Évangéliste, et l’un des plus fidèles compagnons de Paul (2 Timothée 4.5), était probablement Lycaonien, natif de Derbe, fils d’une femme juive, Eunice, et d’un père païen (Actes 16.1-3 ; 20.4 ; 2 Timothée 1.5). Sa Mère ; et son aïeule Loïs, furent probablement converties lors du second séjour de Paul en Lycaonie, et peut-être que lui-même, quoique fort jeune, reçut à cette époque, des impressions sérieuses que les soins pieux de sa famille n’eurent pas de peine à développer (2 Timothée 1.5 ; 3.15). Les passages (1 Timothée 1.2 ; 2 Timothée 1.2 ; 1 Corinthiens 4.17), n’indiquent pas nécessairement que Paul ait été l’instrument de la conversion de son jeune ami ; elles peuvent se rapporter à l’influence qu’il exerça sur lui en le formant à l’évangélisation. Timothée justifiait, par une bonne réputation, sans doute aussi par des dons naturels, les prophéties positives qui avaient été faites à son sujet (1 Timothée 1.18 ; 4.14), et il se recommandait ainsi à l’attention de l’apôtre qui n’hésita pas à se l’attacher. Après l’avoir circoncis et lui avoir donné l’imposition des mains (l’an 52), Paul le prit avec lui pour se rendre par Troas en Macédoine (Actes 16.1-3 ; 1 Timothée 4.14 ; 6.12 ; 2 Timothée 1.6). Il le laissa d’abord à Bérée, l’envoya peu de temps après à Athènes, puis à Thessalonique pour avoir des nouvelles de cette Église, au sujet de laquelle il était inquiet (Actes 17.14-15 ; 1 Thessaloniciens 3.2).
Timothée, apportant des nouvelles de Thessalonique, rejoint Paul à Corinthe (52 ou 53), et signe, avec lui, ses deux lettres aux Thessaloniciens (1 Thessaloniciens 1.1 ; 3.6 ; cf. Actes 18.5 ; 2Thes. 1.1). Ici nous perdons de vue Timothée ; la narration des Actes est interrompue quant à ce qui le concerne, et ce n’est qu’après un certain temps que nous le retrouvons ; il est à Éphèse (Actes 19.22). Paul l’envoie de là en Macédoine et à Corinthe (Actes 19.22 ; 1 Corinthiens 4.17 ; 16.10 ; l’an 56 ou 57) ; cependant, en écrivant sa première lettre aux Corinthiens (16.10), Paul ne sait encore rien de l’arrivée de Timothée au milieu d’eux ; les résultats de ce voyage, comme en général plusieurs points de la vie de Timothée, restent assez obscurs, et l’on a de la peine à découvrir comment cadrent ensemble les récits des Actes et des Épîtres, la vie de Paul et celle de Timothée.
Nous trouvons de nouveau ce dernier en Macédoine, auprès de Paul, lors de l’envoi de la seconde aux Corinthiens (1.1), et l’on suppose que retenu par diverses occupations, Timothée n’a pu aller jusqu’à Corinthe, ce qui expliquerait le silence que garde l’apôtre (2Cor), sur la présence et l’activité de Timothée dans cette ville. Mais lorsque, plus tard, Paul écrit de Corinthe aux chrétiens de Rome (58), Timothée paraît être auprès de lui (Romains 16.21). Paul, revenant par la Macédoine, envoie Timothée à Troas (Actes 20.4), et nous le perdons de vue encore une fois. Puis vient la captivité de Paul à Rome, et dès lors il devient toujours plus difficile de raconter la vie de Timothée ; des faits sont indiqués çà et là, mais aucune date ne les lie ; peut-être est-il à Rome avec son maître. Quoi qu’il en soit, après cette première captivité, l’on peut supposer (tous les interprètes en sont réduits à des suppositions sur ce point) que Paul, passant à Éphèse ou près de là, y laissa Timothée muni de quelques instructions qui cependant n’étaient point suffisantes (1 Timothée 1.3) ; qu’il poursuit son voyage par Philippes, jusqu’à Troas (2 Timothée 4.13) ; qu’il revient de la Macédoine dans l’Asie Mineure pour y voir Timothée, ainsi qu’il le lui avait promis dans sa première épître ; qu’il lui fait des adieux solennels (2 Timothée 1.4), comme s’il allait entreprendre un voyage long et dangereux ; que dans ce voyage il laisse Trophyme malade à Milet, et Eraste à Corinthe (2 Timothée 4.20) ; qu’il pousse peut-être jusqu’en Espagne, et qu’enfin il arrive à Rome, soit libre, soit prisonnier ; qu’il envoie de là quelques-uns de ses compagnons comme missionnaires (2 Timothée 4.10) ; qu’il fait peut-être prévenir verbalement Timothée de venir le joindre (supposition nécessaire pour expliquer sa seconde Épître, où il s’adresse à Timothée comme si celui-ci connaissait déjà son emprisonnement) ; qu’ayant été entendu par le juge, et n’espérant plus recouvrer sa liberté, Paul presse Timothée de venir le voir avant l’hiver, et d’amener Marc avec lui (2 Timothée 4.11-21).
La seconde Épître à Timothée aurait donc été écrite de Rome en 67, et adressée au disciple à Éphèse. Quant à la première, elle se place naturellement pendant le voyage que fit Paul en Macédoine après qu’il eut établi Timothée à Éphèse, de sorte que la notice ajoutée dans les éditions ordinaires à la fin de l’épître est fausse, comme d’autres qui font dater la lettre d’Athènes.
L’Épître à Tite fut écrite à la même époque, ainsi que cela résulte de sa grande ressemblance avec la première à Timothée. La tradition ajoute à ces données du récit biblique, que Timothée fut évêque d’Éphèse, et qu’il souffrit le martyre sous Domitien (84-96 après Jésus-Christ). On suppose que le Timothée d’Hébreux 13, est le même que le disciple de Paul, mais on ne sait à quel événement de sa vie l’apôtre fait allusion en parlant de sa mise en liberté, si toutefois cette traduction doit être admise, ce qui est contesté par plusieurs commentateurs.
Le caractère de Timothée est assez relevé par la confiance et l’amitié de Paul ; on peut dire qu’il est sans b ; pur, égal, aimant et doux pour les autres ; il ne se ménageait pas assez lui-même, et l’apôtre ne lui reproche que trop de sobriété, un ascétisme trop rigoureux et trop austère (1 Timothée 5.23). Heureux les pasteurs qui ne méritent pas d’autre censure ! Le ministère si fécond de Timothée n’est connu que par les lettres qu’il a reçues d’un apôtre ; sa carrière si importante serait entièrement oubliée sans cette circonstance, et l’on peut se faire une idée, par ce seul exemple, de ce que doit avoir été l’activité des premiers apôtres et missionnaires, sur la vie desquels nous n’avons aucun détail. Il semble aussi qu’on doive se réjouir de ce qu’au milieu de toutes les peines de sa vie, Paul ait eu la douceur de rencontrer un ami comme Timothée, qui pouvait si bien le comprendre et sympathiser avec lui (2 Timothée 3.10). De pareilles amitiés ne peuvent s’établir qu’entre chrétiens ; elles sont durables et parfaites, parce qu’elles unissent la connaissance et le sentiment, la vérité et la charité (cf. 2 Jean 1.2).
Épîtres pastorales
On désigne sous ce nom les deux Épîtres à Timothée, et l’Épître à Tite. Elles se distinguent de toutes les lettres de Paul qui nous sont parvenues, en ce qu’elles sont les seules qu’il ait adressées à des compagnons de service ; elles se distinguent aussi par là de l’Épître à Philémon, qui n’est qu’une simple lettre de particulier, et qui ne traite que d’un seul objet de la plus grande simplicité, d’une demande pour laquelle une exposition longue et variée était moins nécessaire qu’une manière persuasive de la présenter. Dans les épîtres pastorales, au contraire, Paul est convaincu d’avance que son lecteur est disposé à recevoir les préceptes qu’il lui donne. Ce sont des lettres d’amitié, mais ce sont aussi des lettres d’affaires ; elles ont ce double caractère, et il est évident qu’elles étaient destinées à recevoir une certaine publicité. Ce qui a été dit plus haut sert à fixer les dates de ces lettres, les lieux d’où elles furent écrites et leurs circonstances ; il faudrait un livre spécial pour résoudre les doutes et prouver les assertions ; ce n’est point ici notre tâche.
Il n’est aucune épître dont l’authenticité ait éprouvé de plus rudes attaques que la première Épître à Timothée ; c’est Schleiermacher qui lui a porté les premiers coups, s’appuyant de la logique, de la philologie et de l’histoire. On lui prouva (Planck) que la plupart de ses arguments s’appliquaient avec la même force aux deux autres épîtres pastorales, et Eichhorn, profitant de la leçon, ne tarda pas à attaquer les trois épîtres ensemble ; d’autres ont suivi leurs traces, mais ils ont été réfutés à plusieurs reprises par Bœhm, Heidenreich, Schneckenburger, etc. La violence des attaques a fait faire des recherches consciencieuses qui ne sont pas restées sans résultat. Il est difficile de donner une analyse de ces épîtres, surtout de la première à Timothée, où il y a plus d’abondance que d’ordre, où toute disposition oratoire est négligée, plus encore que dans les autres épîtres de Paul, et où l’apôtre semble avoir jeté, au fur et à mesure qu’ils se présentaient à lui, les préceptes, les sentences, les souvenirs, l’expression de ses sentiments personnels, des directions générales, des détails intimes, les conseils de l’apôtre et les conseils de l’ami. Les docteurs et les doctrines que Paul s’attache à combattre, ou qu’il signale à l’attention du pasteur d’Éphèse, sont les mêmes tendances qu’on a vues combattues dans les Épîtres aux Éphésiens et aux Colossiens ; il lui recommande de les combattre surtout en proclamant l’Évangile, en opposant aux erreurs les vérités contraires, l’autorité de son ministère au charlatanisme des faux docteurs.
La seconde à Timothée parle également des faux docteurs, mais d’une manière plus vague, moins circonstanciée (3.1-5 ; 4.3 ; etc.) ; c’est, en quelque sorte, un supplément d’instructions ; elle est, du reste, plus personnelle, plus intime, et, comme on l’a dit, elle reflète les dispositions de l’âme de l’apôtre, qui s’attendait à un prochain délogement, et qui fait son testament avant de mourir, instituant, en quelque sorte, Timothée pour son héritier et exécuteur testamentaire.
L’Épître à Tite ne traite, pour ainsi dire, qu’un seul sujet, la nécessité de nommer des anciens dans les villes de l’île de Crète ; il ne s’agit pas, comme dans les précédentes, de redresser ou de compléter un ordre de choses déjà existant, mais en partie affaibli ou corrompu ; il ne s’agit, par conséquent, pas de combattre ; aussi les préceptes donnés par Paul sont-ils tout à fait simples. Le reste de l’épître traite de la doctrine et de l’enseignement. L’Évangile avait pénétré en Crète d’assez bonne heure, mais d’une manière en quelque sorte privée ; on y voyait des croyants, on n’y trouvait pas d’Église, et Tite fut chargé d’organiser ces troupeaux. L’absence de conducteurs spirituels et le contact des idées juives avaient pu favoriser l’action du principe judaïsant, et l’antique mauvaise renommée des Crétois, justifiée par leur immoralité, continua de subsister même après l’établissement partiel du christianisme dans cette île.
Chacune des trois épîtres pastorales a donc son caractère, chacune forme un ensemble dont les différentes parties se lient, d’une manière conforme au but particulier de l’apôtre, et aux circonstances dans lesquelles elle a été composée.