L’écriture fut de bonne heure connue des Hébreux ; cependant l’on n’est pas d’accord sur l’époque où elle fut introduite d’une manière générale, et deux opinions passablement tranchées sont encore en présence aujourd’hui. Hengstenberg et Haevernick réclament déjà pour les patriarches la connaissance de l’art d’écrire ; Winer ne la fait remonter qu’aux jours de Moïse ; Hartmann et Bohlen veulent même ne lui donner qu’une origine beaucoup plus récente. Nous ne dirons rien de cette dernière opinion qui n’a pour elle qu’une volonté et des préoccupations dogmatiques, non plus que de celle qui attribue à Adam l’invention de l’écriture et la composition d’un livre ; quant aux prophéties d’Énoch, dont il est parlé (Jude 1.14 ; voir Hénoc). En faveur de la première opinion, Hœvernick a réuni un grand nombre de passages et de présomptions diverses, qui ne sont pas tous également probants, mais dont l’ensemble milite avec beaucoup de force à l’appui de sa thèse. Les rapports fréquents des Hébreux avec les Phéniciens, les richesses et la prospérité de Sidon, ses vaisseaux bien connus des patriarches (Genèse 49.13), les relations du Nord avec le Sud, les marchands madianites venant de Galaad pour se rendre en Égypte (Deutéronome 3.12 ; Genèse 37.25), les ornements et autres articles de luxe, mentionnés dans l’histoire des patriarches (Genèse 43.14 ; 24.22 ; 37.3), les échanges, et l’emploi de l’argent comme valeur déterminée (20.16), tout indique un degré de civilisation tellement avancé, qu’il est difficile de croire que la culture intellectuelle n’ait pas marché de pair avec un pareil développement, et que l’écriture ne soit pas devenue une nécessité. L’histoire de Juda et Thamar (Genèse 38.18), nous présente une autre trace qui semble indiquer la connaissance de l’écriture ; il y est parlé d’un cachet ; or un cachet suppose l’art de graver, qui suppose à son tour l’écriture. Le mot hébreu employé (Genèse 41.8) pour magicien, est un composé du mot hhéret (Ésaïe 8.1), qui signifie un burin à graver (une touche de fer : Job 19.24) ; nouvel indice. Enfin le mot shoterim, traduit par commissaires (Exode 5.6) et ailleurs, et qui se rencontre fréquemment dans le Deutéronome, même en parlant de temps antérieurs à Moïse, signifie proprement écrivains, inscripteurs ; c’étaient peut-être des espèces de commis teneurs de livres, comme il y en eut plus tard, surtout parmi les Lévites, un grand nombre, chargés des registres généalogiques et des dénombrements.
À ces traces antémosaïques on objecte, que les patriarches sont représentés dans la Genèse comme se faisant des monuments naturels, des autels, des monceaux de pierres, des arbres, pour suppléer à l’absence de l’écriture et pour seconder la mémoire. On voit en effet plusieurs mémoriaux de ce genre ; mais d’abord nous ignorons s’ils ne portaient pas quelques inscriptions, et ensuite il est peu probable que leur simple existence secondât suffisamment la mémoire, si du reste aucun signe caractéristique ne venait rappeler l’événement : ces monuments d’ailleurs se retrouvent même après les temps mosaïques, et même de nos jours, sans qu’on puisse nier l’art d’écrire.
À l’époque de Moïse on ne peut plus douter que l’écriture ne soit bien connue ; Moïse écrit la loi, la fait lire par le Lévite, copier pour l’usage des rois (Deutéronome 31.6-11 ; 17.18) ; les anciens d’Israël sont convoqués par écrit (Nombres 11.24-26) ; les imprécations prononcées contre la femme soupçonnée d’adultère, au cas qu’elle soit coupable, sont écrites dans un livre (Nombres 5.23), les pierres sont sculptées, même on y grave des noms (Exode 35.33 ; 28.36 ; Deutéronome 27.8) en lettres tantôt fines, tantôt fort grandes ; des passages écrits doivent servir de fronteaux aux Israélites au lieu des amulettes égyptiennes (Exode 13.16 ; Deutéronome 6.8 ; 11.18) ; les poteaux des maisons sont recouverts d’inscriptions pareilles (6.9) ; enfin l’époux qui veut répudier sa femme doit lui donner une lettre de divorce (Deutéronome 24.1-4). On peut voir ensuite, pour l’époque qui suivit Moïse (Josué 24.26 ; 8.32-34-35 ; 1.4-6, 9 ; Juges 5.14 ; 8.14 ; Jérémie 52.25 ; etc. Ézéchiel 9.2). Dans les premiers temps, et pour les actes d’une certaine importance, des masses solides, des rochers, sont les matériaux dont on se sert (Exode 24.12 ; 31.18 ; 34.1 ; Deutéronome 10.4 ; 27.8) ; de lourds et puissants burins de fer sont les plumes des écrivains (Job 19.24 ; Jérémie 17.1). Des plaques de métal, et quelquefois de bois, servent cependant aussi à recevoir les caractères (Exode 28.36 ; Nombres 17.2) ; on trouve encore mentionnés parmi les objets en usage l’encre (Jérémie 36.18 ; cf. 2 Jean 1.12 ; 3 Jean 1.13 ; 2 Corinthiens 3.3) ; un canif (Jérémie 36.23) ; une pointe de diamant pour graver (Jérémie 17.1 ; cf. Ésaïe 8.1) ; des plumes (Jérémie 8.8 ; cf. 3 Jean 1.13). Du papier égyptien semble mentionné (2 Jean 1.12), et des feuilles de parchemin (2 Timothée 4.13). On se servait aussi de tablettes légères pour l’usage journalier (Luc 1.63). Les ouvrages un peu volumineux étaient écrits sur des feuilles réunies en rouleaux (Jérémie 36.14 ; Ézéchiel 2.9 ; Zacharie 5.1 ; Psaumes 40.8 ; cf. Luc 4.17 ; 2 Rois 19.14 ; Apocalypse 6.14), et divisées en colonnes (Jérémie 36.23).