(Genèse 25.25)
Premier-né d’isaac et de Rebecca, fut un homme des champs, s’adonnant au labourage et aux travaux de la chasse. Au retour d’une de ses violentes excursions, accablé de fatigue et dévoré par la faim, il parla légèrement de ses lèvres, et céda son droit d’aînesse pour un plat de lentilles, tombant par son impétuosité dans les filets d’une mère et d’un frère dont il eût dû se méfier. Il oublia bientôt cette imprudence ; il en fit une autre en épousant deux Cananéennes (Héthiennes) (Genèse 26.34 ; 36.1 ; voir Elon), et se compromit lui-même gravement par cette infidélité, compromettant en même temps la paix de la famille patriarcale. Puis son père étant devenu vieux, et voulant donner sa bénédiction au fils aîné qu’il chérissait (Genèse 27.1), Jacob l’enfant de la ruse le supplanta par un habile déguisement, et accomplit par un péché les plans éternels de la Providence : Ésaü ne reçut que les restes de la bénédiction paternelle, la promesse d’une nombreuse postérité, puissante, belliqueuse et riche, mais parfois soumise à celle du cadet béni. Justement indigné, Ésaü croyait pouvoir se faire justice à lui-même, et ne cachait pas son intention de tuer son frère après la mort d’Isaac ; mais Jacob ayant disparu d’après les conseils de sa mère, Ésaü, espérant de rentrer dans la faveur paternelle, et peut-être dans celle de Dieu, par une alliance avec la famille d’Abraham, épousa une fille d’Ismaël ; ce fut en vain ; lorsque le cœur n’est pas sain, l’esprit ne peut l’être non plus. La famille d’Ismaël n’appartenait pas à la promesse, et ne fit venir aucune bénédiction sur celui que l’Éternel avait rejeté hors du peuple qui devait être le dépositaire de la vérité (Malachie 1.2 ; Hébreux 12.16). Les années s’écoulèrent, la haine s’éteignit dans le cœur d’Ésaü, et lorsque Jacob revint de la Chaldée, dans l’entrevue qui eut lieu entre l’usurpateur et la victime (Genèse 32), Ésaü se montra bien au-dessus de son frère par la chaleur de son affection, la noblesse de sa conduite, et son oubli du passé ; car, évidemment, tout ce que Jacob pouvait lui offrir n’était rien en comparaison de la bénédiction dont il l’avait dépouillé. Les deux frères se revirent encore une fois à la mort de leur père (Genèse 35.29). Ésaü continua d’habiter au pays de Séhir, dont Dieu avait assuré la possession à sa postérité (Deutéronome 2.5). On ne sait rien sur sa mort.
Le nom d’Ésaü signifie velu (comme un manteau de poil, Genèse 25.25), et lui fut donné à sa naissance ; celui de Édom signifie roux, et lui fut donné peut-être aussi à sa naissance, à cause de la couleur de son poil, mais plus probablement à cause du plat de lentilles (Genèse 23.30). Ces deux noms sont employés l’un et l’autre pour désigner les tribus iduméennes et la contrée qu’habitèrent les descendants d’Ésaü, mais ce dernier s’emploie surtout dans les livres prophétiques (Jérémie 49.8-10 ; Abdias 6, 8-6, 19).
Pour les trois femmes d’Ésaü, voir Genèse 26.34 ; 28.9 ; cf. 36.2ss.
Il existe une tradition assez singulière sur la descendance d’Ésaü, et qui excite fortement l’indignation du père Calmet, c’est que Ésaü aurait eu un fils nommé Roum, duquel serait descendu Romulus et les rois de Rome ; voici du reste ce qu’il dit : « C’est une tradition commune à toutes les nations du Levant qui ont quelque connaissance des livres sacrés, que du temps d’Habdon, juge des Hébreux, une colonie d’Iduméens passa en Italie où elle s’établit, que Latinus régna parmi eux, et que Romulus fondateur de Rome tirait d’eux son origine. Tout cela est une fable mal inventée par les Juifs pour faire tomber contre les chrétiens (de Rome) tout ce qui est dit dans l’Écriture contre l’Idumée, et les Iduméens. Les plus fameux rabbins soutiennent opiniâtrement cette impertinente tradition. Le Talmud appelle l’Italie et Rome « le cruel empire de Édom » ; Édom signifie roux ; les empereurs romains étaient vêtus de rouge ; les cardinaux portent encore la même couleur. Les belles raisons ! » Nous comprenons l’indignation de Calmet, toutefois il ne nous paraît pas que l’interprétation de toutes les nations du Levant, appuyée de celle de tous les interprètes juifs et d’un fort grand nombre d’interprètes chrétiens, doive être rejetée entièrement. Les Édomites sont dans leur origine, comme dans leur histoire, un type frappant des nations anti-chrétiennes qui touchent au peuple de Dieu, qui sont à même de connaître la vérité, qui sont placées, pour ainsi dire, sur les frontières de la terre sainte, et qui cependant n’emploient les avantages spirituels qui leur sont accordés, que d’une manière égoïste et perverse, se mettant en opposition directe avec le vrai peuple de Dieu. Le passage de Ésaïe 63.1-2, n’a certainement pas été indifférent à la tradition qui s’est formée ; la solennité des menaces contenues (Ésaïe 34), et la grandeur des promesses (Ésaïe 35), montrent qu’il s’agit de bien autre chose que de la simple chute de Édom, et l’Apocalypse, en parlant de Babylone et de la bête, emprunte les images employées par Ésaü parlant de Édom (34 et 63). Saint Jean paraît même avoir en vue le nom et la signification de Édom en donnant la description de la Rome antichrétienne : le dragon est rouge (Apocalypse 12.3) ; la femme est ivre du sang des saints, habillée de rouge, assise sur une bête rouge (17.3-4, 6 ; cf. 14.20 ; Ésaïe 34.3 ; 63.1 ; Apocalypse 19.3 ; Ésaïe 34.10 ; Apocalypse 19.13-15 ; Ésaïe 63.1-2 ; Apocalypse 19.18 ; Ésaïe 34.6-7). L’ancienne tradition nous paraît ainsi fondée en elle-même, c’est-à -dire que les passages relatifs aux iniquités commises par la postérité d’Ésaü, et les menaces prononcées contre ce pays, se rapportent en première ligne à Édom, mais d’une manière beaucoup plus générale aux peuples anti-chrétiens qui, portant le nom du Père des croyants, retiennent la vérité captive sous le boisseau, et aiment à s’enivrer de sang.