit dans le village de Kefr-Kenna à une lieue et demie à l’est de Nazareth.
La désignation : Cana de Galilée sert à distinguer cette ville d’une autre localité de ce nom, située dans la tribu d’Asser, au sud-est de Tyr (Josué 19.28).
La mère de Jésus était là, lorsque Jésus arriva dans cette famille amie, peut être même de sa parenté. Quelques traits de notre récit (versets 3 et 5) semblent indiquer que Marie prenait une part active dans les arrangements de la fête.
Il ne faut pas traduire, avec quelques versions : avait été invité, puisque Jésus était depuis assez longtemps absent de la Galilée ; il fut invité à son arrivée.
Mais ce qu’il y a de plus important à remarquer, c’est qu’il accepte cette invitation et consent à prendre part a une fête de famille. Il honore ainsi le mariage que Dieu a institué.
Il saura, dans l’humanité, reprendre tout ce qui est à lui, respecter tout ce qui est légitime. Sa présence sanctifie toutes les relations, tous les sentiments et toutes les joies, rien d’humain ne lui est étranger.
C’est même dans ce sanctuaire de la famille qu’il fera son premier miracle et manifestera sa gloire (verset 11).
Ses disciples sont les cinq qu’il venait d’attirer à lui (Jean 1.37-51).
Voici le texte de ce verset, tel que Tischendorf l’établit d’après le manuscrit du Sinaï et quelques documents de l’Itala : Et ils n’avaient pas de vin, parce que le vin de la noce était épuisé. Alors la mère de Jésus lui dit : Il n’y a pas de vin.
Même si cette variante était assez autorisée pour être admise, elle ne présenterait pas une idée différente du texte reçu. Comme la société était nombreuse et que chez les Juifs les noces duraient plusieurs jours, il est facile de s’expliquer cette circonstance que le vin finit par manquer.
Mais que veut Marie par cette observation adressée à son Fils ? C’est là une question difficile à résoudre et qui a singulièrement occupé les interprètes. Avait-elle l’idée que Jésus viendrait au secours de ses amis par un acte de sa puissance divine. ? Mais Jésus n’avait point encore fait de miracle (verset 11), on ne saurait accorder de crédit aux fables racontées par les évangiles apocryphes sur son enfance et sa jeunesse. Aussi les exégètes se sont-ils ingéniés de diverses manières à trouver un autre sens aux paroles de Marie.
Ne rappelons que pour mémoire l’interprétation de Calvin :
Il se peut faire que n’attendant point un tel remède, elle l’admonesta de faire quelque sainte exhortation, de peur que la compagnie se ennuyast et aussi pour couvrir honnestement la honte de l’espoux.
Celle de Bengel est dans la même note : Marie avait simplement voulu donner à Jésus et à ses disciples le signal du départ, afin de ne pas prolonger l’embarras de la famille qui les recevait.
Meyer admet que la mère de Jésus n’avait pas d’autre pensée que celle de lui demander un secours d’ordre naturel, un conseil de sa sagesse.
M. Weiss remarque que Jésus était en mesure de tirer d’embarras ses hôtes, puisqu’il était entouré de jeunes gens prêts à rendre service et dont l’un, Nathanaël, était de l’endroit même et n’y manquait pas de relations.
Cette explication serait très vraisemblable si la réponse de Jésus (verset 4) ne la rendait impossible. Aussi est-ce contrainte par cette réponse, que l’exégèse revient sans cesse à l’idée que Marie demandait un miracle. Pour ôter à cette supposition ce qu’elle peut avoir d’étrange au premier abord, il suffit de rappeler les révélations que Marie avait eues lors de la naissance de son fils ; le souvenir en fut réveillé avec puissance par les récits enthousiastes des disciples que Jésus ramenait de Judée.
Comment admettre que ceux-ci n’aient pas fait part à l’assemblée réunie à Cana de ce qu’ils avaient vu et éprouvé au bord du Jourdain, des témoignages solennels rendus à Jésus par Jean-Baptiste ? Ils pouvaient avoir communiqué même à Marie les faits plus intimes qui avaient marqué leur rencontre avec le Christ (Jean 1.49) et la parole pleine de promesses que Jésus avait prononcée naguère (Jean 1.50-51).
Le fait seul, ajoute M. Godet, que Jésus arrivait entouré de disciples devait suffire pour faire comprendre qu’une phase nouvelle s’ouvrait,… que la période des manifestations messianiques allait commencer.
Aussi Marie éprouvait-elle quelque impatience maternelle et féminine de voir son fils manifester sa puissance.
Chrysostome va même jusqu’à la soupçonner de désirer que quelques rayons de sa gloire resplendissent sur elle. Peut-être fait-il tort à Marie en supposant que des préoccupations personnelles la guidaient dans sa démarche auprès de Jésus ; cependant cette hypothèse ferait mieux comprendre la réponse de Jésus, qui étonne au premier abord.
Dans la langue que Jésus parlait, comme dans celle où notre Évangile est écrit, cette allocution : femme ! n’a rien de contraire à l’affection et aux égards dus à une mère.
Jésus s’en servira encore avec une inexprimable tendresse à l’heure de sa mort (Jean 19.26, comparez Jean 20.15).
Mais il est impossible de ne pas voir une répréhension dans les mots : « Qu’y a-t-il entre moi et toi ? » Cette formule est un hébraïsme (Josué 22.24 ; Jude 1.12 ; 1 Rois 17.18 ; 2 Rois 3.13) qui signifie : il n’y a pas communion de sentiments entre nous.
Nos vues sont différentes, tu ne comprends pas ma mission (comparer Luc 2.49 ; et pour l’expression même Matthieu 8.29 ; Marc 1.24 ; Luc 8.28).
Le Sauveur était entré dans son ministère ; sa relation de soumission envers sa mère (Luc 2.51) ne pouvait subsister en ce qui concernait son activité. Le fils est désormais le « Seigneur », même de sa mère, qui ne peut que travailler à son propre salut par la foi et l’obéissance envers lui. Précisément parce qu’elle se sentait dans un rapport terrestre si intime avec le Christ, il pouvait être difficile à Marie de reconnaître la haute situation dans laquelle son Fils venait d’entrer. De là le sérieux avertissement que Jésus lui donne en lui marquant la limite de sa compétence (comparer Matthieu 12.46-50 ; 2 Corinthiens 5.16).
Quand Jésus dit : mon heure, il désigne toujours le moment déterminé par la volonté de Dieu où doit s’accomplir quelque grand événement de sa vie, en particulier l’heure de sa manifestation comme Messie, qui, il le sait, sera suivie de l’heure de sa mort (Jean 7.30 ; Jean 8.20 ; Jean 12.27 ; Jean 13.1).
Jésus fait comprendre à Marie qu’il serait prématuré d’accomplir des miracles qui feraient croire à l’inauguration des temps messianiques. Ces paroles renferment donc une instruction donnée à Marie, plutôt qu’un refus de sa demande : il n’y a pas contradiction entre elles et l’action qu’il accomplit aussitôt après.
Marie accepte humblement la répréhension, elle s’efface ; mais, certaine que son fils, s’il n’a pas voulu se prêter à la manifestation éclatante qu’elle lui suggérait, trouvera cependant quelque moyen plus modeste de tirer ses amis d’embarras, elle ordonne aux serviteurs de faire tout ce qu’il leur dira.
Grec : des cruches à eau, le même mot qui se retrouve Jean 4.28, mais il y en avait paraît-il, de différente grandeur et de diverses formes (verset 8). Celles-ci servaient aux diverses ablutions que les Juifs pratiquaient avant et après chaque repas (Marc 7.3-4).
La mesure pour les liquides usitée en Palestine sous le nom de bath équivalait exactement, au dire de Josèphe (Antiquités Juives, VIII, 2, 9), à la mesure attique appelée métrétès et c’est ce mot que Jean, qui écrivait pour des Grecs, emploie ici.
Le métrétès contenait 39 litres. Comme chaque vase en renfermait deux ou trois et qu’ils étaient au nombre de six, on arrive ainsi à une quantité variant entre cinq et sept cents litres.
On a trouvé cette quantité exagérée. Lücke suppose que toute l’eau n’a pas été changée en vin, mais seulement celle qu’on puisa, tant qu’on en eut besoin pour le festin.
Cette opinion serait admissible, si l’évangéliste n’avait pas, avec une intention évidente, indiqué le contenu des vases de pierre et leur nombre.
Jusqu’au haut ; ce détail est aussi destiné à indiquer la grande quantité d’eau qui, en ce moment même, fut changée en vin sous la parole créatrice du Maître.
Jésus ordonne de puiser et non de verser, parce que ces vases de pierre (verset 6), de la contenance d’un hectolitre environ, n’étaient pas faciles à mouvoir.
Le chef de table était le premier de ceux qui servaient, il était chargé de pourvoir à tous les arrangements de la fête. Si l’on a conclu du manque de vin que la famille était pauvre, la présence de ce chef semblerait indiquer le contraire.
Grec : l’eau devenue du vin : c’est là l’expression la plus nette du miracle ; et il faut remarquer le parfait, indiquant un fait accompli.
Le chef de table ne savait d’où venait le vin, tandis que les serviteurs, qui l’avaient puisé dans les vases, le savaient bien.
Par cette parenthèse, l’évangéliste veut marquer encore la réalité du miracle et expliquer l’étonnement que le chef de table va exprimer à l’époux. Celui-ci était dans la salle du banquet d’où le chef l’appelle.
Le chef de table croit réellement que l’époux avait réservé ce vin et comme il l’a trouvé très bon, il lui dit d’un ton jovial qu’en cela il avait agi d’une manière contraire à l’usage ordinaire.
Cet usage n’est pas prouvé ; en tout cas il n’existe plus nulle part, mais il ne faut pas attacher trop d’importance à cette sorte de plaisanterie, que l’évangéliste ne rapporte que pour marquer encore une fois par ce trait la réalité du miracle.
Beaucoup de traducteurs atténuent le sens des mots : quand on s’est enivré, craignant que cette expression ne présente l’enivrement des convives comme la conclusion toute naturelle d’un repas de noces et ne donne à penser que la fête de Cana aboutit à de tels excès. Mais ce serait mal comprendre une locution proverbiale, qui ne doit pas être entendue à la lettre.
Grec : ce commencement des miracles ; ce fut le premier de tous ses miracles il ouvre la longue suite des œuvres de puissance et d’amour par lesquelles Jésus se fera connaître comme Sauveur.
Si le but immédiat de Jésus, en accomplissant ce miracle, avait été de venir, avec une touchante condescendance, au secours d’une famille amie, son but suprême est exprimé par l’évangéliste en ces mots : manifester sa gloire, sa puissance divine, son amour (Jean 1.14, troisième note).
C’est ce qui eut lieu, surtout pour ses disciples, qui crurent en lui. Ils avaient déjà cru, puisqu’ils l’avaient suivi ; mais la foi, qui est la confiance du cœur, a des degrés, proportionnés à la connaissance qu’elle acquiert de son objet et à l’expérience qu’elle fait des perfections divines de Celui qu’elle embrasse.
Les miracles seuls de Jésus ne pouvaient créer la foi, mais ils l’élevaient et l’affermissaient en Ceux qui avaient cru par un contact immédiat avec lui. Et, d’autre part, ils attiraient sur lui l’attention de ceux qui cherchaient la vérité.
Ceux qu’intéressent les objections du rationalisme contre le récit qui précède, comme fait miraculeux, les trouveront exposées et réfutées dans le Commentaire de M. Godet.
Pour nous qui pensons que toute la question du miracle se résout dans une question de foi en Dieu et en Jésus-Christ, Fils de Dieu, convaincu, d’ailleurs, qu’un miracle ne s’explique pas, pas plus que toute action divine, pas plus que la création, pas plus que la vie et tous les mystères dont nous sommes entourés, nous nous bornons à rappeler, avec saint Augustin, une simple analogie :
Celui qui, aux noces de Cana, créa le vin dans des vaisseaux de pierre, est le même qui, chaque année, le crée dans les ceps de la vigne. Comme alors, l’eau, puisée par les serviteurs, fut changée en vin par la puissance du Seigneur, de même sa puissance change en vin, chaque année, dans les ceps, l’eau qui tombe des nuées. Nous ne nous en étonnons pas, parce que ce miracle arrive chaque année, la fréquence du fait nous ôte l’admiration.
Établissement à Capernaüm
Jésus, après les noces de Cana, se rend avec sa famille à Capernaüm, mais n’y reste que peu de jours (12).
Jésus se manifeste dans le temple en chassant les vendeurs
Pour la fête de Pâques, Jésus monte à Jérusalem. Il trouve des vendeurs et des changeurs dans le temple ; il les en chasse, leur reprochant de faire de la maison de son Père une maison de marché. Ses disciples lui appliquent la parole du Psaume : le zèle de ta maison me dévorera (13-17).
Le signe qui légitime l’acte accompli par Jésus
Les Juifs lui demandent d’établir par un signe qu’il a le droit de faire la police dans le temple ; Jésus les invite à abattre ce temple et s’offre à le relever dans trois jours. Les Juifs l’entendent du temple matériel. Jésus parlait du temple de son corps, ses disciples le comprirent après sa résurrection (18-22).
Attitude des habitants de Jérusalem
Un grand nombre crurent en Jésus, voyant les miracles qu’il faisait ; mais Jésus ne se fiait pas à eux, car il les connaissait et savait ce qui est dans l’homme (23-25).
Après cela, c’est-à-dire, après les noces de Cana et peut-être un court séjour à Nazareth, Jésus se rendit à Capernaüm. Dans notre Évangile aussi bien que dans les synoptiques les manuscrits les plus anciens portent Capharnaoum (Voir, sur cette ville, Matthieu 4.13, 2e note).
Cette arrivée de Jésus à Capernaüm, avec toute sa famille et ses disciples, doit être identifiée probablement avec son établissement dans cette ville, rapporté par (Matthieu 4.13) Seulement cet évangéliste confond les deux premiers retours de Jésus en Galilée (Jean 1.44 ; Jean 4.1-3).
Jean, qui les distingue soigneusement ajoute à la mention de l’émigration de Jésus à Capernaüm, qu’il n’y resta alors que peu de jours et entreprit, aux approches de la Pâque, un nouveau voyage à Jérusalem.
Quant aux frères de Jésus, comparez Matthieu 12.46, note.
Voir aussi le Commentaire de M. Godet sur notre verset.
Assis ou établis, installés. Voir sur ce récit Matthieu 21.12-13, notes.
Ce fouet de cordes, symbole d’autorité, est un trait qui achève le tableau de la sévérité déployée par le Seigneur à l’égard des profanateurs du temple. En revanche Jésus prononcera une parole plus sévère à l’occasion de la seconde purification de la maison de Dieu.
S’adressant aux vendeurs et aux acheteurs, il dira, en employant la parole d’un prophète : « Vous faites de la maison de Dieu une caverne de voleurs ». Ici il parle seulement d’une maison de marché. Ce mot fait un contraste déjà assez criant avec la sainteté du lieu. Jésus ordonne aux vendeurs de pigeons d’emporter leur marchandise, parce que ces oiseaux étant dans des cages, il ne pouvait les chasser avec un fouet.
Le terme : mon Père a dans la bouche de Jésus une signification qui lui est exclusivement propre (comparer Luc 2.49).
Il renferme, dit M. Godet, l’explication de l’acte de Jésus. C’est un fils qui venge l’honneur de la maison paternelle.
Jean place à l’entrée du ministère de Jésus le récit de la purification du temple. Les synoptiques rapportent un fait semblable, à la fin de ce même ministère. S’agit-il d’un seul et même fait, ou Jésus a-t-il accompli deux fois cette action ?
Qu’elle ait eu lieu avant ou après, qu’elle ait été répétée ou non, cela ne fait aucune brèche à notre foi.
Si, comme nous le pensons les deux faits se sont passés aux époques qui leur sont assignées, on comprend que les synoptiques aient omis le premier parce qu’ils ne s’occupent point de l’activité de Jésus à Jérusalem dans les temps qui précèdent la Passion et que Jean ait passé sous silence le dernier, parce que déjà il avait raconté cette manifestation de l’autorité messianique de son Maître (voir sur cette question Matthieu 21.13, note).
Psaumes 69.10. Que l’on considère ou non ce psaume comme une prophétie directement relative au Messie, le juste dont il décrit les souffrances profondes est un type de Celui qui portera les douleurs de son peuple. Jésus lui-même en jugeait ainsi (Jean 15.25 ; Jean 19.28, comparez Romains 15.3 ; Romains 11.9 ; Actes 1.20).
Dans tous ces passages le même psaume est appliqué au Messie. Les disciples, à la vue du saint zèle déployé en ce moment par leur Maître, se souviennent de cette parole de l’Écriture, qui est bien le commentaire le plus vrai de l’action de Jésus.
Ce zèle pour la maison de son Dieu c’est-à-dire pour son service et pour sa cause, finira, en effet, par le dévorer, puisqu’il le conduira à la mort de la croix.
L’évangéliste, d’après le vrai texte (tous les majuscules) substitue le futur me dévorera, au passé m’a dévoré, qui se lit dans les Septante et l’hébreu.
Grec : les Juifs répondirent (comparez Matthieu 11.25, 1re note) et lui dirent.
Ils répondent à l’acte d’autorité que Jésus venait d’accomplir en exigeant de lui un miracle (grec signe) qui le légitimât comme un envoyé de Dieu (comparer Matthieu 16.1 ; 1 Corinthiens 1.22).
Dans les synoptiques, des membres du sanhédrin adressent officiellement à Jésus une question semblable (Matthieu 21.23 ; Marc 11.27-28 ; Luc 20.1) mais sa réponse est toute différente dans les deux cas.
Cette question ne prouve donc point que la purification du temple n’a eu lieu qu’une seule fois ; les paroles de Jésus, qui sont le trait essentiel, démontrent le contraire.
Cette réponse de Jésus est soudaine comme un éclair. Elle jaillit d’une incommensurable profondeur ; elle illumine des domaines alors complètement inexplorés pour toute autre conscience que la sienne.
Pour la comprendre cette réponse, il ne faut entendre le mot de temple, ni exclusivement dans son sens matériel, comme le firent les Juifs (verset 20), ni exclusivement à la lumière du verset 21 (le temple de son corps), mais dans l’un et l’autre sens.
C’est une parabole, qui présente à la fois comme toutes les autres paraboles de Jésus, l’image et la réalité. L’image, c’est ce temple même que Jésus venait de purifier et sous le portique duquel il parlait.
Il ne faut donc pas se représenter, avec un grand nombre d’interprètes, qu’en prononçant ces mots, il se montrait lui-même du geste, car alors le malentendu du verset 20 aurait été impossible.
Ce temple, où se concentrait toute la théocratie Juive, tout culte, toute adoration, tout sacrifice, dont Dieu avait fait pour un temps sa demeure au milieu des hommes, où il manifestait sa gloire n’était pourtant qu’une pierre d’attente jusqu’à l’érection d’un temple spirituel où paraîtrait la gloire du Fils unique de la Parole faite chair (Jean 1.14, Aggée 2.7-9).
Ce grand révélateur de Dieu venait de paraître en Jésus de Nazareth. Il était là, le vrai temple, la demeure de Dieu avec les hommes (Jean 1.14), le centre vivant de toute adoration en esprit et en vérité ! Jésus pouvait dire de lui-même : « Il y a ici plus que le temple » (Matthieu 12.6).
Mais les chefs de la théocratie qui avaient laissé profaner la maison de Dieu, qui avaient matérialisé et corrompu le culte, bien loin de reconnaître cet envoyé de Dieu, s’irritent de ses essais de réforme, lui demandent compte de son autorité ; et Jésus qui, dès les premiers moments de ce conflit avec eux, en prévoyait l’issue (Jean 3.14), prononce d’un ton solennel la parole qui nous occupe. Dans sa pensée, elle signifiait : Démolissez l’ancien temple, en détruisant le nouveau ! Et c’est ce qui eut lieu, à la lettre.
Le meurtre du Fils de Dieu, ce crime des crimes, combla la mesure de la culpabilité du peuple juif et attira sur lui les jugements sous lesquels périt le temple avec la nation. Il faut même laisser à cet impératif toute son énergique signification : abattez ce temple !
Sentant leur haine de la vérité, le Seigneur en provoque les manifestations. C’est ainsi qu’il leur disait ailleurs : « Remplissez la mesure de vos pères » (Matthieu 23.32) et qu’il adressait à celui qui allait le trahir cette parole : « Ce que tu fais, fais-le vite » (Jean 13.27).
Si telle est la signification des premiers mots du verset, il ne saurait y avoir le moindre doute sur le sens des derniers : dans trois jours je le relèverai. Jésus vient de dire : Tuez-moi ! Et en trois jours, ajoute-t-il, je ressusciterai ! Voilà le signe que Jésus donne à ces Juifs qui lui en demandaient un, c’est exactement le même qu’il leur donnera plus tard (Matthieu 12.39-40).
On objectera que cette parole de Jésus devait rester incompréhensible pour ses auditeurs. Sans aucun doute et elle le fut même pour ses disciples ; mais après que l’événement eut expliqué la prophétie, ils comprirent (versets 21 et 22).
Répandre dans les esprits des grains de semence qui ne devaient y germer que plus tard, était le propre de la méthode d’enseignement du Sauveur (Jean 3.3 ; Jean 4.10 ; Jean 5.17 ; Jean 6.27-51, etc.).
Cette interprétation de la profonde parole de Jésus qui nous occupe est celle à laquelle se sont arrêtés, avec diverses nuances, tous les exégètes qui respectent l’autorité apostolique (verset 21).
Quant à celle des commentateurs qui rejettent l’interprétation de Jean pour lui préférer la leur, voir verset 21, note.
Les Juifs parlent ici de la restauration du temple par Hérode le Grand. Les travaux avaient commencé la dix-huitième année de son règne (Josèphe, Antiquités Juives, XV 11, 1), en l’automne de l’an 734 de Rome.
On avait travaillé quarante-six ans à l’édification du temple qui ne fut terminé que plus tard, sous Hérode Agrippa II (Josèphe, Antiquités Juives, XX, 9, 7).
Cette indication peut servir à fixer la chronologie de la vie de Jésus. Si les travaux du temple furent commencés en l’automne de l’an 734 de Rome et s’ils se poursuivaient depuis quarante-six ans, nous sommes à la Pâque de l’an 781.
La Pâque où Jésus mourut fut celle de 783 (probablement, l’an 30 de notre ère).
Comprise par les adversaires dans son sens littéral et matériel, la parole de Jésus dut leur paraître une présomptueuse folie et une impiété. Aussi fut-elle reproduite comme un chef d’accusation contre lui (Matthieu 26.61, Marc 14.58).
Seulement, les faux témoins accusent Jésus d’avoir dit : Je détruirai ce temple, tandis qu’en réalité c’est à eux, chefs du peuple, qu’il avait laissé toute la responsabilité de cette destruction.
La parole de Jésus, ainsi faussée, n’en restera pas moins gravée dans les esprits (Matthieu 27.40-63 ; Actes 6.13-14).
Le temple de son corps était la grande réalité, dont le temple matériel n’était que l’image (verset 19, note).
Beaucoup d’exégètes modernes rejettent cette interprétation de l’apôtre Jean et avec diverses nuances, attribuent à là parole de Jésus (verset 19) la signification qui suit : Abattre le temple, c’est continuer à profaner le culte mosaïque et ainsi le détruire ; et tel était le péché des Juifs. Relever le temple, c’est établir une religion plus spirituelle et plus pure ; et telle était la mission de Jésus.
Ainsi Jean, le disciple bien-aimé de Jésus, qui toujours pénétrait dans le sens le plus intime de ses paroles, ne l’aurait pas du tout compris ici, et, en écrivant son Évangile un demi-siècle plus tard, alors que le culte mosaïque avait disparu et que « cette religion plus spirituelle et plus pure » l’avait remplacé depuis longtemps, il ne se serait pas aperçu de son erreur !
Ainsi encore, ce signe éclatant que Jésus voulait donner aux Juifs, trois jours après la destruction du vrai temple, serait l’établissement lent et progressif du christianisme dans le monde !
On objecte encore que si ces mots : je le relèverai (verset 1), devaient s’entendre de la résurrection de Jésus, il se serait ressuscité lui-même ; or c’est au Père que le Nouveau Testament attribue partout cet acte de puissance divine.
Oui, mais le Seigneur n’a-t-il pas dit que « toutes les choses que le Père fait, le Fils les fait pareillement » (Jean 5.19) et déclaré positivement, en parlant de sa vie : « Je laisse ma vie afin que je la reprenne ; j’ai le pouvoir de la laisser et j’ai le pouvoir de la reprendre ? » (Jean 10.17-18).
On objecte enfin que Jésus ne pouvait pas connaître, dès cette époque, sa mort et sa résurrection. C’est là, pour ceux qui ne voient en Jésus-Christ qu’un homme comme un autre, la vraie raison de tous ces efforts exégétiques.
Ils veulent ôter à cette parole un sens qui supposerait chez celui qui l’a prononcée une prescience divine. Mais celle-ci se montre dans d’autres paroles du Sauveur, telles que Jean 3.14 ; Jean 6.51, ou dans les prédictions si précises de ses souffrances, ou enfin dans les vues lumineuses de l’avenir le plus lointain de son règne exprimées dans ses paraboles (Matthieu 13.41-49).
Voir la réfutation de ces objections par Meyer, reproduite par Astié dans son Explication de l’Évangile selon saint Jean, voir aussi le Commentaire de M. Godet.
Le glorieux événement annoncé par Jésus remit en mémoire à ses disciples sa parole que jusque-là ils n’avaient pas comprise (Luc 24.7-8) et ils la crurent dans toute sa vérité prophétique. L’évangéliste ajoute même qu’ils crurent l’Écriture, c’est-à-dire les prophéties de l’Ancien Testament dont ils virent la divine harmonie avec la parole de leur Maître (Psaumes 16.10 ; Ésaïe 53.10-11 ; comparez Jean 20.9 ; Luc 24.27 ; Actes 13.32 et suivants ; 1 Corinthiens 15.4).
Ce petit trait qui appartient à la biographie intime des apôtres imprime à la narration le sceau de la réalité historique.
Des réflexions analogues sont semées partout dans notre Évangile (Jean 4.32-33 ; Jean 7.39 ; Jean 11.12 ; Jean 12.16 ; Jean 13.28, etc.).
Ces derniers mots montrent quelle était la nature de leur foi.
À la vue des miracles (grec signes) que Jésus faisait, ils acquirent la conviction qu’il était le Messie ; c’est ce que l’évangéliste entend par ces mots : en son nom.
Cette foi pouvait devenir vivante et vraie, si elle les amenait à un contact personnel avec Jésus (Jean 3.2) ; mais aussi, elle pouvait rester infructueuse et morte, loin de lui. Lui-même pénétrait parfaitement la valeur de cette foi (verset 24).
Il y a ici un singulier rapprochement de mots : « Un grand nombre crurent en son nom, mais lui-même, Jésus ne croyait point à eux ».
Croire, c’est se confier. En Jésus, ce manque de confiance se trahissait sans doute par une sorte de réserve qu’un témoin oculaire fin observateur, pouvait seul remarquer.
Notre évangéliste indique la cause profonde de la défiance de Jésus : c’était la parfaite connaissance qu’il avait de tous ceux qui l’approchaient. Et cette connaissance n’était point seulement la sagacité pénétrante dont beaucoup d’esprits sont doués, mais une vue surnaturelle de ce qui était dans l’homme, c’est-à-dire de son caractère, des dispositions de son cœur (Jean 1.47-49, notes ; Jean 4.17-19 ; Jean 6.61 ; Jean 11.4-15 ; Jean 13.11).
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