La malpropreté du corps est plus commune et plus dangereuse dans les pays chauds de l’Orient, que dans nos climats froids ou tempérés, plus ordinaire parce qu’elle résulte de la transpiration, plus dangereuse parce qu’elle engendre facilement ces maladies de la peau dont la lèpre est le dernier terme. De là ces nombreux usages et observances des Orientaux, ces préceptes de leurs lois, cette sanction que leurs religions donnent aux habitudes de propreté pour leur imprimer un caractère d’impérieuse nécessité. Comme tous les peuples de l’Orient, comme les Égyptiens en particulier, les Israélites ont eu des lois de propreté qui étaient tout ensemble pour eux, des lois sanitaires et des lois morales ; Mahomet les leur a presque toutes empruntées. Les ablutions et le bain étaient naturellement au premier rang de ces mesures ; on se baignait notamment lorsqu’on se disposait à visiter un supérieur (Ruth 3.3). On fut particulièrement exact à observer toutes ces formalités dans la période qui suivit l’exil, et les pharisiens s’étaient fait, à cet égard, une réputation de minutie qui touchait au ridicule pour les petites choses, et qui était bien loin d’être méritée pour les plus importantes (Matthieu 15.2 ; Marc 7.3 ; Luc 11.38).
La propreté du corps étant le symbole, bien souvent méconnu, de la pureté intérieure, il en résultait pour le culte, d’abord que personne ne pouvait se présenter dans le temple ou dans une synagogue, ni remplir un acte de culte quelconque, prière ou sacrifice, sans s’être auparavant lavé, ou même baigné, suivant l’importance de ce qu’il allait faire (1 Samuel 16.5 ; cf. Josué 3.5 ; 2 Chroniques 30.17 ; Exode 19.10). Il en résultait ensuite que cette pureté extérieure était plus rigoureusement exigée à mesure qu’on avait le droit d’approcher de plus près de l’Éternel, et que les prêtres, à leur entrée en fonction, ou lorsqu’ils étaient sur le point de vaquer à certains offices, devaient se purifier avec soin (Exode 29.4 ; Lévitique 8.6) ; des cuves spéciales, destinées à ces lustrations, étaient placées dans les parvis du temple, voir Prêtres.
Les idées de pureté et de souillure portaient sur les animaux et sur les choses, aussi bien que sur les personnes. Certains animaux étaient déclarés impurs par la loi, et il était défendu d’en manger. Les habits, les maisons, les lits, et quelques ustensiles de ménage, étaient susceptibles de certaines impuretés, et il était défendu de s’en servir aussi longtemps qu’ils n’avaient pas été purifiés ; on appelait encore impures, d’une manière générale, toutes les choses dont les Israélites ne pouvaient user ou s’approcher sans être souillés. Les motifs qui avaient dicté au législateur ces interdictions étaient, la plupart, fondés sur la nature même des choses ; ils étaient à la fois hygiéniques, politiques, symboliques et religieux, et ne tenaient, ni les uns ni les autres, exclusivement de l’un de ces caractères pris à part. Prévenir certaines maladies, isoler le peuple des peuples voisins, lui rappeler la pureté du cœur, et le maintenir dans la dépendance de l’Éternel, tel était le but de la loi de Moïse, et chacune de ses prescriptions sur la pureté légale et sur les purifications, tendait au même résultat. On peut dire que les défenses sur le toucher ou sur le manger étaient toutes fondées, sans aucun caractère arbitraire, sur des impuretés réelles, sur une insalubrité constatée, et sur un dégoût naturel à l’homme pour les objets dont il avait à s’abstenir ; ainsi les cadavres des animaux ou des hommes (Nombres 19.11), les maisons et les vêtements atteints de la lèpre, les lépreux, les hommes et les femmes souillés de diverses infirmités, dont plusieurs étaient une suite du péché (Lévitique 11 à 15 ; Nombres 19), les femmes nouvellement accouchées, etc. À l’exception des animaux dont la chair était impure, mais que l’on pouvait cependant toucher sans en être souillé, le contact avec les personnes ou objets qui viennent d’être énumérés, suffisait pour procurer une souillure plus ou moins longue ; dans plusieurs cas, celui qui était devenu impur communiquait son impureté à ceux qui l’approchaient et à ce qu’il touchait ; dans d’autres, sa souillure demeurait individuelle, et n’était pas contagieuse. On peut voir, aux articles spéciaux, quelques détails sur les principales causes d’impureté légale ; nous rappellerons seulement encore la souillure que la loi imposait, en les obligeant de la contracter, à ceux qui sacrifiaient la vache rousse, et qui en répandaient les cendres (Nombres 19), et à ceux qui devaient conduire au désert le bouc Azazel, et brûler au feu la chair des deux victimes pour le péché, dans le jour des expiations (Lévitique 16.26-28). Cette dernière souillure était la moindre de toutes, et il suffisait de se baigner et de laver ses vêtements pour en être immédiatement purifié.
Dans la plupart des cas, les souillures contractées duraient, les moindres un jour, c’est-à-dire jusqu’au soir, les autres sept jours, ou une semaine ; les habits devaient être lavés aussitôt, et un bain pris au troisième jour rendait au septième la pureté légale à celui qui l’avait perdue. Lorsque les souillures tenant à des causes naturelles, étaient à la fois plus graves et plus longues, des sacrifices de purification devenaient nécessaires. Deux tourtereaux sont mentionnés (Lévitique 15). Une mère, trente-trois jours après la naissance d’un fils, soixante-six après celle d’une fille, devait présenter au sacrificateur un agneau d’un an en holocauste, et un pigeonneau ou une tourterelle (Lévitique 12.6-8) ; si elle était trop pauvre, deux pigeonneaux, l’un pour l’holocauste, l’autre en offrande pour le péché, pouvaient suffire. Quant aux offrandes du lépreux nettoyé (Lévitique 14). Sa purification devait se faire en deux fois : la première il apportait deux passereaux, dont l’un était égorgé au-dessus d’un vaisseau de terre-plein d’eau vive, dont l’autre, trempé dans le sang du passereau mis à mort, avec un bouquet de cèdre, d’hysope, et de laine écarlate, servait à faire aspersion par sept fois sur le lépreux, puis était rendu à la liberté, comme s’il devait emporter la souillure ; le lépreux se lavait alors, rasait tout son poil, était déclaré net, rentrait dans la ville, mais ne pouvait pas encore habiter sa maison. La seconde fois, au septième jour, il se lavait et se rasait de nouveau ; puis au huitième, après avoir offert deux agneaux et une brebis d’un an sans tare, avec de l’huile et trois dixièmes de fine farine, il se présentait devant le sacrificateur, qui le touchait avec du sang en trois endroits et répandait de l’huile sur sa tête, faisant propitiation pour lui devant l’Éternel. Un holocauste était offert, et le lépreux purifié recouvrait toute la pureté légale.
Celui qui était dans un état d’impureté légale était exclu du culte, des repas eucharistiques, et de la libre communication avec les autres Hébreux. Son état ne constituait pas un délit, pourvu qu’il fît ce qui dépendait de lui pour le faire cesser, mais s’il restait volontairement impur, s’il cachait son état, ou s’il en bravait les conséquences, il devenait d’autant plus criminel que la loi, plus facile à violer, exigeait davantage le concours de la conscience pour conserver son action. L’Hébreu, et l’Hébreu fidèle, étant seul pur devant la loi, tout autre étant nécessairement impur, les Israélites étaient isolés au milieu des autres peuples, et considéraient leur pureté comme une décoration extérieure, comme un privilège, comme un titre de gloire, auquel ils s’attachaient d’autant plus qu’il était comme le signe de la faveur divine. C’en était le signe en effet ; le pharisaïsme a voulu en faire la réalité, et la lettre a tué l’esprit.