L’Écriture mentionne quatre personnages de ce nom, le Baptiste, le fils de Zébédée, un juge de la race sacerdotale, et le disciple plus ordinairement appelé Marc. Ce nom, en hébreu Jochannan, signifie accordé par la grâce de Dieu, et correspond ainsi, pour le sens, aux noms de Samuel, Nathanaël, Nathanïa, Matthieu, Théodore, Diodati, Dorothée, Adéodat, etc.
1°. Jean-Baptiste, fils de Zacharie et d’Élisabeth, Lévite et de la race sacerdotale (Luc 1.13), fut le dernier prophète de l’ancienne économie, celui qui viendrait dans l’esprit d’Élie, le précurseur immédiat du Messie. Sa naissance fut miraculeuse comme celles d’Isaac, de Samson, de Samuel, et l’ange qui l’annonça dans le temple lui imposa aussi le nom qu’il devait porter. Il naquit six mois avant Jésus, dans les montagnes de Juda, peut-être à Hébron ou à Jutta (Josué 21.16), et resta dans ces solitudes jusqu’au commencement de sa vie publique, environ l’an 15 de Tibère. Il apparut au monde avec toute l’austérité de vie des anciens prophètes, Nazaréen dans la sobriété de sa nourriture et la simplicité de ses vêtements. Il demeurait non loin de la mer Morte, et c’est là qu’il exhorta le peuple à la repentance et à un complet changement de vie, l’engageant à fuir la colère à venir, et lui administrant le signe symbolique du baptême pour marquer que toutes choses devaient être faites nouvelles. Le peuple accourait à lui de toutes parts ; riches et pauvres, pharisiens et sadducéens, tous s’empressaient auprès du prophète qui venait, après plusieurs siècles de silence, faire entendre de nouveau les avertissements et les oracles de l’Éternel ; tous espéraient trouver dans les eaux du Jourdain l’expiation de leurs péchés. Ils paraissaient voir dans le baptême de Jean une magique vertu d’ablution qui devait les dispenser de la pureté intérieure, et cette superstition, si répandue encore chez quelques sectes chrétiennes, leur faisait espérer l’impunité dans le mal. Mais Jean ne leur cacha point la vérité ; il les repoussa sévèrement, leur montrant dans la purification du cœur le vrai remède, le seul moyen d’échapper aux justes jugements de Dieu. Surpris de tant d’autorité, admirant la sainteté du prophète, le peuple se demandait si cet homme n’était peut-être pas le Messie ; mais Jean ne les laissa pas dans cette fatale erreur ; il baptisait d’eau, le Messie devait baptiser du Saint-Esprit ; il prêchait la repentance, le Messie devait prêcher le salut et le pardon ; entre l’un et l’autre il y avait toute la différence qu’il y a entre l’Ancien et le Nouveau Testament, et Jean n’hésita pas à le leur dire : « Je suis la voix qui crie au désert : aplanissez le chemin du Seigneur ; mais il en vient un après moi, plus puissant, dont je suis indigne de délier la courroie des souliers ». Parmi ceux qui venaient pour se faire baptiser, Jean vit un jour un de ses parents, Jésus de Nazareth ; on ne peut douter qu’il ne le connût, il le regardait même comme un prophète plus grand que lui, plus saint que lui. Peut-être tous les mystères de la naissance et de la vie de Jésus lui étaient-ils encore inconnus, et Jean ignorait-il officiellement que son cousin fût le Messie promis ; mais il pouvait le soupçonner, puisque déjà il s’humiliait devant lui. Il refusa d’abord de le baptiser, et ne céda que lorsque Jésus lui eut fait sentir qu’il était venu pour accomplir toute justice. Dès lors, Jean-Baptiste se borna à rendre témoignage au Messie, qu’il avait fini par reconnaître ; il le montra à la foule, il le montra aux disciples André et Jean, et comme le peuple cessa d’accourir auprès de lui pour se faire baptiser, et qu’il s’attacha à Jésus, les disciples de Jean, peines de cet abandon, le firent remarquer à leur maître ; mais il leur répondit simplement en parlant du Seigneur : « Il faut qu’il croisse et que je diminue ».
Hérode Antipas ayant ouï parler de Jean-Baptiste, l’attira auprès de lui, plein de respect pour une sainteté qu’il ne se sentait capable ni d’imiter ni de contraindre ; il lui demanda ses conseils et l’écoutait volontiers, faisant même le bien que Jean lui disait de faire (Marc 6.20), toutefois sans préjudice à ses honteuses passions, et lorsque Jean eut condamné le mariage adultère qui l’unissait à sa belle-sœur, il fut mis en prison, et bientôt après décapité, sur la demande de cette femme impure et cruelle.
C’est dans la forteresse de Machserus ou Machéronte que se passa, au dire de Josèphe, ce drame inique et sanglant. Cette tour, bâtie avec magnificence par Hérode, était située à une grande hauteur sur le penchant de la montagne de Nébo, dont les parois de rochers descendent dans la mer Morte. Des ravins escarpés l’entourent au nord et au midi.
Il n’est pas douteux que Jean-Baptiste n’ait exercé une grande influence et joui d’une grande considération à l’époque où il vécut. Ses prétentions eussent suffi pour diriger sur lui bien des regards ; sa sainteté et l’austérité de ses mœurs appuyaient d’une manière puissante les titres qu’il revendiquait, et l’on voit combien le nombre de ses adhérents était considérable et combien ces disciples étaient jaloux pour sa doctrine et pour sa gloire (Matthieu 3.5 ; 9.14 ; Jean 10.41). Le grand sanhédrin lui-même s’était ému et avait député auprès du précurseur quelques-uns de ses membres, pharisiens et sacrificateurs, pour l’interroger sur sa mission (Jean 1.19-24). Enfin Hérode le courtise, et quand il voit plus tard Jésus faire des merveilles de puissance, il se demande si ce n’est pas le Baptiste ressuscité (Matthieu 14.2). Jean n’a pas été seulement précurseur, il a été aussi docteur ; il devait préparer la voie au Messie, et pour cela, il ne suffisait pas de l’annoncer, il fallait encore disposer les cœurs à le recevoir ; il a donc prêché la repentance, la contrition intérieure sans laquelle personne n’acceptera le salut, parce que personne n’en sentira le besoin. Il a été chef d’une école, et cette école a compté des disciples en dehors de la Judée, dans l’Asie Mineure, en Grèce, peut-être même à Alexandrie (Actes 18.25 ; 19.3). On voit par Luc 11.1, qu’il avait été jusqu’à leur donner un modèle de prière, ce qui indique à la fois une grande spiritualité dans sa manière de comprendre le royaume de Dieu, une grande étendue dans la portée de ses enseignements, et une grande autorité sur l’esprit de ses adeptes. Mais on se demande avec quelque surprise comment il se fait qu’il y ait eu une si longue rivalité entre ses disciples et ceux du Messie (Matthieu 9.14 ; Luc 5.33 ; 11.1), rivalité qui se produit soit à propos du jeûne, soit à propos de la prière, soit à propos du baptême et des succès croissants de l’œuvre de Jésus ? On se demande pourquoi, si Jean a reconnu son parent pour « celui qui devait venir », il ne s’est pas joint à lui avec tous ses disciples, pourquoi il a continué d’exercer son activité d’une manière si indépendante, au lieu de se subordonner au Messie et de devenir l’un de ses agents ? Pourquoi, puisqu’il ne se considérait que comme le précurseur, n’a-t-il pas envoyé ses disciples à celui qu’il regardait comme le chemin, la vérité et la vie ? Pourquoi n’a-t-il pas déclaré sa tâche accomplie dès le moment où le Saint-Esprit fut descendu sur Jésus aux bords du Jourdain ? Il faut peut-être, pour le comprendre, admettre que le Baptiste a partagé jusqu’à un certain point le préjugé d’un règne temporel du Messie et les espérances qu’une interprétation trop littérale de l’Ancien Testament avait fait naître chez les Juifs même les plus pieux. Il se regardait comme l’avant-coureur officiel du roi du monde, et pensait peut-être que son œuvre ne devait s’arrêter que lorsque le Messie lui-même se serait officiellement déclaré comme tel. Or, aussi longtemps qu’il voyait Jésus faire des miracles, prêcher, gagner les âmes à lui, mais vivre dans l’obscurité, dans le renoncement à lui-même, ne faire que des conquêtes spirituelles, et souffrir, ce qui, pour les disciples même du Messie, était encore une énigme impénétrable, il pouvait croire que sa mission de préparateur n’était pas achevée, et refuser de licencier ses disciples pour les adresser à un chef qui ne se présentait pas avec un caractère public. À sa mort, ses disciples continuèrent d’attendre le Messie, mais ils restèrent en l’état où Jean les avait laissés ; ils n’avancèrent pas en lumière, et leur secte, devenue stationnaire, ne fit pas un pas vers Jésus ; privés d’un maître qu’ils avaient grandement honoré, ils eussent cru se montrer infidèles à sa mémoire s’ils se fussent tournés vers celui dont leur chef n’avait été que le précurseur ; ils annoncèrent encore le Messie, mais ils ne le virent pas, ils ne le reçurent pas, ils ne le reconnurent pas malgré toutes les manifestations de sa gloire, et de nos jours encore, on trouve en Orient une secte qui porte le nom des disciples de saint Jean (les Mandéens, Nazaréens, ou Sabéens), et dont les livres saints sont empreints du gnosticisme le plus complet.
On peut donc regarder comme une tache dans la vie du Baptiste, comme le fruit d’une trop prudente irrésolution, la prolongation de son ministère de précurseur. C’est aussi peut-être à un affaiblissement momentané de sa foi que l’on doit attribuer l’étonnante question qu’il fit faire à Jésus par deux de ses disciples : « Es-tu celui qui devait venir, ou si nous devons en attendre un autre ? » (Matthieu 11.2 ; Luc 7.19). Quelques auteurs pensent que Jean n’envoya des disciples à Jésus que pour fortifier leur foi incertaine et les affermir dans la vérité ; mais il serait étrange que des hommes aussi dévoués à leur maître n’eussent pas reçu son témoignage sur ce qui faisait la partie la plus essentielle de son œuvre, et que Jean eût dû les persuader en les envoyant auprès de celui dont ils étaient jaloux et en qui même ils ne croyaient pas. D’autres théologiens pensent que sous la forme d’une question, le prophète qui était dans les fers, voulait engager le Seigneur à hâter sa manifestation, à accélérer l’exécution de ses plans de miséricorde et de royauté, à venir le délivrer lui-même de la prison dans laquelle il languissait, n’ayant d’espérance que dans le Messie, et voyant la réalisation de ces espérances indéfiniment ajournée. Cette dernière explication se rapproche davantage de ce qui nous paraît être la vérité ; mais il faut en retrancher l’espèce de conseil que Jean aurait l’intention de donner à Jésus. La manière même dont la question est posée prouve qu’en la faisant, Jean pensait plus à lui qu’à Jésus, plus à sa position personnelle qu’à la mission de Christ ; et c’est dans l’âme du prisonnier plus que dans son esprit que le doute qu’il présente a dû prendre naissance. L’expérience intérieure, dit Olshausen, peut seule nous faire comprendre la pensée de Jean-Baptiste. Il y a dans la vie de chaque fidèle des moments où les convictions les plus fortes et les mieux assises viennent à être ébranlées ; les ténèbres succèdent à la lumière, et l’on est comme abandonné du Saint-Esprit ; or il est à croire que Jean a eu ses moments de faiblesse et de doute comme nous tous. On s’habitue trop en général à considérer les caractères bibliques comme étant tout d’une pièce, fermes et inébranlables ; on les divinise trop, et en les élevant trop au-dessus de l’humanité on leur fait perdre ce qu’il y a pour nous d’instructif dans leur foi triomphant de leurs doutes ; en tout cas, on sort de la vérité. Un seul a vécu sans passer alternativement du bien au mal et du mal au bien ; un seul a vécu immuable dans sa force, parce qu’il était lui-même le Fort, le Puissant ; tous les autres ont dû lutter contre les ténèbres intérieures, et tous ont pu succomber, pour tous il a pu y avoir des jours d’obscurcissement. Et si l’on se représente le précurseur dans son cachot, on ne sera pas surpris qu’il ait eu ses heures d’angoisses, qu’en de pareils moments la tranquille et lente activité de Jésus lui ait paru peu divine, suspecte peut-être, et qu’il ait oublié toutes ses expériences précédentes pour se laisser aborder par des doutes. Mais dans ces doutes encore, que de confiance ! dans cette incrédulité, que de foi ! C’est à Jésus lui-même qu’il s’adresse dans son incertitude, et sa question n’est autre que cette prière : « Je crois, Seigneur, aide-moi dans mon incrédulité ! » Il ne s’interroge pas lui-même, il ne va pas auprès des docteurs et des pharisiens, il va droit à Jésus. Et certes, celui qui demande à Dieu s’il est Dieu, et au Sauveur s’il est Sauveur, celui-là n’est pas en dehors de la foi ; un seul rayon du ciel dissipera l’obscur nuage qui pèse sur son âme. Aussi ne voyons-nous aucune contradiction dans les doutes de Jean, et le témoignage que Jésus lui rend immédiatement après avoir répondu aux deux messagers ; c’est bien par rapport à Jean que Jésus dit : Bienheureux celui qui n’aura pas été scandalisé en moi ; mais ces paroles sont tout ensemble un encouragement et un avertissement. Le Sauveur est bref parce que ces combats intérieurs doivent être livrés intérieurement, et que le secours même ne peut venir du dehors ; il voyait d’ailleurs que, pour Jean, la victoire était proche. Puis, quand les messagers sont partis, il s’adresse à la foule et leur demande : « Qu’êtes-vous allés voir au désert ? Vous n’y êtes certainement pas allés pour voir seulement des roseaux ou d’autres objets de ce genre : vous avez voulu voir un prophète, et vous l’avez vu ; c’est même plus qu’un prophète, c’est l’Élie qui devait venir ». Peut-être aussi le roseau et l’homme vêtu de vêtements se rapportaient-ils directement à Jean et étaient-ils une allusion à la fermeté de la foi et à la sévérité de sa vie. Quoi qu’il en soit, Jésus reproche à la foule d’avoir été seulement pour voir cet homme admirable, pour voir un prophète, comme s’il y avait là quelque chose à voir, et de n’avoir pas compris qu’il fallait surtout entendre, écouter ses exhortations, les mettre en pratique, et forcer le royaume des cieux. Jean a été appelé par Jésus le plus grand des prophètes, et c’est lui aussi qui termine la longue liste des prophètes de l’ancienne alliance, en même temps qu’il sert de point de départ au ministère de la nouvelle économie (Malachie 4.5 ; Luc 1.17 ; Actes 1.22 ; 10.37 ; Matthieu 11.11-13., etc.). Ésaïe l’avait annoncé (40.3), de même que Malachie (3.1), et ce dernier prophète (4.5) l’avait fait l’égal du plus grand des prophètes, Élie, le contemporain d’Achab. Jean-Baptiste a eu sur Élie l’avantage d’avoir vu sa mission couronnée d’un grand succès, et si le premier Élie a fui dans les déserts pour y désespérer, le second a vécu dans les mêmes solitudes, mais pour accomplir son œuvre, prêcher et baptiser. Heureux ceux qui croient, car le plus petit sous la nouvelle économie est plus grand encore que Jean-Baptiste, et les doutes du précurseur ne sont plus permis à ceux qui savent que le Christ est mort et qu’il est véritablement ressuscité.
2°. Jean, l’apôtre, d’abord pêcheur de poissons, puis pêcheur d’hommes, était fils de Salomé et de Zébédée (cf. Matthieu 27.56 ; Marc 15.40). Ses parents paraissent avoir été du nombre de ceux qui attendaient la consolation d’Israël ; aussi voyons-nous Zébédée laisser aller son fils au moment où Jésus l’appelle, et consentir aux sacrifices nombreux que Salomé fait pour Jésus. Ils étaient de Bethsaïda, ce que l’on conclut de leur association pour la pêche avec les familles de Pierre, d’André et de Philippe, qui appartenaient à ce village (cf. Matthieu 4.18-21 ; Jean 1.44-45 ; 21.3-7) ; peut-être étaient-ils comme eux domiciliés à Capernaüm (Luc 4.31-38 ; Marc 1.21-29). Quoi qu’il en soit, ils demeuraient au bord du lac de Génésareth, sur les rives duquel une école de prophètes avait écouté les enseignements d’un grand maître sous l’ancienne alliance ; la première école de la nouvelle économie devait partir des mêmes rivages. Quelques anciens auteurs ont cru que la famille de l’apôtre était pauvre ; c’est l’opinion de Chrysostome, qui le conclut de ce que Zébédée élevait ses fils dans son propre métier, de ce qu’il raccommode lui-même ses filets, de ce qu’ils pèchent non point dans la mer mais dans un petit lac, enfin de ce que les pêcheurs sont ordinairement misérables. Cette dernière raison n’en est pas une ; quant aux autres, elles sont bien faibles, et l’on peut supposer au contraire que Zébédée jouissait d’une honnête médiocrité, car le lac de Génésareth était fort poissonneux et fournissait à ses riverains une grande ressource commerciale. Zébédée a des ouvriers (Marc 1.20), ce qui prouve tout au moins une certaine extension dans l’ensemble de ses travaux ; Salomé assiste Jésus de ses biens et achète de l’encens pour l’embaumer après sa mort ; enfin Jean paraît avoir possédé une demeure à lui (Jean 19.27) ; tout cela marque suffisamment qu’il y avait plutôt de l’aisance dans cette famille, quoiqu’elle ne fût point riche. Quant aux rapports de Jean avec Caïphe (Jean 18.15), ils prouvent peu de chose sur cette terre où le riche et le pauvre se rencontrent.
Si Jean était un homme sans lettres (Actes 4.13), on ne peut douter qu’il n’ait été élevé dans la crainte de Dieu et dans l’attente du Messie ; il entendit les enseignements du précurseur, et fut baptisé par lui dans les eaux du Jourdain. Puis, lorsqu’il eut vu Jésus, ce disciple, avide de lumière, se tourna entièrement vers lui, l’accepta pour son maître, et fut si captivé par une première conversation qu’il resta avec lui depuis quatre heures du soir jusqu’à la nuit (Jean 1.39). Néanmoins la sagesse de Jésus ne donnant jamais aux esprits au-delà de ce qu’ils peuvent porter, il se borna pour cette première fois à jeter la semence dans l’âme du disciple, et il l’y laissa germer ; ce ne fut que quelque temps après, que Jésus, sur les bords de la mer de Galilée, appela le jeune homme, qui le suivit aussitôt. Il jouit dès lors non seulement de ses enseignements, mais de son amitié toute spéciale, et Jésus, après lui avoir accordé la faveur d’assister à la guérison de la belle-mère de Pierre (Marc 1.29), à la résurrection de la fille de Jaïrus (5.37), à la transfiguration sur le Thabor (9.2), et à l’agonie de Gethsémané (14.33), lui légua encore sa mère en quittant la vie (Jean 19.26). Il a pu être appelé celui que Jésus aimait, comme Abraham avait été nommé l’ami de Dieu ; et dans les scènes du Calvaire, il lui fut seul fidèle. Sans doute il s’enfuit avec les autres au premier moment de l’arrestation, mais il revint plus tard (l’anecdote racontée en Marc 14.51-52, se rapporte plus probablement à Marc lui-même qu’à Jean, quoique cette dernière opinion ait ses défenseurs), il entre dans la cour du palais de justice, il se montre au pied de la croix, lui seul entre les douze, il recueille l’héritage de son ami, il le voit expirer, il voit l’eau et le sang jaillir d’une blessure qui lui est faite d’un coup de lance, et il peut sceller le témoignage qu’il rend, de ces paroles : « Et celui qui l’a vu rend témoigne » (Jean 19.35). Au troisième jour il arrive le premier au sépulcre, et il croit le premier à la résurrection de son maître (Jean 20). Pendant les quarante jours qui s’écoulent entre la résurrection et l’ascension, il demeure avec les autres apôtres, il fait avec eux le voyage de la Galilée, et lorsque Jésus se fait voir sur les rives du lac, c’est encore lui qui le reconnaît le premier. Le même jour a lieu la réintégration de Pierre dans l’apostolat, et Jean, qui avait été le témoin du reniement, fut aussi le témoin du pardon. Après l’ascension de Jésus et l’effusion du Saint-Esprit, il demeura à Jérusalem, probablement encore quelques années ; on le voit surtout avec Pierre (Actes 3.1 ; 4.3 ; 8.14). Ensemble ils guérissent un impotent ; ensemble ils sont accusés, détenus et relâchés ; ensemble ils vont bénir la Samarie et faire descendre le Saint-Esprit sur ces bourgades sur lesquelles Jean, dans le premier zèle de son ignorance, avait voulu faire tomber le feu du ciel (Luc 9.34). Paul, lors de son premier voyage à Jérusalem, avant l’an 40, n’y trouve point Jean (Galates 1.18-19), mais à son second ou troisième voyage, il l’y trouve fixé et établi, et l’appelle une des colonnes de l’Église (Galates 2.9). Dès lors le Nouveau Testament garde le silence sur la vie de cet apôtre, dont il ne mentionne plus que l’exil à Patmos. Il paraît qu’il resta à Jérusalem jusqu’à la mort de Marie, dont la date est incertaine, et que pendant quelques années il vécut missionnaire, évangélisant, à ce que l’on croit, le sud-est de la Palestine ; mais il est probable que plus tard il alla vivre au milieu des Églises de l’Asie Mineure, et qu’il fixa sa résidence à Éphèse (60-66). Il devint doublement nécessaire dans cette grande ville quand Paul, et après lui Timothée, eurent abandonné ce champ de travail si important, qui se trouvait placé comme un point central entre l’Asie et l’Europe. On comprend qu’il ait exercé une suprématie de fait sur toutes les Églises environnantes. C’est à Éphèse qu’une maison de bains a dû s’écrouler sur Cérinthe, et que Jean a dû ressusciter un mort, deux miracles qui n’ont rien de surprenant si l’on se rappelle que l’antiquité lui en attribue un grand nombre, et que la vertu des miracles résidait abondamment dans la personne des apôtres, si bien que leur ombre même guérissait les malades. On peut reléguer sans risque au nombre des légendes l’histoire de la coupe de ciguë qui lui fut donnée à boire ; cette anecdote ne repose sur aucune preuve authentique, et nous ne la rappelons que parce que Jean est quelquefois représenté, dans les statues qu’on lui élève, tenant à la main une coupe au fond de laquelle se trouve un serpent.
Une violente persécution ayant éclaté en 93, sous le règne de Domitien, plusieurs Églises furent privées de leurs chefs, et Jean fut envoyé en exil à Patmos, l’une des Sporades, non loin d’Éphèse (96). Cet exil est un fait constant et avéré ; il n’est sans doute pas en opposition directe avec la translation de Jean à Romesous Domitien, et son supplice dans l’huile bouillante, mais si Tertullien et Jérôme racontent ce dernier fait, le silence d’Eusèbe et d’Irénée semble le démentir. C’est pendant son séjour à Patmos que l’apôtre fut honoré de ces magnifiques révélations qu’il écrivit plus tard pour l’édification et l’instruction des fidèles, voir Apocalypse. À son retour à Éphèse, Jean trouva l’Église en désordre et ses membres dispersés. C’est là que prend place l’histoire bien connue, racontée par Eusèbe, Chrysostome et Clément d’Alexandrie, du jeune homme qui s’est joint à une bande de voleurs et que Jean, déjà vieux, poursuit jusque dans les montagnes. À supposer qu’en passant de mains en mains, cette anecdote se soit revêtue d’ornements étrangers, comme tout ce qui passe par les mains de Rome, le fait lui-même n’en paraît pas moins avoir eu lieu, et plusieurs témoignages respectables le confirment. Enfin, Jérôme nous a conservé un dernier trait qui clôt dignement la sainte carrière de l’ami de Jésus. Vers la fin de sa vie il était trop faible pour se rendre à pied aux assemblées des frères, il était trop faible même pour parler aux jeunes gens ; mais il répétait cependant toujours : Mes petits enfants, aimez-vous les uns les autres ; et quand on lui demandait pourquoi il insistait sur ce devoir, il répondait : « C’est que c’est le commandement du Seigneur ». Les anciens sont unanimes à lui donner un grand âge ; il a vu, selon Irénée, l’avènement de Trajan, en 98, et il est mort à Éphèse, où l’on a longtemps montré son tombeau ; quoiqu’on l’ait appelé martyr, il ne paraît pas que sa mort ait été violente. Un malentendu sur les paroles de Christ (Jean 21.22-23), a accrédité parmi les anciens le bruit que Jean n’était pas mort, et qu’il ne mourrait pas jusqu’à la fin du monde, tandis que Jésus n’avait parlé que de la destruction de Jérusalem ; on l’a en conséquence cherché longtemps sur la terre, tout en oubliant qu’il parle et qu’il vit encore dans ses écrits. Son grand âge est pour nous un précieux gage de la canonicité des écrits du Nouveau Testament, et l’on ne peut douter que ce témoin, qui a vu l’Église se former, n’ait aussi eu l’influence d’un témoin sur les livres qu’on admettait comme authentiques, et dont on faisait usage dans l’Église, et que le témoignage qu’il a rendu à la vérité des autres Évangiles n’ait contribué à confirmer aux yeux de tous leur authenticité.
Quant au caractère de Jean, c’est un mélange admirable de force et de douceur ; une espèce de charme l’entoure, c’est le charme des dons de l’esprit, la paix de Jésus, l’humilité, la charité, l’amour, la piété la plus profonde ; c’est le charme d’un grand zèle et d’un grand sérieux, mêlé de douceur et de bonté. Si la paix est le trait saillant de son cœur et de son activité, ce n’est pas qu’il ait manqué d’énergie, au contraire ; mais ses vertus douces nous font oublier ses vertus fortes, parce qu’il n’est pas dans notre nature de comprendre à la fois deux extrêmes, et les hommes sont rares qui, renommés pour leur douceur, eussent écrit ces paroles de 2 Jean 1.10 : « Si quelqu’un vient à vous et n’apporte pas cette doctrine, ne le recevez pas dans votre maison et ne le saluez pas ». Plusieurs traits semblent montrer aussi que, dans sa jeunesse, et avant d’avoir eu la pleine connaissance de la vérité, Jean avait un caractère plus vif, plus impétueux, plus ardent qu’on ne se le figure d’ordinaire ; cela se voit par son opposition au disciple qui faisait des miracles sans suivre Jésus (Marc 9.38), par la demande qu’il fait à son maître d’appeler le feu du ciel sur une bourgade des Samaritains, qui avait refusé de les recevoir (Luc 9.54), par la requête orgueilleuse de Salomé en sa faveur et en faveur de Jacques, son frère (Matthieu 20.20), enfin par le nom de Boanergès, qui fut donné à ces deux frères.
Évangile. Ce n’est pas une histoire proprement dite du ministère de notre Sauveur ; on pourrait l’appeler plutôt ses mémoires ou ses pensées. Il paraît supposer la connaissance des trois autres Évangiles, et passe sous silence plusieurs faits rapportés dans ces derniers, la naissance du précurseur, celle du Messie, son baptême, sa tentation, l’appel définitif de plusieurs des apôtres, le nom qu’il leur donne, leur mission, l’envoi des septante, un grand nombre de miracles et de paraboles, plusieurs des instructions de Jésus, et en particulier le sermon sur la montagne, la transfiguration, l’institution de la cène, les angoisses de Gethsémané, l’ascension ; il omet ou se borne à rappeler ce qui est connu, et se montre original dans toute son étendue. La plupart des faits qu’il rapporte ont eu lieu à Jérusalem ou dans les environs, et il désigne avec plus d’exactitude que les trois autres évangélistes (synoptiques) le lieu, le temps, les personnes, les circonstances, les usages. Les miracles qu’il raconte sont principalement ceux qui sont liés aux enseignements du Sauveur, ou qui ont fait quelque sensation publique. On ne peut nier qu’il n’y ait une grande différence, entre cet Évangile et les autres, mais encore ne faut-il pas exagérer cette différence, comme le fait très bien remarquer Tholuck ; et si l’image qu’il nous donne des discours, de la vie, de la personne de Christ, est plus grande, elle n’est cependant pas autre, et De Wette lui-même, qui cherche plutôt les différences que les ressemblances, avoue que dans ce cas particulier les différences sont dans la forme plutôt que dans le fond, et qu’elles se comprennent facilement. Notre plan ne comporte pas un examen détaillé des rapports qui se trouvent entre Jean et les synoptiques ; on les retrouvera dans les ouvrages spéciaux, parmi lesquels nous recommandons surtout Sander, traduit en français, avec une excellente préface de M. de Rougemont sur le même sujet (Neuchâtel). Jean a écrit son Évangile à Éphèse, quoique plusieurs auteurs prétendent qu’il l’a composé pendant les loisirs de Patmos. Irénée et Jérôme sont positifs dans leur témoignage, tandis qu’un écrit apocryphe (les douze apôtres) est la première source connue de la tradition en faveur de Patmos. Quant au temps, les uns (Basnage, Lampe, Wegscheider) veulent que Jérusalem subsistât encore lorsque Jean a fait son travail, et ils mettent la composition de cet Évangile environ vers l’an 67, opinion qui ne peut guère se soutenir. D’autres pensent que Jean l’a écrit avant l’exil de Patmos, et par conséquent avant l’Apocalypse ; ils s’appuient sur ce que (Apocalypse 1.5-9), Jean dit qu’il a rendu témoignage à Jésus, paroles qu’ils estiment se rapporter nécessairement à son Évangile ; mais cette preuve prouve peu. Reste enfin la troisième opinion, qui place la rédaction de l’Évangile après celle de l’Apocalypse ; elle est appuyée par Irénée, Jérôme, Épiphane et Eusèbe ; le style de l’Évangile a aussi quelque chose de plus soigné, de plus mûri, comme celui d’un homme plus habitué à écrire et plus versé dans le maniement de la langue grecque.
On comprend qu’un écrit aussi beau et aussi important ait trouvé de nombreux commentateurs ; nous n’indiquerons, parmi ceux de la Réforme, que Zwingle, Luther, Mélanchthon, Calvin et Bèze ; puis, au siècle dernier, en 1724, Lampe d’Utrecht, plein d’érudition, de sagacité et de chaleur chrétienne. Parmi les auteurs plus récents, nommons Paulus dont la réputation comme orthodoxe moderne est faite et perdue depuis longtemps ; Kuinœl, bon répertoire ; Lucke ; Clarke ; Olshausen (trad. en français) ; enfin Tholuck ; ces deux derniers sont les plus connus, et peut-être aussi les plus dignes de l’être. Olshausen paraît avoir mieux senti, Tholuck avoir mieux compris saint Jean ; mais tous les deux l’ont commenté en chrétiens, et leur travaux resteront. Tholuck réunit à la brièveté le mérite de fournir tous les moyens exégétiques de lire avec fruit cet Évangile, comme en général les autres écrits du Nouveau Testament qu’il a commentés. En anglais, Leçons explicatives de Bird Summer.
Épîtres de saint Jean. Elles sont au nombre de trois, et quoiqu’elles ne portent point de nom d’auteur, non plus que l’Évangile, elles ont été attribuées à cet apôtre, presque sans contestation, les témoignages anciens ne laissant aucun doute à ce sujet. La première porte le nom de catholique, parce qu’elle a été adressée à un ensemble de congrégations, et l’on pense généralement que saint Jean l’envoya de Patmos aux Églises de l’Asie Mineure et à celle d’Éphèse en particulier, malgré certains témoignages apocryphes d’après lesquels l’apôtre l’aurait destinée aux Parthes ou aux Juifs convertis d’entre ceux qui étaient exilés parmi les Parthes, au-delà de l’Euphrate. Jean y combat les mêmes erreurs que dans son Évangile ; on y retrouve le même plan, le même style, le même vocabulaire peu riche, et dont le verbe aimer semble faire le fond. L’Homme-Dieu y est annoncé d’une manière éclatante ; la manière claire et précise dont y est présentée la doctrine de Dieu a fait donner à Jean le nom de théologien par excellence ; il expose que la Parole était au commencement, qu’elle était avec Dieu, qu’elle était Dieu lui-même ; il appelle antichrists, menteurs et faux prophètes ceux qui le nient, et comme ces séducteurs ennemis de la croix commençaient à mettre en avant leurs doctrines déjà vers la fin du premier siècle, Jean, le dernier des écrivains du Nouveau Testament, a élevé ce boulevard inébranlable contre lequel se meurtrissent les faux théologues de nos jours. La seconde et la troisième épître sont adressées à des particuliers ; on a voulu leur donner pour auteur un autre Jean, mais le témoignage d’Irénée repousse cette supposition, et le style, comme aussi la pensée intime, affectueuse et dogmatique, rappelle la manière de Jean l’apôtre, celle de l’Évangile, celle de la première épître.
On a voulu entendre, par la dame élue, une Église particulière ; d’autres même (comme Hammond) l’ont entendu de l’Église chrétienne tout entière. Ce sont des jeux d’esprit. Le plus simple est de prendre les mots pour ce qu’ils sont, et de voir dans cette dame une dame, et dans ses enfants des enfants ; l’épithète élue se rapporte soit à quelque distinction terrestre, soit plutôt à l’élection du Sauveur. L’époque de la rédaction est incertaine, mais elle se place dans la vieillesse de l’apôtre.
La troisième épître enfin est adressée à un certain Gaïus, qui paraît avoir été converti par l’apôtre (v. 4), et qui est aussi différent du Gaïus dont il est parlé en Romains 16.23 ; 1 Corinthiens 1.14, lequel était un enfant spirituel de Paul. Date incertaine ; probablement contemporaine de la seconde. Jean loue Gaïus de l’accueil bienveillant et hospitalier qu’il accorde aux frères missionnaires, et il blâme la conduite d’un certain Diotrèphe, orateur, s’évaporant en mauvais discours, inhospitalier pour son compte, et cherchant à propager sa présomptueuse intolérance, parce qu’il aime à être le premier.
Apocalypse, voir cet article (Apocalypse).
3°. Jean (Actes 4.6), sacrificateur, peut-être le fils d’Anne, dont Josèphe parle à plusieurs reprises. Il est nommé parmi ceux qui assistèrent à la comparution de Pierre et Jean devant le conseil, après la guérison de l’impotent.
4°. Jean. Voir Marc.