(Actes 10.1ss)
Centenier d’une cohorte de la légion appelée italique, habitait à Césarée sur les bords de la Méditerranée. C’était un homme dévot et craignant Dieu, ainsi que toute sa famille, faisant beaucoup d’aumônes, et priant Dieu continuellement ; mais il était païen de naissance, et jusqu’alors il ne paraît pas qu’il eût eu connaissance de la vérité. Quelques-uns veulent qu’il ait été prosélyte de la porte, mais dans ce cas Pierre ne l’eût pas regardé comme un étranger impur (10.28), et les frères de la Judée n’eussent pas été non plus scandalisés que Pierre fût entré chez cet incirconcis (11.3). Corneille était donc bien disposé pour le royaume des cieux, mais il n’était que cela, quand un jour, vers les neuf heures, à l’heure du culte lévitique, il vit clairement un ange de Dieu qui vint à lui et qui l’appela par son nom. Effrayé de la vision céleste, le pauvre centenier tenait les yeux arrêtés sur l’ange, et il s’écria : Qu’y a-t-il, Seigneur ? Des paroles de paix lui furent annoncées : « Tes prières et tes aumônes sont montées en mémoire devant Dieu ; et après lui avoir ordonné de faire venir l’apôtre Pierre dont il lui indiqua la demeure, l’ange se retira d’auprès de lui. Corneille aussitôt appelle deux de ses serviteurs, et un soldat craignant Dieu, qu’il charge d’aller trouver Pierre à Joppé, chez Simon le corroyeur. Ce que durent être, pendant deux jours d’attente, les sentiments intérieurs du pieux mais ignorant capitaine, on ne saurait le dire : mais l’apparition de l’ange semblait lui indiquer que la visite de Pierre serait aussi quelque chose de surnaturel, de divin ; il attendait cet homme miraculeux qui devait lui indiquer le chemin du salut, et il l’attendait avec une sorte de vénération, bien légitime à quelques égards, puisque lui, païen, n’était que ténèbres en comparaison du messager de lumière, mais vénération qui devait se rapporter à la lumière elle-même et point à l’humble et timide porteur du flambeau sacré. Aussi lorsqu’arriva l’apôtre que Dieu lui-même, par une vision correspondante, avait préparé à descendre sans hésiter chez le centenier de Césarée, il trouva la salle remplie des parents et des amis de Corneille, et celui-ci venant au-devant de Pierre, se jeta à ses pieds et l’adora. L’apôtre, dont les soi-disant successeurs exigent pour eux-mêmes l’adoration des fidèles (voir l’ouvrage catholique de M. Magnin, sur la Papauté, p. 434, 435.), releva Corneille en lui disant : Lève-toi, et moi aussi je suis homme. Puis s’étant informé du motif pour lequel ils l’avaient fait venir, Pierre ayant confessé ses répugnances particulières, et la crainte qu’il avait eue de mal faire en descendant auprès d’eux, mais la manifestation divine qui l’y avait décidé, leur raconta en peu de mots l’histoire pour eux inconnue, du Christ qui était venu sur la terre, naître, vivre, souffrir et mourir pour réconcilier avec Dieu son père les pécheurs condamnés, pour les sauver par son sang, et pour être au dernier jour le juge des vivants et des morts. Pendant que l’apôtre parlait, les païens qui l’écoutaient reçurent la foi ; ils crurent aux merveilles de la miséricorde divine, ils acceptèrent le salut gratuit que Jésus leur avait mérité sur la croix ; le Saint-Esprit descendit alors sur eux ; ils parlèrent diverses langues et glorifièrent Dieu. Les chrétiens d’entre les Juifs qui avaient accompagné Pierre à Césarée, furent étonnés de voir les grâces divines être accordées à ces étrangers en la même mesure qu’elles l’étaient aux chrétiens de l’ancien peuple ; mais Pierre comprit que la paroi mitoyenne était rompue, que dès ce moment la circoncision ou l’incirconcision n’était plus rien ; il ne se fit donc aucun scrupule de les baptiser, et de demeurer avec eux plusieurs jours. Ce fut la première église d’entre les païens, le premier pas du Christianisme en dehors du cercle judaïque, en dehors des limites du peuple extérieur dont Dieu, pendant quelques siècles, avait fait le dépositaire de ses oracles, et l’objet visible de ses soins et de son amour ; ce fut un moment solennel que celui où le vase de l’ancienne sacrificature déborda pour la première fois, pour se répandre en torrents de bénédictions sur les peuples qui n’étaient point appelés du nom de l’Éternel ; et certes les anges du ciel s’en réjouirent.
Quant à Corneille lui-même, l’histoire sainte n’en reparle plus, et les traditions qui le font évêque, les unes de Césarée, les autres d’Ilion, les autres de Scepsis, ne nous apprennent rien, non plus que celles qui le font martyr.