Devant ce nom, qui est à la fois celui d’un homme et celui de Dieu manifesté en chair ; ce nom, le seul qui ait été donné aux hommes par lequel nous puissions être sauvés ; ce nom à l’ouïe duquel tout genou se ploie, dans le ciel et sur la terre ; devant ce nom la raison s’humilie dans le sentiment profond de son impuissance, et la foi, posant son doigt divin sur nos lèvres, nous invite à adorer en silence ces choses que l’œil n’a point vues, que l’oreille n’a point entendues, qui ne sont point montées au cœur de l’homme, et dans lesquelles les anges eux-mêmes désirent de regarder jusqu’au fond.
La nature de Christ et les caractères de sa mission, sa présence et son œuvre, son apparition dans l’histoire et son rôle en dehors du temps, tout est pour la pensée une source de questions pleines d’intérêt sans doute, mais aussi pleines d’obscurité. Comment concevoir et définir la personnalité du Fils, ses rapports avec le Père et le Saint-Esprit, l’union de la divinité et de l’humanité dans sa personne ; son œuvre de roi, de sacrificateur et de prophète ; son origine, sa naissance, sa vie, sa mort, sa résurrection, son action dans l’Église et auprès du Père ; son second avènement, son règne futur ?
Que peuvent dire et la physiologie et la psychologie pour expliquer son corps et son âme ? – ce corps formé tout à la fois et par l’influence du Saint-Esprit et dans le sein de la chair, cette âme douée de toutes les facultés, accessible à toutes les émotions humaines, et empreinte de toutes les perfections, de toute la majesté divine ; – ce corps qui, en forme de chair de péché, naît faible, croît, se développe, ressent la fatigue et la souffrance, subit la mort, mais ne peut être retenu par elle, sort du sépulcre, encore susceptible d’accomplir les fonctions animales, et pourtant échappe aux lois de la matière, et s’élève d’une manière visible vers ce royaume où la chair et le sang ne peuvent entrer. Cette âme qui, elle aussi, se développe, croît en sagesse, souffre, se réjouit, s’attache, ressent la tentation, s’abat dans la tristesse, puis se relève triomphante au milieu de toutes les faiblesses, pure de toute souillure, et ferme, sereine, sainte, radieuse, révèle au monde l’idéal d’une grandeur humaine qui se confond avec la grandeur même de Dieu ? Tous ces problèmes peuvent à peine être indiqués ici. Nous ne saurions songer, nous ne disons pas à les résoudre, la science de l’homme n’y suffirait pas, mais même à les examiner dans leurs détails. Ils sont d’ailleurs du ressort de la dogmatique, de la psychologie et de la philosophie, et ne sauraient être abordés dans ce travail.
Nous n’avons pas davantage la prétention d’écrire une biographie de Jésus. Par des motifs de convenance, plusieurs auteurs ont cru bien faire que de supprimer l’article entier ; une telle vie est trop haute, disaient-ils, et trop riche, pour qu’une plume purement humaine réussisse à en tracer un tableau satisfaisant ; la main des évangélistes, guidée par l’esprit même de Christ, a pu seule se charger de ce soin. Nous comprenons ce scrupule, mais sans le partager entièrement, et ce qui nous arrête, c’est moins cette pensée, que la considération même de l’étendue du sujet, et les développements considérables qu’il exige pour être traité d’une manière convenable. Tout l’Évangile, d’ailleurs, se résume en Jésus ; en lui se résume aussi l’histoire de ceux qui l’ont vu, annoncé, accompagné et prêché ; sa vie se rattache à une foule d’hommes et de faits qui trouvent déjà leur place ailleurs, et qui, se reproduisant ici, feraient nécessairement double emploi.
Nous nous bornons donc à donner quelques explications sur les points suivants.
1°. Le nom de Jésus signifie Sauveur ; le nom de Christ signifie oint ; ce sont à la fois des noms propres et des noms d’attributs. Le dernier est la traduction grecque de l’hébreu Messie ou Mashiach. Jésus s’appelle encore Emmanuel, le dernier Adam, Scilo, David (Osée 3.5 ; Jérémie 30.9), germe (Jérémie 23.5 ; Zacharie 3.8) ; Micaël (Daniel 12.1), roi, prophète, avocat, Nazarien, roi des rois, pâque, défenseur, souverain sacrificateur, etc. La Concord. de M. Mackenzie, p. 734, ss, compte près de deux cents noms et titres donnés à Jésus, dans l’Écriture.
2°. La venue de Jésus est supposée d’un bout à l’autre de l’Ancien Testament, depuis l’instant de la chute (Genèse 3.15). Les cérémonies du culte lévitique, le mosaïsme tout entier, le sacerdoce et les prophètes l’annoncent et lui rendent d’avance témoignage ; Jésus a mis le sceau à leurs visions (cf. Daniel 9.24). Les types et les prophéties messianiques abondent ; il faut se tenir en garde toutefois contre l’imagination qui pourrait en faire voir partout. Girard des Bergeries a peut-être exagéré les types, Hengstenberg, dans sa Christologie, a été préoccupé outre mesure de son sujet, et a multiplié le nombre des oracles relatifs au Messie. Ces deux ouvrages n’en ont pas moins une grande valeur, et méritent d’être étudiés. Les faits principaux de la vie de Jésus sont annoncés clairement : l’époque de sa naissance (Daniel 9.25) ; le lieu (Michée 5.2) ; sa naissance d’une vierge (Ésaïe 7.14) ; son nom, ibid. ; son surnom (Nazarien, rejeton, Ésaïe 11.1) ; son retour d’Égypte (Osée 11.1) ; le massacre des innocents (Jérémie 31.15) ; l’œuvre du précurseur (Ésaïe 40.3 ; Malachie 3.1 ; 4.5) ; la mission de Christ (Ésaïe 53) ; son entrée dans Jérusalem (Zacharie 9.9) ; son humiliation, ses souffrances, sa mort expiatoire, le prix auquel il serait livré, les méchants qui seraient mis à mort avec lui, sa glorieuse sépulture, sa résurrection (Psaumes 22 ; Ésaïe 52.1 à 53.12 ; Zacharie 11.13 ; cf. Jérémie 18.1ss) ; l’Église enfin qui naîtrait de son travail, de sa doctrine, et de son sang (Zacharie 6.12 ; etc.). Il est beaucoup d’autres prophéties immédiatement et exclusivement applicables à Christ ; nous avons indiqué les principales. On peut voir encore (Aggée 2.6-9 ; Zacharie 12.10 ; Daniel 2.44 ; 7.13 ; Psaumes 2 ; 5 ; 102 ; 110 ; etc.).
3°. L’année de la naissance de Jésus ne peut pas être déterminée d’une manière exacte ; mais ce qui paraît prouvé, et assez généralement admis, c’est qu’elle est de quelques années antérieure à l’an 1 de l’ère chrétienne. On voit, en effet, par Matthieu 2.1-6, que Jésus est né du vivant d’Hérode le Grand, mais peu de temps avant sa mort. Or Hérode mourut l’an 750 de Rome, un peu avant Pâque. Si, de cette date, nous défalquons les jours de la purification, le temps de la visite des mages, le voyage en Égypte, le séjour dans ce pays jusqu’au moment de la mort d’Hérode (et six mois ne seront pas un chiffre exagéré), il en résulte que le Christ est né au plus tôt dans l’automne de l’an 749 de Rome, quatre ans avant notre ère. Une seconde donnée historique nous apprend (Luc 3.1-2), que Jean-Baptiste commença son ministère en la 15e année de Tibère ; Jésus au moment de son baptême avait trente ans (Luc 3.23.) L’un et l’autre étaient sans doute entrés en fonction au même âge, conformément à l’usage lévitique (Nombres 4.3-35ss). Si nous reculons de trente ans en arrière, nous arriverons à connaître l’année de la naissance des deux cousins. Auguste était mort le 29 août 767 ; il fut immédiatement remplacé par Tibère, qui était déjà son associé sur le trône depuis deux ou trois ans. Ces années de régence partagée comptent habituellement dans la vie des rois ; Tibère serait donc monté sur le trône en 765 ou même en 764 ; sa 15e année tomberait sur l’an 773, d’où il suivrait que Jean, né trente ans auparavant, serait né en 748, et notre Seigneur en 749.(Si cependant on ne date les années du règne de Tibère que depuis la mort d’Auguste, la naissance du Seigneur tombe sur l’an 752, résultat sensiblement différent de celui que donne Matthieu). On trouve un troisième indice, mais également sujet à incertitude, dans Jean 2.20 : « On a été quarante-six ans à bâtir ce temple ». Josèphe dit qu’Hérode a commencé la restauration de cet édifice la 18e année de son règne, mais ailleurs il nomme la 15e (Antiquités judaïques 15.11,1 ; Guerre des juifs 1.21,1), comme il donne aussi tantôt trente-sept, tantôt trente-quatre ans au règne de ce monarque, suivant qu’il le fait commencer à la mort d’Antigone, ou à sa confirmation par les Romains. Ce n’est qu’en 714 qu’il fut proclamé roi ; la 18e année de son règne tomberait donc sur l’an 732, et la première Pâque de notre Sauveur, dans la 47e année du temple restauré, sur l’an 779. Jésus avait alors trente ans et quelques mois, et sa naissance remonterait à l’automne 748. Notons enfin une tradition conservée par les pères latins (Tertullien, Lactance, Augustin), portant que la mort de notre Seigneur eut lieu sous le consulat de Rubellius et de Fuflus, c’est-à-dire l’an de Rome 782. Si, comme on le suppose ordinairement, la vie de Jésus a été de trente-trois ans et demi, sa naissance tomberait encore sur l’an 748 ; mais c’est une question à part. Quelques écrivains modernes se fondant sur Matthieu 2.16, et prolongeant le séjour d’Égypte, pensent que Jésus avait déjà deux ou trois ans à la mort d’Hérode, et le font naître par conséquent déjà en 747 (Miinter, etc.). C’est la même année que fixent également ceux qui, avec Keppler et Ideler, voient dans l’étoile des mages la conjonction de Jupiter et de Saturne qui eut lieu cette année-là. Il résulte de ce qui précède que Jésus a dû naître quatre à cinq ans au moins avant l’ère vulgaire, et qu’il a pu naître quelques années plus tôt encore. L’ère vulgaire a été fixée au VIe siècle, par l’abbé Denys (Dionysius) Exiguus qui lui a donné son nom ; elle a été employée par Bède le Vénérable (première partie du VIIIe siècle) dans ses ouvrages historiques, et bientôt après dans des actes publics, par les rois francs Pépin et Charlemagne. L’époque de l’année en laquelle Jésus naquit est plus difficile encore à déterminer ; ce qu’il y a de sûr, c’est que ce ne fut pas en hiver, puisque les bergers gardaient les brebis dans les champs. Selon Lardner, ce serait entre la mi-août et la mi-novembre ; selon l’archevêque Newcome qui prend la moyenne, ce serait le 1er octobre ; Winer donne une marge plus grande, et n’exclut que la saison froide. En fait, il n’y a aucune donnée positive ; le 20 décembre commença à prévaloir au IVe siècle, comme jour de la nativité, et si l’on en croit Léon le Grand, qui mourut en 461, il y avait bon nombre de gens à Rome qui célébraient ce jour bien moins à cause de la naissance du Sauveur qu’en l’honneur du soleil renaissant (Serm. XXI, ch. 6.).
4°. Les généalogies. Matthieu 1.1-16 et Luc 3.23-38, donnent l’un et l’autre la généalogie de Jésus ; l’un, écrivant pour les Juifs, prend Abraham pour point de départ ; le second, écrivant pour les nations, remonte jusqu’au chef de l’humanité, Adam, et jusqu’à Dieu. Matthieu divise ses générations en trois groupes de quatorze membres chacun ; le premier groupe, période de la promesse, va d’Abraham à David ; il y manque plusieurs anneaux, notamment entre Salmon et Jessé. David, qui est le dernier terme de la première division, compte aussi comme le premier de la seconde ; il est deux fois compris dans les quatorze ; cette seconde période, celle des types rois, s’étend jusqu’aux jours de la transportation ; au verset 8, entre Joram et Ozias, il manque trois anneaux, Achazia, Joas, Amatsia ; au verset 11, les meilleures autorités portent simplement : « Et Josias engendra Jéchonias, etc. », en omettant la mention de Jakim, qui n’est qu’une glose, mais la glose bien naturelle d’un copiste qui avait remarqué une lacune, et qui voulait la combler ; seulement elle a été maladroitement comblée. Historiquement, Josias engendra Jéhoïakim et ses frères ; Jéhoïakim n’engendra que Jéchonias, et peut-être un Sédécias mort bientôt (2 Rois 23.34 ; 2 Chroniques 36.4 ; cf. 1 Chroniques 3.15-16). Les frères de Jéhoïakim sont donc les oncles de Jéchonias, et le verset 11 doit se traduire, quant au sens du moins : « Josias engendra (fut le père ou grand-père de) Jéchonias, et ses oncles ». Il manque donc à cette division quatre noms au moins, et au lieu de quatorze on en devrait compter dix-huit, ce qui a fait supposer à quelques commentateurs que le verset 17, n’était qu’une note qu’un copiste aurait plus tard fait passer dans le texte ; mais l’accord des manuscrits s’y oppose. Il est plus probable que ces quatre noms étaient habituellement omis dans les tables généalogiques, sans qu’il y ait pour cela de motif appréciable, on peut voir une omission semblable dans la généalogie d’Esdras (7.1-5 ; cf. 1 Chroniques 6.3-15). Dans le troisième groupe (abolition de la royauté et des types rois), Salathiel est noté comme père de Zorobabel (Matthieu et Luc), tandis que (d’après 1 Chroniques 3.19), Zorobabel était fils de Pédaïa, son frère ; il faut donc supposer, avec Hug (11.269), que Zorobabel était le fils aîné de Pédaïa et de la veuve de Salathiel, qui était mort sans enfants, et que pour cela il fut inscrit sur les registres de Salathiel, conformément à la loi du lévirat (Deutéronome 25.6). Abiud (Matthieu 1.13) et Rhésa (Luc 3.27), sont nommés comme fils de Zorobabel ; leurs noms ne se trouvent pas en 1 Chroniques 3.19, mais cela n’a guère d’importance. Enfin, verset 16, nous voyons en quelque sorte l’esprit de cette généalogie ; elle est légale ; Jésus descend de David légalement, par Joseph, le mari de Marie ; la formule « engendra » disparaît entre Joseph et Jésus ; après avoir suivi la filiation officielle de Joseph, Matthieu constate que, si Jésus appartient à la famille de Joseph, il ne lui appartient que légalement, civilement, et non selon la chair. Jésus était l’héritier naturel, légitime, de Joseph, puisque Joseph, qui avait d’abord voulu renvoyer Marie, l’avait, sur l’ordre de Dieu, épousée avant la naissance de Jésus, verset 18 ; ses droits au trône de David passaient ainsi à celui qui légalement était son fils aîné ; en même temps il doit rester établi pour les lecteurs que Joseph n’était point le père de Jésus, mais seulement le mari de sa mère.
En comparant les deux généalogies, nous trouvons dans chacune une partie qui commence à David et se termine à Salathiel, mais par deux filiations différentes :
Matthieu 1 | Luc 3 | |
David | ||
Salomon | Nathan | |
Jéchonias | Néri | |
Salathiel | ||
Zorobabel, etc. |
Ainsi, Matthieu désigne Salathiel comme fils ou descendant de Jéchonias et de Salomon, tandis que Luc le désigne comme fils de Néri et de Nathan. L’hypothèse de Paulus qui, pour écarter la difficulté, suppose deux Salathiel, est trop hardie. On peut voir ailleurs l’explication que nous avons donnée de cette espèce de divergence ; Salathiel est fils d’Assir, de fait et de droit, et petit-fils de Néri selon la chair, de Jéchonias selon la loi, voir Salathiel.
On est assez généralement d’accord à supposer, quoique rien ne le dise positivement, que Luc a donné la généalogie de Marie ; les rapports de Joseph à Héli, verset 23, seraient ceux de gendre à beau-père, relation légale d’ascendance et de descendance, que le texte ne contredit point, puisque les relations de parenté ne sont indiquées que par la juxtaposition des noms dont l’un régit l’autre, sans indication du degré ; le génitif peut sous-entendre père, fils, etc. ; le texte porte littéralement : « Fils, comme on l’estimait, de Joseph, d’Héli », ces deux noms n’étant point unis par le mot fils. Il serait étonnant, d’ailleurs, que la descendance directe de Joseph fut indiquée dans la branche de Nathan, lorsqu’on pouvait le rattacher directement à la branche beaucoup plus glorieuse de Salomon. S’il s’agissait, en effet, de la généalogie de Marie, fille d’Héli, Luc l’aurait donnée pour établir que Jésus descendait de David, non seulement selon la loi, mais aussi selon la chair. Marie était réellement de la famille royale, ce qui nous paraît ressortir de Luc 1.27, (« qui était de la maison de David », se rapporte à « une vierge ») ; de 2.5, où l’enregistrement de Joseph et de Marie dans le même endroit suppose une même origine et une proche parenté ; enfin et surtout de Romains 1.3 (Hébreux 7.14), où Jésus est appelé fils de David selon la chair. Ceux qui pensent que Luc donne, comme Matthieu, la filiation de Joseph, font d’Héli et de Jacob deux frères, dont l’un serait mort sans enfants ; Joseph, le fils aîné du survivant, serait légalement attribué au défunt.
5°. Parents de Jésus :
a) Marie, sœur de la mère de Jésus (Jean 19.25), femme de Cléopas ou Alphée.
b) Élisabeth, cousine de Marie (Luc 1.36).
c) Jacques, Joses, Simon et Jude, frères de Jésus (Jean 7.3-5, 10 ; 1 Corinthiens 9.5 ; Matthieu 12.46 ; 13.55 ; Marc 3.32 ; Luc 8.19 ; Jean 2.12 ; Actes 1.14). On a voulu donner au mot grec le sens de cousins, pour concilier ces nombreux passages avec la soi-disant virginité perpétuelle de Marie ; ce sens est possible, mais il est forcé ; on ne comprend pas, en effet, l’affectation avec laquelle les évangélistes emploieraient continuellement le mot frères dans un sens qui n’est pas ordinaire, pour éviter le mot propre, qui ne se prête à aucune équivoque. Plus la chose était importante, plus il importait aussi de la dire de manière à éviter tout malentendu ; les apôtres ont employé une expression qui laisse des doutes sur le degré de cette parenté, et il en résulte au moins ceci, qu’ils n’attachaient aucune importance au fait, en effet bien indifférent, de la virginité de Marie. Mais si, à cette régulière répétition du même mot, qui finit par signifier quelque chose, qui n’est plus un accident, mais une intention, nous ajoutons le nom de premier-né donné à Jésus (Matthieu 1.25), dans un passage où il est parlé des relations de Joseph et de Marie (cf. aussi verset 18, avant qu’ils fussent ensemble), on doit convenir que la probabilité prend un caractère plus déterminé, plus positif. Le fait que ces frères et sœurs sont constamment avec la mère de Jésus, est également caractéristique ; ce cortège s’explique s’il s’agit d’enfants, il ne s’explique pas s’il s’agit de neveux et de nièces. On l’a si bien compris, que plusieurs auteurs ont fini par reconnaître qu’il s’agissait là des frères de Jésus, mais frères selon la loi, fils de Joseph, et non de Marie ; cette explication lève quelques difficultés, mais elle en laisse subsister d’autres, notamment Matthieu 1.18-25. Le passage de Jean 19.26, qu’on a parfois invoqué pour prouver que Marie n’avait pas d’enfants, prouve seulement que Jean était plus digne de recueillir la vieillesse de Marie, alors presque sexagénaire, que des frères qui n’avaient pas cru en lui, et qui même une fois avaient voulu faire arrêter Jésus comme aliéné (Marc 3.21) ; il paraît qu’ils furent convertis par la résurrection du Seigneur (Actes 1.14), et que ce fait merveilleux les décida de se joindre à l’Église. Les sœurs de Jésus sont mentionnées en Matthieu 13.56 (cf. Marc 6.3).
d) La tradition fait de Salomé, femme de Zébédée, la sœur de Joseph, père de Jésus ; mais le Nouveau Testament se tait sur cette parenté.
6°. Jésus fut élevé à Nazareth, et l’on conclut de Jean 7.15, qu’il ne fréquenta pas l’école publique (rabbinique) de la ville. Il apprit l’état de son père, suivant l’usage de ce temps, et l’on croit qu’il continua, même pendant sa carrière évangélique, d’y chercher, comme les rabbins, une partie de sa subsistance. Une variante assez recommandable de Marc 6.3, appuierait cette opinion. Ses amis et disciples pourvoyaient du reste à tout ce qui pouvait lui manquer (Luc 8.3 ; Marc 15.41), et dans ses voyages il trouvait une hospitalité distinguée, et des soins qu’il devait aux mœurs de l’Orient, et à la notoriété de ses miracles (Jean 4.45 ; 12.2). Le collège apostolique avait un petit fonds commun, destiné aux besoins les plus urgents (Matthieu 14.17 ; Luc 9.13 ; Jean 12.6 ; 13.29). Si Jésus n’était pas riche (Luc 2.24 ; Matthieu 8.20 ; 2 Corinthiens 8.9 ; cf. Lévitique 12.8), on ne saurait non plus se le représenter comme pauvre et misérable (cf. Jean 19.23). Ce serait même contraire à l’analogie de la foi (cf. Psaumes 37.25).
On a fait de nombreuses tentatives pour réunir en une seule biographie tous les détails que les Évangélistes donnent sur la vie de Jésus, mais ces Harmonies ont l’inconvénient d’être fort arbitraires, car il n’y a pas de fil directeur pour guider dans un travail de ce genre. Les Évangiles sont de simples recueils de faits, qui ne tiennent que peu ou point de compte de l’ordre chronologique. Il en résulte que tous les essais qui ont été faits dans ce sens, et celui de Calvin est certainement le plus remarquable, ne peuvent être considérés que comme des présomptions. L’Évangile de Jean donne seul quelques dates, mais peu de faits ; et c’est à ces dates qu’il faut rattacher les faits racontés dans les synoptiques.
Jésus demeurait habituellement à Capernaüm ; il fit son premier miracle à Cana. De là, par Nazareth et Capernaüm, il va célébrer à Jérusalem sa première Pâque (Jean 2.13). C’est après cela qu’il appelle ses apôtres sur les rives du lac de Génésareth (Luc 5) ; il visite Gadara et retourne à Capernaüm ; appel de Lévi ; fille de Jaïrus ; sermon sur la montagne ; serviteur du centenier ; envoi des douze apôtres ; retour à Jérusalem par Béthanie. Seconde ou troisième Pâque. Lavoir de Béthesda, retour à Capernaüm, multiplication des pains ; voyage à Tyr et Sidon (Matthieu 15 ;) à Jérusalem par la Pérée ; retour en Galilée ; voyage à Césarée de Philippe, et peut-être au mont Hermon où eut lieu la transfiguration (et non sur le Tabor ?, Matthieu 16 et 17 ; Marc 9 ; Luc 9) ; retour à Capernaüm, en Pérée, à Béthanie (Luc 9 et 10 ; Matthieu 19) ; il passe le Jourdain et revient à Béthanie (Jean 10 et 11) ; en Éphraïm, à Béthel et Bethsan : à Jéricho (Luc 19) ; entrée à Jérusalem ; dernière Pâque. Celui qui voudra se donner la peine d’essayer pour son compte une harmonie des quatre Évangiles, en comprendra tout ensemble les difficultés et l’utilité. L’esquisse que nous en donnons fera comprendre l’une, le travail seul fera comprendre l’autre. On trouvera un plan approximatif des voyages de Jésus, dans le Bibel Atlas de Weiland et Ackermann ; c’est une carte qui manque au Scripture-Atlas de Bagster.
La liste complète des miracles, et celle des paraboles du Sauveur, se trouve dans Bickersteth, Considérations sur l’Écriture sainte, p. 98 et 108.
7°. La durée de son ministère ne peut être déterminée d’une manière exacte et sûre. On trouverait les éléments de cette recherche dans le nombre des Pâques que Jésus a célébrées, mais les trois premiers évangélistes ne mentionnent que la dernière, et Jean qui parle de cinq fêtes juives que Jésus aurait faites à Jérusalem, outre une Pâque qu’il a passée en Galilée, ne les détermine pas assez nettement pour qu’on en puisse rien conclure à coup sûr. Trois Pâques au moins sont cependant indiquées : la première (Jean 2.13), peu après le baptême de Jésus, ainsi presque au commencement de son ministère ; la seconde (Jean 6.4), Jésus est en Galilée ; la troisième et dans tous les cas la dernière (Jean 12 et 13). Le ministère de Jésus aurait ainsi duré un peu plus de deux ans. Mais si la fête des Juifs (Jean 5.1), doit être entendue de la Pâque, ce serait une année de plus qu’il faudrait ajouter à la durée de sa carrière publique. Sans entrer dans des détails qui sont du ressort des commentaires, on peut dire que le mot fête, même sans article, désigne souvent la Pâque (Matthieu 27.15 ; Marc 15.6 ; Luc 23.17 ; cf. Jean 18.39) ; que Jean, qui a l’habitude de mesurer le temps par les fêtes, n’a pas voulu dire simplement qu’il y avait une fête, mais la fête, ce qui semble se rapporter plus spécialement à la Pâque ; qu’il ne peut guère être question ici, ni de la fête de Pentecôte, ni de celle des Tabernacles, ni de celle de Purim, quoique ce soit l’opinion de Keppler, proposée pour la première fois en 1615, et adoptée aujourd’hui par Hug, Neander, Olshausen, Tholuck, Meyer, Wieseler ; que la plupart des auteurs anciens et modernes se prononcent pour la Pâque ; aussi Irénée ; c’est l’opinion d’Eusèbe et de Théodoret, de Luther, Scaliger, Grotius, Lightfoot, Leclerc, Lampe, Hengstenberg, Greswell, etc. Cyrille et Chrysostome, Erasme, Calvin, Bèze et Bengel, pensent qu’il s’agit de la Pentecôte. Lucke et De Wette laissent la question indécise.
On voit que les limites de la vie publique de Jésus sont entre deux ans et demi et trois ans et demi. D’après ce que nous avons dit de l’époque de sa naissance, et en se rappelant qu’il commença son ministère à l’âge d’environ trente ans, il serait mort à l’âge de trente-deux ou trente-trois ans, et vers l’an 28 ou 29 de l’ère chrétienne ; les termes extrêmes sont l’an 781 et l’an 783 de Rome, quoique plusieurs pères de l’Église le fassent mourir à un âge beaucoup plus avancé, quarante ou cinquante ans, et ne lui donnent en outre qu’une carrière publique de huit à dix mois, d’un an au plus. voir Winer, Realw.
8°. Calme et tranquille dans la pacifique révolution qu’il apporte au monde, Jésus ne veut pas démolir le judaïsme avant d’avoir établi le christianisme. Il continue d’observer lui-même les prescriptions de la loi, et s’il les maintient dans toute leur sévérité, en opposition à la lâche tolérance des prêtres d’alors, c’est peut-être pour constater une dernière fois qu’il est impossible à l’homme d’être sauvé par les œuvres. En observant la loi il en détermine l’esprit. Il fait du bien à tous, aux païens comme aux Juifs, au centenier de Capernaüm, à la syrophénicienne, comme à Jaïrus, le chef de la synagogue ; il supporte les intolérants Samaritains, et les protège contre l’intolérance de ses disciples ; il ne craint pas de s’entretenir publiquement avec une femme de cette nation détestée des Juifs ; peu soucieux de l’opinion publique, et la bravant, il s’établit en Galilée, et choisit ses amis et ses disciples parmi les humbles et méprisés Galiléens, protestant ainsi de diverses manières contre les préjugés de l’orgueil humain, de l’orgueil national, de l’orgueil hiérarchique, et de l’orgueil personnel. Il pardonne aux pécheurs, il est l’ami des pauvres, des péagers, des gens de mauvaise vie ; il habite avec eux, et les reprend avec douceur, les relevant au lieu de les abaisser ; il semble n’avoir de paroles sévères que pour les grands de ce monde et les dignitaires du temple ; Hérode est un renard, les prêtres et tout ce qui est à leur dévotion, une race de vipères. On le voit pleurer avec ceux qui pleurent, avec la veuve de Nain, avec la famille de Lazare ; l’amour est le fond de son caractère ; il embrasse tout, il supporte tout ; il aime tout ce qui a un cœur d’homme, il aime surtout les faibles et les chétifs ; c’est aux pauvres que l’Évangile est annoncé ; il représente l’humanité dans le sens le plus large ; il prêche la fraternité universelle. On ne doit donc pas s’étonner de voir son nom devenir si populaire, de son vivant encore, et servir aux générations de dix-huit siècles, comme un symbole de ce qu’il y a de plus divin dans l’humanité ; là même où l’Église l’a méconnu, le peuple l’a reconnu et revendiqué, souvent mal à propos et dans l’ignorance, mais cette ignorance est la faute de ceux qui ne l’ont pas compris eux-mêmes, lorsqu’ils étaient chargés de l’expliquer. Aux jours de Jésus le peuple attendait le libérateur d’Israël, mais un libérateur terrestre ; et dans tous les temps Jésus a été considéré par les peuples comme le représentant d’un libéralisme politique ; c’est une erreur qu’il faut imputer avant tout à ceux qui ont voulu faire du christianisme un moyen de régner, et qui n’ont pas voulu comprendre que son règne n’est pas de ce monde.
9°. Les ouvrages les plus importants à consulter sont, outre les commentaires : la Vie de Jésus par Hess, écrite surtout en vue de l’édification ; la Vie de Jésus, par Néander, écrite davantage au point de vue scientifique et dogmatique ; divers fragments de Herder dans ses Œuvres mêlées, et la plupart des voyages en Palestine. En français nous n’avons presque rien ; aucune vie de Jésus proprement dite ; quelques travaux spéciaux seulement, et limités dans leur but ; quelques traductions de l’allemand, Sander, Olshausen ; puis, sur l’Oraison dominicale, Bonnet, les Discours du pasteur Bridel, de Lausanne, et les Conférences de J. Martin, de Genève ; la Famille de Béthanie, par Bonnet ; quelques travaux dogmatiques de Malan, Gaussen, Roussel ; sur son Procès, l’ouvrage de M. Dupin ; sur sa Passion, un grand nombre de discours (Saurin, Ad. Monod, H. Monod, Grand-pierre), et de recueils, parmi lesquels nous citerons Francillon, Galland, Dardier, les Homélies du R.P. Innocent, trad. du russe par A. de Stourdza, les Conférences de J. Martin, etc. Nous rappelons aussi pour mémoire l’ouvrage fabuleux du docteur Strauss, et les nombreuses réfutations dont il a été l’objet.
10°. On ne possède aucune donnée authentique sur la figure et la taille du Christ ; les représentations et portraits les plus anciens qu’on en a faits, n’ont aucune valeur historique ; ainsi, la statue d’airain que lui érigea, dit-on, à Panéas (Césarée), l’hémorrhoïsse qu’il avait guérie, monument qui fut détruit par ordre de l’empereur Julien ; ainsi, le portrait que Jésus aurait lui-même envoyé à Abgare, roi d’Edesse ; ainsi, le saint mouchoir qui aurait servi à essuyer sa sueur, et aurait reçu miraculeusement l’empreinte de sa figure (le même qui a dernièrement pâli à Rome, et dont les yeux ont lancé des éclairs d’indignation à propos de la ruine commencée de la papauté) ; ainsi, les portraits que Luc aurait faits de Jésus, de Marie et de plusieurs apôtres ; ainsi encore, la description qu’en a donnée un employé romain, Publius Lentulus, et dont les textes varient considérablement :
« Capillosverô circinos et crispos, barbam habens copiosam et rubram,… bifurcatam, etc. ». Ce que l’on peut dire, c’est que, selon toute probabilité, Jésus n’avait pas de défauts corporels, qu’il n’avait rien non plus de bien saillant dans son extérieur, puisque Marie l’a pu prendre d’abord pour le jardinier, que les disciples d’Emmaüs, et une autre fois les apôtres, au bord du lac de Tibériade, sont restés quelques moments avant de le reconnaître. Sa physionomie devait refléter la grandeur de son âme, et cet amour de l’humanité qui était le fond de son caractère et le mobile de sa mission ; il devait enfin porter l’empreinte de la souffrance. Son regard et sa voix paraissent avoir eu quelque chose de particulièrement puissant. Quelques pères, Clément d’Alexandrie, Origène, ont cru, mais à tort, pouvoir conclure de Ésaïe 53.2, que l’extérieur du Seigneur était méprisable et repoussant, mais ce verset se rapporte plutôt à sa mission et à sa condition qu’à son corps et à sa figure. On peut voir dans Calvin quelques détails de plus sur ce sujet, et la nomenclature des reliques nombreuses qu’on prétend avoir conservées de Jésus, depuis le jour de sa naissance et de sa circoncision jusqu’au jour de son ascension.
Comme essai d’une harmonie des Évangiles, et en réservant ce que nous avons dit sur la difficulté et l’incertitude d’un travail de ce genre, nous présentons ici le tableau synoptique du professeur Edward Robinson, de New-York, en suivant ses divisions et subdivisions, qui diffèrent à quelques égards de celles de la Concordance.
PREMIÈRE PARTIE
Evénements relatifs à la naissance et à la jeunesse du Seigneur
(Comprenant l’espace d’environ treize ans et demi.)
DEUXIÈME PARTIE
Le précurseur. Commencements du ministère public du Seigneur
(Comprenant environ une année)
An 27 de l’ère vulgaire :
Ministère de Jean-Baptiste. – Le désert. Le Jourdain. – Baptême de Jésus. Jourdain. – Scènes de la tentation. Désert de Juda (la Quarantaine ?). – Introduction à l’Évangile de Jean. Divinité, humanité, mission de Jésus. – Témoignage rendu à Jésus par Jean-Baptiste. Béthabara. – Jésus reçoit ses premiers disciples, André, Simon, Philippe. Son entrevue avec Nathanaël. Jourdain. Galilée. – Noces de Cana (Matthieu 3.1 à 4.11 ; Marc 1.1-13 ; Luc 3.1 à 4.13 ; Jean 1.1 à 2.12).
TROISIÈME PARTIE
De la première à la seconde pâque
(Une année)
An 27-28 de l’ère vulgaire :
Jésus chasse les marchands du temple. Jérusalem. – Son entretien avec Nicodème ; ibid. – Il quitte Jérusalem, continue de visiter la Judée, et baptise. Nouveau témoignage que lui rend Jean-Baptiste. Enon. (Jean 2.13 à 3.36).
Après l’emprisonnement de Jean-Baptiste, Jésus quitte la Judée pour se rendre en Galilée ; il traverse la Samarie. Son entretien avec la femme samaritaine. Beaucoup de Samaritains croient en lui, Sychar (Sichem). Il enseigne publiquement en Galilée, et prêche dans les synagogues. Nouveau miracle à Cana de Galilée ; il guérit, sans y aller, le fils d’un seigneur de la cour, malade à Capernaüm. – Jésus à Nazareth ; rejeté des habitants, il se retire à Capernaüm et y poursuit son œuvre. Pèche miraculeuse ; vocation définitive de Pierre, André, Jacques et Jean ; Bords du lac de Génésareth, près de Capernaüm. Le sabbat suivant, il guérit un démoniaque dans la synagogue de Capernaüm. Guérison de la belle-mère de Pierre et de plusieurs autres malades ; ibid. Tournée dans les villes de la Galilée ; guérison d’un lépreux. – Guérison d’un paralytique ; vocation de Matthieu. Capernaüm (Matthieu 4.12-25 ; 14.3-5 ; 8.2-4, 14-17 ; 9.2-9 ; Marc 1.14-45 ; 2.1-14 ; 6.17-20 ; Luc 3.19-20 ; 4.44-44 ; 5.12-28 ; Jean 4).
QUATRIÈME PARTIE
De la seconde à la troisième pâque
(Une année)
An 28-29 de l’ère vulgaire :
Lavoir de Béthesda ; guérison d’un impotent. Discours et défense de Jésus devant le sanhédrin. Jérusalem, (Jean 5).
Ses disciples cueillent des épis un jour de sabbat, pendant le retour en Galilée. Il guérit un homme qui avait la main sèche. Galilée (Capernaüm). Il se retire vers le lac de Tibériade, où il est suivi par la multitude. Après avoir passé la nuit en prières, il choisit les douze, et fait plusieurs miracles. Près de Capernaüm (Matthieu 12.1-21 ; 10.2-4 ; Marc 2.23-28 ; 3.1-19 ; Luc 6.1-19).
Sermon sur la montagne, près de Capernaüm (Matthieu 5.1 à 8.1 ; Luc 6.20-49).
Descendu de la montagne, il guérit le serviteur du centenier (Capernaüm) ; ressuscite le fils de la veuve (Nain) ; répond aux questions des disciples de Jean qui est toujours en prison (Capernaüm) ; en appelle à ses œuvres. Invité à dîner chez un pharisien, il pardonne à la pécheresse qui lui oint les pieds (Capernaüm) (Matthieu 8.5-13 ; 11.2-30 ; Luc 7).
Nouveau voyage en Galilée avec les douze. Il guérit un démoniaque ; les scribes et les pharisiens blasphèment ; il leur répond par la parabole du démoniaque relaps, et les avertit du péché qui ne sera point pardonné. Ils demandent un miracle ; réponse et réflexions du Seigneur. Les vrais disciples de Christ sont ses plus proches parents. À la table d’un pharisien, Jésus dénonce les malheurs qui attendent les scribes et les pharisiens hypocrites. Discours à ses disciples et à la multitude. Massacre des Galiléens ; parabole du figuier stérile. Galilée (Matthieu 12.22-50 ; Marc 3.19-35 ; Luc 8.1-3, 19-21 ; 11.14-54 ; 12 ; 13.1-9).
Paraboles du royaume, sur les bords du lac de Génésareth. Près de Capernaüm (Matthieu 13.1-53 ; Marc 4.1-34 ; Luc 8.4-18).
Jésus s’embarque pour le bord oriental du lac ; incidents ; il apaise la tempête. Démoniaques de Gadara. Côte sud-est de la mer de Galilée. Les Gadaréniens le prient de s’en aller ; il traverse de nouveau le lac. Repas dans la maison de Matthieu ; discours sur le jeûne ; il justifie ses rapports avec les péagers et les pécheurs. Résurrection de la fille de Jaïrus ; guérison de l’hémorroïsse, de deux aveugles, et d’un démoniaque ; Capernaüm. Il retourne à Nazareth, enseigne dans la synagogue, mais est de nouveau rejeté (Matthieu 8.18-34 ; 9.1-10-34 ; 13.54-58 ; Marc 4.35-41 ; 5 ; 2.15-22 ; 6.1-6 ; Luc 8.22-56 ; 5.29-39).
Troisième voyage en Galilée ; Jésus envoie les douze pour prêcher l’Évangile, avec pouvoir de guérir les malades et de chasser les démons. Hérode-Antipas croit que Jésus n’est autre que Jean-Baptiste ressuscité. Retour des douze ; Jésus se retire avec eux au désert de Bethsaïda de Juliade ; une multitude d’hommes accourent de toutes parts ; Jésus guérit leurs malades, et nourrit 5000 hommes avec cinq pains. Capernaüm ; côte nord de la mer de Galilée. Il envoie ses disciples par eau à Capernaüm ; la nuit il les rejoint pendant l’orage en marchant sur les eaux qu’il apaise. Contrée de Génésareth. Discours à la multitude dans la synagogue de Capernaüm ; il se déclare le vrai pain de vie ; plusieurs, scandalisés de ses discours, l’abandonnent ; Pierre confesse que le Christ est le Fils de Dieu (Matthieu 9.35-38 ; 10.1-5-42 ; 11.1 ; 14.1-2, 6-36 ; Marc 6.6-16, 21-56 ; Luc 9.1-17 ; Jean 6.1 à 7.1).
CINQUIÈME PARTIE
Depuis la troisième pâque du ministère de notre Seigneur, jusqu’à son départ de la Galilée pour la célébration de la fête des Tabernacles
(Espace de six mois)
An 29 de l’ère vulgaire. – Les pharisiens accusent les disciples parce qu’ils mangent sans se laver les mains ; Jésus les défend contre le formalisme. Traditions pharisaïques. Capernaüm. – Voyage dans la contrée de Tyr et de Sidon ; guérison de la fille de la syrophénicienne. Retour par la Décapole ; guérison d’un sourd-muet ; nombreuses guérisons sur une montagne aux environs du lac : 4000 hommes nourris miraculeusement. Les pharisiens et les sadducéens demandent un miracle. Près de Magdala. Pendant la traversée, Jésus met ses disciples en garde contre le levain des pharisiens, etc. Côte nord-est de la mer de Galilée. Guérison d’un aveugle à Bethsdida (Matthieu 15 ; 16.1-12 ; Marc 7 ; 8.1-26).
Aux environs de Césarée de Philippes, Pierre, par une révélation du Père, confesse qui était Jésus, et Jésus lui donne un témoignage éclatant de son approbation. Jésus annonce ses souffrances, sa mort et sa résurrection ; Pierre le reprend et Jésus le repousse comme tentateur. – La transfiguration. Entretien de Jésus avec ses trois disciples touchant Élie. Guérison d’un démoniaque que les apôtres n’ont pu guérir. Retour en Galilée. Jésus annonce de nouveau sa mort et sa résurrection. Miracle pour payer le demi-sicle d’impôt ; Capernaüm. Dispute entre les apôtres sur la supériorité ; Jésus les exhorte à l’humilité, au support, et à l’amour fraternel (Matthieu 16.13-28 ; 17 ; 18 ; Marc 8.27-38 ; 9 ; Luc 9.18-50). Départ pour Jérusalem. Il traverse la Samarie. Envoi des soixante-dix disciples. Dix lépreux nettoyés (Luc 9.51-62 ; 10.1-16 ; 17.11-19 ; Jean 7.2-10). – C’est ici que l’harmonie des Évangiles présente le plus de difficultés, et que les interprètes varient le plus dans leurs essais de coordination.
SIXIÈME PARTIE
Depuis la fête des Tabernacles, jusqu’à l’arrivée de notre Seigneur à Béthanie, six jours avant la pâque
(Six mois, moins une semaine)
An 29-30 de l’ère vulgaire :
Jésus monte secrètement à Jérusalem, à la fête des Tabernacles ; il se montre vers le milieu de la fête. Discussion avec les Juifs sur sa mission divine ; il offre à tous ceux qui en ont soif les grâces de son Saint-Esprit. – La femme surprise en adultère. – Il condamne les prétentions des Juifs, et échappe miraculeusement à ceux qui voulaient le lapider (Jean 7.11-53 ; 8). Réponse au docteur qui demande à Jésus ce qu’il faut faire pour avoir la vie éternelle. Définition de l’amour du prochain. Parabole du bon Samaritain. Aux environs de Jérusalem. Jésus chez Marthe et Marie, à Béthanie. Il apprend à ses disciples comment il faut prier avec persévérance (environs de Jérusalem) ; retour des soixante-dix disciples ; le Sauveur guérit un aveugle-né, en un jour de sabbat ; discours et discussions touchant cet événement. Jérusalem. Jésus à Jérusalem pour la fête de la dédicace. Il se retire au-delà du Jourdain, à Béthabara. Résurrection de Lazare. Béthanie. Prophétie de Caïphe ; les principaux des Juifs décrètent la mort de Jésus. Jésus quitte Jérusalem et se retire à Éphraïm (Luc 10.17-42 ; 11.1-13 ; Jean 9 ; 10 ; 11.1-54).
Des multitudes suivent Jésus au-delà du Jourdain ; guérison (un jour de sabbat) d’une femme malade depuis dix-huit ans. Vallée du Jourdain, Pérée. Notre Seigneur s’avance de nouveau vers Jérusalem à petites journées, enseignant et guérissant les malades ; on l’avertit de prendre garde à Hérode. Il dîne un jour de sabbat chez un des principaux d’entre les pharisiens ; il guérit un hydropique ; par plusieurs paraboles il prépare ses disciples à une vie de renoncement et de sacrifices. Paraboles de la brebis perdue, de l’enfant prodigue, de l’économe infidèle, du mauvais riche, et de Lazare. – Exhortations à une vie irréprochable, au pardon et à l’humilité. Il annonce que son règne viendra soudainement et sans éclat, et prédit la ruine de Jérusalem. Paraboles du juge inique, du pharisien et du péager ; préceptes relatifs au divorce ; Jésus reçoit et bénit de petits enfants ; le jeune homme qui avait de grands biens ; parabole des ouvriers. Jésus annonce pour la troisième fois sa mort et sa résurrection. Ambitieuses prétentions des fils de Zébédée. Pérée. – Guérison de deux aveugles aux environs de Jéricho. – Visite à Zachée ; parabole des dix mines ; ibid. Jésus arrive à Béthanie, six jours avant la pâque (Matthieu 19 ; 20 ; Marc 10 ; Luc 13.10-33 ; 14 ; 15 ; 16 ; 17 ; 18 ; 19.1-28 ; Jean 11.55-57 ; 12.1-9-11).
SEPTIÈME PARTIE
Depuis l’entrée publique de Jésus dans Jérusalem jusqu’à sa quatrième pâque
(Cinq jours.)
An 30 de l’ère vulgaire :
Jésus porté sur un ânon fait son entrée triomphale dans Jérusalem. Il pleure sur la ville. Le figuier stérile, il chasse de nouveau les marchands du temple. Béthanie. Jérusalem. Le figuier stérile est séché. Christ, interrogé sur l’origine de son autorité, confond les membres du sanhédrin, et les reprend par la parabole des deux fils. Paraboles des méchants vignerons, et du festin des noces. Question insidieuse des pharisiens et des hérodiens touchant le tribut ; réponse de Jésus. Questions des sadducéens sur la résurrection, et des pharisiens sur le plus grand commandement. Comment Christ est le fils de David ? Jésus exhorte les troupes à se tenir en garde contre les scribes et les pharisiens. Il pleure sur Jérusalem. La pite de la veuve. Il passe la nuit sur la montagne des Oliviers ( ?) (Matthieu 21-23 ; Marc 11 et 12 ; Luc 19.29-48 ; 20 ; 21.1-4 ; Jean 12.12-19).
Quelques Grecs désirent de voir Jésus. Réflexions sur l’incrédulité des Juifs. Jésus, en quittant le temple, annonce sa prochaine destruction et les persécutions qu’auront à souffrir ses disciples. Mont des Oliviers. Signes précurseurs de la destruction de Jérusalem ; Christ est la fin de l’économie juive. Il passe de là, par une transition naturelle, aux grands événements qui précéderont et accompagneront la fin du monde et le jugement dernier. Exhortations à la vigilance. Paraboles des dix vierges, des cinq talents, etc. Ibid. Scènes du jugement dernier. – Les chefs conspirent. Le souper de Béthanie. Trahison de Judas (Matthieu 24 ; 25 ; 26.1-16 ; Marc 13 ; 14.1-11 ; Luc 21.5-36 ; 22.1-6 ; Jean 12.2-8).
HUITIÈME PARTIE
Quatrième pâque. La passion, jusqu’à la fin du sabbat juif
(Deux jours)
Préparation de la pâque. Béthanie. Jérusalem. La pâque. Nouvelle dispute des apôtres quant à leur supériorité. Jésus leur donne l’exemple de l’humilité en leur lavant les pieds. Pendant le repas Jésus désigne le traître, et Judas se retire. Jésus annonce la dispersion des douze et le reniement de Pierre. Jérusalem (Matthieu 26.17-25, 31-35 ; Marc 14.12-21, 27-31 ; Luc 22.7-18, 21-38 ; Jean 13).
À la fin du repas Jésus institue la sainte cène (Matthieu 26.26-2 ; Marc 14.22-2 ; Luc 22.19-20.cf. 1 Corinthiens 11.23-25) Jérusalem.
Jésus exhorte et console ses disciples au sujet de son départ ; il leur promet le Saint-Esprit. Discours de Jésus ; il se représente comme le vrai cep. Ses disciples seront haïs du monde et doivent se préparer à souffrir persécution ; il leur annonce de nouveau les dons du Saint-Esprit, les exhorte à prier, et leur promet sa protection et celle de son père. Prière sacerdotale (Jean 14 à 17). Jérusalem.
L’agonie en Gethsémané ; Jésus trahi et emmené prisonnier. Mont des Oliviers. Jésus devant Caïphe. Jérusalem. Pierre le renie trois fois. Jésus devant Caïphe et le sanhédrin ; il déclare qu’il est le Christ ; il est fouetté et moqué. Le sanhédrin le renvoie à Pilate, Pilate à Hérode. Pilate cherche à délivrer Jésus ; les Juifs demandent Barabbas. Jésus, condamné à mort, est frappé de verges et insulté.
Après de nouvelles tentatives pour le délivrer, Pilate livre enfin Jésus aux bourreaux. Repentir de Judas, son suicide (Matthieu 26.26-75 ; 27.1-30 ; Marc 14.26-72 ; 15.1-19 ; Luc 22.39-71 ; 23.1-28 ; Jean 18.1 à 19.16 ; Actes 1.18-19).
Jésus est conduit au lieu du supplice. Simon de Cyrène. Crucifixion. Les sept paroles. Ténèbres. Jésus expire, le voile du temple est déchiré ; le centenier reconnaît Christ pour le Fils de Dieu. Les femmes au pied de la croix. La descente de la croix. Sépulture. Gardiens du sépulcre. Jérusalem (Matthieu 27.31-66 ; Marc 15.20-47 ; Luc 23.26-36 ; Jean 19.16-42).
NEUVIÈME PARTIE
Depuis la résurrection jusqu’à l’ascension
(Quarante jours)
Le matin de la résurrection. La visite des femmes au sépulcre ; Marie Magdeleine retourne à Jérusalem. Les anges au sépulcre. Jésus se montre aux femmes sur le chemin de Jérusalem. Pierre et Jean courent au sépulcre. Le Seigneur et Marie Magdeleine. Rapport des gardes. Jésus apparaît à Pierre, puis aux deux disciples, sur le chemin d’Emmaüs. À Jérusalem il apparaît au milieu des apôtres, Thomas n’étant pas avec eux. Huit jours après il se montre à eux, Thomas étant au milieu d’eux. Jérusalem. – Les apôtres retournent en Galilée ; Jésus se montre à sept d’entre eux sur les bords du lac de Tibériade : il se fait voir aux apôtres et à cinq cents frères sur une montagne de la Galilée. – Il se montre à Jacques, puis à tous les apôtres. Jérusalem. – Son ascension ; Béthanie. – Conclusion de l’Évangile de Jean (Matthieu 28 ; Marc 16 ; Luc 24 ; Jean 20 et 21 ; Actes 1.1-12 ; 1 Corinthiens 15.5-7).
– Les paraboles de Jésus, qui renferment toutes ou le germe de sa doctrine, ou le germe de sa morale, ont fixé dans tous les temps l’attention des commentateurs. Elles ont été dernièrement expliquées ou méditées par un grand nombre de théologiens ou de prédicateurs français, spécialement au point de vue de leurs indications sur la nature de l’Église chrétienne (A. Bôst, Recherches ; A. Saintes, le Royaume des cieux sur la terre, etc.) ; et dans un point de vue plus général, E. Buisson, les Paraboles.
– On trouve bien peu de chose dans les commentaires sur les circonstances qui ont accompagné la mort de Jésus. L’Écriture nous dit qu’il y eut des ténèbres sur tout le pays (la Judée, ou la Palestine), depuis la sixième heure jusqu’à la neuvième (de midi jusqu’à 3 heures), ainsi pendant toute la durée de la crucifixion, – et qu’à la mort du Sauveur le voile du temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu’au bas, et la terre trembla, et les rochers se fendirent, et les sépulcres s’ouvrirent, et plusieurs corps des saints qui étaient morts ressuscitèrent, et étant sortis de leurs sépulcres, après sa résurrection, ils entrèrent dans la sainte cité, et ils apparurent à plusieurs personnes (Matthieu 27.45-51ss). – On a voulu expliquer par une éclipse de soleil les ténèbres qui accompagnèrent la crucifixion, et cela a pu paraître d’autant plus naturel que Luc ajoute (23.45) : « Le soleil s’obscurcit ». Mais une considération péremptoire s’y oppose, c’est que le mois de nisan commençait avec la nouvelle lune, et que la pâque avait lieu le 15 nisan, par conséquent pendant la pleine lune. Tous les commentateurs sont d’accord à repousser une explication naturelle tirée de cet ordre d’idées ; mais il ne le sont plus quant à ce qui doit lui être substitué. Une cause physique quelconque (on ne saurait la déterminer davantage) a pu produire ce phénomène, et quand on se rappelle non seulement l’éternelle prescience de Dieu qui exclut toute idée de hasard, mais encore l’importance immense, unique, de la mort du Sauveur pour celui qui dispose à son gré de toutes les forces de la nature, on ne peut méconnaître que celui qui a salué la naissance de Jésus par un concert des anges dans les cieux, a dû aussi consacrer le moment de sa mort par un bouleversement dans les lois naturelles. D’ailleurs, ce n’est point le soleil seulement qui s’obscurcit ; la terre s’émeut, et l’économie du mont Sinaï est déchirée dans ce voile mystérieux qui fermait l’entrée du lieu très saint ; le sépulcre et la mort se reconnaissent vaincus, et les pierres même crient ; les rochers parlent, là où un impie clergé avait réussi à imposer le silence aux lâches et charnels enfants d’Abraham.
« Tous les miraculeux phénomènes ici rapportés, dit Gerlach (trad. Bonnet et Baup), sont symboliques et renferment de profondes leçons. Dieu voulait montrer d’abord qu’il retirait de dessus ce peuple sa lumière, sa présence protectrice et consolante, et que toutes les puissances des ténèbres réunissaient leurs efforts contre le Sauveur du monde, comme il venait de le déclarer lui-même (Luc 22.33). Dieu voulut aussi, lors de cet événement, le plus extraordinaire de l’histoire de l’humanité, montrer, par un miracle qui glorifiât Jésus-Christ, l’unité qui existe entre le monde invisible et le règne de la nature : le soleil de justice s’éteint dans les douleurs du Calvaire, et le soleil de la nature se voile de ténèbres. – Chacun de ces prodiges, outre le but général de réveiller l’attention et la crainte d’un peuple stupide et endurci, renferme un enseignement particulier. Le voile du temple (cf. Exode 30.10 ; Lévitique 16.2ss), indiquait que la demeure du Dieu vivant et saint était inaccessible à l’homme pécheur, et même au peuple de l’alliance, jusqu’à l’accomplissement des temps. Ce voile, déchiré au moment où se consommait sur la croix le vrai sacrifice d’expiation pour le péché, proclamait d’une manière frappante aux yeux de tout le peuple assemblé dans le temple pour l’ablution du soir (trois heures), que désormais l’accès du trône de la grâce (figuré par l’arche de l’alliance dans le lieu très saint) était ouvert, et que l’homme pécheur, banni du ciel, pouvait tourner ses regards et ses espérances vers les demeures éternelles de la maison du Père (cf. Hébreux 10.20).
La terre, théâtre du péché, tremble sous le jugement de Dieu qui lui annonce à la fois sa destruction et sa rénovation future. – Les rochers, moins insensibles que l’homme aux souffrances du Fils de Dieu et aux coups de la justice divine se fendent et accomplissent littéralement cette parole de Jésus à l’égard de ses disciples maintenant dispersés : « Si ceux-ci se taisent, les pierres mêmes crieront » (Luc 19.40). – Par la rupture de ces rochers, plusieurs sépulcres qui y étaient taillés, selon l’usage d’alors, s’ouvrirent ; les corps de quelques élus de Dieu, endormis dans la foi au grand sacrifice qui venait de s’accomplir, pénétrés de la vie nouvelle dont le Sauveur ouvrait les sources et qui se communiquait à leur âme, se ranimèrent, et, après que la résurrection de Jésus-Christ eut remporté la dernière victoire sur le péché et sur la mort, ils sortirent de leurs tombeaux ; prémices de la résurrection du dernier jour, ils entrèrent dans « la cité sainte », expression choisie à dessein pour figurer la Jérusalem céleste, où entreront tous les rachetés de Christ tirés un jour de leurs sépulcres ; et enfin ils apparurent à plusieurs fidèles, pour leur faire connaître ce merveilleux événement et sa signification prophétique. »
En général, on n’a pas assez remarqué combien toutes les circonstances importantes de l’humanité sont intimement mises en rapport avec des faits correspondants dans l’ordre physique et naturel, combien l’esprit et la matière semblent unis par une même vie. Quelquefois on a exagéré ce point de vue ; le plus souvent on l’a méconnu. Il y a peut-être plus d’esprit que de vérité dans ce parallèle qu’Olshausen établit entre l’histoire de la chute et celle de la Passion : « L’arbre de la science a amené la chute de l’homme, Y arbre de la croix son relèvement ; c’est dans le jardin d’Eden que le premier a succombé en mangeant du fruit défendu, c’est dans le jardin de Gethsémané que le dernier Adam a triomphé, dans le jardin encore qu’il a goûté au sépulcre le repos du sabbat ; le premier homme a trouvé la mort dans le fruit d’Eden, c’est dans le fruit du vrai cep (symbole de la communion) que les croyants goûtent la vie éternelle. Le péché a fait croître les épines qui ont formé la couronne du Fils de Dieu, martyr, vainqueur et roi ». Mais, quoi qu’il en soit de ces détails, l’Écriture nous appelle à considérer la terre comme le corps de l’humanité ; elles sont unies comme le corps et l’âme ; l’une n’est que matière, l’autre est esprit ; mais l’esprit réagit sur la matière. Il semble que ce soit une loi de la nature créée. À l’homme parfait une terre parfaite ; au racheté qui soupire en attendant l’adoption, une création qui soupire et qui est en travail (Romains 8.21-22) ; à l’homme nouveau une nouvelle terre. L’alliance de Dieu avec Israël, sur le Sinaï, est scellée par l’ébranlement des puissances de l’air. La naissance du Sauveur est célébrée dans les cieux.
À sa mort, la lumière pénètre jusque dans le lieu invisible. Des tremblements de terre annonceront les derniers temps ; la résurrection des deux témoins (Apocalypse 11), sera accompagnée de signes semblables, et la Révélation nous montre à plusieurs reprises le soleil noir comme un sac de poil et la lune comme du sang, jusqu’au jour où la terre, elle-même renouvelée par un baptême de feu, rentrera en grâce et sera rendue à l’homme pour qui elle avait été créée.
On a cherché, naturellement, à expliquer d’une manière purement symbolique, mythique, les bouleversements qui ont accompagné la mort du Sauveur. Mais les historiens sacrés, parlant à leurs contemporains de faits récents, ne pouvaient guère espérer de les tromper sur des détails de cette importance ; et quant à l’opinion qui veut que ces faits se soient passés dans l’ordre moral, dans le cœur des disciples, ou dans la conscience agitée de Pilate et des prêtres, elle est combattue par cette circonstance, que le centenier païen et ses soldats, qui gardaient Jésus, furent fort effrayés et tellement frappés de ce tremblement de terre, qu’ils s’écrièrent : « Véritablement cet homme était le Fils de Dieu ».