1°. Le mari de Saphira (Actes 5.1). Il prit place au nombre des chrétiens de la primitive église de Jérusalem, et séduit par tout ce qu’il y avait d’honorable et de touchant dans le dévouement et l’abnégation des autres disciples, il voulut les contrefaire sans avoir le courage de les imiter, vendit une possession, retint une partie du prix d’accord avec sa femme, et en apporta le reste aux pieds des apôtres, mentant par son silence, comme s’il eût apporté la valeur entière de sa propriété. Son mensonge, qui ne s’adressait pas à l’homme, mais à Dieu, fut puni de Dieu lui-même, et l’hypocrite tomba mort aux pieds des apôtres. On connaît le beau tableau que ce sujet a inspiré à M. Paul Delaroche.
Il semble que ce ne fût qu’un mensonge : c’était un sacrilège. Ananias voulait-il s’enrichir aux dépens des frères en versant une partie de ses biens dans la bourse commune pour obtenir par là le droit d’être entretenu, lui et sa femme, aux frais de l’Église ? Regardait-il les biens de la communauté comme une espèce de caisse d’assurances qui lui rapporterait un intérêt viager supérieur aux intérêts de la somme par lui déposée ? Voulait-il peut-être seulement acquérir des droits à la considération des frères, en faisant un acte brillant de charité chrétienne ? Il est probable qu’il y eut un mélange de tout cela dans son cœur livré à Satan (v. 3) ; l’intérêt et la vanité furent la source de l’hypocrisie et du mensonge.
Le châtiment de ces deux coupables peut paraître sévère, si on ne le considère qu’en lui-même, et surtout encore si on le compare avec le crime de Simon le magicien (ch. 8), ou d’EIymas (ch. 13), et la conduite des apôtres à leur égard. Quelques réflexions montreront qu’Ananias et Saphira furent punis justement, et que leur mort était nécessaire à la gloire de Dieu.
(a) Moins coupables en apparence que Simon le magicien et qu’Elymas, ils l’étaient plus à cause des grâces qu’ils avaient reçues et de la lumière dont ils jouissaient. Elymas était décidément un impie, ignorant peut-être jusqu’à l’histoire même de l’Évangile ; et quant à Simon, qui paraît avoir eu plus d’instruction positive, et dont il est dit même qu’il crut, qu’il fut baptisé, et qu’il était comme ravi hors de lui-même, il paraît qu’il se laissa séduire par la grandeur de ces miracles qu’il ne pouvait imiter ; mais il n’eut aucune idée de ce qu’était la vie chrétienne, la lumière de la Parole ne pénétra pas dans son cœur, il ne comprit pas l’Évangile : c’est là tout son crime, tout son malheur, et il agit comme un homme qui n’avait ni part ni héritage dans cette affaire (8.21) ; il ne chercha pas à tromper les apôtres, il se trompa lui-même, tandis qu’Ananias, témoin peut-être des merveilles de la Pentecôte, et dans tous les cas, témoin des merveilles de l’amour fraternel, paraît avoir joui lui-même un certain temps de la lumière divine : il a trompé les autres sans s’être trompé lui-même.
(b) Le mensonge d’Ananias ne fut pas un simple mensonge, ce fut une tromperie dans les choses religieuses ; il voulut servir Dieu et Mammon, jouir de la considération des chrétiens et des délices du péché, se faire des amis avec ses richesses iniques en conservant ces richesses dont il affectait de faire l’entier sacrifice ; il feignit la piété, et si tout mensonge est un crime, celui qui ment au Saint-Esprit commet le plus grand des crimes ; les tartufes débordent la mesure, ce sont des monstres qui étalent sur le devant de leur boutique les choses de Dieu pour gagner et pour s’enrichir ; les vendeurs et les changeurs furent chassés du temple par Jésus parce qu’ils se logeaient dans la maison de Dieu pour faire leur commerce ; mais il n’est point de fouet à cordelettes assez fort pour réprimer ceux qui vendent les choses saintes elles-mêmes, et l’encensoir et la manne. Le Saint-Esprit voyait d’avance tous ceux qui viendraient couverts du masque de la religion pour voiler les noirceurs de leur cœur et de leur conduite, et il a voulu les effrayer par le sort de ce premier trompeur.
(c) Si la ruse d’Ananias eût réussi, et qu’elle eût été découverte plus tard, ce fait seul eût suffi pour saper, et avec raison, toute l’autorité des apôtres : un infidèle se glissant dans l’Église primitive, et se faisant honorer par ses crimes, sans que les apôtres découvrissent la supercherie, eût fait douter que l’esprit d’en haut habitât en eux véritablement.
(d) Enfin, remarquons que si le précepte de Paul (Éphésiens 4.25) : « Parlez en vérité chacun avec son prochain, car nous sommes les membres les uns des autres », devait jamais avoir une actualité vivante et forte, c’était bien à cette époque de réveil, où la multitude de ceux qui croyaient n’étaient qu’un cœur et qu’une âme (Actes 4.32), où tous par conséquent étaient les membres les uns des autres ; une même sève de vérité jeune et vigoureuse, devait circuler de l’un à l’autre sans être altérée, et l’on pouvait regarder comme mort et corrompu tout membre qui ne transmettait pas à ceux qui entouraient la droiture et la pureté : l’Église devait le retrancher comme tel, et le Saint-Esprit a dû retrancher Ananias, parce que celui-ci, par le fait seul de son mensonge, montrait qu’il n’appartenait pas au corps des fidèles dont Christ est le chef.
(e) La mort subite d’Ananias et de Saphira devait servir d’exemple, comme leur péché avait été une provocation ; le châtiment devait contrebalancer les effets de la chute. Ces deux coupables furent punis en quelque sorte pour le public, plutôt que pour eux-mêmes ; et nous ne pouvons pas savoir s’ils ont trouvé grâce devant le Seigneur, ou s’ils sont morts sous la condamnation divine. Si leur foi était réelle, ce n’est pas parce qu’ils sont morts en état de chute qu’ils auront été condamnés ; si leur foi était fausse, leur condamnation a été prononcée dans le ciel, non à cause de leur tromperie, mais à cause de leur manque de foi. La chute n’a été punie que d’une mort soudaine et prématurée.
2°. Disciple de Jésus-Christ (Actes 9.10-18). Peut-être l’un des soixante et dix évangélistes. Il prêchait l’Évangile à Damas, lorsqu’une nuit il fut appelé par une vision à se rendre auprès du fameux Saul de Tarse, trop célèbre alors par les persécutions qu’il exerçait contre les chrétiens. Ananias résista d’abord ; il savait quels projets amenaient à Damas le disciple de Gamaliel, et les indications de l’ange étaient trop précises pour qu’il pût douter que celui qu’il devait visiter ne fût le même que l’ennemi furieux de l’Église primitive. Mais le Seigneur le rassure et lui annonce les brillantes destinées de Saul. Ananias part donc humble et confiant ; il trouve Saul, évite de lui rappeler son égarement, lui donne le titre de frère, et a l’honneur de consacrer le premier, par l’imposition des mains, Paul l’apôtre des gentils et le grand missionnaire. Longtemps après, Paul, parlant de cette entrevue solennelle, montre qu’il en avait conservé un souvenir bien vivant, et il appelle Ananias un homme qui craignait Dieu selon la loi, et qui avait un bon témoignage de tous les Juifs qui demeuraient là (Actes 22.12).
3°. Ananias (Actes 23.2 ; 24.1). Souverain sacrificateur, d’un caractère altier, susceptible et remuant, était, d’après Josèphe, fils de Nébédée. Il succéda, vers l’an 48 de Jésus-Christ, à Joseph fils de Kamyde, dans les fonctions pontificales. Quadrants, gouverneur de Syrie, ayant réussi à étouffer les troubles excités en Judée par les Juifs et les Samaritains, envoya cet Ananias à Rome, pour y rendre compte de la conduite qu’il avait tenue aux milieu de ces désordres. Il parvint à se justifier entièrement, et l’empereur Claude le renvoya dans son pays. Quelques années après le retour d’Ananias, Paul eut à comparaître devant le Sanhédrin qu’il présidait, et comme l’apôtre, plein d’assurance et de modération, commençait à parler pour justifier le tumulte de la veille 22.22-23 ; 23.1), Ananias le fit frapper au visage, sans qu’on puisse expliquer cette violence autrement que par l’irritation que lui causa le titre d’hommes frères, dont Paul se servit en s’adressant aux membres du conseil. Alors Paul, soit qu’il refusât de reconnaître Ananias en qualité de sacrificateur, soit qu’il ignorât effectivement qu’il fût le souverain sacrificateur en charge, lui reprocha son hypocrisie, et lui dénonça les châtiments de Dieu. On peut croire que les quarante assassins qui complotèrent pour faire périr l’apôtre, furent poussés à ce projet par Ananias et quelques autres de ses collègues, vieille manière, mais bien commode, de répondre aux arguments de ses adversaires. On sait, du reste, que ce crime ne put s’accomplir, parce que l’apôtre fut transféré à Césarée. Ananias l’y poursuivit encore, accompagné d’un certain rhéteur ou avocat nommé Tertulle, et ne discontinua ses accusations que lorsque Paul en eut appelé à l’empereur. Il est probable qu’il s’agit encore d’Ananias (25.2), quoiqu’il ne soit pas nommé, dans la comparution de Paul devant Festus.