L’Évangile, cette clef de voûte d’une économie nouvelle où le mystère est remplacé par l’amour, l’Évangile, mot sacramentel que les anges proclamèrent du haut des cieux (Luc 2.10), en annonçant aux hommes un grand sujet de joie, l’Évangile, cette épigraphe de la religion chrétienne et d’elle seule, ce résumé des gratuités divines, ce nom que chacun réclame dans l’Europe chrétienne et qui s’avance en conquérant dans toutes les parties du monde, sur les côtes de l’Amérique, dans les déserts de l’Afrique, au bord des fleuves de l’Asie, et dans les îles de l’Océanie, jusqu’à ce qu’il ait gagné des hommes de toute tribu, langue, peuple et nation, l’Évangile n’est dans son origine comme dans sa signification littérale, ni un système de philosophie, ni un système de devoirs, ni une prédication de morale, mais la publication simple d’un fait, d’une nouvelle, d’une « bonne nouvelle », ainsi que le marque son nom même, dérivé des deux mots grecs qui ont cette signification.
Ce fait, c’est que Jésus est venu chercher et sauver ce qui était perdu (Matthieu 18.11) ; c’est qu’il n’y a point sous le ciel d’autre nom qui soit donné aux hommes par lequel il nous faille être sauvés (Actes 4.12) ; c’est que Dieu a tant aimé le monde, qu’il a donné son fils unique au monde, afin que quiconque croirait en lui ne pérît pas, mais qu’il eût la vie éternelle (Jean 3.16).
Fait historique, il repose sur un fait moral qu’il suppose, celui de la corruption entière du cœur humain, corruption telle qu’il ne peut plus être question pour l’homme d’un simple changement, d’une amélioration, d’un mieux aller, mais d’une métamorphose totale, d’une transformation, d’une conversion, d’une rétrogradation complète et sans restriction aucune. Cette base posée, cette corruption reconnue, dont les conséquences naturelles sont une éternelle condamnation, Dieu a opposé comme remède la mort de son fils éternel dont le sang doit à la fois expier et purifier. Ce plan, conçu dès avant la fondation du monde a été dévoilé à l’homme aussitôt après la chute ; et dès lors, développé de plus en plus clairement par les sacrifices, par le mosaïsme, par les prophéties, et par la foi des Juifs craignant Dieu, il a pris place dans l’histoire de l’humanité il y a plus de 2000 ans, le Verbe s’étant incarné, ayant souffert, étant mort, étant ressuscité, s’étant montré publiquement, ayant été vu, entendu et touché pendant plusieurs années, ayant prêché dans les plaines et sur les montagnes, dans les villes et dans les déserts. Puis son œuvre étant accomplie, il est retourné dans le sein de son Père.
Tous ces faits avaient pour but unique le salut des hommes, et c’est leur ensemble qui constitué l’Évangile, la bonne nouvelle.
Il importe donc extrêmement pour ce mot comme pour tous les autres, et plus encore, d’en conserver présente à la pensée la signification historique et salutaire, afin de ne se pas fourvoyer comme on le fait souvent, dans des phrases creuses et sonores qui n’ont aucun sens ; pratiquer l’Évangile, la loi de l’Évangile, les menaces, les foudres de l’Évangile, autant de formules qui dénotent chez ceux qui les emploient l’ignorance la plus triste et la plus déplorable de ce qui fait le fondement de la religion chrétienne. Nous ne pouvons développer, ni même indiquer ici toutes les idées également importantes, qu’entraîne après elle, et comme conséquence, la bonne nouvelle annoncée aux hommes ; l’inutilité d’œuvres supplémentaires à la mort de Christ qui a pleinement accompli le salut, en même temps que la nécessité des œuvres produites par une foi opérante dans l’amour, ou plutôt la production même de ces œuvres qui sont la conséquence naturelle de la véritable foi, du véritable amour pour le Dieu-Sauveur. (A. Bost, Qu’est-ce que l’Évangile ? 4e édition).
On a étendu plus tard, ou restreint, le nom d’Évangile aux livres inspirés qui nous racontent l’histoire de cette bonne nouvelle, et dont nous reparlerons aux articles de ceux qui les ont écrits, et qui sont appelés évangélistes. Ce dernier nom se donne encore dans l’Écriture aux hommes chargés de faire connaître la mort et la résurrection bénie du Fils de Dieu ; ils sont distingués (Éphésiens 4.11), des apôtres, des prophètes, et des pasteurs et docteurs, parce que leur mission était plus spécialement la prédication, plutôt que la cure d’âmes ou l’enseignement proprement dit. C’étaient des missionnaires chrétiens, comme paraissent l’avoir été Philippe (Actes 8.5 ; 21.8), Timothée (2 Timothée 4.5 ; etc.), sans doute aussi tous les autres apôtres, quoiqu’ils ne soient pas désignés sous ce nom. Cette charge, la plus grande et la plus belle de celles qui se trouvent sous le ciel, ne prend vie dans l’Église que lorsque l’Église elle-même a de la vie. Aujourd’hui un grand nombre de ces saints messagers parcourent la France, envoyés par des sociétés fondées dans ce but à Genève, à Paris, à Lyon, à Bordeaux, et dans un grand nombre de villes. Les chrétiens ne peuvent faire mieux que de les assister de leurs dons et les soutenir de leurs prières : c’est l’œuvre directe du Seigneur. On donne plus ordinairement le nom de missionnaires aux évangélistes envoyés chez les peuples non chrétiens, quoiqu’au berceau du christianisme cette distinction n’existât point, et ne pût même pas exister. Cette œuvre de l’évangélisation qui a fait des prodiges, excite naturellement les cruelles antipathies de ceux pour qui la bonne nouvelle n’est qu’un système entre plusieurs autres, une théorie bonne entre plusieurs autres, et Jésus-Christ un saint et un ange, mais point l’incarnation de la divinité : tous ceux qui n’auront connu véritablement, ni Jésus, ni le Père, feront souffrir persécution à ceux qui voudront vivre selon la fidélité, et les ténèbres seront toujours ennemies de la lumière.