Apollon, le dieu de la divination, avait reçu des Grecs le nom de Python, en souvenir du fameux serpent qu’il avait tué ; ce nom ou surnom fut appliqué plus tard à ceux en qui l’on croyait reconnaître des dons divinatoires, et qui avaient été nommés d’abord ventriloques parce qu’on estimait qu’un démon renfermé dans leur corps parlait par leur bouche, puis euryclèites du nom d’Euryclès, en qui le premier l’on avait remarqué ce phénomène. Le Nouveau Testament nous parle d’une femme qui avait l’esprit de Python et qui rapportait un grand profit à ses maîtres (Actes 16.16-18). Dans l’Ancien Testament nos versions ont traduit l’hébreu oboth par python, esprit de python, pythonisse, qui ne correspond pas exactement au sens de l’original (Lévitique 19.31 ; 20.6 ; Deutéronome 18.11). Les esprits de python annonçaient les choses futures, les oboth étaient les âmes des morts revenant à la surface de la terre ; on appelait maîtres et maîtresses des oboth ceux qui avaient la puissance de les faire revenir, et il est remarquable que des femmes seules soient mentionnées comme exerçant ce métier.
La loi de Moïse interdisait sous peine de mort de les consulter, mais comme on en trouvait en Égypte (Ésaïe 19.3), on en trouva toujours aussi dans le royaume d’Israël, surtout aux époques où des rois idolâtres occupèrent le trône de David (1 Samuel 28.3ss ; 2 Rois 21.6 ; 2 Chroniques 33.6 ; Ésaïe 8.19 ; 29.4). Saül qui avait chassé ou exterminé toutes les espèces de sorciers, et qui s’était rendu redoutable à ces industriels par la guerre qu’il leur avait faite, passa par une transition naturelle de l’intolérance à la superstition, et se rendit auprès d’une femme célèbre dans l’art de conjurer et d’évoquer les morts. Samuel apparut et prédit à Saül sa mort prochaine et la défaite d’Israël.
C’est une controverse déjà bien ancienne que celle qui a été soulevé par ce récit, et nous ne pouvons pas y entrer. Samuel est-il réellement apparu, ou n’a été qu’une tromperie de la magicienne, une illusion de Saül ? Si Samuel est apparu, cela a été en suite de l’évocation de la femme, par la puissance du démon, ou par la puissance et la volonté de Dieu ? Le démon a-t-il de la puissance sur l’âme des morts, et notamment sur l’âme de ceux qui sont morts au Seigneur ? A-t-il eu cette puissance au moins jusqu’aux jours où notre Seigneur étant descendu au shéol a vaincu l’esprit malin ? Et si Satan a cette puissance, peut-il la mettre au service de créatures humaines, de conjureurs et de conjureuses ? Autant de questions, autant de doutes. Il paraît cependant par le récit biblique que l’ombre de Samuel est réellement apparue, et qu’elle a fait entendre les paroles prophétiques qui renversèrent Saül. Mais quant à la force qui a fait sortir du tombeau l’âme du prophète, nous repoussons d’abord la pensée que ce puisse être une force satanique, puis celle que les conjurations de la femme aient été de nature à produire cet étrange phénomène, et nous pensons que pour punir Saül de son impie curiosité, Dieu a permis, à l’occasion des paroles de la magicienne, que l’esprit du vieux prophète, troublé dans la paix du sépulcre, retrouvât quelque forme et quelques accents pour déclarer encore une fois la déchéance de celui qu’il avait sacré roi quarante ans auparavant.
Tous les peuples de l’antiquité étaient d’accord à attribuer une voix extrêmement faible à ces esprits revenant sur la terre, et cela est naturel ; la voix tient du corps ; on peut citer Ésaïe 8.19 ; 29.4.La ventriloquie venait pour cela merveilleusement en aide aux imposteurs, qui, par un murmure à peine sensible, savaient faire parler les morts qu’ils prétendaient faire apparaître dans l’ombre, et visibles seulement pour une imagination déjà frappée.
Le jugement de M. Haldane sur l’évocation de l’ombre de Samuel, ne diffère de l’opinion que nous avons exprimée que par quelque chose de plus absolu pour la forme et pour le fond. Il n’est point à supposer, dit-il, que cette femme eût le pouvoir d’évoquer Samuel, que Saül désirait de consulter ; et cela ne paraît en aucune manière par la narration. Mais avant que la sorcière eût préparé ses enchantements dans la vue d’adoucir et de flatter Saül, le prophète Samuel, à qui Dieu en avait donné la commission, apparut, ce qui la frappa également de surprise et de terreur, et il dénonça son jugement de mort à Saül. Nous sommes certains que, dans cette circonstance, Samuel fut envoyé par Dieu même, parce que le message dont il était chargé regardait un événement à venir. Il n’appartient qu’à Dieu seul de prévoir ce qui doit arriver (Ésaïe 41.22-23 ; 45.21).