Christianus, disciple de Jésus-Christ. Ce fut à Antioche que l’on commença à distinguer les Chrétiens des Juifs, et qu’on leur donna le nom de Chritianus ou disciple de Christ (Actes 11.26). On les nommait communément frères, fidèles, saints, croyants. Les païens leur donnèrent aussi le nom de Nazaréens et de Galiléens, parce que Jésus-Christ était de Nazareth en Galilée. Plusieurs ont cru que le nom de Chrétien, venait du grec chrestos, bon, utile ; et Suétone parlant de Claude, qui chassa les Juifs de Rome, dit qu’il les en chassa, parce qu’ils étaient continuellement en dissension à cause de Chrest. Le nom de Christ n’est pas un nom propre, dit Lactance : c’est un nom qui marque la puissance ; car les Juifs avaient coutume d’appeler ainsi leurs rois : (ils les appelaient Christs, ou oints, à cause de l’onction sainte qu’on leur donnait). Mais les païens, ajoute-t-il, donnent à Jésus-Christ, par erreur, le nom de Chrestus : Sed eum, immutata littera, Chrestum soient dicere. Et Tertullien : Le nom de Chrétien vient de l’onction que Jésus-Christ a reçue ; et celui de Chrestianus, que vous nous donnez quelquefois par erreur (car vous ne savez pas même distinctement notre nom), désigne la douceur, dont nous faisons profession.
Ceux que les voyageurs appellent Chrétiens de saint Jean, et les Orientaux Sabiens, ne sont pas une nation particulière, comme serait celle des Sabéens en Arabie ; mais ceux qui font profession d’une religion particulière, assez répandue dans les provinces d’Orient : il n’est pas même aisé de marquer en quoi consiste particulièrement cette religion, les auteurs Orientaux étant assez peu d’accord sur cela ; mais il est constant que la religion des Sabiens est une des trois auxquelles Mahomet a donné sa protection dans l’Alcoran ; et ces trois religions sont le judaïsme, le christianisme, et le sabiisme. Voyez dans ce Dictionnaire l’article Zabiens.
Les Chrétiens de saint Jean, ou Sabiens, ont tiré plusieurs observances de la religion chrétienne ; ils ont une espèce de baptême, et ont beaucoup de vénération pour saint Jean-Baptiste, duquel ils se disent disciples. Ils lisent non-seulement le livre des Psaumes, qu’ils nomment Zebour, mais aussi un autre livre qu’ils attribuent à Adam, qu’ils regardent comme leur Bible, dont les caractères sont tout à fait particuliers, mais dont la langue est presque entièrement Chaldaïque.
Les auteurs Arabes disent que ces gens-là sont les descendants de la plus ancienne nation du monde, qu’ils parlent encore aujourd’hui, du moins dans leurs livres, la langue qu’Adam et ses enfants ont parlée ; qu’ils tiennent leur religion et leur loi de Scheith et d’Edris, qui sont les patriarches Seth et Noé, dont ils ont encore aujourd’hui les livres pleins d’instructions morales. Ils prient Dieu sept fois le jour, et ne mêlent à cet exercice aucune autre action. Ils jeûnent pendant le cours entier d’une lune, et ne prennent aucune nourriture depuis le lever jusqu’au coucher du soleil. Ils terminent toujours ce jeûne à l’équinoxe du printemps, ce qui revient à-peu-près à la Pâque des Juifs.
Ils honorent le temple de la Mecque, et ont aussi beaucoup de respect pour les pyramides d’Égypte, à cause qu’ils croient que Sabi, fils d’Énoch, est enterré dans la troisième. Leur principal pèlerinage se fait en un lieu proche de Haram, en Mésopotamie, que quelques-uns tiennent pour le lieu de la naissance d’Abraham, mais qui est sûrement celui d’où il partit pour se rendre en Palestine d’autres croient qu’il s’honorent ce lieu à cause de Sabi fils de Mari, qui vivait du temps d’Abraham, et dont ils tirent apparemment leur origine, bien plutôt que de Sabi fils d’Énoch, qui n’est point connu dans l’Écriture, et qui doit avoir vécu avant le déluge.
Un autre auteur Arabe dit que la religion des Sabiens a été non-seulement la plus ancienne, mais encore la générale et la seule religion du monde, jusqu’au temps d’Abraham, duquel toutes les autres religions sont descendues. Ils disent que les anciens Perses, Chaldéens, Assyriens, Grecs, Égyptiens et Indiens, étaient tous Sabiens, avant qu’ils eussent embrassé le judaïsme, le christianisme, ou le mahométisme ; et les Chrétiens Orientaux ne font point de difficulté de dire que le grand Constantin a quitté la religion des Sabiens pour prendre celle des Chrétiens.
M. Chardin dans son Voyage de Perse, dit que les disciples de saint Jean-Baptiste sont en assez petit nombre, répandus dans l’Arabie, dans la Perse, et le long du golfe Persique ; que leur origine vient de la Chaldée, et qu’ils étaient d’anciens disciples de Zoroastre, dont ils tiennent encore plusieurs opinions : ils reçurent le baptême de saint Jean, firent un mélange de la doctrine chrétienne, des pratiques judaïques et des rêveries du mahométisme. Ils tiennent saint Jean-Baptiste pour auteur de leur créance, de leurs rits, et même de leurs livres. Ils reçoivent tous les ans le baptême de saint Jean : ce saint est leur grand et unique saint, avec ses père et mère : ils placent son tombeau proche de Chuster, capitale du Chusistan : ils placent au même endroit la source du Jourdain. Ils ne tiennent pas Jésus-Christ pour fils de Dieu, mais seulement pour prophète et pour l’Esprit de Dieu. Leur vénération pour la croix va presque jusqu’à l’idolâtrie.
Ils ont un livre, nommé Divan, qu’ils tiennent pour sacré : on y lit que Dieu est corporel, et qu’il a un fils, nommé Gabriel, par lequel il a créé le monde. Il créa aussi des anges corporels de l’un et de l’autre sexe, et capables d’engendrer. On dit qu’ils consacrent, ou qu’ils croient consacrer un pain pétri avec du vin et de l’huile, et qu’après l’avoir porté en procession, ils le mangent. Ils ont des évêques et des prêtres, qui se succèdent de père en fils : leurs prêtres se marient avec une fille vierge. On assure qu’une fois l’année ils immolent une poule sur le bord du fleuve, et qu’ils sacrifient aussi un bélier. Ils reçoivent tous les ans leur baptême par aspersion, ou par humersion, à leur volonté, et au nom de Dieu seul ; car ils ne reconnaissent ni le Fils, ni le Saint-Esprit. La polygamie est permise parmi eux : ils sont scrupuleux sur les purifications, à-peu-près comme les Juifs. Tels sont les prétendus Chrétiens de saint Jean.
On appelle ainsi dans l’Orient les Nestoriens ou Jacobites, et quelquefois même les Maronites, quoique ces derniers soient catholiques ; voici l’origine de cette dénomination. Motavakel, dixième kalife de la maison des Abbastides, fut le premier des princes Mahométans, qui Obligea les Chrétiens et les Juifs de ses États de porter une ceinture de cuir noire, assez large, qu’ils portent encore aujourd’hui, principalement dans l’Asie, pour se distinguer des Mahométans. Depuis ce temps les Chrétiens de Syrie et de Mésopotamie, qui sont presque tous Nestoriens ou Jacobites, la portent ordinairement ; ce qui leur a fait donner le nom de Chrétiens de la ceinture. Lorsqu’on excommuniait quelqu’un de ces gens-là, on leur coupait la ceinture nommée Zonnar, et on leur en donnait même quelques coups sur les épaules. Lorsque les poètes orientaux veulent louer leurs princes, et exagérer leurs conquêtes sur les Chrétiens, ils disent qu’ils ont fait faire leurs cloches, et mis en mille pièces leurs ceintures noires.