Indépendamment de ces rêveries sans valeur, qui peuvent provenir d’un état maladif, ou d’un accident quelconque, et qui sont le symbole du néant (Job 20.8 ; Ésaïe 29.7 ; Ecclésiaste 5.3 ; Psaumes 73.20), les Hébreux, comme tous les peuples de l’antiquité, et comme les Orientaux en particulier, comptaient des songes significatifs et prophétiques. Ces songes, songes du matin surtout, ne seraient autre chose que le développement d’une faculté que personne ne pense à méconnaître entièrement, celle du pressentiment ; elle se développerait d’une manière plus active, lorsque le corps ayant cessé ses fonctions laisse le système nerveux, et l’âme, plus libres d’agir.
L’Écriture (Job 33.15), et l’observation se réunissent pour lever un coin du voile qui recouvre les mystères du sommeil, et les explications les plus naturelles n’empêcheront pas que les songes ne soient dans certaines circonstances ce qu’ils ont déjà été, des instructions et des avertissements. Les païens, vivant sans Dieu, mais ne pouvant se passer de directions supérieures, avaient multiplié les signes et symboles de l’avenir ; tout servait à des divinations ; les songes ne furent pas négligés, et les auteurs profanes sont remplis d’allusions à ces légères divinités que les dieux envoyaient aux hommes pour les sauver ou pour les perdre ; des hommes spéciaux étaient chargés d’expliquer les songes dans les cas difficiles, et nous voyons cet usage régner déjà chez les Égyptiens (Genèse 40.5-8 ; 41.8-18). Joseph seul comprend des avertissements envoyés de Dieu, et que les habiles du pays se sont déclarés incapables d’expliquer.
Les rois cananéens, les patriarches, les juges, offrent aussi de fréquents exemples de ce mode de révélation (Genèse 20.3 ; 31.10-24 ; 37.5 ; Juges 7.13 ; 1 Samuel 28.6 ; 1 Rois 3.5 ; cf. Matthieu 27.19). Chez les prophètes, les songes étaient souvent accompagnés de visions (Nombres 12.6 ; Joël 2.28), et pendant la période de la captivité babylonienne, ce fut surtout par des songes que Dieu découvrit l’avenir, soit à ses prophètes, soit aux rois païens victimes de leur vain orgueil (Daniel 2.2 ; 3.5 ; 5.12 ; 7.1 ; etc.). C’était tantôt une manifestation claire et parlée de la volonté divine (Genèse 20.3 ; 1 Samuel 28.15 ; Matthieu 1.20 ; 2.12-19), tantôt une image symbolique dont il fallait rechercher la signification (Genèse 37.7 ; Juges 7.13). Dans ce dernier cas, l’on s’adressait à ceux qui faisaient profession d’expliquer les songes, et qui étaient en général des personnages très recherchés et très considérés (Genèse 41 ; Daniel 1).
Les mages de la Chaldée s’étaient en particulier acquis dans ce genre d’exercices une grande réputation, comme les Esséens parmi les Juifs. Mais s’il est vrai qu’il y ait, ou qu’il puisse y avoir dans les songes des indices des choses futures, le chrétien ne saurait leur accorder qu’une faible et prudente attention ; plus que le Juif, il est à même de consulter le grand prophète suscité de Dieu (Deutéronome 18.15-18). La loi et le témoignage doivent lui suffire, et il n’est aucun de nos intérêts, comme aucun de nos devoirs, que la sagesse éternelle n’ait parfaitement prévu (cf. Lévitique 19.26 ; Deutéronome 18.10). Les faux prophètes avaient aussi leurs songes, et ils en abusaient pour séduire le peuple (Jérémie 23.25-27) ; le succès même et la réussite de leur divination étaient un piège de plus tendu aux simples, et la peine de mort était prononcée contre ceux qui, s’appuyant sur l’accomplissement de leurs prédictions, cherchaient à semer l’idolâtrie en Israël (Deutéronome 13.1-3). Satan fait aussi des miracles.