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Prophètes

On ne peut songer à donner ici même un bref aperçu de l’histoire du prophétisme. On se bornera à quelques indications indispensables.

I. Le lecteur de la Bible doit savoir en premier lieu que presque tous les livres de l’Ancien Testament ont été écrits sous l’influence des prophètes. Les plus anciennes traditions nationales (voir : Bible, formation de l’A. T.) sont imprégnées de leur esprit, et les traces de leurs principes sont loin d’être absentes des écrits les plus récents, qui manifestent cependant une singulière déformation de leur idéal. Il n’est pourtant pas impossible de retrouver dans l’Ancien Testament quelque chose de la religion primitive des Hébreux non pas en y cherchant des documents datant de cette lointaine époque, mais en éliminant des documents postérieurs, que nous possédons, tout l’apport de la religion prophétique et du judaïsme ancien. Il reste alors sous nos yeux, comme le montrent plusieurs articles de ce Lexique, un résidu substantiel du vieux patrimoine de croyances et de coutumes païennes que les Israélites possédaient en commun avec les peuples de leur voisinage. Encore ces coutumes antiques, qui transparaissent dans les récits refondus par les écoles prophétiques, ne doivent-elles pas toujours être interprétées dans le sens que celles-ci leur ont donné.

II. Le lecteur de la Bible doit, en second lieu, se garder de croire que le prophétisme ait toujours été tel qu’il nous apparaît dans les pages des prophètes écrivains des VIIIe, VIIe et VIe siècles.

On sait assurément qu’il y eut, dans les siècles antérieurs, des prophètes qui n’écrivirent point, car quelques-uns d’entre eux, comme Elie, ont une grande célébrité. Ce que l’on sait peut-être moins, c’est que le prophétisme, sous une forme primitive, existait déjà dans la vieille religion païenne des anciens Hébreux comme il existait d’ailleurs dans d’autres religions de l’antiquité. Le prophète israélite de ces temps reculés ne se distinguait pas très nettement, semble-t-il, du prêtre (voir ce mot), sinon par le fait que ce dernier était attaché à un sanctuaire où il consultait la divinité au moyen d’un objet sacré (voir le mot éphod), alors que le prophète, qui était un voyant, recevait de Dieu, pensait-on, des révélations directes. Les inspirations qu’il croyait recevoir étaient souvent accompagnées de phénomènes d’exaltation, d’excitation ou d’extase. Balaam, semblable à ses confrères Hébreux est « l’homme qui tombe et ses yeux s’ouvrent » (ne pas traduire : l’homme qui se prosterne ; Nombres 24.4). Il arrivait que l’on consultât ces prophètes primitifs dans les circonstances les plus ordinaires de la vie (1 Samuel 9.6). Certains d’entre eux étaient des isolés, d’autres vivaient en troupes, comme ceux que rencontra Saül (1 Samuel 10.10), marchant au son des instruments de musique et « prophétisant ». Par ce dernier mot, il faut entendre les paroles qu’ils proféraient dans leur délire religieux. L’histoire des religions, anciennes ou modernes, nous fournit beaucoup d’exemples de phénomènes analogues.

L’esprit du prophète, pensait-on, était alors envahi par l’esprit divin, et l’homme ainsi favorisé était un « homme de Dieu », participant de la force divine. On conçoit qu’une croyance semblable conférât au prophétisme une extraordinaire puissance, soit pour le bien, soit pour le mal. Ce qui est merveilleux, c’est qu’en Israël cette puissance spirituelle, d’ailleurs grandissante, fut mise de plus en plus au service de la justice et de la vérité, et cela, au VIIIe siècle surtout, avec une si pure intuition du divin que le prophétisme doit être considéré comme un des miracles de l’histoire.

III. Le lecteur de la Bible doit enfin être averti que l’ordre dans lequel l’Ancien Testament lui présente les récits des prophètes n’est pas l’ordre chronologique. Cet ordre chronologique est le suivant : au VIIIe siècle, Amos, Osée, Esaïe, Michée ; au VIIe siècle, Sophonie, Nahum, Jérémie, Habakuk ; au VIe siècle, Ezékiel, le second Esaïe (Ésaïe 40-66) ; et plus tard, à des dates diverses, Aggée, Zacharie (ch. 1-8), Malachie, Joël, Esaïe (Ésaïe 24.27), Zacharie (Zacharie 9-14), Abdias. On remarquera que, dans cette liste, le nom d’Esaïe revient trois fois et celui de Zacharie deux fois. Nous avons expliqué, à l’article Bible, que les rouleaux (les livres de l’antiquité) n’étaient pas généralement faits à la mesure des ouvrages que l’on y recopiait. Si ces récits étaient insuffisants à couvrir toute la surface du rouleau, on les faisait suivre d’un ou deux écrits de même espèce selon la place restée libre. Il arrivait très facilement alors qu’en recopiant le rouleau toute espèce de séparation disparût entre ces ouvrages juxtaposés qui, désormais, étaient attribués à l’auteur du premier d’entre eux.

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