Pâte aigrie en usage dans toutes les maisons, et déjà bien connue dans l’antiquité, qui en comptait de diverses espèces ; il sert à faire lever et fermenter la pâte en même temps qu’il lui donne plus de goût, et même, suivant quelques auteurs, une saveur irritante et sensuelle. Les Hébreux le préparaient comme on le fait ordinairement chez nous, en laissant reposer la pâte deux ou trois jours, jusqu’à ce qu’elle s’aigrît ; d’autres fois, et pour obtenir plus vite du levain, ils pétrissaient la farine avec de la lie ou du moût de vin. S’ils étaient extrêmement pressés, ils faisaient leurs pains sans levain (Genèse 19.3 ; Juges 6.19), comme le font encore de nos jours les Arabes bédouins. L’emploi du levain était expressément interdit aux Hébreux pendant les sept jours de la Pâque (Exode 12.8-15, 20 ; 13.3-6), et ils ne pouvaient pas même offrir à Dieu des gâteaux levés ou miellés (Lévitique 2.11 ; Amos 4.5) ; il leur était même défendu d’avoir du levain dans leurs maisons, et le soir du 14 nisan tous les Juifs veillaient soigneusement à ce que tout levain et toute chose levée fût emportée et brûlée, sans qu’ils pussent même s’en servir pour leurs fourneaux, et en tirer ainsi quelque profit. D’après les rabbins, la même défense s’appliquait encore aux animaux. La Pâque passée, ils pouvaient recommencer à faire du levain, et les prêtres avaient droit aux prémices de tout ce qui se pétrissait (Nombres 15.20). Il est évident que dans la symbolique juive cette substance, qui n’était qu’une corruption de la pâte primitive, et une corruption corruptrice, était considérée comme l’emblème du péché, qui peut être peu de chose en apparence, mais qui envahit, qui se propage, qui entraîne les masses dans la corruption et dans la perdition. Les pains du cinquantième jour, ou de Pentecôte, qui devaient représenter la nourriture ordinaire de l’homme (et spirituellement le péché), étaient en conséquence pétris avec du levain (Lévitique 23.17), de même que les gâteaux d’actions de grâces qui accompagnaient les tourteaux sans levain, et qui devaient leur servir comme d’assiettes (Lévitique 7.12-13), c’est-à-dire être à leur égard dans une position d’infériorité et de moins grande pureté.
Dans 1 Corinthiens 5.6, Paul s’adresse à une communauté chrétienne qui paraissait s’enorgueillir de ce que tout n’était pas corrompu dans son sein, et supposer que la pureté pourrait se maintenir à côté de l’incestueux. Vous n’avez pas sujet de vous glorifier, leur dit-il, ne savez-vous pas qu’un peu de levain fait lever toute la pâte ? Puis il les exhorte (v. 7 et 8) à faire disparaître, comme les Juifs aux approches de la Pâque, le vieux levain, soit qu’on doive entendre par là les méchants et les impies qui se trouvaient au milieu d’eux, soit que cette expression se rapporte aux mauvais désirs et aux inclinations corrompues qui n’occupent souvent que trop de place dans le cœur même de l’homme régénéré. L’une et l’autre de ces explications se justifient par le contexte et par l’analogie de la foi. L’apôtre appelle levain la méchanceté et la malice, et il appelle la sincérité et la vérité des pains sans levain.
Dans Matthieu 16.6, Jésus engage ses disciples à se garder du levain des pharisiens et des sadducéens ; dans Marc 8.15, c’est du levain d’Hérode, c’est-à-dire de cette incrédulité commune au parti prétendu religieux et rationaliste des sadducéens, et au parti religieux politique des hérodiens ; le levain des pharisiens était la propre justice, ou, comme le dit Luc, l’hypocrisie, la vertu extérieure (12.1). Le mauvais levain, c’est la mauvaise doctrine, Matthieu 16.12, une prétendue morale, une prétendue raison.
C’est à tort que l’exégèse ordinaire du passage de Matthieu 13.33 et Luc 13.21, prend le mot levain en bonne part, comme désignant l’Évangile, tandis que le mot pâte signifierait le monde. Le mot pâte est toujours pris en bonne part, et dans ce passage il désigne l’Église ; le mot levain qui est toujours pris en mauvaise part, se rapporte au monde ; on peut s’étonner qu’une exégèse aussi absurde ait pu prévaloir si longtemps. Notre Seigneur raconte dans les sept paraboles de Matthieu 13, les destinées de l’Église, et il veut la mettre en garde contre l’erreur et l’infidélité en apparence les moins graves et les moins dangereuses ; un peu de levain fait lever toute la pâte (cf. 1 Corinthiens 5.6).