Ou plutôt Antichrist (opposé à Christ, ennemi de Christ, et aussi, vicaire, substitut de Christ, 1 Jean 2.18 ; 4.3). On désigne généralement sous ce nom un monstre de puissance et de méchanceté qui doit s’élever dans les derniers temps pour terminer la période des gentils, et hâter par sa chute la restauration d’Israël et le second avènement du Seigneur. L’esprit de secte a souvent dénaturé les caractères par lesquels l’Écriture désigne ce personnage, et l’on y a vu, tour à tour et successivement, Mahomet et le pape, Luther et Napoléon, le papisme et l’esprit révolutionnaire des temps modernes. On l’a considéré dans le passé et non dans l’avenir, et on l’a assez généralement fait surgir de la partie occidentale de l’ancien empire romain. On peut consulter, sur ces divers points de vue, trois ouvrages à la portée de tout le monde, et qui se recommandent d’autant plus que leurs points de vue ne sont pas les mêmes : Vivien sur l’Apocalypse, Gaussen sur Daniel, et B. W. Newton, Pensées sur l’Apocalypse. Aucun de ces points de vue ne saurait être accepté d’une manière absolue ; chacun a trop confondu l’Antichrist avec les antichrists (cf. 1 Jean 2.18), les types avec l’antitype. Comme Christ a été le résumé divin de tout ce qui avait été avant lui, de tout ce qui après lui devait être né de Dieu, l’Antichrist sera le résumé diabolique et infernal, l’incarnation, la personnification de ce qui, dans tous les temps, aura représenté le principe antichrétien, le principe du mal opposé au principe du bien. Caïn, dans sa lutte contre Abel, Pharaon opprimant Israël, Amalek, Madian, Saül luttant contre David, Nebucadnetsar, et surtout Antiochus Epiphanes (cf. Daniel 11), ont été de vrais antichrists, de vrais types de l’Antichrist ; depuis les jours apostoliques, Judas Iscariot, Néron et Domitien, Julien l’Apostat, Mahomet, le papisme, l’incrédulité voltairienne, ont été de même, hommes ou systèmes, de vrais antichrists, et le nombre en est considérable, mais seulement des types de l’Antichrist qui doit venir à la fin des temps et que les prophètes annoncent, tant dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament, comme une personnalité puissante et devant appartenir à l’ancien empire romain. Toute espèce d’opposition à Christ est un anti-christianisme ; tout individu qui repousse ou nie Christ, est un antichrist ; et ce nom lui appartient, sinon à plus juste titre, du moins avec plus d’apparence, à mesure que son influence est plus considérable. Mais ce ne sont là que des hommes ou des systèmes animés de l’esprit de Satan ; l’Antichrist en sera possédé ; la plénitude de Satan habitera en lui, comme la plénitude de la divinité a demeuré en Christ. Entre ces deux termes il y a parallélisme et corrélation. L’arrivée de l’Antichrist sera le signal du dernier engagement, de la lutte définitive entre les deux principes qui se sont toujours partagé le monde. Satan viendra lutter en personne contre le peuple de Dieu, qui sera persécuté pendant quarante-deux mois, trop faible pour résister, mais qui triomphera lorsque Christ en personne apparaîtra pour combattre son adversaire. C’est cette dernière lutte qui fait presque tout le fond des prophéties de l’Apocalypse, et Heng-stenberg a eu raison de dire, dans une série d’articles sur ce sujet, que la Bête était la clef de la Révélation. (Kirchen-zeitung, janvier 1847.)
Les chapitres qui jettent le plus grand jour sur l’histoire de l’Antichrist, sont Ésaïe 13, 14, 30 ; Daniel 2, 7, 8, 14 ; 2 Thessaloniciens 2 ; 1 Jean 2 ; Apocalypse 11, 13, 17. Il est appelé roi de Babylone, roi d’Assur, Lucifer (étoile du matin), la corne qui a des yeux (symbole de force et d’intelligence), le roi pour lequel Tophet est préparée, l’homme de péché, le méchant, l’Antichrist et la Bête ; c’est la onzième corne de la bête. Son caractère est essentiellement impie, mais d’une impiété orgueilleuse et surnaturelle. Il dira dans son cœur : Je suis semblable au Souverain. Il résistera contre le Seigneur des seigneurs ; il s’élèvera par-dessus tout Dieu, contre tout ce qui est nommé Dieu, voulant se faire passer pour un Dieu ; il niera le Père et le Fils, et sa bouche sera pleine de blasphème contre Dieu ; la Bête est pleine de noms de blasphèmes. On peut voir également dans ces passages tout ce qui est dit de sa merveilleuse puissance, appuyée de miracles, et accompagnée d’un enthousiasme si général que les dix rois abdiqueront entre ses mains, et que tous ceux dont les noms ne sont pas inscrits au livre de vie, l’adoreront : caractère que l’on ne peut encore attribuer à aucune des puissances que l’on a voulu jusqu’à ce jour identifier avec l’Antichrist.
Le lieu de son origine et de son séjour, et le centre de son activité ne sont que très vaguement déterminés : il sera assis en la montagne d’assignation aux extrémités de l’aquilon, entre les nues, sur la noble montagne de la sainteté ; il s’assiéra dans le temple de Dieu, et fera cesser le sacrifice continuel ; la bête sort de la mer (Méditerranée). La plupart de ces données, et spécialement celles qui concernent l’activité de l’Antichrist, semblent se rapporter assez clairement à Jérusalem, et c’est à Jérusalem aussi que prophétiseront les deux témoins que l’Antichrist fera mettre à mort. Un caractère, plus important qu’il ne paraît d’abord, c’est que la seule fois où la Bête apparaît avec un corps (partout ailleurs on ne voit que son horrible coiffure), elle a un corps de léopard (symbole de l’empire macédonien), des pieds d’ours (l’empire mède), et une gueule de lion (l’empire babylonien ; Apocalypse 13.2), comme si le prophète voulait nous rappeler les visions de Daniel, et constater que l’empire de cette Bête s’étendra sur tout ce qui est compris sous le nom général des quatre monarchies. Ajoutons que si l’Occident a depuis quelques siècles joué un rôle immense, bien plus important que l’Orient, l’Orient semble de nos jours se réveiller et vouloir rentrer dans la carrière de gloire, de civilisation, de puissance d’où son long assoupissement (le lion au cœur d’homme) l’a si longtemps exclu.
Sans entrer dans les détails du commentaire, nous résumerons en deux mots ce qui nous paraît être la vérité sur cette redoutable apparition. L’Antichrist sera l’incarnation de l’enfer ; il naîtra sur les rives de la Méditerranée, cette grande mer des prophéties ; il appartiendra peut-être, par son origine, à deux ou à plusieurs des quatre monarchies, plus spécialement à la monarchie macédonienne ; il grandira dans une glorieuse infériorité jusqu’à ce qu’il dépossède celui qu’il aura servi ; il s’emparera d’un ou de plusieurs trônes, et par ses qualités brillantes et chevaleresques, par ses dons miraculeux, il attirera à lui tous ceux qui ne seront pas de Christ (il séduirait même les élus s’il était possible) ; il régnera en Orient, et fera de Jérusalem le centre de ses opérations ; il y persécutera les Juifs pieux (la femme), qui s’enfuiront dans le désert ; il enverra après eux une armée (le fleuve), qui sera détruite ou engloutie ; il fera mettre à mort les deux témoins, et c’est à ce moment, à l’apogée de sa puissance, que par l’intervention directe de Christ son règne prendra fin. La pierre sera coupée sans main, le Seigneur fera mourir le méchant par le souffle de ses lèvres, par l’Esprit de sa bouche ; la bête sera prise et jetée toute vive dans l’étang ardent de feu et de soufre (Ésaïe 11.4 ; Daniel 8.25 ; 2 Thessaloniciens 2.8 ; Apocalypse 19.15-20). La plaine de Jizreël, sera probablement le champ de cette dernière bataille.