1 Au maître chantre. Selon Jeduthun. D’Asaph. Psaume. 2 Ma voix s’élève à Dieu, et je crie ;
Ma voix s’élève à Dieu, afin qu’il m’écoute. 3 Au jour de ma détresse, je cherche le Seigneur,
Ma main est étendue pendant la nuit, sans se lasser ;
Mon âme refuse d’être consolée. 4 Quand je cherche à me souvenir de Dieu, je soupire ;
Quand je m’efforce de méditer, mon esprit est tout abattu !
(Jeu d’instruments). 5 Tu tiens mes paupières [en éveil] ;
Je suis tout troublé, et je ne puis parler. 6 Je pense aux jours anciens,
Aux années d’autrefois. 7 Je cherche à me rappeler mon cantique dans la nuit,
Je fais des réflexions au-dedans de mon cœur,
Et mon esprit médite : 8 Est-ce donc pour toujours que le Seigneur rejettera ? A-t-il renoncé à faire grâce ? 9 Sa bonté est-elle à jamais épuisée ? Sa parole a-t-elle cessé pour toutes les générations ? 10 Dieu a-t-il oublié d’avoir pitié ? Ou bien, dans sa colère, a-t-il fermé la source de ses compassions ? (Jeu d’instruments). 11 Puis j’ai dit : Ce qui fait ma souffrance,
C’est que la droite du Très-Haut n’est plus la même… 12 Je rappellerai les œuvres de l’Éternel,
Oui, je veux me souvenir de tes merveilles d’autrefois 13 Et je veux réfléchir à toute ton œuvre
Et méditer tes hauts faits. 14 Ô Dieu ! Ta voie est sainte !
Quel Dieu est grand comme Dieu ? 15 C’est toi qui es Dieu ; tu fais des prodiges ;
Tu as manifesté parmi les peuples ta puissance. 16 Par ton bras, tu as racheté ton peuple,
Les fils de Jacob et de Joseph.
(Jeu d’instruments). 17 Les eaux t’ont vu, ô Dieu !
Les eaux t’ont vu, elles ont tremblé,
Et les abîmes ont frémi. 18 Les nuages précipitèrent des torrents d’eau,
Les nues firent entendre leur voix,
Et tes flèches volèrent de toutes parts. 19 Ton tonnerre éclata dans le tourbillon,
Les éclairs illuminèrent le monde ;
La terre frémit et trembla. 20 À travers la mer passa ton chemin,
Et tes sentiers à travers les grandes eaux ;
Et tes traces ne furent point reconnues. 21 Tu as conduit ton peuple comme un troupeau
Par la main de Moïse et d’Aaron.
L’auteur de cette prière ardente lutte avec Dieu et avec lui-même. Une tristesse poignante le domine, à la pensée que Dieu n’est plus pour son peuple ce qu’il a été jadis. C’est en effet l’état d’Israël qui l’afflige, plutôt que ses circonstances personnelles. S’il ne le dit pas expressément, cela ressort de paroles telles que celles du verset 6 et surtout de la manière dont il rappelle la délivrance d’Égypte. La description de ses tourments remplit la première moitié du psaume (versets 2 à 10). Dans la seconde partie, il fait effort pour échapper au présent, qui l’afflige et se replonger dans les souvenirs du passé (versets 14 à 21).
Chose étrange : ce souvenir des origines d’Israël, qui tout à l’heure semblait lui fournir la preuve que Dieu n’était plus pour son peuple le même qu’autrefois, prend pour lui, à partir du verset 12, un sens tout différent. Il y puise la certitude, exposée dans les versets 14 à 16, que Dieu est incomparable, que seul il est Dieu. Cette affirmation est en réalité la vraie conclusion du psaume. La strophe versets 17 à 21, du double plus longue que les autres, n’est autre chose qu’un développement de cette vérité, un prolongement de cette conclusion, un admirable chant poétique, où la plainte du commencement du psaume est remplacée par les accents les plus triomphants.
Notre psaume nous offre un exemple remarquable d’une victoire remportée sur le découragement par la seule puissance de la foi. Le changement de ton si subit qui frappe le lecteur, du verset 11 au verset 12, ne s’explique que par l’effort de volonté du croyant, qui sent qu’accuser Dieu de n’être plus le même, c’est l’offenser. Dès ce moment il rappelle les œuvres de Dieu, non point pour constater qu’elles ne se reproduisent plus, mais pour admirer ce que Dieu est à toujours.
Le psaume ne contient aucune indication positive sur la date de sa composition. Il appartient évidemment à l’une des plus tristes époques de l’histoire d’Israël. Les uns ont pensé au règne de Manassé, d’autres au temps qui a suivi la mort de Josias, mais on ne saurait rien affirmer à cet égard avec certitude.
Selon Jédthun : voir Psaumes 39.1 et Psaumes 62.1, notes. Jéduthun était contemporain de David, mais il se peut fort bien qu’il ait créé un genre particulier de musique religieuse qui ait subsisté longtemps après lui. C’est probablement à ce genre musical que cette note fait allusion.
Ses prières prolongées (versets 2 à 4), ses souvenirs (versets 5 à 7), ses questions (versets 8 à 10).
Je crie. Presque tous les verbes des deux premières strophes se présentent sous la forme grammaticale particulière à l’hébreu (le hé paragogique), qui ajoute à la pensée l’idée d’exhortation, comme si le psalmiste prenait la résolution de crier, de se souvenir de soupirer.
Je cherche, littéralement : J’ai cherché et je continue à le faire. Il y a longtemps que le psalmiste prie, sans obtenir de réponse.
Mon âme refuse d’être consolée : la seule consolation qu’elle accepterait serait une réponse de Dieu à sa prière.
Je soupire. Les souvenirs qui réconfortaient jadis le psalmiste ne font que lui rendre plus sensible la différence entre le temps actuel et les jours d’autrefois.
Tu tiens mes paupières en éveil. En face du silence prolongé de Dieu, le fidèle ne peut s’accorder de repos.
Mon esprit médite. Le contenu de ces méditations est exposé dans la strophe suivante.
Toutes les questions exprimées ici supposent des choses impossibles et qui semblent pourtant réelles. L’âme angoissée expose, sous forme interrogative, les conséquences qu’il faudrait tirer de la situation présente, si elle se prolongeait.
Le Dieu du salut (2 à 16) et ses grandes œuvres d’autrefois (17 à 21).
La droite du Très-Haut n’est plus la même. Ce n’est plus une question, mais une affirmation ; la crise est à son point le plus aigu, le doute semble avoir triomphé. Mais par sa netteté même une telle déclaration aide au psalmiste à reprendre pied sur le terrain de la foi ; dès ce moment, il se jette tout entier dans le souvenir des grandes œuvres de Dieu, qui révèlent non seulement ce qu’il a été, mais ce qu’il est à toujours.
Ta voie est sainte, hébreu : dans la sainteté. Les voies de Dieu, sa marche à travers l’histoire et la manière dont il conduit son peuple, ont paru incompréhensibles au psalmiste. Maintenant, à la lumière du passé, il constate qu’elles sont infiniment élevées au-dessus des pensées de l’homme. L’élément dans lequel Dieu se meut est la sainteté, qui condamne tout ce qu’il y a de coupable, d’égoïste, de mesquin dans la conduite de l’homme.
Quel Dieu est grand comme Dieu ? Comme celui qui seul a le droit de s’appeler Dieu.
C’est toi qui es Dieu, littéralement : Tu es le Dieu, le Dieu unique, le seul vrai. Cette vérité, exprimée déjà au verset précédent, sous une forme un peu différente, est affirmée ici dans toute sa force. Comparez Ésaïe 43.10 ; Ésaïe 44.6, etc.
Tu as racheté ton peuple : par opposition aux autres peuples, mentionnés au verset 15. Ces derniers ont pu voir qu’Israël est le peuple particulier de Dieu. Comparez Deutéronome 7.6 ; Tite 2.14.
Les fils de Jacob et de Joseph. La version chaldéenne paraphrase ce verset comme suit : Les enfants que Jacob a engendrés et que Joseph a nourris.
Le jeu d’instruments qui se fait entendre maintenant prélude à l’hymne grandiose par lequel va se terminer le psaume.
Le souffle poétique si puissant et les images hardies de cet hymne rappellent le chapitre 3 d’Habakuk.
Les eaux t’ont vu. La mer Rouge, personnifiée, pressent que quelque chose de grand et de redoutable va se passer à son égard, par l’intervention de Dieu lui-même. Comparez Psaumes 114.3-5 ; Habakuk 3.10.
Les nuages…, le tonnerre…, la terre, sont de même personnifiés, comme autant d’agents concourant à l’œuvre divine ; toutes les forces de la nature sont appelées à servir Israël et à perdre ses ennemis.
Tes flèches : les éclairs. Voir Exode 14.24, note.
Dans le tourbillon. Le sens premier du mot hébreu galgal est : roue et c’est le mot qu’emploient les anciens traducteurs : dans ou sous la roue ; il s’agirait des roues du char de l’Éternel. Comparez Habakuk 3.8. Cependant il est d’autres passages, entre autres Psaumes 83.14, où le mot hébreu signifie bien : tourbillon.
Tes traces ne furent point reconnues : signe non moins remarquable de la puissance de Dieu que tout ce qui précède. Dieu ébranle le ciel, la terre, la mer et pourtant toutes choses reprennent comme d’elles-mêmes leur cours naturel (Exode 14.28).
Tu as conduit ton peuple… L’action de Dieu ne s’est pas bornée à sauver Israël d’une grande détresse ; elle s’est continuée dès lors, comme celle d’un berger qui conduit son troupeau. C’est par cette image reposante, fréquemment employée dans les psaumes d’Asaph, que se termine le cantique. L’application aux circonstances présentes se produit d’elle-même dans l’esprit du lecteur.
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