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Le sentiment de la pudeur n’est venu que plus tard comme effet du péché. Adam et Ève étaient encore comme des enfants.
1. Dans le passage que nous venons d’étudier est renfermée la conception biblique de l’origine de l’homme. Cette conception, nous l’avons vu, tient compte à la fois des traits par lesquels l’homme appartient au monde animal et de ceux qui l’en distinguent et font de l’humanité, comme on l’a dit, un règne à part.
Mais, d’après une opinion récemment enseignée et à laquelle adhèrent un grand nombre de savants, l’humanité procéderait sans intervention divine particulière de l’animalité qui l’a précédée, et cela, aussi bien quant à ses facultés intellectuelles et morales que quant à son corps. Nous ne pensons pas que cette manière de voir, opposée à la conception biblique réponde à l’ensemble des faits qui peuvent nous éclairer sur la question.
Il y a entre l’homme et l’animal toute une série de différences caractéristiques qui ne permettent pas d’envisager l’apparition de l’homme autrement que comme un commencement nouveau, le produit d’un acte créateur immédiat. Voici quelques-uns de ces traits.
L’homme est une personnalité consciente et disposant d’elle-même, tandis que l’animal n’agit que comme représentant de l’espèce a laquelle il appartient.
L’homme a l’intuition du bien et du mal et par cette conscience il devient responsable de ses actes ; l’animal ne connaît que la sensation agréable ou pénible et ne peut être envisagé comme moralement responsable.
L’homme parle ; l’animal n’a pas le langage, non que les organes lui manquent pour cela, mais parce qu’il n’a que des représentations individuelles et qu’il est incapable d’idées générales comme celles qu’exprime le langage.
L’homme progresse incessamment ; l’animal demeure stationnaire, enfermé qu’il est dans le cercle que lui trace l’instinct.
À ces différences intellectuelles et morales correspondent celles que l’on constate au point de vue physique ; la constitution du cerveau en particulier établit une distance incomparablement plus grande entre l’homme le plus inférieur et l’animal le plus élevé que celle qui sépare l’animal le plus élevé de ceux qui le suivent de plus près.
Les partisans de l’origine animale de l’homme pensent qu’il doit y avoir eu un être intermédiaire, dont l’existence aurait comblé cet intervalle immense. C’est là une pure hypothèse, qui n’est appuyée jusqu’ici par aucun fait.
Ou bien ils pensent qu’à l’origine l’homme était beaucoup plus rapproché de l’animalité qu’il ne l’est actuellement. Mais tous les faits constatés jusqu’ici réfutent cette manière de voir ; les crânes humains les plus anciens qu’on ait retrouvés dans les couches terrestres sont, de l’aveu même des partisans de la théorie que nous combattons, exactement semblables à ceux des hommes de nos jours.
Mais, dût même l’idée que l’homme descend de l’animalité être un jour démontrée par les faits, il n’en resterait pas moins vrai que c’est Dieu qui a, par tout le développement du règne animal, formé son corps et que, quant à son âme, terme de cette longue élaboration, elle se distingue d’une manière si profonde de celle des animaux même les plus rapprochés de lui que l’image biblique d’un esprit soufflé par Dieu dans ses narines doit en tout cas être l’expression symbolique d’un fait divin accompli à l’origine de la race humaine.
De même qu’il a fallu un acte créateur pour poser le commencement de la vie au sein de la matière, il en a fallu un nouveau pour poser l’esprit au sein de la matière animée.
2. L’Écriture pose comme un fait indubitable l’unité d’origine du genre humain. Dans notre chapitre, Dieu ne crée qu’un seul couple d’où la famille humaine tout entière doit procéder. Jésus dit : Ne savez-vous pas que Dieu fit au commencement un homme et une femme ? (Matthieu 19.4). Saint Paul déclare aux Athéniens que Dieu a fait naître d’un seul sang tout le genre humain (Actes 17.26).
Aujourd’hui, les savants sont disposés à reconnaître l’unité attestée par l’Écriture. Elle est confirmée en effet par des faits nombreux qui prouvent que les différences existant entre les hommes ne sont pas celles d’espèces diverses, mais celles de simples variétés. Tandis que les espèces animales différentes en s’unissant ne donnent naissance qu’à des produits stériles ou dont la fécondité ne dépasse pas deux ou trois générations, les races humaines, en se croisant, donnent naissance à des rejetons d’une fécondité permanente. Tous les hommes ont la même conformation du squelette ; la température moyenne du corps et la rapidité des battements du pouls est la même chez tous ; tous sont sujets aux mêmes accidents physiologiques et aux mêmes maladies ; le temps de la grossesse est le même chez toutes les races.
L’unité morale est plus évidente encore si possible ; les lois de la logique et celles de la conscience, ainsi que tout un ensemble de sentiments naturels, étendent leur pouvoir aussi loin que s’étend l’homme ; le travail intellectuel d’une partie de l’humanité réagit tôt ou tard sur la totalité de la race ; enfin l’influence du christianisme s’exerce également chez tous les peuples de la terre.
Ce n’est qu’à la condition de cette unité morale du genre humain que peut être proclamée la grande loi qui domine son existence : aimer son prochain comme soi-même.
3. Relativement à l’état primitif de l’homme, on a souvent exposé une théorie d’après laquelle l’homme aurait passé graduellement d’un état sauvage encore à demi brutal au degré le plus inférieur de la civilisation et se serait élevé progressivement de là à la hauteur à laquelle nous sommes aujourd’hui parvenus. Primitivement dénué de toute pensée religieuse et ne pratiquant aucun culte, il aurait à un degré plus avancé divinisé certains objets qui avaient pour lui une importance particulière : un arbre, une pierre, un fleuve, puis, à un degré supérieur encore, le feu, les astres, en particulier le soleil ; il en serait venu à se représenter les astres comme habités par des puissances divines en grand nombre ; enfin, par la contemplation de l’unité du ciel, il se serait élevé à la pensée d’un Dieu unique. Ainsi serait né graduellement, à travers les phases de l’athéisme, du fétichisme et du polythéisme, notre monothéisme actuel.
Si l’homme veut se mettre à créer l’histoire par un procédé d’imagination, il arrive assez naturellement à la conception que nous venons d’exposer ; mais s’il veut étudier les faits, ce qui est la seule méthode sûre pour arriver à la vérité, il sera conduit à un résultat tout opposé et reconnaîtra que le monothéisme doit avoir été le point de départ de l’humanité, que le polythéisme a été une première dégénérescence et que le fétichisme est une dégradation plus profonde encore et n’a plus au-dessous de lui que l’athéisme matérialiste qui s’empare de nos jours d’un très grand nombre d’individus.
On a étudié les religions de tous les peuples du monde et cette étude a conduit à constater le fait que toutes ont à leur origine une notion monothéiste qui sans doute se confond chez plusieurs d’entre elles avec la notion de l’unité du ciel visible. Le polythéisme qui a suivi n’a été que comme un fractionnement de cette unité primitive et le fétichisme que nous trouvons aujourd’hui aux plus bas degrés de la race humaine, n’est, d’après le témoignage des peuples eux-mêmes qui sont arrivés à ce point, que le reste de notions religieuses plus élevées que possédaient leurs ancêtres. Aussi n’a-t-on jamais vu un peuple fétichiste se relever par lui-même de cet état pour parvenir à une religion plus pure sans le secours des races plus avancées.
Mais, d’autre part, si l’histoire nous conduit à admettre que la connaissance religieuse primitive de l’humanité a surpassé, au point de vue de la pureté, celle des états subséquents, cela ne doit pas nous empêcher d’envisager cet état primitif comme un simple point de départ, d’où l’humanité devait sans tarder commencer à s’élever vers un terme beaucoup plus glorieux.
C’est précisément ce que nous fait comprendre le récit scripturaire en nous montrant le couple primitif dans un état d’enfance, d’innocente ignorance, mais aussi de communication directe avec l’Éternel qui était pour eux ce qu’un père et une mère sont pour leurs enfants et qui veillait à leur progrès intellectuel et moral, non moins qu’à la satisfaction de leurs besoins physiques.
Beaucoup d’interprètes n’attribuent à la notion du paradis qu’une valeur purement idéale. Ce jardin de Dieu, fertilisé par des eaux abondantes et produisant des fruits de toute espèce pour l’entretien de la vie humaine, serait l’emblème de la vie et des biens excellents que Dieu accordait à l’homme dans son état d’innocence primitive.
Mais l’auteur ne l’a certainement pas entendu ainsi ; autrement, à côté des deux noms de Pischon et de Guihon, qui pourraient à la rigueur passer pour symboliques, il n’aurait pas placé ceux de deux fleuves bien connus de ses lecteurs, le Tigre et l’Euphrate.
Et si nous admettons l’unité de la race humaine comme un fait constaté, il faut bien que le premier couple, d’où est provenue toute l’humanité, ait eu quelque part une habitation réelle, où il ait joui de la protection divine et trouvé facilement les moyens de satisfaire à ses besoins.
Où chercher ce berceau primitif de l’humanité ? On a répondu à cette question de bien des manières différentes. Nous nous bornerons à indiquer les principales solutions, celles qui prennent au sérieux les données géographiques du texte et s’attachent à en rendre compte.
Plusieurs interprètes modernes, suivant une opinion émise déjà par l’historien juif Josèphe, à la fin du premier siècle après Jésus-Christ, pensent que l’auteur du récit a voulu faire du paradis le lieu central du monde, d’où sortaient tous les grands fleuves qui arrosent la terre, telle qu’elle était connue de son temps.
Ainsi dans le Pischon ils voient l’un des deux grands fleuves de l’Inde, le Gange ou l’Indus : le pays de Havila désignerait dans ce cas non seulement le désert d’Arabie, mais encore toutes les contrées situées du côté de l’est, jusqu’à l’Inde elle-même. Cette supposition est, prétend-on, confirmée par le fait que c’était probablement de l’Inde que provenaient l’or et les pierres précieuses que les israélites tiraient d’Ophir par leur commerce.
Le Guihon serait le grand fleuve qui arrose l’Afrique, comme le Pischon l’Asie orientale, c’est-à-dire le Nil, que l’on se serait représenté provenant du centre de l’Asie, traversant l’Arabie, puis arrivant en Abyssinie (la terre de Cusch) pour se diriger de là vers le nord et descendre à travers l’Égypte dans la Méditerranée. L’idée que les sources du Nil pourraient se trouver en Asie parait avoir traversé l’esprit d’Alexandre quand, arrivant à l’un des affluents de l’Indus, il vit dans ses eaux des crocodiles et sur ses bords une plante égyptienne ; mais il se convainquit immédiatement de l’impossibilité de ce rapprochement.
Les deux derniers fleuves ne peuvent être, comme nous l’avons vu, que le Tigre et l’Euphrate. D’après cela, le paradis aurait été situé sur un plateau quelconque de l’Asie centrale où se serait trouvée, dans l’imagination des peuples antiques, la source commune des quatre fleuves indiqués.
Mais l’idée d’un jardin qui aurait été arrosé simultanément par les grands fleuves de l’Asie et de l’Afrique est tellement fantastique qu’il est impossible de l’attribuer à l’auteur de la Genèse, dont les connaissances en ethnographie et en géographie sont constatées, comme nous le verrons, par le chapitre 10.
Puis il est impossible d’admettre que l’auteur de notre récit ait étendu le nom de Havila aux contrées de l’Inde, car s’il avait connaissance de ce pays et des fleuves qui l’arrosent, il devait savoir aussi que toute une mer le séparait de la côte orientale de l’Arabie.
Enfin, pour ce qui concerne le Nil, on ne peut attribuer une pareille ignorance à notre auteur, qui écrivait sans doute après le séjour du peuple d’Israël en Égypte. Comment donc supposer qu’il n’ait pas connu la mer Rouge et le détroit qui sépare l’Afrique de l’Arabie et qu’il se soit imaginé que le Nil, qu’il savait couler du sud au nord, avait ses sources dans la même région que l’Euphrate, qui venait du nord ?
Du reste les cours du Tigre et de l’Euphrate sont beaucoup trop rapprochés l’un de l’autre en proportion de l’éloignement immense qui séparerait les deux autres fleuves.
Pour peu qu’on admette la réalité historique du récit, on est obligé de chercher l’emplacement du paradis dans la région des deux fleuves connus, le Tigre et l’Euphrate. Plusieurs croient le trouver dans la contrée où ils prennent leurs sources, sur le plateau arménien, non loin de la ville actuelle d’Erzeroum.
La source orientale de l’Euphrate et la source occidentale du Tigre sont très rapprochées (environ deux mille pas) et dans la même contrée naissent deux autres fleuves, le Kour et l’Araxe, qui coulent vers le nord, puis à l’est et qui se réunissent avant de se jeter dans la mer Caspienne ; ce sont ces derniers fleuves qui dans notre récit porteraient les noms de Pischon et de Guihon.
Le pays de Havila, arrosé par le Pischon (Kour), serait la Colchide des Grecs, dont la frontière orientale était voisine de ce fleuve ; l’on sait que cette contrée était célèbre par l’or qu’on venait y chercher de loin.
Quant au pays de Cusch, ce serait la contrée nommée par les Grecs Cossaia, sur le versant nord du plateau d’Arménie.
D’autres partisans de cette explication voient dans le Pischon le Phasis des anciens, qui, après avoir arrosé la Colchide se jette dans la mer Noire.
Mais plusieurs objections décisives s’élèvent contre cette hypothèse. Malgré leur proximité, les sources de ces fleuves sont distinctes et séparées par des montagnes assez élevées. tandis que, d’après le récit biblique, ils devraient provenir d’un seul fleuve divisé en quatre bras.
On répond et c’était déjà la pensée de Luther, que le déluge a pu changer la configuration de cette contrée. Mais l’auteur ne parle pas d’un passé qui n’existe plus ; il a évidemment la prétention de décrire en ce point ce qui existe encore. Il s’exprime de manière à faire comprendre que dans le temps même où il écrit on va chercher à Havila l’or, le bdellium et la pierre de schoham.
Puis, si la contrée du paradis était privée de pluie, comme le dit le récit, elle ne saurait être l’Arménie d’où sortaient ces immenses cours d’eau.
En troisième lieu, l’identification du Pischon et du Guihon avec le Kour et l’Araxe, puis des pays de Havila et de Cusch avec la Colchide et le pays des Cosséens, est très arbitraire. Havila et Cusch en particulier sont des noms trop usités dans l’Ancien Testament pour qu’il soit possible de les appliquer à des contrées aussi éloignées et aussi peu connues des Hébreux.
Quant au Phasis, il n’est pas possible d’y penser, puisqu’il prend sa source dans le Caucase. Enfin pour les Hébreux l’Arménie était au septentrion et non pas à l’orient.
Une autre opinion essaie de placer le paradis près de l’embouchure des deux fleuves mésopotamiens dans le golfe Persique. Calvin et plusieurs savants après lui ont vu dans le fleuve unique le Schat-el-Arab et dans les quatre bras (têtes) l’Euphrate et le Tigre, qui se réunissent pour le former et deux embouchures par lesquelles il se déverse dans le golfe Persique.
Cette manière de voir a été modifiée par un savant moderne (Histoire et géographie des temps primitifs, par Pressel), qui a supposé que l’expression raschim désignait les quatre affluents du Schat-el-Arah. L’auteur, dans sa description, remonterait le cours du fleuve, au lieu de le descendre. En montant le Schat-el-Arab, après avoir traversé l’endroit où était le paradis, on arriverait successivement aux quatre fleuves qui contribuent à le former : l’Euphrate, le Tigre et deux affluents venant des montagnes d’Elam, à l’est, le Kerkha (Ulaï des anciens) et le Kuran. Peut-être vaudrait-il mieux supposer, dans cette hypothèse, que les deux derniers étaient l’Ulaï venant de l’est et un affluent de l’Euphrate venant de l’Arabie centrale dont le lit desséché a été retrouvé depuis peu.
Mais les terrains d’alluvions que traverse le Schat-el-Arab sont de formation assez récente et jusqu’au temps d’Alexandre le Grand les quatre fleuves avaient encore des embouchures distinctes. Puis le caractère marécageux de ces plaines ne convient guère à l’idée que nous nous faisons du paradis. Enfin il est bien difficile de concilier cette opinion avec le texte biblique, qui suit évidemment le cours du fleuve en le descendant, non en le remontant.
Une autre hypothèse beaucoup plus probable a été récemment présentée et développée par M. Friedrich Delitzsch, dans son ouvrage : Wo lag das Paradies (Où était situé le paradis ?) Ce ne serait pas à la source des deux fleuves, ni à leur embouchure, mais dans leur cours moyen qu’il faudrait placer le paradis. Vers le milieu de la grande plaine qu’ils arrosent du nord-ouest au sud-est, ils se rapprochent à tel point qu’il ne reste plus entre eux qu’un espace de sept à huit lieues.
C’est là qu’est aujourd’hui la ville de Bagdad. Un peu au-dessous se trouvait Babylone. Le pays qui s’étend depuis cette espèce d’isthme jusqu’au sud de Babylone, porte dans les inscriptions assyriennes le nom de Kardounias, jardin du dieu des pays. Les anciens nous en ont laissé des descriptions ravissantes. Des forêts de palmiers bordaient le cours des deux fleuves et les accompagnaient jusqu’à la mer ; le blé y rapportait trois cents pour un ; la vigne et les arbres à fruits de toute nature y foisonnaient.
Un fait digne de remarque, c’est que le nom le plus ancien de Babylone, Tintira, signifie bosquet de la vie. Cette fertilité exceptionnelle était due à tout un système d’irrigation provenant de l’Euphrate, car en cet endroit le lit de ce fleuve est plus élevé que celui du Tigre. Ce serait là qu’aurait été situé le jardin ; et la contrée tout entière (haute et basse Mésopotamie) aurait porté le nom d’Edin, qui en assyrien signifie plaine. Les Hébreux l’auraient changé en Éden, mot qui dans leur langue signifiait délices.
L’Euphrate serait donc le fleuve sortant d’Éden pour arroser le jardin. Quant aux quatre bras, il faudrait les envisager comme étant quatre branches de l’Euphrate lui-même qui se serait divisé en ce point-là, de même que le Nil au commencement du Delta. Le bras le plus considérable est la continuation naturelle du fleuve principal et garde le nom d’Euphrate. D’entre les trois autres deux seraient les principaux d’entre les nombreux canaux provenant de l’Euphrate dont on trouve des traces dans toute la contrée.
L’un était appelé par les anciens Pallakopas ; il se détachait de l’Euphrate sur sa rive droite (occidentale), un peu au-dessus de Babylone ; il longeait le désert d’Arabie, l’ancienne Havila et allait se jeter dans le golfe Persique à l’ouest de l’embouchure du Schat-el-Arab. Il est très vraisemblable que ce canal, qui avait les dimensions d’un fleuve navigable, n’a pas été creusé de main d’homme, mais que c’est un bras naturel de l’Euphrate, qui servait à régler l’élévation des eaux de ce fleuve et à mettre ce pays de plaine à l’abri des inondations.
Par sa position, ce cours d’eau répond donc de tous points au Pischon du texte biblique. Il est à remarquer que le nom hébreu Pischon a une grande analogie avec le mot babylonien pisanou, qui désigne dans les inscriptions un réservoir d’eau et de là un canal. Il serait possible que, de même que le fleuve principal de la Babylonie s’appelait le fleuve (Purat), le canal principal fût nommé tout court le canal (Pisanou).
L’autre canal, qui se détachait de l’Euphrate sur la rive gauche (orientale) et qui devait aussi être un bras naturel de ce fleuve, a reçu des Arabes le nom de Schat-en-Nil. Il arrosait toute la Mésopotamie inférieure (l’ancien Cusch asiatique) et rejoignait l’Euphrate un peu au-dessus des son embouchure. Ce canal aujourd’hui comblé ne peut être que celui qu’on trouve plusieurs fois mentionné dans les inscriptions à côté de l’Euphrate et du Tigre sous le nom de Gouhandi ou Gouhâna, le même mot que l’hébreu Guihon. En effet, la contrée désignée dans les inscriptions comme bassin de ce bras de l’Euphrate est la même que celle que traverse le Schat-en-Nil.
Quant au Tigre, il peut paraître étonnant qu’il soit indiqué comme un bras de l’Euphrate. Mais à un certain point de vue il l’est bien réellement, car il reçoit par des canaux une partie des eaux de l’Euphrate dont le lit, comme nous l’avons vu, est plus élevé que celui du Tigre dans cette région. Depuis ce point le Tigre peut donc être envisagé comme un cours d’eau provenant de l’Euphrate et le Tigre supérieur comme un affluent de ce Tigre inférieur.
Ajoutons que, il y quelques années, un savant de Prague a cru pouvoir affirmer, en se basant sur des mesures trigonométriques faites sur les lieux, que, dans les temps préhistoriques, l’Euphrate et le Tigre devaient se réunir et former un seul fleuve au-dessus de Bagdad, pour se séparer de nouveau plus bas. Si cette supposition est un jour prouvée, elle rendra plus simple encore la solution du problème.
À Etham, l’Éternel ordonne le changement de direction qui décida de toute la suite des événements. Rien n’était plus absurde, en apparence, que de prendre la direction du sud. Car Israël allait se trouver séparé du Sinaï, où il se rendait, par la mer Rouge, qui, à cette époque, parait s’être étendue beaucoup plus au nord qu’aujourd’hui, jusqu’au lac Timsa, ou du moins jusqu’aux lacs Amers, dont l’eau salée indique l’ancienne jonction avec la mer. Pour Israël, tourner au sud, c’était donc, comme dit Pharaon (verset 3), s’enfermer dans le désert (à l’ouest de la mer Rouge) et consommer sa propre ruine. On a dit que Moïse pouvait espérer de trouver un passage vers l’est, à l’occasion d’une marée basse. C’est oublier que Moïse conduisait après lui tout un peuple avec ses troupeaux. Dieu seul a pu ordonner à son armée une pareille manœuvre dont l’issue n’était connue que de lui seul (carte).
Le verbe schouv ne signifie pas proprement se détourner, comme traduit Ostervald mais revenir en arrière. Ils revinrent d’abord sur leurs pas, puis tournèrent au sud. Malheureusement on n’a pu jusqu’à présent retrouver sûrement aucun des trois endroits désignés ici. Le seul avec le nom duquel un nom existant actuellement présente quelque analogie est Pi-Hahiroth. Ce nom parait s’être conservé dans celui de Adschroud (pi n’est que l’article égyptien), qui désigne aujourd’hui une localité située à quatre lieues environ au nord-ouest de Suez. Entre cet endroit et la dépression (autrefois le bras de mer) qui joint la mer Rouge proprement dite aux lacs Amers, se trouve un large emplacement où pouvaient camper les tribus israélites. L’expression au-devant de dit précisément que le lieu du campement était à l’orient de Pi-Hahiroth.
L’ordre divin dit ensuite : entre Migdol et la mer. Si l’on se représente le peuple campé en cet endroit, le visage tourné vers l’orient, Migdol doit désigner l’extrémité gauche et la mer l’extrémité droite du campement. C’est bien ce qui a lieu si nous supposons Migdol (tour) située à l’extrémité sud des lacs Amers, comme une forteresse surveillant à cet endroit le passage d’Arabie en Égypte et si par la mer nous entendons la partie de la mer Rouge qui s’avance très avant dans les terres au sud de Suez.
Dieu ajoute enfin : en face de Baal-Tséphon, au bord (le long) de la mer. Le mot en face de paraît prouver que cette localité était située de l’autre coté de la mer, sur la côte d’Arabie, en face du campement israélite. Le nom de Baal, qui est le nom de la principale divinité phénicienne et celui de Tséphon, qui signifie dans la langue phénicienne septentrion, font supposer que cette localité tirait son nom de maître du nord d’un sanctuaire de Baal où les navigateurs phéniciens offraient leur sacrifice à leur dieu, au moment d’entrer dans le grand bassin de la mer Rouge, afin de réclamer de lui l’assistance, du vent du nord pour la traversée de cette mer. C’est tout à fait à tort qu’on a confondu le nom Tséphon avec celui du dieu égyptien Typhon, qui est un nom purement grec ; le nom de ce dieu en égyptien est Set.
Enfin reste la dernière détermination : au bord ou le long de la mer. Il résulte de là et de ce qui précède (entre Migdol et la mer) qu’ils avaient la mer à la fois à leur droite et devant eux. En effet, ayant Adschroud derrière eux, Migdol à gauche, du côté du nord, la mer à droite, vers le sud, ces mots : au bord de ou le long de la mer, désignent tout naturellement le bras de mer de vingt kilomètres de long qui unissait le bassin principal de la mer Rouge aux lacs Amers actuels. C’était le long de cette partie de la mer qu’Israël était campé.
Le peuple craignit l’Éternel. Un Père de l’Église disait : Mon Dieu, ce n’est pas la grandeur de tes châtiments qui m’effraie ; c’est celle de tes bienfaits ; comparez Psaumes 130.4
Le passage de la mer avait déjà été de la part du peuple un acte de foi (Hébreux 11.29 : C’est par la foi…). Cette foi fut fortifiée par l’expérience.
Il crut à l’Éternel et à Moïse. C’est sans doute ici le seul cas dans l’Écriture où un homme soit présenté comme l’objet de la foi. Israël a été baptisé en Moïse (1 Corinthiens 10.2) comme les chrétiens sont baptisés en Jésus-Christ. Le passage de la mer Rouge fut une immersion d’où Israël sortit pour commencer une vie nouvelle par la foi à l’Éternel et à Moïse, son instrument, un avec lui.
Serviteur de l’Éternel. C’est la première fois que ce titre apparaît dans l’Écriture. Il est donné spécialement à Moïse ; comparez Nombres 12.7 ; Deutéronome 34.5
On conteste, non sans apparence de raison, la possibilité du passage d’Égypte en Arabie d’un peuple de deux millions d’âmes (Exode 13.17) dans l’espace d’une nuit.
S’il s’agissait d’une troupe marchant en ordre et au pas militaire, l’objection serait bientôt résolue. Deux millions d’hommes forment une colonne de 2000 hommes de front et de 1000 hommes de profondeur (ou de 1000 de front et de 2000 de profondeur). En mettant entre les 2000 hommes marchant de front un espace de 2 mètres et entre chacun des 1000 rangs, échelonnés à la suite les uns des autres, le même espace, nous obtenons une colonne de 4 kilomètres de largeur et de 2 kilomètres de longueur. Une pareille colonne de deux millions de personnes pourrait ainsi défiler en une demi-heure.
Le cas actuel est assurément fort différent. Nous avons affaire, non à des soldats, mais à des familles comprenant femmes et enfants et conduisant avec elles meubles et bestiaux. Mais, d’autre part, l’ordre ne manquait pas dans cette troupe. Ce n’est pas pour rien que le récit désigne ce peuple du nom d’armées (Exode 12.51). Peut-être lui attribue-t-il un ordre militaire (Exode 13.18, note). Il était réparti en douze sections principales, semblables à des régiments divisés en bataillons, en compagnies et en pelotons (voir à Exode 12.37, note). De plus, au lieu de 4 kilomètres de front, le peuple pouvait disposer de 25 et au lieu de 2 kilomètres de profondeur, toute la colonne pouvait, en marchant de sept heures du soir à quatre heures du matin, avoir une longueur de 36 à 40 kilomètres. Il y avait donc amplement place à côté des hommes pour les meubles et le bétail.
Si nous nous représentons, par exemple, les douze tribus formant douze colonnes parallèles et s’avançant simultanément au travers du passage desséché, chacune sur 20 personnes de front, il est aisé de calculer que chacune de ces colonnes (chaque tribu) aura pu passer en moins de cinq heures. Et comme le front des douze colonnes réunies ne comptera que 12 x 20, c’est-à-dire 240 personnes, au lieu des 8000 qu’un espace de 16 kilomètres peut contenir, il restera entre chacune des douze colonnes et sa voisine un énorme espace libre capable de contenir les meubles et les troupeaux. La possibilité du passage des deux millions dans l’espace et dans le temps donné est ainsi démontrée.
L’impossibilité existerait sans doute si l’on prétendait placer le passage dans une localité plus méridionale que celle à laquelle nous ont conduits les expressions mêmes du texte (la mer à droite et devant) ; par exemple au golfe ou au sud du golfe de Suez, comme on se le représente communément. Il se trouve là quelques gués que le reflux met parfois à découvert ; mais ils sont trop étroits pour permettre le passage en si peu de temps d’une pareille masse d’hommes et de troupeaux. Et comment se représenter un agent tel que le vent (c’est celui dont parle le texte) agissant sur la mer profonde à la façon d’un coin pour y creuser un passage !
D’autres placent le passage plus au septentrion, au nord des lacs Amers, ou au nord du lac Timsa, ou bien même le long de la Méditerranée, sur l’isthme étroit qui sépare cette mer du lac Serbonis. Mais aucune de ces hypothèses ne peut se soutenir. Dans les premières le terme de retourner (Exode 15.22) ne s’explique plus. En réalité ces deux millions d’hommes n’auraient fait que piétiner sur place jusqu’au passage. D’ailleurs les localités de l’autre côté de la mer, dans lesquelles on retrouve le plus naturellement Mara et Élim, sont situées beaucoup trop au sud pour qu’elles eussent pu être atteintes en trois jours (Exode 15.22) depuis un point de passage aussi septentrional. Quant à la dernière supposition, elle est aujourd’hui universellement rejetée, car indépendamment de plusieurs autres raisons, le nom donné dans le texte à la mer traversée par les Israélites (Jam Souph) ne s’applique jamais qu’au bassin que nous appelons mer Rouge.
Nous n’avons pas craint de faire intervenir dans l’explication de cette délivrance merveilleuse des causes naturelles. Le récit le fait lui-même, en parlant du vent d’est, comme il l’avait fait déjà à l’égard des plaies d’Égypte. Dieu use des forces naturelles jusqu’au point où elles peuvent le servir. Il n’en fait agir d’autres que dans la mesure où celles-ci sont insuffisantes. Le surnaturel n’en reste pas moins dans l’intervention de cette Main qui les fait agir au moment voulu et avec les effets réclamés par le bien de son peuple.
Dans cet événement, l’intervention divine peut seule expliquer la direction vers le sud, en apparence absurde, que prit tout à coup depuis Etham la marche du peuple ; et elle éclate dans le fait inespéré du passage à travers le golfe, dont Pharaon ne prévoyait évidemment pas la possibilité.
Comme expression de sa reconnaissance pour la bénédiction dont l’Éternel couronne son travail en lui accordant le pain de chaque jour, Israël devra lui offrir chaque semaine douze pains, selon le nombre des tribus. Ces pains, qui sont comme la part de Dieu prélevée sur ses aliments quotidiens, seront mangés par les sacrificateurs, les représentants de l’Éternel (voir Lévitique 24.5-9).
Ces pains sont présentés à Dieu sur la table sacrée, placée dans le Lieu saint, du côté du septentrion (Exode 26.35).
Deux coudées de longueur, soit 96 centimètres ; une coudée de largeur, soit 48 centimètres ; une coudée et demie de hauteur, soit 72 centimètres.
Cette formule de clôture correspond à celles de Lévitique 26.46 et Lévitique 27.34 et distingue expressément les lois données au peuple depuis son arrivée dans les plaines de Moab (Nombres 27, 30, 35, 36) de celles qui avaient été données dans la contrée du Sinaï ; ce qui n’exclut ni les lois données occasionnellement, dans l’intervalle entre ces deux actes principaux de législation, ni les explications et les développements qui suivront dans le Deutéronome.
Tout en reconnaissant, avec la critique moderne, en raison d’un certain nombre d’indices philologiques et historiographiques, la pluralité des sources auxquelles a été puisée l’histoire retracée dans le livre des Nombres, nous estimons, comme le pensait sans doute l’auteur même de ce livre, qu’il n’y a aucun désaccord réel entre les documents réunis dans ce récit. L’auteur aura, il est vrai, supprimé ce qui aurait fait double emploi et conservé certains traits appartenant à un document, qui manquaient dans l’autre ou les autres ; mais même dans les parties que l’on a le plus sévèrement critiquées, telles que le récit de l’envoi des espions, celui de la révolte de Koré et des Rubénites, ou l’épisode de Balaam, nous croyons avoir constaté l’accord foncier des récits dont l’auteur nous a conservé le fond et la forme.
Le fait central du livre, la rébellion du peuple à Kadès, suivie de l’arrêt par lequel toute la génération adulte sortie d’Égypte fut condamnée à un long exil et à une mort ignominieuse dans le désert, ce fait décisif est incontestablement historique. Dans quel intérêt un auteur israélite aurait-il inventé un trait qui infligeait à tout son peuple une flétrissure indélébile ? Le désir de glorifier la justice et la sainteté de l’Éternel pouvait-il l’engager à couvrir de boue son propre peuple, bien plus le peuple élu par Dieu lui-même ? Et, en lui supposant même un rôle aussi invraisemblable, comprendrait-on que la tradition nationale eût accueilli un pareil récit et l’eût reproduit dans deux ou trois rédactions indépendantes, si le fait n’eût été d’une indiscutable notoriété ? Un peuple ne prend pourtant pas plaisir à se stigmatiser lui-même. Nous sommes donc ici sur un terrain historique inébranlable.
Une remarque semblable s’applique à toute une série de traits particuliers de l’histoire du peuple et de ses principaux représentants dans cette période funeste : l’essai du peuple de pénétrer en Canaan par le Négueb, malgré la défense de Dieu et sa honteuse défaite, ses murmures violents à la suite du châtiment infligé aux rebelles dans la révolte de Koré, le péché à l’occasion duquel eut lieu le fléau des serpents, enfin la chute de toute une partie du peuple à Beth-Péor ; puis des faits plus remarquables encore : les fautes graves imputées aux personnages les plus éminents de la théocratie, la jalousie et la révolte de Marie la prophétesse et d’Aaron le souverain sacrificateur contre leur frère Moïse et l’humiliation qu’ils eurent à subir aux yeux du peuple et surtout la faute d’Aaron et de Moïse lui-même et l’exclusion de ces deux chefs du peuple du privilège d’entrer dans la Terre promise. Sans doute la mythologie païenne ne ménage pas toujours ses héros. Mais là le péché est pesé dans une toute autre balance qu’en Israël. À peine passe-t-il pour péché ; les dieux de l’Olympe y participent et en donnent l’exemple aux hommes. En Israël, où règne le sentiment de la sainteté de Dieu, le péché est envisagé comme un acte vraiment coupable et tombe sous le coup de la juste animadversion divine.
Rien donc de plus certainement historique et de plus profondément vrai que le récit du livre des Nombres. La conséquence de ce fait quant à l’histoire précédente et subséquente d’Israël saute aux yeux, car tout se lie et se suppose réciproquement dans cette histoire. La chaîne entière est homogène.
Comme on a cru pouvoir insister tout particulièrement sur les contradictions qui doivent exister entre la série des stations mentionnées dans le récit du voyage et la liste du chapitre 33, attribuée par le texte à la main de Moïse lui-même et qui se trouverait par là même démontrée fausse, nous relevons encore une fois, en terminant, ce point dont l’importance saute aux yeux. Nous croyons avoir donné la preuve que cette contradiction n’existe pas, parce que les trente-huit années de condamnation qu’Israël dut subir au désert laissent un temps pleinement suffisant pour les nombreuses marches et contremarches que le récit et cette liste obligent d’admettre. Autrement l’on ne comprendrait absolument pas de quelle manière un temps si considérable aurait pu être employé. Voici l’itinéraire qui, à nos yeux, concilie et la liste mosaïque et le récit du livre lui-même ; De Sinaï à Rithma (prés de Kadès), de Rithma, expédition des Israélites désobéissants vers le septentrion, jusqu’à Horma et retour à Rithma. De Rithma, marche errante, à la façon des Bédouins, vers le sud jusqu’à Etsion-Guéber (mer Rouge). De Etsion-Guéber, marche de même nature en retour vers Kadès. Ici, demande au roi d’Édom de traverser son pays de l’ouest à l’est, et, sur son refus, essai de pénétrer par le nord, entre l’extrémité septentrionale du pays d’Édom et la mer Morte dans la contrée à l’orient de cette mer et du Jourdain. Après une défaite (Arad), retour au sud, le long des montagnes occidentales d’Édom et passage de l’Araba près d’Etsion-Guéber. Enfin marche dans la direction du nord-est, puis du nord, pour arriver aux plaines de Moab.
Quant à la législation, nous avons constaté, à l’égard d’un certain nombre de lois, qu’elles s’adaptaient à la situation à laquelle le récit les rattache ; mais pour un certain nombre d’autres, nous n’avons pu discerner aucune relation de ce genre. Voir l’introduction au chapitre 15.
Les contradictions que l’on a cru pouvoir signaler entre les lois données dans les Nombres, par exemple Nombres 15.22-31 et les lois correspondantes de l’Exode ou du Lévitique, ne nous ont pas paru insolubles. La principale, Nombres 15.22-31, se trouve dans un morceau qui n’est pas attribué à Moïse et qui est destiné à ajouter une prescription nouvelle pour des cas non primitivement prévus.
On a fait ressortir avec beaucoup d’insistance les nombreuses répétitions des mêmes prescriptions. Mais il n’y a rien d’étonnant à ce que, dans différentes occasions, les mêmes recommandations, comme celle de ne manger ni graisse, ni sang, ou celle de détruire les monuments idolâtres en Canaan, ou celle d’offrir les prémices, en variant les exemples, soient plusieurs fois répétées. La loi israélite ne ressemble point à un code proprement dit où l’on traite les questions chapitre par chapitre, mais plutôt à une série de prescriptions occasionnelles dans laquelle les répétitions sont toutes naturelles.
Il étend le septentrion… La partie septentrionale de la terre est chargée des plus grandes montagnes, pensait-on ; c’est là par conséquent que l’équilibre est le plus merveilleux.
Belle est la montagne… Sion apparaît glorifiée aux yeux du psalmiste, à cause de la présence de Dieu, qui en fait sa résidence. C’est aussi là ce qui fait d’elle la joie, non d’Israël seulement, mais de toute la terre.
À l’horizon, au septentrion. Cette indication, qui étonne le lecteur, devient compréhensible, si l’on se représente la contrée de Thékoa, où les trois armées coalisées contre Josaphat s’exterminèrent mutuellement. Cette contrée est située à vingt kilomètres au sud de Jérusalem. Les ennemis, débouchant des solitudes arides d’En-Guédi, aperçurent tout-à-coup vers le nord, fermant l’horizon, les hauteurs où s’élevaient le temple et la citadelle de Sion. À cette vue, suivant le psalmiste, ils sont frappés de stupeur (verset 6). Mais cette montagne, qui est pour l’ennemi un objet d’effroi, apparaît au contraire au croyant comme revêtue d’un éclat céleste.
Contraste intentionnel avec le verset 13. À la montagne de l’assemblée et aux profondeurs du septentrion sont opposés les enfers et les profondeurs de la fosse. Le mot hébreu bor signifie : fosse, citerne, puits. Il ne peut ici désigner le tombeau, puisque le monarque chaldéen n’a pas de sépulture (versets 18 et suivants) ; c’est donc un autre nom du schéol (verset 9), cette prison souterraine où les morts descendent en traversant la fosse et qui est comme au fond de celle-ci.
Hurle ! car après l’humiliation infligée par Ézéchias, voici venir un second ennemi plus terrible. La porte, c’est-à-dire le peuple qui s’y rassemble (Ésaïe 3.26). Ceci s’adresse aux villes des Philistins en général.
Du septentrion. C’est de là que vient l’ennemi : évidemment les Assyriens (comparez Ésaïe 10.28-32).
Une fumée. L’invasion assyrienne est semblable à un incendie qui détruit tout sur son passage et qui s’annonce de loin par des tourbillons de fumée. Comparez Jérémie 1.13-14
Nul ne se débande. Comparez la description des Assyriens Ésaïe 5.27 et suivants.
La conquête de la Philistie qu’Ésaïe prédit ici a été accomplie par Sargon et par Sanchérib (voir intoduction et Ésaïe 20.1 ; Ésaïe 26.2, note).
À cette sommation, les idoles restent muettes (versets 21 à 24). Eh bien, moi, reprend l’Éternel, j’ai suscité Cyrus et ce qui prouve que c’est bien moi qui accomplis cela, c’est que je l’ai d’avance annoncé, ce que nul de vous n’avait su faire (versets 26 et 27).
D’après ce verset, Cyrus arrive du septentrion, puis de l’Orient (comparez verset 2). Le prophète ne veut donner qu’une indication générale.
Cyrus est appelé celui qui invoque mon nom (de l’Éternel). Nous avons déjà remarqué (Ésaïe 21.9, note) que les Perses étaient ennemis des images (Hérodote, I, 131). En la personne de Cyrus, Dieu donne donc la victoire sur le paganisme grossier à une religion plus pure et plus rapprochée de la religion israélite. Avec lui s’ouvre une nouvelle ère dans l’histoire ; c’est la fin de l’ancien Orient, le commencement d’un monde nouveau. Mais le terme invoquer mon nom exprime quelque chose de plus encore. L’édit par lequel Cyrus libéra les Juifs (2 Chroniques 36.23 ; Esdras 1.2-3) nous montre que ce conquérant rendit dans une certaine mesure hommage à l’Éternel et reconnut sa grandeur (comme l’avaient fait avant lui momentanément ses prédécesseurs, Nébucadnetsar, Darius, Daniel 2.47 ; Daniel 4.34 ; Daniel 6.26). Il mit Jéhova au nombre de ses dieux et désirait en faisant rebâtir son temple s’assurer sa faveur et son secours.
Comme sur la boue : comparez Ésaïe 10.6.
Toutes les tribus du septentrion : comparez Jérémie 1.15. Dieu réunit ces peuples du nord sous le sceptre de Nébucadnetsar, pour les amener tous ensemble contre Jérusalem.
Mon serviteur. Il est bien remarquable que ce titre auguste de serviteur de l’Éternel, qui dans la dernière partie d’Ésaïe s’applique tour à tour au peuple d’Israël et à son Messie, soit donné ici à un roi païen, exécuteur aveugle des plans divins. Dieu veut légitimer en quelque sorte le pouvoir de Nébucadnetsar sur son peuple, qu’il lui livre. On peut rapprocher de ce titre celui, plus noble encore, d’oint de l’Éternel, qui est appliqué à Cyrus dans la dernière partie d’Ésaïe (chapitre 45). Nébucadnetsar fut l’instrument, de la destruction du peuple, annoncée par les prophètes ; Cyrus, celui de la restauration promise par eux.
Contre toutes les nations d’alentour : voir versets 15 à 26.
À l’interdit : le même mot qui avait été appliqué jadis à l’extermination des Cananéens. En Dieu il n’y a pas d’acception de personnes.
L’aveugle et… Ceux-là mêmes qui sont le moins en état de voyager, reviendront des bouts de la terre ; car ce sera Dieu qui les ramènera.
Du septentrion : voir notes Jérémie 1.13 ; Jérémie 3.12.
Un peuple, en réalité plusieurs ; comparez versets 9 et 14.
Du septentrion. La Médie, d’où venait l’ennemi, était située au nord de Babylone.
Je vis et voici… Le tourbillon représente la puissance irrésistible de la volonté divine ; cet ouragan est rendu sensible au prophète par la nuée qu’il chasse devant lui.
Du septentrion : c’est de ce côté que doivent venir pour la Palestine les instruments du jugement annoncé plus tard ; comparez Jérémie 1.13-14.
La nuée est le symbole de la présence de Dieu quand il se rend visible ; ainsi au désert (Exode 13.21), dans le temple (1 Rois 8.10), à la transfiguration, à l’ascension.
Une masse de feu : elle se dessinait sur le fond sombre de la nuée et répandait un éclat tout à l’entour. Du milieu de cet immense disque lumineux se détachait, par son éclat plus vif encore, un foyer ardent, semblable à du métal en fusion. Ce foyer est l’emblème de la vie divine, ici spécialement comme menaçant de destruction tout ce qui est souillé. Comparez Exode 24.17 ; Deutéronome 4.24. L’image du feu présage donc les jugements qui vont être annoncés.
Les seigneurs du septentrion…, les Sidoniens… La réunion de ces deux expressions fait présumer que la première se rapporte surtout au roi de Damas et aux princes syriens qui avaient succombé peu de temps avant le royaume des dix tribus (2 Rois 16.9).
Il me fit sortir : du parvis intérieur.
Par le septentrion : sans doute par le portique nord du parvis intérieur (Figure 1, J).
Vers l’appartement… L’appartement où le guide le conduisait, avait en face au midi l’espace clos et au nord le mur d’enceinte du parvis extérieur (Figure 1, A).
En face du mur : littéralement de la construction (voyez Ézéchiel 40.6). Adossées au mur d’enceinte et bâties sur le pavé qui faisait le tour du parvis extérieur il y avait des chambres déjà mentionnées Ézéchiel 40.17 (Figure 1, C, C, C) ; c’est pourquoi il est parlé du mur ici, malgré la distance assez considérable (plus de 150 coudées) qui le séparait de l’appartement V, W.
La face du septentrion et du midi (ainsi de l’est à l’ouest).
La poitrine et les bras d’argent (Daniel 2.39).
Elle dressait l’un de ses côtés. Le sens de cette phrase n’est pas certain ; on l’a traduite aussi : et elle établit une seule domination. Ce sens s’appliquerait soit à l’unité de la puissance médo-perse, soit à l’absorption de l’empire babylonien par cette puissance. Mais il nous paraît bien plus conforme au sens du texte d’admettre que l’ours est représenté ici comme élevant l’une de ses jambes pour l’attaque. Cette image correspond évidemment à celle du bélier qui avait une corne plus haute que l’autre, Daniel 8.3 et désigne naturellement la prépondérance de la nation perse sur la nation mède dans la monarchie médo-perse.
Trois côtes. C’est ici l’image des vastes conquêtes du second empire. Il ressort de Daniel 8.1 que ces conquêtes doivent avoir lieu du côté de l’occident, du côté du septentrion et du côté du midi.
Lève-toi. Il ne faudrait pas conclure de cet ordre que l’animal était couché, car il sortait justement de la mer (verset 3). Cette apostrophe a ici, comme souvent, le sens de : Allons ! En avant ! Comparez Juges 8.20.
Mange force chair ! Emblème de l’avidité avec laquelle ce second empire s’emparera des richesses des peuples conquis. L’ordre signifie : Accomplis ton rôle dans l’histoire ! Qu’aucun obstacle ne t’arrête !
L’explication en vogue aujourd’hui parmi les commentateurs qui font du livre de Daniel une composition non prophétique du temps des Maccabées, consiste à voir dans ce second empire la Médie seule, par opposition à la Perse qui serait représentée par la bête suivante. Cette explication nous paraît inconciliable à la fois avec l’histoire et avec la manière de s’exprimer de l’auteur du livre. L’histoire ne connaît qu’un empire médo-perse unique, au sein duquel l’autorité appartint, d’abord à la dynastie mède, puis à la dynastie perse. M. Maspéro (Histoire ancienne des peuples de l’Orient, page 509), d’accord avec M. Rawlinson (The five great monarchies, tome II, pages 422 à 426), après avoir raconté les dissensions à la suite desquelles Cyrus (perse) l’emporta sur Astyage (mède), s’exprime en ces termes : Ce fut un changement de dynastie plutôt qu’une conquête étrangère. Astyage et ses prédécesseurs avaient été rois des Mèdes et des Perses ; Cyrus et ses successeurs furent rois des Perses et des Mèdes. Le livre de Daniel envisage les choses de la même manière. Il distingue sans doute entre une dynastie mède et une dynastie perse, quand il parle des deux rois : Darius (mède) et Cyrus (perse) ; mais il n’établit nullement pour cela deux monarchies différentes. Bien au contraire, il dit Daniel 5.28 : Le royaume de Babylone est donné aux Mèdes et aux Perses ; Daniel 6.8 ; Daniel 6.12 ; Daniel 6.15 : la loi des Mèdes et des Perses. Daniel 11.1-2, après avoir parlé de Darius le Mède, l’auteur continue en disant : Il y aura encore trois rois en perse, ce qui prouve qu’à ses yeux Darius le Mède est en même temps roi persan. Enfin, au chapitre 8, le royaume des Mèdes et des Perses est représenté par un seul animal ; le bélier à deux cornes, comparez particulièrement le verset 20 : Le bélier à deux cornes que tu as vu, ce sont les rois des Mèdes et des Perses. Dans le tableau du chapitre 2, nous retrouvons, dans l’image de la poitrine avec les deux bras d’argent, la même dualité que dans les emblèmes des chapitres 7 et 8 (les deux côtés, dont l’un plus élevé que l’autre et les deux cornes, dont l’une plus haute que l’autre : les Perses qui ont acquis la prépondérance sur les Mèdes). Nous voyons donc qu’il s’agit ici de la monarchie médo-perse et qu’il est tout à fait arbitraire de statuer, à l’encontre de preuves si nombreuses, un second empire ne représentant que la Médie, à l’exclusion de la Perse, afin de réserver à celle-ci la troisième place. Cela suffit déjà pour faire tomber le IIIe système d’interprétation aujourd’hui en vogue. D’ailleurs comment appliquer à la Médie seule l’expression : Mange force chair ! et les conquêtes au septentrion, à l’occident et au midi ? Enfin nous allons voir que les caractères de la bête suivante s’appliquent aussi peu à la Perse qu’ils s’appliquent bien à la puissance grecque. Ce sera la confirmation du résultat auquel nous sommes arrivés pour ce verset 5.
Heurtant vers l’occident, vers le septentrion et vers le midi. C’est, sous un autre emblème, la même idée que celle des trois côtes que l’ours tenait dans sa gueule (Daniel 7.5). La Perse s’est étendue dans ces trois directions et a conquis à l’occident la Babylonie et la Lydie ; au septentrion l’Arménie et la Bactriane au midi la Syrie et l’Égypte. Le bélier ne frappe que de trois côtés, soit parce que les expéditions perses du côté de l’orient n’ont amené aucune conquête importante et durable, soit parce que le bélier perse est représenté comme venant de l’orient et faisant face à l’occident.
L’auteur ne s’occupe que de deux des quatre royaumes qui formèrent la succession d’Alexandre, à savoir l’Égypte et la Syrie. La raison en est que le peuple d’Israël, qui jusqu’alors a joui d’un repos relatif, se trouve maintenant entraîné dans les vicissitudes du conflit qui s’élève entre ces deux royaumes.
Le roi du Midi… : de l’Égypte, située au midi du pays de Canaan ; les rois de Syrie sont désignés par l’expression de : rois du septentrion. Ce roi du Midi est Ptolémée I, fils de Lagus, le fondateur du royaume des Ptolémées.
Ainsi que l’un de ses généraux : c’est Séleucus, surnommé Nicator, qui, d’abord l’un des généraux de Ptolémée, se rendit ensuite indépendant et fonda l’empire gréco-syrien, désigné sous le nom d’empire des Séleucides ; il s’étendait de la Phrygie jusqu’à l’Indus. Depuis ce moment, la Syrie et l’Égypte furent toujours en guerre, et, comme la Palestine est située entre ces deux pays, les Juifs tombaient tantôt sous la domination de l’Égypte, tantôt sous celle de la Syrie, selon que l’une ou l’autre de ces puissances était la plus forte.