C’est le mot par lequel on traduit ordinairement l’hébreu néphesh dans l’Ancien Testament, et le grec ψυχή, ῆς, ἡ dans le Nouveau (cf. Deutéronome 6.3 ; Matthieu 22.37). L’hébreu leb, cœur, et le grec xapsii, désignent l’organe par lequel l’âme a la conscience d’elle-même, et perçoit les impressions (cf. Genèse 8.21 ; Exode 10.20 ; etc.). Cette distinction ne saurait cependant s’appliquer à tous les cas, et l’on doit reconnaître que dans le sommaire de la loi, à moins de supposer une tautologie, l’âme et le cœur sont deux choses différentes, dont l’une n’est pas l’organe de l’autre, mais qui ont chacune un rôle indépendant, une action spéciale dans l’organisme moral. Le cœur représenterait davantage l’élément actif, le principe de l’aspiration, du désir ; et l’âme, l’élément passif et susceptible de recevoir des impressions.
Les paroles du Deutéronome 6.5, sont citées trois fois dans les Évangiles, et chaque fois d’une manière différente, qui s’éloigne également du texte hébreu, et de la traduction des Septante. Il est aisé de voir que les évangélistes ont cité de mémoire, en s’occupant du sens plus que des mots.
Dans le texte hébreu du Deutéronome, on trouve en effet, et dans l’ordre suivant, les mots : cœur, âme, force.
Dans Matthieu : cœur, âme, pensée.
Dans Marc 12.30 : cœur, âme, pensée, force ; au verset 33 l’ordre des mots est encore interverti, et, en outre, intelligence est mis à la place de pensée.
Dans Luc 10.27 : cœur, âme, force, pensée.
Le mot force (Deutéronome et Luc) désigne, presque sans contestation, l’action de la volonté, l’activité, la pratique ; le mot pensée (ou intelligence, Marc 12.33) comprend les facultés intellectuelles ; les mots cœur et âme, qui se retrouvent dans les quatre passages, ne peuvent avoir que le sens qui a été indiqué ; la force serait alors l’expansion au dehors des impressions reçues, des désirs, et des résolutions formées par l’activité intérieure.
L’emploi et la distinction des mots cœur et âme, dans les plus anciens livres des Hébreux, indiquent déjà , même en admettant un certain matérialisme, que les Juifs avaient une idée de la spiritualité de l’homme. Comme la plupart de leurs notions religieuses, théologiques, philosophiques, psycologiques, cette idée était confuse et vague, parce que l’analyse n’était pas intervenue, parce que le temps ne l’avait pas mûrie. Moïse pouvait dire : L’âme de la bête est dans son sang (Lévitique 17.11 ; Deutéronome 12.23 ; cf. Genèse 9.4), sans être accusé d’hérésie, sans heurter le sentiment public et la délicatesse des sages. Longtemps après, on pouvait confondre encore par une même expression l’âme et la vie matérielle (Matthieu 16.26). Mais l’idée n’en existait pas moins qu’une substance immatérielle, qu’une réalité spirituelle était jointe au corps, à la matière ; quelque intime que fût l’union, ce n’était qu’une union, et non une identité, une confusion. En disant l’esprit, l’âme et le corps, l’Écritures renferme des indices, sinon une théorie formelle sur la composition de l’homme (Ésaïe 57.16).
Le récit de la création même implique la distinction de nature entre le corps formé de la terre, et l’âme formée par le souffle, l’esprit de Dieu, et renferme par conséquent le germe de l’idée d’immortalité (Genèse 2.7), quoique les mots respiration de vie se retrouvent plus loin (7.22), appliqués aux animaux, par suite de cette absence de précision, qui n’est pas l’erreur, mais qui accompagne toute définition encore incertaine, toute science dont les termes sont encore à créer. Les mots âme vivante sont également appliqués aux animaux (1.20-30), et l’âme semble désigner simplement le principe vivifiant (comme Jonas 4.3), où le texte porte : Ote-moi, je te prie, l’âme, car la mort me vaut mieux que la vie (cf. 1 Corinthiens 15.45). C’est encore le souffle (Ecclésiaste 12.9), qui retourne à Dieu, après que la poudre est retournée dans la terre plus loin l’article Immortalité.
« L’âme, dit Calvin, est prise pour la volonté et désir, à savoir, d’autant qu’elle est le siège de la volonté et du désir. En ce sens, il est dit que l’âme de Jonathan était liée à l’âme de David, et l’âme de Sichem adhéra à Dina, fille de Jacob… Quelquefois l’âme est simplement prise pour la personne, ou homme ayant âme, comme quand il est dit que « soixante-seize âmes descendirent avec Jacob en Egypte ». Aussi : « L’âme qui aura péché mourra… ». Et davantage, l’Écritures use de cette façon de parler que « l’âme se départ » au lieu que nous disons coutumièrement : « rendre l’âme... ». Davantage, nous savons que quand ces deux mots, âme et esprit, sont conjoints ensemble, par l’âme est signifiée la volonté, et par l’esprit l’entendement ;… Il faut prendre en ce même sens ce que l’auteur de l’épître aux Hébreux dit, que « la parole de Dieu est vive et pleine d’efficace, et plus pénétrante que tout glaive à deux tranchants, et atteint jusqu’à la division de l’âme et de l’esprit… » Toutefois, en ce dernier passage, aucuns aiment mieux par l’esprit entendre cette essence en laquelle est la raison et la volonté…, et par l’âme, le mouvement vital, et les sens que les philosophes appellent supérieurs et inférieurs ».