Ou Académie des juifs. Les Hébreux ont toujours été très-soigneux d’enseigner et d’étudier les lois qu’ils avaient reçues de Moïse. Les pères de famille étudiaient et enseignaient dans leurs propres familles. Les rabbins enseignaient dans le temple, dans les synagogues et dans les académies. On prétend que, dès avant le déluge, il y avait des écoles de science et de piété dont les patriarches étaient les directeurs. On met Adam à leur tête, puis Enos, et enfin Noé. Melchisédech, dit-on, tenait école dans la ville de Cariat-Sepher, autrement Hébron, dans la Palestine ; Abraham, qui avait été instruit par Héber, enseigna en Chaldée et en Égypte. Les Égyptiens apprirent de lui (Josèphe) l’astronomie et l’arithmétique ; Jacob succéda à Abraham dans l’exercice d’enseigner. L’Écriture dit (Genèse 25.27) qu’il était homme simple et habitait dans les tentes, c’est-à -dire, selon le paraphraste chaldéen, qu’il était parfait et ministre de la maison de doctrine.
Tout cela est certainement très-peu solide et très-incertain. On ne peut douter que Moïse, Aaron et les anciens d’Israël n’aient instruit le peuple dans le désert, et que plusieurs bons Israélites n’aient été très-soigneux d’instruire dans la crainte de Dieu leur famille ; mais tout cela ne nous prouve pas encore les écoles que nous cherchons. Sous Josué, nous voyons des espèces d’académies de prophètes, où les enfants des prophètes, c’est-à -dire, leurs disciples, vivaient dans l’exercice d’une vie retirée et austère, dans l’étude, la méditation et la lecture de la loi de Dieu. Il y avait de ces écoles de prophètes à Naioth de Ramatha, sous Samuel. David et Samuel s’y retirèrent (1 Samuel 19.19-20). Saül y envoya du monde pour prendre David ; mais les envoyés s’étant approchés de la troupe des prophètes, à la tête desquels était Samuel, ils se mirent à prophétiser avec eux ; les seconds et les troisièmes que ce prince envoya en firent de même ; et lui-même, y étant venu, fut saisi de l’esprit de Dieu et se mit à prophétiser comme les autres.
Nous en voyons encore sous les prophètes Élie et Élisée, à Béthel (2 Rois 2.3) et dans la plaine de Jéricho (2 Rois 2.5). Il y en avait un grand nombre même dans le royaume d’Israël (2 Samuel 18.4-13 ; 19.1 ; 20.35). Quelques-uns ont cru qu’Élie en avait aussi une communauté sur le mont Carmel. On allait consulter ces prophètes sur les affaires importantes ; on allait écouter leurs leçons, comme il paraît par l’hôtesse d’Élisée. Son mari lui demande pourquoi elle va voir le prophète, puisque ce jour n’était ni le sabbat ni la néoménie (2 Rois 4.23). Ces écoles subsistèrent jusqu’à la captivité de Babylone ; et il semble même que les captifs allaient encore entendre les prophètes, lorsqu’il s’en trouvait dans les lieux où ils étaient. Ézéchiel (Ézéchiel 20.1-3) raconte divers entretiens qu’il eut avec les anciens d’Israël, qui vinrent le voir et le consulter plusieurs fois. Le peuple s’assemblait aussi autour de lui, comme pour l’entendre et l’écouter ; mais ils ne tenaient compte d’exécuter ses paroles.
À ces écoles ou communautés de prophètes succédèrent les synagogues. On doute qu’il y en ait eu avant la captivité de Babylone ; cependant on lit dans le Psaumes 33.8, que Nabuchodonosor brûla toutes les synagogues du pays. Les anciens d’Israël passèrent la nuit en prières dans le lieu de l’assemblée, demandant le secours du Seigneur contre Holopherne. Le grec d’Esther (Isaïe 4.16) insinue qu’il y avait aussi des synagogues à Suse du temps d’Esther et de Mardochée. On assure que le nombre s’en multiplia tellement dans la Judée depuis le retour de la captivité, qu’il y en avait dans la seule ville de Jérusalem jusqu’à quatre cents, selon les uns, ou trois cent quatre-vingt-quatorze, selon les autres. Chaque corps de métier y avait la sienne, et les étrangers y en avaient aussi plusieurs.
Ce ne fut que depuis le retour de la captivité que l’on vit dans Israël les distinctions des sectes de Pharisiens, de Saducéens, d’Esséniens. On trouve aussi dans l’Évangile celle des Hérodiens. Chaque secte avait ses écoles particulières. On peut voir les articles de chacune d’elles.
La méthode d’enseigner dans les synagogues et dans les écoles se remarque parfaitement dans l’Évangile et dans les Actes. Jésus-Christ, âgé de douze ans, est trouvé dans le temple au milieu des docteurs, les écoutant et les interrogeant (Luc 2.46). Étant un jour entré dans la synagogue de Nazareth, sa patrie (Luc 4.16-17), on lui présenta le volume du prophète Isaïe ; il le développa et l’ouvrit, et, ayant lu un passage du prophète, il le roula de nouveau et s’assit pour parler : il le lut donc debout, à -peu-près comme nous lisons l’Évangile. Saint Paul dit qu’il avait étudié aux pieds de Gamaliel (Actes 22.3). Philon rapporte que dans l’assemblée des Esséniens, les enfants sont assis aux pieds de leurs maîtres, qui leur interprètent la loi et leur en développent les sens allégoriques et figurés, à la manière des anciens philosophes. L’auteur publié sous le nom de saint Ambroise sur les Épîtres de saint Paul dit que chez les Hébreux les rabbins sont assis dans des chaires élevées ; les écoliers plus savants et plus avancés sont sur des bancs au-dessous de leurs maîtres, et les plus jeunes sont assis à terre sur des nattes. Mais les auteurs du Thalmud enseignent qu’anciennement le maître était assis, et les écoliers debout ; mais cet usage changea dès avant la ruine du temple par les Romains ; et depuis ce temps le maître était assis à la première place, et les écoliers autour de lui, assis comme lui dans des chaires, ou assis par terre. Le maître enseignait ou par lui-même, ou par interprète. S’il se servait d’interprète, il lui parlait hébreu, et celui-ci l’expliquait en langue vulgaire. Si les écoliers voulaient faire quelque question au maître, ils s’adressaient à l’interprète, qui la proposait au rabbin et rapportait aux écoliers la réponse qu’il avait faite.
Saint Jérôme dit que, peu de temps avant la naissance de Jésus-Christ, deux fameux rabbins, Sammaï et Hillel, chefs de deux célèbres écoles, formèrent deux partis parmi les Juifs, et furent maîtres des Scribes et des Pharisiens. Akiba leur succéda et fut maître du fameux Aquila, interprète des Écritures de l’Ancien Testament. Akiba eut pour successeur Méir ; après lequel parut Johanan, fils de Zachaï ; puis Eliézer, ensuite Delphon, Joseph le Galiléen, et enfin Josué, qui présida à cette école jusqu’à la prise de Jérusalem. C’est ainsi que les Juifs donnaient la succession de leurs docteurs au temps de saint Jérôme.
Les rabbins enseignent qu’après la ruine de Jérusalem on établit une école à Japhné, nommée depuis Ivelin en Galilée, et une autre à Lydde ou Diospolis. Akiba professa d’abord à Diospolis, puis à Japhné. Gamaliel lui succéda à Diospolis, et il succéda à Gamaliel à Japhné. Mais la plus fameuse académie de ce pays-là fut celle de Tibériade, sur la mer de Galilée. C’est là que professèrent successivement Juda le Saint, disciple de Méir, Chanina et Johanan. Quelque temps après, Juda se retira de Tibériade et ouvrit une école à Séphoris, et y professa pendant dix-sept ans. Mais il est bon de remarquer que toute cette succession de maîtres et d’écoles est très-peu certaine.
Après la chute des écoles de la Palestine, que l’on fixe vers le milieu du troisième siècle, les Juifs vont chercher la succession de leurs docteurs au delà de l’Euphrate, à Sora, Pundebita, à Nahardea et à Perutz-Schibbur, lieux peu connus, et dont la situation est fort douteuse. Ils croient que ce furent les docteurs Rab et Samuel, disciples de Juda le Saint, qui les fondèrent vers l’an 220. Elles subsistèrent, disent-ils, pendant huit cents ans, jusque vers l’an 1030 de Jésus-Christ : alors elles furent détruites par les Sarrasins.
Du débris de ces écoles se formèrent celles de l’Égypte et de l’Europe : leurs docteurs parurent principalement en Espagne. Moïse, fils de Menton ou Maïmonide, était né à Cordoue. Il fut disciple d’Averroès, il se retira en Égypte, et y mourut vers l’an de Jésus-Christ 1205. Rabi Nathan, chef de l’école de Rome, mourut en 1106. Abenezra autre fameux rabbin, est mort à Rhodes en 1174. Le rabbin Salomon, nommé autrement Raschi, ou Jarchi, natif de Lunel en Languedoc, ou de Troyes en Champagne, mourut à Trèves en 1180. Kimchi était né à Narbonne : il a fleuri depuis l’an 1200 jusque vers l’an 1250. Voilà les principaux rabbins, et le temps auquel ils ont vécu. On peut se former, par ce qu’on vient d’en dire, une idée de leurs écoles et de la succession de leurs docteurs. Nous en avons parlé plus au long dans la Dissertation sur les écoles des Juifs. [Voyez ci-après l’article études des Hébreux et mon Dictionnaire de l’Écriture sainte, au mot École].