Le plus gros des animaux à quatre pieds. Ceux qui ont étudié plus exactement la nature de l’éléphant nous disent plusieurs choses fort extraordinaires de la sagacité, de la fidélité, de la prudence, de l’intelligence même de cet animal. On lui a souvent vu faire des choses qui sont fort au dessus de ce que font les autres bêtes. Les Hébreux semblent l’avoir ordinairement désigné sous le nom de béhémoth, qui signifie en général des animaux de service. Les Grecs et les Latins ont souvent désigné les éléphants sous le nom général de bêtes qui revient à la signification de l’hébreu béhémoth. Le nom Elephas peut venir d’Aleph, qui signifie instruire, à cause de la docilité de cet animal, ou d’Aleph, qui signifie un chef, un capitaine, parce que l’éléphant est comme le chef des autres animaux terrestres.
Voici ce que le Seigneur, parlant à Job (Job 40.10-11) et suivants dit de l’éléphant ou béhémoth : Il mange le foin comme un bœuf. Ce qui a un rapport admirable à ce que nous en apprennent les historiens. L’éléphant n’est pas carnassier, et n’est nullement farouche ; il se nourrit de foin, d’herbes, de légumes, comme nos animaux domestiques.
Sa force est dans ses reins, sa vertu est dans le nombril de son ventre. Les parties naturelles de l’éléphant sont sous son ventre, comme celles du cheval ; mais ses testicules sont cachés dans ses reins. Dans le style de l’Écriture, la vertu d’engendrer est souvent exprimée par des termes tout semblables à ceux-ci. Voyez (Genèse 49.3 ; Deutéronome 21.17 ; Psaumes 22.51 ; 104.36), etc.
Le Seigneur continue dans Job (Job 40.12) : Sa queue se roidit comme le cèdre ; les nerfs de cette partie de l’éléphant, qui sert à la génération, sont entrelacés l’un dans l’autre. La femelle de l’éléphant le reçoit couchée sur le dos, contre le naturel des autres animaux, et il ne couvre jamais la femelle, tandis qu’il voit quelqu’un.
Verset 13 : Ses os sont comme des tuyaux d’airain, ses cartilages sont comme des lames de fer. Ces expressions hyperboliques marquent la force extraordinaire de l’éléphant ; d’un coup de trompe, il tue un chameau ou un cheval. On a vu porter à un éléphant, avec ses dents, deux canons de fonte, attachés ensemble avec des câbles, pesant chacun trois mille livres, l’espace de cinq cents pas. On lit dans les livres des Machabées (1 Machabées 6.37) qu’un éléphant de l’armée d’Antiochus portait jusqu’à trente-deux hommes armés. Ces hommes étaient dans une tour de bois bien solide, sur le dos de l’éléphant, et la tour était liée par dessous le ventre par une chaîne bien forte.
Verset 14 : L’éléphant est le commencement des voies du Seigneur, celui qui l’a fait, lui a donné son épée. Cet animal est comme le chef-d’œuvre de la main de Dieu, parmi les animaux à quatre pieds. Il l’emporte sur tous les autres animaux, par sa grosseur, sa force, sa docilité, son adresse, sa modestie, sa fidélité, sa pudeur, son agilité, sa longue vie.
Nul animal n’approche plus de l’homme, si l’on fait attention à son industrie, sa sagacité, sa reconnaissance ; il entend le langage de son conducteur ; enfin, l’on raconte tant de choses de sa docilité et de sa facilité à apprendre que tout cela passerait pour fabuleux, n’était attesté par plusieurs auteurs très-sérieux et très-graves.
L’Écriture ajoute que Dieu lui a mis son épée en main, il lui a confié ses armes ; l’éléphant est terrible dans sa colère. Il n’y a rien qui tienne contre lui : il renverse les arbres, les maisons, les murs, il foule aux pieds tout ce qui se présente devant lui, il renverse les escadrons entiers. Ses armes sont sa trompe et ses dents, ou ses cornes, car quelques anciens les appellent ainsi. Sa trompe est un cartilage long et creux, comme une grosse trompette ; elle lui pend entre les dents, et lui sert comme de main d’un coup de trompe, il tue un cheval ; il enlève avec sa trompe un poids prodigieux. Ses dents sont l’ivoire que nous connaissons, et que l’on travaille en Europe : il est de la nature de la corne, et peut s’amollir. On a vu des dents d’éléphants grosses comme la cuisse, et de la longueur d’une toise. Lorsqu’ils se battent l’un contre l’autre, ils se heurtent de leurs dents, comme les taureaux de leurs cornes.
Verset 15 : Les montagnes lui produisent des herbages ; c’est là que toutes, les bêtes de la campagne viendront se jouer. L’éléphant est le plus doux des animaux que l’on connaisse ; il n’use jamais de sa force que l’on ne l’y contraigne. Ce n’est point de ces animaux qui font la terreur des autres animaux. S’il est obligé de passer à travers d’une troupe d’autres bêtes, il les éloigne doucement avec sa trompe pour se faire place. Il paît dans les champs et dans les prairies, et les animaux les plus faibles et les plus doux se jouent impunément en sa présence.
Verset 16 : Il dort à l’ombre, dans le frais des roseaux, et dans des lieux humides. Tout cela convient admirablement à l’éléphant. Ellien dit qu’on peut l’appeler un animal de marais, à cause qu’il demeure ordinairement le long des eaux et dans des lieux humides. Il se plonge quelquefois dans des rivières, de sorte qu’on ne lui voit plus que le bout de la trompe. Pendant l’été, il se couvre de limon, pour éviter la chaleur.
Verset 18 : il absorbera un fleuve sans s’étonner, et il se flatte que le Jourdain viendra s’écouler dans sa gueule. Il boit beaucoup et à grands traits, comme s’il devait engloutir la rivière, et comme si le Jourdain devait à peine suffire pour étancher sa soif. L’hébreu à la lettre : Il boira un fleuve, et ne se hâtera point. Il boira à loisir, et prendra le temps de troubler l’eau qu’il boit, comme pour la rendre plus nourrissante, ou pour y ajouter un certain goût, et lui ôter sa douceur, qui ne pique pas assez sa langue. On convient que l’éléphant boit beaucoup ; et Aristote assure qu’on en a vu qui buvaient jusqu’à 14 amphores, mesure de Macédoine. L’amphore, selon Budée, est environ la huitième partie du muid de Paris, ou tient environ trois boisseaux. L’Écriture ajoute, qu’il a la confiance que le Jourdain entrera tout entier dans sa bouche : ou, il ne craint rien, quand le Jourdain heurterait contre sa bouche. Il passe, hardiment les plus grands fleuves, pouvu qu’il puisse seulement mettre le bout de sa trompe hors de l’eau.
Verset 19 : On le prendra par les yeux-, comme un poisson se prend à l’hameçon. Les serpents attaquent principalement les éléphants par les yeux : Oculos maxime pelunt, dit Pline. On dit aussi qu’il y a dans le Gange des serpents longs de soixante aunes, qui les prennent par la trompe lorsqu’ils boivent, les entraînent et les noient dans l’eau. Mais on peut l’entendre plus simplement en suivant l’hébreu : On le prend par les yeux dans des pièges, on lui perce le nez. On attrape les éléphants sauvages par le moyen d’une femelle d’éléphant qui est en chaleur, et que l’on place dans un lieu étroit entre des barricades, où l’éléphant s’engage et est pris. C’est ce qui s’appelle ici prendre par les yeux ; comme on dit d’Holopherne qui fut pris par ses yeux, eu voyant la beauté de Judith (Judith 10.17).
On tend aussi des pièges à l’éléphant : on le prend dans des fosses profondes creusées exprès et couvertes d’un peu de terre semée sur des craies qui en ferment l’ouverture. Je ne lis pas qu’on lui perce les naseaux, ou la trompe, comme on fait aux chameaux, aux buffles et même aux chevaux en Orient ; mais apparemment que du temps de Job on en usait autrement qu’aujourd’hui.
Il est parlé dans le 1er livre des Rois (1 Rois 10.22) des dents d’éléphant, ou de l’ivoire. L’hébreu porte schenhabbim ; on sait que schen signifie une dent, mais on a raison de douter que habbim signifie l’éléphant. J’aime mieux dire que schen signifie l’ivoire, ce qui est incontestable ; et que habbim, ou plu tôt habenim, signifie de l’ébène ; ainsi il faut séparer ces deux mots, que l’on a mis en un mal à propos.
Il est souvent fait mention d’éléphants dans les livres des Machabées, parce que, depuis le règne d’Alexandre, on se servit beaucoup de ces animaux dans les armées des rois de Syrie et d’Égypte ; au lieu qu’auparavant il ne paraît pas que l’on en ait vu dans la Judée, ni dans la Syrie.
On lit dans le livre des Machabées (1 Machabées 6.54) que l’on montra aux éléphants de l’armée d’Antiochus Eupator du jus de raisins et de mûres, pour les animer au combat, comme pour les accoutumer à voir le sang ; car naturellement cet animal n’est pas sanguinaire ni cruel. On voit dans un autre endroit (3 Machabées 5) qu’on les enivrait en leur donnant du vin pur mêlé avec de l’encens, ou avec des paquets d’encens ; on trempa ces paquets dans le vin pour le rendre plus fumeux et plus propre à enivrer les éléphants, dans la vue de faire écraser sous leurs pieds les Hébreux qui étaient en Égypte : ce supplice est connu dans l’antiquité.