Ce mot qui, dans le Nouveau Testament et dans quelques passages de l’Ancien, se prend dans un sens spirituel, pour désigner tantôt l’Église de Jésus-Christ (thes. 2.4 ; Apocalypse 3.12), tantôt le ciel (Psaumes 11.4), mal traduit palais (Apocalypse 7.13), tantôt l’âme du croyant (1 Corinthiens 3.16 ; 6.19), signifie généralement un lieu de culte consacré au service d’une divinité quelconque. On trouve mentionnés dans l’Écriture les temples païens, de Dagon à Gaza (Juges 16.23) ; de Dagon à Asdod (1 Samuel 5.1-2) ; de Baal à Samarie (1 Rois 16.32) ; le temple de Ashtaroth (1 Samuel 31.10) ; celui de Rimmon (2 Rois 5.18) ; celui de Nisroc à Ninive (Ésaïe 37.38) ; ceux de Kemosh et de Moloc (1 Rois 11.7) ; le temple de Babylone (Daniel 1.2) ; ceux du veau d’or à Dan et à Béthel (1 Rois 12.28ss), (d’après Josèphe, on aurait encore trouvé les restes du temple de Dan près du petit Jourdain) ; le temple de Diane à Éphèse (Actes 19.27) ; enfin le temple des Samaritains à Garizim (2 Maccabées 6.2). Mais le plus célèbre de tous, sans contredit, celui dont le nom revient le plus souvent dans les Écritures, celui dont nous avons aussi plus spécialement à nous occuper, c’est le temple de Jérusalem, ordinairement désigné sous le nom de temple de Salomon, son premier fondateur.
Dans l’Écriture, il est aussi appelé maison de Dieu (Esdras 5.13-16 ; Ecclésiaste 5.1) ; maison de l’Éternel, sanctuaire (1 Chroniques 22.19) ; temple de l’Éternel (Esdras 3.6 ; Jérémie 7.4) ; tabernacle du Seigneur (Apocalypse 21.3 ; cf. Psaumes 76.2) ; palais de la sainteté de l’Éternel (Psaumes 5.7 ; 138.2 ; cf. Jonas 2.8). Le mot de temple, ou maison de l’Éternel, est même employé par les auteurs sacrés pour désigner le tabernacle à une époque où les Hébreux n’avaient pas encore de temple à Jérusalem (Exode 23.19 ; Josué 6.24 ; 1 Samuel 1.24).
Avant d’en essayer la description, il convient de retracer rapidement les différentes phases de son histoire ; les faits étant à leur place, on pourra mieux se rendre compte de la valeur des témoignages qui se rapportent à l’architecture du temple, on ne confondra pas, comme l’ont fait quelques auteurs, le passé, le présent et le futur, et l’on trouvera la clef des différences, et même des contradictions apparentes, qui se trouvent dans les récits des historiens sacrés, relativement aux ornements, à la disposition, et aux dimensions du temple.
David en eut la première idée, mais il ne lui fut pas donné de l’exécuter ; Dieu lui permit seulement de tout préparer pour cette construction, matériaux et ouvriers (2 Samuel 7 ; 1 Chroniques 17 ; 18.1-8) ; quel que fût le rôle que Dieu avait assigné à la guerre dans les rapports d’Israël avec les autres peuples, il la déclarait cependant lui-même inconciliable avec l’édification de son Temple. Un prince pacifique pouvait seul ériger un temple au Dieu de paix ; ce fut l’œuvre de Salomon. Il jeta les fondements du temple 1012 ans avant J.-C., l’an 2994 du monde, au second mois (zif) ; l’ouvrage fut achevé l’an 1006, et la dédicace eut lieu l’année suivante, 1005 avant J.-C., après sept années de travail (1 Rois 6.38), la onzième année du règne de Salomon. Des ouvriers étrangers, spécialement des Phéniciens fournis par le roi Hiram de Tyr, furent presque exclusivement chargés de cette construction ; ils apportèrent du bois du Liban (1 Rois 5.18).
Depuis sa solennelle consécration, le temple eut à subir diverses révolutions : en 971 avant J.-C., Shishak, roi d’Égypte, enlève les trésors qui y sont renfermés (1 Rois 14.26 ; 2 Chroniques 12.9) ; de 838 à 856, Joas le répare et y fait de nouveau amasser de l’argent (2 Rois 12.7 ; 2 Chroniques 24.8). Athalie et la famille d’Achab avaient achevé l’œuvre de Shishak (2 Chroniques 24.7) ; en 740, Achaz dépouille le temple, pour payer des alliés païens, le roi d’Assyrie, qui le trompe ; il y place un autel sur le modèle de celui de Damas ; il fait reculer l’autel d’airain, il ôte la mer d’airain de dessus les bœufs qui la supportent, il enlève les cuviers d’airain, brise les vases sacrés, supprime la tribune du roi, et finit par faire fermer le temple, 726 avant J.-C. (2 Chroniques 28.21 ; 2 Rois 16.10) ; en 726, Ézéchias rouvre le temple et le répare (2 Chroniques 29.3) ; puis, en 713, pour payer Sankhérib, il le dépouille de nouveau (2 Rois 18.15) ; on croit qu’il le rétablit plus tard.
Manassé profane le temple et y met des idoles (2 Rois 21ss ; 2 Chroniques 33.5-15) ; mais, à son retour de la captivité (676), il répare le mal qu’il a fait, et retourne au culte du vrai Dieu ; en 624, Josias travaille à rétablir et à restaurer le temple (2 Rois 22 ; 2 Chroniques 34 et 35) ; Nebucadnetsar le pille, le dépouille, en fait enlever les vases et les trésors, d’abord sous Jehoïakim, puis sous Jehoïakin, et enfin le ruine complètement sous Sédécias, en 588 (2 Chroniques 36.6-10, 18 ; 2 Rois 25) ; le temple reste abandonné et en ruines pendant cinquante-deux ans, jusqu’à la première année de Cyrus, qui en autorise la reconstruction en 536 (2 Chroniques 36.23 ; Esdras 1.2) ; c’est dans cet intervalle, entre la ruine du premier temple et l’édification du second, que se place la description prophétique d’Ézéchiel (40-48) ; en 535, Joshua et Zorobabel jettent les fondements du second temple, mais l’année suivante, 534, les travaux sont interrompus par ordre supérieur (Esdras 3 et 4) ; en 519, sous Darius fils d’Hystaspe, les travaux de reconstruction sont repris ; le second temple, ou temple de Zorobabel, est achevé et consacré en 515 (Esdras 6.15) ; il est profané par Antiochus Epiphanes qui le pille et le consacre aux idoles (1 Maccabées 1.23-49 ; 4.38 ; 2 Maccabées 6.2-5) (175-163) ; Judas Macchabée, après l’expulsion des Syriens, l’an 165, le rétablit, le purifie, le restaure, et y ajoute un grand nombre d’ornements nouveaux (1 Maccabées 4.43 ; 2 Maccabées 1.18 ; 10.3) ; le temple est même fortifié de divers côtés pour être mis à l’abri de nouvelles attaques et de profanations ultérieures (1 Maccabées 4.60 ; 6.7 ; cf. 13.53) ; plus tard, Alexandre Jannée, 106 avant J.-C., sépare le parvis des prêtres du parvis extérieur ; Pompée, 63, arrose de sang les parvis, profane le saint lieu, pénètre même dans le lieu très saint, mais laisse intact le trésor ; en 37, lorsque Hérode le Grand s’empare de Jérusalem, le temple éprouve de nombreux dommages ; quelques-unes de ses cours et de ses galeries sont dévastées ; Hérode, qui veut plaire aux Juifs et qui trouve le temple de Zorobabel trop mesquin pour sa royale résidence, le rebâtit à neuf, au moins dans quelques-unes de ses parties ; les travaux sont commencés 13 ans avant Christ, selon d’autres 20 ou 21 ans avant l’ère chrétienne, 46 ans avant la première pâque de Christ (Jean 2.20). Le temple fut achevé en un an et demi, les parvis en huit ans ; mais on continua d’y travailler pour l’embellir et en mieux terminer les détails. Le temple d’Hérode, ou troisième temple, subsista soixante-dix-sept ans, jusqu’en l’an 73 de Jésus-Christ ; Josèphe en a laissé une description détaillée.
On connaît les nombreux essais que l’on a faits pour reconstruire, au moyen des indications que nous ont données les historiens sacrés et Josèphe, le plan du célèbre temple de Jérusalem ; on connaît les travaux du doyen Prideaux, et les trois in-folio du savant jésuite Villalpande (mort le 22 mai 1608) sur ce sujet ; il est peu d’auteurs qui n’aient essayé de jeter quelques lumières sur ce point enveloppé de tant d’obscurités, et avec les mêmes données on est arrivé aux résultats les plus différents ; soit parce que l’imagination a dû suppléer à plusieurs lacunes, et que chacun s’est cru libre d’imaginer quelque chose de neuf (Villalpande surtout s’est distingué à cet égard comme inventeur et comme architecte) ; soit parce que l’on n’a pas suffisamment distingué, non seulement les trois temples différents, mais encore les restaurations successives de chacun d’eux ; soit enfin parce qu’on a voulu donner à la vision d’Ézéchiel une valeur matérielle et monumentale que la simple lecture de ces huit ou neuf chapitres condamne et réfute cependant de la manière la plus péremptoire ; nous reviendrons plus loin sur le caractère de cette vision ; pour le moment, nous nous bornerons à rassembler les détails historiques qui peuvent servir de guide pour la construction du plan de ces trois temples.
Temple de Salomon
Il s’élevait sur le haut de la colline de Morija (2 Chroniques 3.1) ; cela n’est dit expressément que dans ce seul passage, tandis qu’en plusieurs autres il est parlé, mais d’une manière, ou vague, ou poétique, du mont de Sion comme étant la montagne de l’Éternel ; le passage cité est, dans tous les cas, formel, et il a pour but spécial de désigner l’emplacement. Vu la grandeur du temple et de ses abords, il fallut commencer par déblayer et niveler le terrain ; lorsqu’on eut ainsi créé sur le sommet de la montagne une plaine artificielle, on dut, pour la maintenir et la rendre capable de supporter le poids énorme dont elle devait être chargée, l’entourer d’épaisses murailles de revêtement, faites avec les pierres de taille que l’on trouvait en abondance dans la vallée ; ces travaux furent surtout importants sur le côté oriental ; Josèphe dit même que Salomon ne fit fortifier ainsi que le flanc est de Morija, et que les autres côtés ne furent construits qu’au fur et à mesure que le besoin s’en fit sentir ; mais dans un autre passage il attribue tous ces travaux à Salomon. L’Écriture se tait entièrement sur ce point.
Les chapitres qui seuls renferment une description proprement dite du temple, quoiqu’on trouve ailleurs encore quelques détails épars, sont : 1 Rois 6 et 7 ; 2 Chroniques 3 et 4. Ces chapitres disent fort peu de chose sur le plan général ; ils s’attachent en revanche beaucoup à décrire certains détails, et varient ou se contredisent sur le chiffre de quelques dimensions, erreurs qui s’expliquent aisément par la méthode défectueuse de la numération écrite chez les Hébreux, voir Nombres ; les deux relations renferment beaucoup de termes obscurs, beaucoup de lacunes ; et celle des Chroniques, en outre, en qualité de relation postérieure, et peut-être aussi de relation sacerdotale, contient des détails étrangers à la première, et fait mention d’ornements et de dorures qui n’appartenaient peut-être pas aux premières années de l’existence du temple, mais qui y furent ajoutés plus tard par la piété des fidèles, ou par la libéralité des rois qui, appelés à restaurer un édifice pillé à diverses reprises, ne se bornèrent pas à ramener les choses dans leur ancien état, mais profitèrent de l’occasion pour faire mieux. L’historien Josèphe, qui a ajouté à la description biblique des détails nouveaux, quoiqu’il n’eût pas plus que nous le temple de Salomon sous les yeux (Antiquités judaïques 8.3), est souvent en contradiction avec la Bible ; et lorsqu’il en supplée les lacunes, il parait le faire par de simples conjectures architectoniques, ou en puisant ses renseignements dans Ézéchiel, ce qui ôte à son travail descriptif une partie de sa valeur.
On distingue dans le temple de Salomon plusieurs parties principales, concentriques, indépendantes : le temple proprement dit, les bâtiments du temple, le parvis des prêtres, et le parvis d’Israël. De grands murs ou des galeries couvertes séparaient ces divers compartiments.
a) Le temple proprement dit se divisait lui-même en trois parties, le vestibule, le lieu saint, et le lieu très saint ; il avait 32,40 m de long, 10,80 m de large, et 16,20 m de haut (1 Rois 6 ; 2 Chroniques 3). Le portique, porche, ou vestibule, était à l’orient ; il avait ainsi 10,80 m de long ; sa profondeur était de 5,40 m ; d’après 2 Chroniques 3.4, suivi par Josèphe, sa hauteur était de 64,80 m, ce qui aurait formé une tour non seulement fort considérable, mais encore hors de proportion avec les autres dimensions du bâtiment. Stieglitz y a vu deux tours de 32,40 m chacune, mais cette manière de résoudre la difficulté n’a pas trouvé de partisans ; d’autres voient dans ce chiffre une exagération ou une erreur ; Hirt supprime le chiffre 100, et ne laisse subsister que 5,40 m, mais comme les deux colonnes qui sont devant le portique, Jakin et Boaz, ont avec leurs chapiteaux 12,42 m de hauteur, on ne saurait raisonnablement supposer le portique moins élevé ; Winer pense arbitrairement que le porche avait 13,5 m de hauteur ; Meyer, que le temple était bâti sur un terre-plein à 1,6 m au-dessus du sol, que le portique avait comme le reste du temple, 10,80 m de hauteur, plus le 1,6 m du remblai, et que les colonnes situées sur le sol même, n’atteignaient avec leurs 12,42 m que le niveau même de la hauteur du temple.
On ne saurait choisir entre ces diverses hypothèses ; les anciens connaissaient, comme nous, l’usage des tours s’élevant au-dessus des temples, comme on le voit par les médailles du temple de Paphos, mais le chiffre paraît cependant trop considérable, et le livre des Chroniques renferme sous ce rapport plus d’une difficulté, l’on peut dire plus d’une erreur de chiffres. Le porche était garni dans sa partie intérieure de nombreuses dorures (de pur or, 2 Chroniques 3.4). Le lieu saint avait 21,60 m, de long, 10,80 m de large, et probablement 16,20 m de haut (1 Rois 6.2) ; les murailles et la voûte étaient lambrissées intérieurement d’ais de cèdre ; le sol était planchéié de lattes de cyprès, voir Sapin ; l’extérieur était tout bâti de pierres fines, semblables au marbre blanc ; les lambris intérieurs étaient ornés de diverses figures en relief, couvertes de lames d’or jusqu’à la hauteur de 10,80 m.
Dans le lieu saint se trouvaient l’autel du parfum, les tables des pains de proposition, les chandeliers d’or et quelques autres ustensiles (Hébreux 9.2). Le lieu très saint, appelé aussi le saint des saints, le sanctuaire, et l’oracle, avait 10,80 m dans toutes ses dimensions ; il avait ainsi 5,40 m de moins en hauteur que le lieu saint, mais on ignore si cette différence se faisait apercevoir par l’abaissement de la toiture (comme dans les temples égyptiens), ou si, avec un toit d’égal niveau, il y avait au-dessus du lieu très saint un espace vide de 5,40 m formant une espèce de grenier ; mais dans ce dernier cas, la hauteur de la muraille qui séparait le lieu saint du très saint n’étant que de 10,80 m (1 Rois 6.16), ce vide aurait été visible à l’intérieur et n’aurait été dissimulé que par les chaînettes d’or et le voile, ou réseau, dont il est parlé au verset 21. Quelques auteurs pensent que la hauteur intérieure du lieu saint n’était que de 5,40 m (6.16) comme celle du très saint, et qu’au-dessus de l’un et de l’autre se trouvait un espace vide de 5,40 m ; le toit, dans ce cas, serait supposé incliné, et il aurait recouvert également, et sans différence de niveau, les deux bâtiments intérieurs du temple. La hauteur de 16,20 m serait la hauteur du temple vu de dehors.
Le lieu saint et le saint des saints étaient séparés par une porte à deux battants de bois d’olivier, chacun des battants se pliant lui-même en deux, et étant orné de diverses figures en relief (1 Rois 6.31) ; on ne sait pas au juste ce qu’était ce voile de l’oracle, ni quel était son usage, si c’était un simple ornement, ou un réseau à larges mailles étendu au-dessus de la porte pour laisser s’échapper la fumée du sacrifice. Quant aux deux colonnes, il en a été parlé à l’article Boaz ; on n’est pas d’accord sur leur position ; elles étaient devant le portique, mais s’élevaient-elles indépendantes ? c’est ce qui semblerait le mieux justifier la solennelle importance que leur donne l’écrivain sacré ; ou supportaient-elles une espèce de toit plat, à l’ombre et à l’abri duquel on pouvait se réfugier (Meyer) ? d’autres enfin les placent à l’entrée même du temple, derrière la porte, et adossées aux murailles latérales.
Les murs du temple étaient, selon toute apparence, de pierres massives, comme ceux du palais de Salomon (1 Rois 7.10). C’est à tort, et par suite de fausses interprétations ou de vagues conjectures, que quelques auteurs ont pensé que les fondements seuls étaient de pierre, et que le corps de l’édifice était en bois. La toiture seule, comme les parois intérieures, étaient faites de bois de cèdre (1 Rois 6.9-15), la charpente de même ; rien n’indique si le toit était plat ou incliné. La porte d’entrée, dont la largeur ni la hauteur ne sont marquées, était en cyprès plaqué d’or, avec diverses figures en relief, des fleurs, des palmes, des chérubins ; d’après le passage correspondant (Ézéchiel 41.2-3), la porte du lieu saint aurait eu 5,40 m de large, celle du lieu très saint 3,25 m. Le saint des saints ne contenait que l’arche de l’alliance.
b) Les bâtiments du temple étaient trois étages de chambres qui entouraient le temple au sud, à l’ouest et au nord, communiquant ensemble par des portes, et destinées aux provisions, aux vases sacrés et aux trésors du lieu saint (1 Rois 7.51 ; 15.15 ; 2 Rois 11.10). La hauteur de ces chambres, ou appentis, étaient uniformément de 2,70 m, leur profondeur augmentait d’une coudée par étage, de 2,70 m au premier, de 3,25 au deuxième, de 3,75 au troisième, l’épaisseur des murs diminuant à mesure qu’ils s’élevaient et qu’ils avaient une moindre charge à supporter (1 Rois 6.6). Les rétrécissements dont il est parlé dans ce passage (mig’ raoth) s’expliquent d’une manière à la fois claire et simple par le passage correspondant de Ézéchiel 41.6 ; il en résulte que pour que le lieu saint ne servît pas en quelque sorte d’appui matériel aux bâtiments qui l’entouraient, un contre-mur était adossé à la muraille du temple, et que les soliveaux des chambres entraient dans cette muraille extérieure sans toucher les murs mêmes du temple.
D’autres, cependant, entendent que le mur du temple était, à l’extérieur, construit en forme d’escalier (trois différences d’épaisseur), et que les solives des chambres s’appuyaient sur ces espèces de degrés extérieurs, sans qu’il eût été nécessaire de faire des trous dans la muraille pour y faire entrer les solives. La longueur des chambres n’est pas déterminée ; Ézéchiel parle de trente chambres, dix par étage, ce qui ferait quatre pour chaque côté de la longueur, et deux pour la largeur derrière le lieu très saint ; avec les dimensions admises plus haut, ces chambres auraient eu ainsi, les plus grandes, 8,10 m de long, les deux autres, 5,40 m. L’entrée de ces chambres était au côté droit sud de la maison ; l’on montait par une vis, ou escalier tournant, au deuxième étage, et de là au troisième. La hauteur de ces bâtiments était de 5,40 m ; il restait ainsi de la place pour les fenêtres du temple, même dans la supposition, peu admissible, que le temple n’eût que 10,80 m de hauteur au-dedans. Les fenêtres étaient larges à l’intérieur, et rétrécies par dehors, comme les fenêtres de nos vieux châteaux, et les meurtrières de nos forteresses. On n’en connaît au reste ni la grandeur, ni le nombre, ni la forme (peut-être étaient-elles treillissées ?) ; elles servaient plutôt à rafraîchir l’air qu’à donner du jour. Le lieu très saint n’en avait point.
c) Immédiatement autour du temple était le parvis intérieur (1 Rois 6.36), qui est appelé parvis des prêtres (2 Chroniques 4.9), parce qu’il n’était accessible qu’à eux et aux lévites. C’est là qu’ils offraient les sacrifices et accomplissaient la plupart de leurs fonctions ; c’est là qu’étaient l’autel des holocaustes, la mer d’airain, les cuves et les deux colonnes. C’était un carré de 54 m de côté ; il avait trois portes, une à l’orient, une au sud, une au nord. On descendait de là par huit marches dans l’enceinte extérieure, appelée :
d) Le parvis d’Israël ou parvis du peuple ; il avait 270 m de côté, et quatre portes d’airain aux quatre vents ; il était sans toiture, et pavé de marbres de différentes couleurs.
Ces deux parvis étaient séparés par une muraille de trois rangées de pierres polies, et d’une rangée de poutres de cèdre (1 Rois 6.36). Josèphe dit que sa hauteur n’était que de 1,62 m, afin que le peuple, de son parvis, pût voir ce qui se faisait dans celui des sacrificateurs (détail qui ne s’accorderait pas avec une différence de niveau marquée par les huit marches). De chaque côté de la muraille étaient des portiques et des loges pour les lévites et les sacrificateurs, des réduits pour divers ustensiles, pour le bois et pour les provisions nécessaires (1 Chroniques 28.12). Le mur extérieur du parvis du peuple était en outre bordé de galeries magnifiques, soutenues par deux ou trois rangs de colonnes, sous lesquels on pouvait s’abriter et se promener.
On ne saurait nier que ces deux parvis ne fussent l’œuvre de Salomon (2 Rois 21.5 ; 23.12 ; Ézéchiel 9.7) ; mais il est plus difficile de déterminer jusqu’à quel point leurs ornements et leurs dépendances, bâtiments, chambres, réduits, et autres, dont quelques-unes furent assez considérables pour avoir un nom spécial, appartiennent à son règne (voir Jérémie 38.2-4 ; 36.10-20-21 ; 2 Rois 23.11 ; cf. 11.6-19 ; 15.35 ; 2 Chroniques 24.8 ; 35.15 ; Jérémie 20.2 ; 26.10 ; Ézéchiel 8.3-5 ; 9.2 ; 10.19 ; 11.1). Il ressort même de plusieurs de ces passages que des changements et des modifications eurent lieu sous les rois suivants, et l’histoire du temple nous a montré en quelles circonstances ces adjonctions ont pu être nécessitées, et quelles causes les ont produites.
D’après ce qui précède, on peut se faire une idée assez juste, peut-être assez claire, de ce qu’était le temple de Salomon : plus riche que majestueux, plus magnifique que grandiose, fait pour Dieu plutôt que pour les hommes, bien proportionné dans son ensemble, mais petit en comparaison de la multitude de peuple qui ne devait avoir que ce seul sanctuaire ; sacerdotal et non populaire, puisque les simples Israélites ne pouvaient pas même pénétrer jusqu’au parvis qui l’entourait immédiatement. Son espèce de clocher, ses appentis latéraux et la dépression de la partie occidentale du bâtiment, ont été sinon copiés, du moins imités dans la construction de plusieurs temples catholiques, et l’église de Dresde est citée par Winer, comme répondant assez exactement à l’idée qu’on doit se faire du temple de Salomon par les récits bibliques.
À peine le temple fut-il achevé que Salomon y fit transporter l’arche de l’alliance, et qu’il le consacra lui-même d’une manière solennelle, comme le temple de tout le peuple. Mais peu d’années après la mort de son fondateur, les changements politiques qui survinrent, détachèrent du temple de Jérusalem la plus grande partie des ressortissants des dix tribus schismatiques, et le temple de Salomon ne fut plus que le centre religieux du petit royaume de Juda ; encore fut-il à plusieurs reprises profané et consacré aux idoles par des rois de la famille de David (2 Rois 21.4 ; 23.4 ; etc.). Lorsque Nebucadnetsar le détruisit et le brûla, il comptait environ quatre cent dix-huit années d’existence.
Dom Calmet, dans son dictionnaire, entasse sur un seul temple tous les détails relatifs aux trois temples qui se succédèrent, et au temple d’Ézéchiel. De là des contradictions sans nombre. C’est la science du pèle mêle.
Vision d’Ézéchiel
Avant de passer à la description du temple de Zorobabel, c’est ici le lieu de dire quelques mots de la vision renfermée dans les neuf derniers chapitres d’Ézéchiel, et spécialement des chapitres 40.1 à 43.12. Le prophète, qui, malgré les malheurs de sa patrie, attend la restauration d’Israël, et qui termine son livre par ce long cri d’espérance, de joie et de triomphe, voit en vision le saint lieu rétabli, le sacerdoce réintégré dans ses fonctions, le culte renouvelé, Jérusalem restaurée, une source de bénédictions nouvelles descendre sur un peuple longtemps coupable, mais puni et pardonné, et le résidu sorti de ces ruines, se partager de nouveau Canaan pour y servir à toujours l’Éternel. Si l’on oublie le sens de cette vision, l’on tombe aussitôt dans le non-sens ; Villalpande, en voyant dans ce temple symbolique une réminiscence du temple de Salomon (ce qui est cependant contredit par la différence des détails), Grotius, en y voyant une réminiscence du temple tel qu’il était lorsqu’il fut détruit par Nebucadnetsar, méconnaissent le caractère spirituel de la prophétie. Dœderlein, au contraire, en ne voyant que le côté idéal de cette vision, en n’y voyant qu’une description poétique, une œuvre de fantaisie, un élan d’imagination, ou bien encore une œuvre d’art, un plan médité à loisir, méconnaît la mission religieuse du prophète et de la prophétie en général, mission positive, pratique, féconde, messianique. Herder, Eichhorn et d’autres n’ont ni mieux compris, ni mieux réussi en cherchant à réunir ces deux points de vue différents, et en disant que Ézéchiel voulait laisser à la génération nouvelle le modèle d’un temple à reconstruire lorsqu’ils seraient rentrés dans leur patrie, et qu’il a fait ce plan moitié de souvenir, moitié d’imagination.
Les commentateurs juifs se rapprochent de l’idée messianique, mais ils la présentent, comme toujours, sous un point de vue charnel ; Ézéchiel a vu le temple tel qu’il existera matériellement lors de la venue du Messie. Ewald, qui partage en quelque sorte cette manière de voir, ajoute que si le prophète décrit si minutieusement certaines parties du temple et de l’autel, maintenant détruits et perdus, c’est pour que du moins le souvenir en reste, et qu’on puisse les reproduire et les reconstruire lorsqu’Israël sera délivré et rétabli. La conscience chrétienne a si formellement protesté contre cette interprétation judaïque, que par réaction sans doute, et par un excès de spiritualisme, on en est venu à appliquer généralement et exclusivement toute cette vision à l’Église du Nouveau Testament. Quelques théologiens ont essayé de tempérer cette vue exagérée, en admettant que Ézéchiel a bien voulu faire la description d’un temple matériel que les Juifs devraient bâtir un jour, mais que ce temple serait l’image et la représentation du Temple du Corps de Christ (Jean 2.21). Il y a dans toutes ces interprétations quelque chose de trop arbitraire ou de trop dogmatique. La vision d’Ézéchiel ne peut être prise ni comme une description matérielle, ni comme un travail d’imagination, ni comme un composé de l’une et de l’autre, ni comme un simple type ; elle est un symbole. Il importe en effet, de remarquer :
a) Que le temple de Zorobabel n’a pas été construit d’après les données d’Ézéchiel, quoique les contemporains du prophète fussent encore vivants ; preuve qu’on n’estimait pas qu’il eût voulu imposer de la part de Dieu la forme du nouveau temple.
b) Plusieurs détails de la description étaient d’une exécution matériellement impossible, n’ayant qu’une valeur symbolique ; ainsi, l’étendue de l’enclos autour du temple, 1800 m de côté (42.16ss) ; la gloire de Dieu qui se manifeste (43.2) ; les eaux qui sortent de dessous le seuil de la maison, qui augmentent en volume jusqu’à devenir un torrent que le prophète traverse à la nage, quoiqu’elles n’aient point d’affluent, qui finissent par se jeter dans la mer d’Orient, la mer Morte, et qui en assainissent les eaux (47.2ss) ; le nouveau partage du pays entre les douze tribus, partage qui n’a jamais eu lieu (47.13 ; etc.).
c) Ézéchiel, le lévite, avec son caractère sacerdotal et mosaïque, si attaché à la loi de l’Éternel, d’ordinaire si attaché à la lettre du Pentateuque, l’abandonne ici à plusieurs reprises, n’en conservant que l’esprit, et semble entrer dans une voie nouvelle de développement, comme s’il pressentait celui qui n’est pas venu abolir la loi, mais l’accomplir ; comme s’il pressentait l’ère nouvelle de la loi parfaite, Moïse remplacé par Jésus, la synagogue par l’Église.
d) La prophétie est présentée sous la forme d’une vision, et c’est le propre d’une vision de présenter des idées abstraites sous des formes concrètes, matérielles, physiques ; le prophète se voit lui-même transporté dans un temps nouveau, il participe aux bénédictions que la vision lui montre ; il ne pouvait pas voir l’ère de Christ sous une forme spirituelle.
e) Le prophète lui-même en plusieurs autres passages, notamment (20.40 ; cf. aussi 11.19 ; 36.26 ; et surtout 37.26-28), semble déjà fixer notre attention sur une époque ou le culte sera esprit et vie, où Dieu sera le sanctuaire de son peuple comme il l’a déjà été (11.16).
f) L’analogie des autres prophètes appuie le sens symbolique de ce passage ; ainsi Jérémie (31.38), représente la restauration du culte et de la théocratie sous l’emblème de la reconstruction de Jérusalem (voir aussi 33.17 ; cf. Aggée 2.7 ; Ésaïe 60.10 ; Zacharie 2.2ss ; 4 ; 6.13 ; 14.
g) Le Nouveau Testament, et spécialement les deux derniers chapitres de l’Apocalypse, confirme pleinement et péremptoirement l’explication symbolique de la vision d’Ézéchiel, comme étant la seule juste, la seule conforme à l’analogie de la foi.
h) La lecture enfin de cette prophétie reste obscure à quelque point de vue qu’on se place, mais elle acquiert une entière clarté si l’on abandonne le sens matériel, ou simplement poétique et prophétique, pour ne voir dans ces magnifiques descriptions que le langage symbolique du croyant à qui Dieu révèle une économie nouvelle, une dispensation nouvelle de grâces, de bénédictions, de joie, de paix et de fidélité.
Il appartient aux commentaires d’entrer à cet égard dans des développements ; ce qui précède suffit pour montrer que le temple symbolique du prophète ne peut servir que par d’incertaines analogies à la reconstruction du temple de Salomon ou du temple de Zorobabel. On peut lire dans l’excellent commentaire de Bœvernick les détails exégétiques que notre travail ne comporte pas.
Temple de Zorobabel
On n’a pas de détails sur la forme, la grandeur et l’architecture de ce temple ; on suppose qu’il était construit à l’instar du premier, sur l’emplacement duquel il s’élevait ; mais il n’en égala ni la richesse, ni la splendeur (Esdras 3.12 ; Aggée 2.3). Il avait des parvis, des portiques, et quelques bâtiments ou cellules dans leur enceinte (1 Maccabées 4.38-48). Les vieillards qui avaient vu le premier temple pleurèrent en voyant combien le second lui était inférieur ; mais Aggée les consola en prophétisant que la gloire de cette seconde maison serait plus grande que celle de la première, car le maître de cette maison devait un jour l’honorer de sa présence (Aggée 2.9 ; cf. Malachie 3.1). Les Juifs ne savent comment expliquer cette supériorité, puisqu’ils n’admettent pas que la présence de Jésus en a été le plus bel ornement. Les docteurs juifs disent qu’il manquait à ce temple cinq choses qui étaient dans celui de Salomon : l’esprit de prophétie, l’oracle, le feu sacré qui devait brûler continuellement sur l’autel, l’Urim et le Thummim. Dieu voulait que, peu à peu, ces types fissent place à la réalité (Jérémie 4.4).
Temple d’Hérode
Il est quelquefois appelé second, quelquefois troisième temple ; ceux qui lui donnent ce dernier nom veulent faire mentir la prophétie de Aggée relative à la gloire du temple de Zorobabel ; c’est donc plutôt une question dogmatique qu’une affaire de chiffres qui distingue ces deux titres, l’un et l’autre, du reste, également justifiés. Hérode fit faire au temple de Zorobabel de tels changements, que l’on put l’appeler un nouveau temple ; mais ces changements qui ne détruisirent à peu près rien de ce qui existait déjà, ne furent, dans un autre sens, que la continuation des travaux commencés au retour de l’exil. Le nom importe peu, pourvu qu’on se rappelle que le temple d’Hérode ne fut que celui de Zorobabel enrichi et augmenté. Josèphe, dans la Guerre des Juifs 5.5, et dans ses Antiquités 15.11-3, le Talmud dans le traité de Middoth (Mishna 5.10), nous en ont conservé la description ; cette dernière autorité est moins sûre, et quelquefois suspecte.
Le temple, avec ses abords, avait quatre stades de tour (864 m), un stade (216m) par côté. Il s’élevait par une suite de terrasses, chaque parvis intérieur étant plus élevé que celui qui l’entourait immédiatement, et le temple couronnant et dominant ses parvis et la ville tout entière. Le parvis extérieur avait plusieurs portes, quatre à l’ouest, une à chaque autre côté, selon d’autres, deux au sud ; ce parvis était entouré, au moins de trois côtés, d’un double rang de galeries en bois de cèdre, larges de 16,20 m, et soutenues par des colonnes de marbre hautes de 13,50 m ; là se trouvait, à ce qu’on pense, le portique de Salomon (Jean 10.23 ; Actes 3.11). La porte surnommée la Belle (Actes 3.2-10), était probablement la porte orientale, dite porte de Susan, parce qu’un tableau de la ville de ce nom y était représenté. Une synagogue (Luc 2.46), des chambres pour les lévites, une maison de change et un marché s’abritaient sous les colonnes de cette galerie ; là on vendait les objets nécessaires aux sacrifices sanglants et non sanglants, de la farine, de l’huile et des animaux. Le marché était naturellement plus fréquenté à certaines époques de l’année ; à Pâques, par exemple, une hausse artificielle pouvait se faire sentir dans le prix des marchandises, et les cris des acheteurs, des vendeurs et des animaux ne pouvaient que troubler la dévotion des Israélites pieux qui visitaient le temple (cf. Matthieu 21.12 ; Jean 2.14). C’est sur ce portique, bâti au bord d’un précipice, que quelques auteurs pensent que Jésus fut mené par le diable (DeWette) ; d’autres croient que ce fut sur le portique du roi, d’autres, enfin, sur le temple même, construit en plateforme et garni d’une balustrade. Le sol de ce parvis était pavé de pierres plates de différentes couleurs ; une balustrade de fer, avec des colonnes de distance en distance et des inscriptions grecques et latines, marquait le point au-delà duquel il était défendu aux gentils, sous peine de mort, de pénétrer. Ce premier parvis est appelé, par les archéologues chrétiens, le parvis des Gentils, d’après l’analogie d’Apocalypse 11.2.
On montait de là, par quatorze degrés, à une espèce de petite terrasse large de 5,40 m, que l’on traversait pour arriver au parvis proprement dit. La muraille qui l’entourait, avait 21,60 m de haut ; mais elle paraissait moins élevée à cause des degrés, qui en dissimulaient une partie, on entrait dans ce parvis par neuf portes (quatre au sud, quatre au nord et une à l’est), auxquelles conduisaient cinq degrés. À l’est était le parvis des femmes, séparé par une muraille du parvis des hommes, et moins élevé. Quinze degrés conduisaient dans le parvis des Israélites par la porte orientale, qui formait l’entrée principale. Cinq degrés seulement, mais plus élevés, aboutissaient du parvis des hommes à la même entrée. Des appartements étaient construits au-dessus des portes, jusqu’à la hauteur de 21,60 m ; deux colonnes de 2,16 m de diamètre étaient placées comme ornement devant chacun de ces vastes bâtiments. Les portes proprement dites étaient à deux battants ; elles avaient 16,20 m de haut et 8,10 de large ; l’or et l’argent les recouvraient du haut en bas. Une simple galerie supportée par de hautes et belles colonnes, courait le long des murs intérieurs du parvis. C’était le parvis d’Israël.
Le mur qui le séparait du parvis des prêtres, n’avait que 0,54 m de hauteur. Ce dernier entourait immédiatement le temple de tous les côtés. L’un et l’autre étaient pavés de dalles plates, et comme les prêtres devaient remplir leurs fonctions nu-pieds, ils étaient assez fréquemment exposés à des indispositions plus ou moins graves ; un ou plusieurs médecins étaient, en conséquence, attachés au service du temple. Dans le parvis des prêtres était l’autel des holocaustes ; c’est là qu’on sacrifiait, qu’on priait, qu’on bénissait, et que les lévites chantaient les doux cantiques d’Israël.
Enfin, à 6,48 m au-dessus du parvis, s’élevait le temple lui-même, ayant 54 m de haut, autant de long, et autant de large par-devant, son immense portique faisant saillie des deux côtés, et s’avançant de 8,10 m à 10,80 m à droite et à gauche. Ce portique avait également 54 m de haut ; le fronton en était couvert de dorures ; un cep de vigne colossal, d’or ou doré, s’élevait au côté de la porte, et laissait retomber à profusion des grappes d’or de hauteur d’homme, symboles du bonheur promis par les prophètes (Jérémie 2.21 ; Ézéchiel 19.10 ; cf. Joël 1.7) ; occasion peut-être du discours de Jésus (Jean 15) ; (c’est à ce fait qu’il faut probablement rattacher la tradition qui porte que les Juifs adoraient Bacchus).
Sous le portique on trouvait deux tables, l’une de marbre, l’autre d’or, sur lesquelles le sacrificateur déposait, en entrant dans le temple et en en sortant, les pains de proposition. Deux portes d’or à deux battants, hautes de 29,70 m et larges de 8,64, devant lesquelles pendait, à l’intérieur, un riche rideau de broderie, ouvraient sur le lieu saint, haut de 32,40 m, large de 10,80, long de 21,60 ; il renfermait le chandelier d’or à sept branches, la table d’or des pains de proposition, et l’autel d’or des parfums, un rideau magnifique, celui qui se déchira à la mort du Sauveur (Matthieu 27.51), (les rabbins disent deux rideaux éloignés d’une coudée l’un de l’autre) conduisait au lieu très saint, qui était vide, l’arche ayant disparu lors de la captivité de Babylone ; au dire des Juifs, une pierre massive en occupait la place. Le saint des saints avait 10,80 m de long, 10,80 m de large et 32,40 de haut. Le toit était probablement plat, quoique Josèphe n’en dise rien, et que DeWette pense le contraire. Il était garni de flèches d’or ou dorées (de 0,54 m de haut), qui devaient empêcher les oiseaux de s’y établir, et qui purent aussi faire l’effet de paratonnerres à l’insu de ceux qui les avaient imaginées. L’espace compris entre le toit et la hauteur du temple était occupé par des appartements et des chambres pour les prêtres, les provisions et les vaisseaux du temple. De même que l’intérieur, l’extérieur du bâtiment était couvert d’or, et brillait au soleil du plus vif éclat ; tout ce qui n’était pas dorure était marbre, et ces énormes blocs d’une blancheur éclatante donnaient de loin au temple l’apparence d’un monticule couvert de neige.
Ce temple, dans les parvis duquel notre Seigneur se promenait ordinairement pendant ses séjours à Jérusalem, et où il prononça quelques-uns de ses plus beaux discours aux nombreux rassemblements de peuple qui s’y formaient naturellement chaque jour, était en contact immédiat avec la basse ville, et il se reliait à la haute ville bâtie sur Sion, au moyen d’un pont à plusieurs arches. Il était lui-même dominé par le fort Antonia, qu’Hérode fit construire au commencement de son règne, à l’extrémité nord-ouest de la montagne du temple, et qui communiquait avec ce bâtiment par le moyen de souterrains inconnus. De l’une des tours de la forteresse on pouvait voir tout ce qui se passait dans le temple, et une garnison romaine l’occupait habituellement, pour comprimer de là toute espèce de tentative que pourraient faire les Juifs pour procurer leur émancipation. Plusieurs mouvements eurent lieu en effet, mais ils restèrent infructueux et ne produisirent que des dévastations partielles.
Le lieu saint resta intact sous Hérode et sous ses fils ; on songeait même, sous Hérode Agrippa II, à reprendre quelques réparations ; mais le dernier soulèvement qui eut lieu, et la manière dont les Romains s’en rendirent maîtres, rendirent inutile ce projet ; la dernière heure avait sonné. Des troupes juives furent casernées dans les parvis du temple, et leurs armes furent suspendues aux portes mêmes du saint lieu ; c’était là le dernier boulevard de l’indépendance nationale. Les Romains (l’an 70), sous Titus, s’y précipitèrent du fort Antonia ; les Juifs, au désespoir, mirent le feu au parvis ; un soldat romain jeta un tison ardent contre les bâtiments qui tenaient au temple vers le nord ; la flamme s’élança, Titus essaya en vain d’arrêter les progrès de l’incendie, et tout fut dit. Les vainqueurs n’eurent plus qu’à réunir sur un char de triomphe, les débris qu’ils purent arracher à l’incendie, la table des pains de proposition, le chandelier d’or, le livre de la loi, et deux trompettes ; ces insignes de la victoire furent plus tard représentés en relief sous la voûte de l’arc de Titus, et l’on en possède plusieurs copies.
Les fondements du temple avaient été épargnés ; quelques murailles sans doute restaient encore debout, et pouvaient servir de centre de ralliement aux Juifs fanatisés. Adrien (136), en élevant sur la place de l’ancienne Jérusalem la ville nouvelle d’Élia Capitolina, construisit un temple de Jupiter sur la place et avec les débris du temple de l’Éternel, et interdit aux Juifs l’entrée de la ville. Quelques tentatives malheureuses de ces derniers méritent à peine d’être mentionnées, et lorsque Julien, en 368, voulut essayer lui-même cette œuvre d’hostilité contre Dieu, des flammes sorties des fondements découverts, le forcèrent d’abandonner cette entreprise. Aujourd’hui c’est une mosquée magnifique, l’une des trois plus belles des mahométans, qui s’élève au sommet de la ville sainte ; elle fut construite en 636 par le calife Omar, avec les débris d’une église chrétienne.
Quant au sicle du sanctuaire, voir Impôts, et Sicle. La perception de cet impôt était proclamée le 1er adar ; les bureaux des changeurs s’ouvraient le 15 dans les provinces, et le 25 à Jérusalem. Il fallait en effet que les Juifs sujets à l’impôt, pussent se procurer au lieu de la monnaie courante, la monnaie ancienne dans laquelle l’impôt était perçu, et le change se faisait contre un certain agio. Il y avait une amende pour celui qui ne s’était pas acquitté au 25. Les villes éloignées envoyaient leur recette en or pour la facilité du transport. On évalue à près de 2 millions de francs le produit annuel de cet impôt, du temps de Christ. Les sommes reçues étaient déposées dans deux troncs du parvis des femmes ; dans l’un on mettait le produit de l’année, dans l’autre les paiements arriérés de l’année précédente. Ces richesses accumulées, et parfois exagérées, attirèrent souvent l’attention des généraux et des princes qui s’emparèrent de Jérusalem (1 Maccabées 1.24 ; etc.). Les chambres du trésor furent brûlées par l’armée romaine, mais Titus ne put se rendre maître des richesses qu’elles renfermaient.
On infère de plusieurs passages (Deutéronome 31.26 ; 2 Rois 22.8 ; 2 Maccabées 2.13), qu’il y avait dans le temple, ou plutôt dans un des bâtiments voisins, des archives ecclésiastiques et nationales ; mais ces passages ne suffisent pas à le prouver, quoique le fait n’ait en lui-même rien d’invraisemblable.
Ce fut toujours une coutume, dès la plus haute antiquité, chez les Juifs comme chez les païens, d’offrir au temple des présents, soit de prières, soit d’actions de grâces, lorsqu’on partait pour une expédition, ou qu’on en revenait. Les Philistins firent une offrande de ce genre lorsqu’ils renvoyèrent l’arche de l’alliance (1 Samuel 6). Les livres apocryphes citent d’autres exemples de princes païens, ou de riches prosélytes qui prirent plaisir à orner le temple. Ces sortes d’ex-voto qui n’étaient pas en numéraire, étaient publiquement exposés, soit dans l’intérieur du temple, soit dans le portique ou dans les parvis, et leur nombre était si considérable qu’il ne pouvait manquer d’attirer l’attention des promeneurs (cf. Luc 21.5). Ptolémée Philadelphie en particulier, témoigna par la richesse de ses dons, sa reconnaissance pour la traduction grecque des Septante qui lui fut envoyée. Quelques trophées se trouvaient aussi mêlés aux ornements du temple (2 Rois 11.10 ; cf. 1 Samuel 21.9).
Un nombreux personnel était naturellement attaché au service des bâtiments aussi vastes et aussi nombreux. La police du temple avant l’exil était spécialement confiée aux lévites (2 Chroniques 23.19) ; cependant nous n’avons aucun détail sur l’organisation de ces services.
Après l’exil, au dire de Josèphe, les gardiens du temple furent placés sous les ordres d’un chef spécial ; l’ouverture et la fermeture des portes exigeait le travail de vingt hommes, et se faisait par les soins des prêtres. Le chef des gardiens est quelquefois cité à côté du souverain sacrificateur ; il avait un secrétaire, et veillait à l’ordre, à la propreté, et à la tranquillité des parvis ; on suppose qu’il était choisi parmi les prêtres du premier rang. Les prêtres avaient trois postes autour du temple, les lévites en avaient vingt-un aux portes des parvis ; ils devaient veiller à ce qu’aucun homme impur, ou femme souillée, ne dépassât les limites qui lui étaient posées ; on ne pouvait aborder le temple avec un bâton à la main, ni avec des souliers, ni avec des pieds non lavés ; on ne pouvait non plus, comme cela se pratique de nos jours encore en plusieurs lieux, traverser avec une charge, corbeille ou autre, les parvis du temple pour abréger son chemin.
Un temple juif avait été construit, 180-145 avant Jésus-Christ, à Léontopolis, en Égypte, par le souverain sacrificateur Onias, sous le règne de Ptolémée Philométor, sur le modèle de celui de Jérusalem, mais en petit. Le décrire serait sortir des limites de notre plan. Il fut détruit sous Vespasien.