Animal domestique, fort connu, déclaré impur par la loi, et fort méprisé parmi les Juifs. Ils n’ont rien de plus injurieux à dire, que de comparer un homme à un chien mort. David, pour faire sentir à Saül que la persécution injuste qu’il lui faisait ne lui faisait à lui-même aucun honneur, lui dit (1 Samuel 24.15) Qui persécutez-vous, roi d’Israël ? Qui persécutez-vous ? Vous persécutez un chien mort. Et lorsque David fit l’honneur à Miphiboseth de lui donner sa table (2 Samuel 9.8), Miphiboseth, en le remerciant, lui dit : Qui suis-je moi, votre serviteur, pour mériter que vous jetiez les yeux sur nn chien mort comme moi ? Job dit que, dans sa disgrâce, des jeunes gens l’osaient insulter (Job 31.1), dont il n’aurait pas daigné auparavant mettre les pères au rang des chiens qui gardaient ses troupeaux.
Le nom de chien se met quelquefois pour un homme qui a perdu toute pudeur, pour un homme qui se prostitue par une action abominable ; car c’est ainsi que plusieurs entendent la défense que Moïse fait d’offrir au tabernacle du Seigneur (Deutéronome 23.18) le prix de la prostitution, et la récompense du chien ; et ce que dit l’Ecclésiastique (Ecclésiaste 13.22) : Quel rapport y a-t-il entre un homme pur et sanctifié, et un chien ? Jésus-Christ dans l’Apocalypse (Apocalypse 22.15) exclut de sa maison les chiens, les empoisonneurs, les impudiques, les homicides, les idolâtres, etc. Saint Paul (Philippiens 3.2) donne le nom de chien aux faux apôtres, à cause de leur impudence, et de leur avidité pour le gain sordide. Enfin Salomon et saint Pierre comparent les pécheurs qui retombent toujours dans leurs crimes (Proverbes 26.11 1 Pierre 2.21), aux chiens qui retournent à leur vomissement. David compare ses ennemis à des chiens (n), qui ne cessaient d’aboyer contre lui, par leurs médisances, et de le mordre par leurs persécutions et leurs mauvais traitements [Au livre de l’Exode chapitre 11 où Dieu menace les Égyptiens de frapper de mort les premiers-nés, il dit (Exode 11.6-7) qu’à la vue de ce malheur un grand cri s’élèvera dans toute l’Égypte, tandis que parmi les Israélites, on n’entendra pas seulement un chien gronder, ou, autrement, le moindre bruit capable de faire aboyer un chien. C’était, dans une tribu, dit M. Delabdrde sur ce texte, le plus grand signe du silence, et, par allusion, une preuve de la tranquillité et de l’indifférence de tout le peuple d’Israël.
En effet, l’Orient n’est pas seulement bruyant par ses habitants, il l’est aussi par ses chiens. Dans les villes, ils sont l’inquiétude des voleurs pendant la duit, et l’effroi des étrangers pendant le jour. Dans les bazars,… ce sont les chiens, qui, toute la nuit, font la garde avec une vigilance sans pareille. Depuis le coucher du soleil jusqu’à son lever, à moins d’être du quartier, il est dangereux de traverser les rues sans le gardien de chacune des circonscriptions, car les chiens, au premier aboiement de leurs sentinelles avancées, se réunissent, s’excitent, et bientôt dévoreraient le malheureux qui serait sans protection. Le gardien vous précède donc avec une lanterne, il connaît les chiens et il est connu d’eux ; il parle aux plus doux, frappe de sa canne ceux qui ne se dérangent pas assez vite, et impose à tous par son autorité un silence qui succède aux aboiements qu’avait occasionnés le premier bruit de vos pas. Pendantle jour, ces nombreux animaux n’ont ni maître ni refuge. Ils n’ont qu’un quartier et un chef, un quartier qu’ils ne peuvent quitter, parce que le quartier voisin est occupé par une autre bande, qui se réunit pour chasser, d’un commun accord, l’intrus qui vient prendre part à leurs chances de nourriture. Un chef, qui se fait reconnaître, d’eux, on ne sait par quelle autorité, mais que l’on distingue facilement à son éveil, à son courage, toujours le premier à aboyer, le premier à l’attaque, et guidant, rapide comme l’éclair, sa bande, d’une extrémité du quartier, son domaine, à l’autre. Ils restent ainsi dans leurs rues, ils s’ébattent, s’accouplent, mettent bas sur la voie publique et ne retrouvent, le jour, l’esprit hargneux de leurs fonctions nocturnes, que lorsqu’ils distinguent un Européen dans la foule des passants ; les hurlements sont alors étourdissants et font écho dans les troupes de chiens qui habitent les autres quartiers.
Il faut rapporter à cet aboiement contre un étranger les paroles de Judith, qui annonce à Holopherne qu’il domptera Israël sans qu’un chien ose aboyer contre lui (Judith 11.15), c’est-à-dire de manière à se faire adopter, reconnaître.
… Chez les Musulmans, les chiens n’entrent jamais dans les mnisons… Chez les Hébreux, le chien était également conservé en plein air, pour la sûreté. Il était aussi bruyant la nuit (Psaumes 108.15) que de nos jours en Orient, aussi acharné (Psaumes 21.17), aussi affamé (1 Rois 14.11 ; 21.23 ; 22.38 ; 2 Rois 9.36), aussi méprisé à cause de son impureté (2 Rois 8.13), à cause de son accouplement et de la banalité de ses amours (Deutéronome 23.19). Lorsqu’Abner s’écria : Suis-je donc un chien chef de bande (2 Samuel 3.8), il désignait ce guide que chaque troupe reconnaît et qui semble responsable de ses actions. En uu mot, c’étaient, d’un côté, les mêmes traitements ; de l’autre, les mêmes services.
Je ne remarque pas que les Hébreux se servissent de chiens pour la chasse. Le, gibier qui aurait été tué par un chien aurait été souillé, et ils n’auraient pu s’en servir (Lévitique 17.15). Je ne trouve aucune mention de chiens, lorsqu’il est parlé de chasse, ni aucune mention de chasse, quand il est parlé dè chiens. Dans l’Orient on se sert plutôt de lions, de léopards, ou de quelques autres animaux semblables, qu’un cavalier porte en croupe, ou devant lui, à cheval et lorsqu’il aperçoit le gibier, ôte une espèce de bourrelet que l’animal a sur les yeux, et lui montrant sa proie, il se jette dessus avec une très-grande agilité. Je ne voudrais pas toutefois nier qu’ils ne pussent se servir de chiens, pourvu qu’ils empêchassent qu’ils ne tuassent les animaux qu’ils poursuivaient ; car le chien ne souille pas, tant qu’il est en vie.
Les Arabes, de même que les Juifs, tiennent les chiens pour impurs, les flattent de paroles, les nourrissent bien, mais ne les touchent pas ; surtout s’ils étaient mouillés, ils ne les laisseraient point approcher, de peur que quelque goutte d’eau ne tombât sur leurs habits, ce qui les rendrait incapables de faire leur oraison. Mais ceux qui aiment la chasse, ne laissent pas de nourrir des lévriers et des chiens couchants, disant que ces chiens étant toujours à l’attache, et ne mangeant rien d’impur, sont exempts de la loi commune. Ils en disent de même des petits chiens. Personne chez eux ne fait de mal aux chiens, et si l’on en tuait quelqu’un de propos délibéré, on en serait châtié en justice.