Fils de Saphat, disciple et successeur d’Élie dans le ministère de la prophétie, était de la ville d’Abelmeüla, que quelques-uns mettent au delà du Jourdain, dans la tribu de Ruben, mais qui était bien plus vraisemblablement au deçà de ce fleuve (1 Rois 4.12 ; 19.16 ; Juges 7.22-23), dans la tribu de Manassé, à dix milles de Scythopolis vers le midi, dans le grand champ qui s’étend le long du Jourdain. [Voyez Abel-Méhula]. Élie, ayant reçu de Dieu l’ordre de donner l’onction prophétique (1 Rois 19.16-17) à Élisée, fils de Saphat, vint à Abelmeüla, et, ayant trouvé Élisée qui labourait avec douze paires de bœufs, il s’approcha de lui, lui jeta son manteau sur les épaules. Élisée aussitôt quitta ses bœufs, courut après Élie et lui dit : Permettez-moi, je vous prie, que j’aille embrasser mon père et ma mère, et après cela je vous suivrai. Élie lui répondit : Allez, et revenez, car pour moi j’ai fait tout ce que j’avais à faire. Après cela Élisée prit une paire de bœufs qu’il tua ; il en fit cuire la chair avec le bois de la charrue, et la donna à manger au peuple. Après quoi il s’en alla, et suivit Élie.
Nous avons dit, sur l’article d’Élie, comment Élisée suivit son maître lorsque le Seigneur le transporta hors de la vue des hommes, et comment il hérita de son manteau, et de son double esprit (2 Rois 2.1-3,14-16). Étant arrivé au bord du Jourdain avec le manteau d’Élie, il en frappa les eaux, qui d’abord ne furent point séparées. Alors Élisée dit : Où est à présent le Dieu d’Élie ? Et frappant les eaux une seconde fois, elles se partagèrent de côté et d’autre, et il passa au travers. À ce miracle les enfants des prophètes reconnurent que l’esprit d’Élie s’était reposé sur Élisée, ils se prosternèrent devant lui, et le reconnurent pour son successeur.
Lorsqu’il fut arrivé à Jéricho, les habitants de la ville lui dirent : Seigneur, la demeure de cette ville est très-commode ; mais les eaux en sont amères, et la terre stérile. Eliseo leur répondit : Apportez-moi un vaisseau neuf, et mettez-y du sel. Cela étant fait, il alla à la fontaine de Jéricho, jeta le sel dans les eaux, et les rendit saines et potables, comme elles le sont encore aujourd’hui. Allant ensuite à Béthel, les enfants du lieu se raillaient de lui, en disant : Monte, chauve ; monte, chauve. Élisée les maudit au nom du Seigneur ; et en même temps il sortit deux ours de la forêt voisine, qui en dévorèrent quarante-deux.
Les rois d’Israël, de Juda et d’Édom s’étant mis en campagne contre le roi de Moab, qui s’était révolté contre celui d’Israël (2 Rois 3.1-2), arrivèrent dans des lieux déserts, où il n’y avait point d’eau, et où leur armée était en danger de périr. Alors les trois rois allèrent trouver Élisée, qui se trouva heureusement au camp, Élisée ayant vu Joram roi d’Israël, lui dit : qu’y a-t-il entre vous et moi ? Allez chercher les prophètes de votre père et de votre mère. Il ajouta : Vive le Seigneur ! Si je ne respectais la personne de Josaphat, roi de Juda, qui est ici présent, je ne vous aurais pas seulement regardé. Mais maintenant faites-moi venir un joueur de harpe ; et pendant que cet homme jouait, l’Esprit de Dieu se fit sentir sur Élisée, et il dit : Voici ce que dit le Seigneur : Faites plusieurs fosses le long de ce torrent ; car vous ne verrez ni vent, ni pluie et néanmoins le lit de ce torrent sera rempli d’eau, et vous boirez, vous et vos animaux. La chose arriva la nuit suivante, comme il l’avait prédite.
Vers le même temps, la veuve d’un des prophètes vint dire à Élisée que le créancier de son mari voulait prendre ses deux fils pour les vendre, ou les faire esclaves (2 Rois 4.12). Élisée multiplia l’huile qui était dans la maison de cette veuve, en sorte qu’elle en eut assez pour payer son créancier.
Élisée passait assez souvent à Sunam, ville de la tribu de Manassé, de deçà du Jourdain (2 Rois 4.8-10) ; et une matrone avait coutume de le recevoir dans sa maison. Comme elle n’avait point d’enfants, Élisée lui promit de la part du Seigneur, qu’elle accoucherait d’un fils. Sa prédiction fut suivie de l’effet ; mais quelques années après l’enfant mourut. Élisée était alors au mont Carmel. La mère de l’enfant y accourut, et ne voulut pas quitter le prophète qu’il ne vint en sa maison. Il y vint, et rendit la vie à l’enfant, en priant pour lui, et en se courbant sur lui pour le réchauffer.
Élisée étant à Galgale (2 Rois 4.38) pendant une grande famine, un des enfants des prophètes voulut préparer à manger à ses frères ; et étant allé a la campagne, il amassa des coloquintes sauvages plein son manteau ; et les ayant mises dans le pot, on les servit, devant Élisée, et les autres prophètes. Mais dès qu’ils en eurent goûté, ils s’écrièrent : C’est un poison mortel. Élisée s’étant fait apporter de la farine, en jeta dans le pot, et on n’y sentit plus d’amertume.
Vers le même temps, il multiplia vingt pains d’orge, et en rassasia plus de cent personnes (2 Rois 4.41).
Naaman, général des troupes du roi de Syrie, étant lépreux, fut conseillé de venir trouver Élisée (2 Rois 5.1-2), pour en obtenir la guérison. Élisée sans sortir de sa maison, lui fit dire de s’aller baigner sept fois dans le Jourdain, et qu’il serait nettoyé. Naaman, tout fâché, voulait s’en retourner : mais ses gens lui dirent que, ce que le prophète lui demandait étant si aisé, il devait au moins essayer si les eaux du Jourdain le guériraient. Il alla donc, et se baigna sept fois, et il fut parfaitement guéri. Après cela, il revint trouver Élisée, et lui offrit de très-grands présents ; mais l’homme de Dieu les refusa constamment. Naaman le pria donc de lui permettre d’emporter la charge de deux mulets de la terre du pays d’Israël, protestant qu’il n’aurait à l’avenir point d’autre Dieu que le Seigneur. Il ajouta : Je vous supplie de demander pour moi pardon au Seigneur, lorsque mon maître entrera dans le temple de Rem-mon, pour y adorer, en s’appuyant sur ma main si j’y entre avec lui, et si j’y adore. Le prophète répondit : Allez en paix. Et Naaman s’en retourna.
Quelques interprètes traduisent par le passé la demande de Naaman : Je vous supplie de prier le Seigneur pour moi : lorsque le roi mon seigneur, est entré dans le temple de Remmon, pour y adorer, en s’appuyant sur ma main, si j’ai adoré dans ce temple lorsqu’il y adorait, que le Seigneur me le pardonne. En sorte que Naarnan demanderait pardon d’une faute passée, et non pas permission pour une action future, ce qui nous paraît bien plus probable.
Giézi, serviteur d’Élisée, n’imita pas le désintéressement de son maître. Il courut aprèc Naaman (2 Rois 5.20-21), et lui demanda un talent et deux habits au nom d’Élisée. Naaman lui donna deux talents et deux habits, et les fit porter par ses gens jusqu’auprès de la ville. Alors Giézi les prit, et les cacha dans sa maison. Mais Élisée, à qui Dieu avait fait connaître l’action de Giézi, lui en fit des reproches, et lui dit que la lèpre de Naaman demeurerait pour toujours attachée à lui et à toute sa famille. En effet dès ce moment Giézi fut frappé de lèpre, et se retira d’avec Élisée.
Un jour les enfants des prophètes (2 Rois 6.1-3) étant allés couper du bois sur le bord du Jourdain l’un d’eux laissa tomber dans l’eau le fer de sa cognée. Mais Élisée coupa un morceau de bois, le mit dans l’eau, et aussitôt le fer de la cognée surnageant, vint s’attacher à ce bois.
Le roi de Syrie était en guerre contre le roi d’Israël (2 Rois 6.8-9), et ne pouvait s’imaginer comment tous ses desseins étaient découverts, et prévenus par les ennemis. On lui dit que c’était le prophète Élisée qui révélait tout au roi d’Israël. Bénadad envoya donc des troupes, pour prendre le prophète, lorsqu’il était à Dothan ; mais Élisée les frappa d’une espèce d’aveuglement ; en sorte qu’il les mena, sans qu’ils le reconnussent, jusque dans Samarie. Alors il pria Dieu de leur ouvrir les yeux, il leur fit donner à boire et à manger, et les renvoya vers leur mettre.
Quelque temps après, Bénadad, roi de Syrie, ayant assiégé Samarie (2 Rois 6.24-25), la famine y fut si grande, que la tête d’un âne y fut vendue quatre-vingts pièces d’argent, et la quatrième partie d’une très-petite mesure d’une sorte de pois chiches, appelés fiente de pigeons, cinq sicles et qu’une mère mangea son propre enfant [voyez Anthropophagie].
Joram, roi d’Israël, croyant qu’Élisée pouvait faire cesser cette famine, s’il voulait, et lui imputant les maux qu’elle causait dans la ville, envoya du monde, pour lui couper la tête. Le prophète le connut en esprit, et fit fermer sa porte. À peine le messager du roi était arrivé devant la maison d’Élisée, que le roi y arriva lui-même, et lui fit de grandes plaintes de l’état où se trouvait la ville. Élisée lui répondit (2 Rois 7.1-3) : Voici ce que dit le Seigneur : Demain à cette même heure, la mesure de farine se donnera pour un sicle à la porte de Samarie, et on aura pour un sicle deux mesures d’orge. Un des officiers du roi répondit : Quand le Seigneur ouvrirait les cataractes du ciel, pour faire pleuvoir des vivres, ce que vous dites pourrait-il être ? Élisée lui répondit : Vous le verrez de vos yeux, mais vous n’en mangerez point. En effet, dès la nuit suivante, les Syriens levèrent le siège, et la chose arriva comme Élisée l’avait prédite.
À la fin des sept années de famine qu’Élisée avait prédites, ce prophète alla vers Damas (2 Rois 8.7-8), pour exécuter l’ordre que le Seigneur avait donné à Élie plusieurs années auparavant (2 Rois 13.14-15), de déclarer Hazaël roi de Syrie. En ce temps-là , Bénadad, roi de Syrie, était malade ; et ses gens lui ayant dit qu’Élisée était dans le pays, il envoya Hazaël, un de ses premiers officiers, pour le consulter, et pour lui demander s’il pourrait relever de sa maladie. Élisée répondit à Hazaël : Allez, dites à Bénadad qu’il guérira ; mais le Seigneur m’a fait voir qu’il mourra assurément et demeurant quelque temps sans rien dire, il versa des larmes, et son visage parut changé. Hazaël lui demanda : Pourquoi mon seigneur pleure-t-il ? Élisée lui répondit : Parce que je sais combien de maux vous ferez Ô Israël. Vous brûlerez leurs villes fortes, vous ferez passer au fil de l’épée leurs jeunes hommes, vous écraserez contre terre leurs petits enfants, et vous fendrez le ventre aux femmes grosses. Hazaël ne vérifia que trop ces prédictions. À son retour, il étouffa Benadad, et, s’étant fait déclarer roi, fit une infinité de maux aux Israélites.
Vers le même temps, Élisée envoya un des enfants des prophètes donner l’onction royale à Jéhu, fils de Josaphat, et petit-fils de Namsi (1 Rois 9.1-3), en exécution de l’ordre que le Seigneur, en avait donné à Élie quelques années auparavant (2 Rois 19.15). Jéhu ayant reçu l’onction royale, exécuta tout ce qui avait été prédit par Élie contre la famille d’Achab et contre Jézabel. On peut voir Jéhu, Achab, Jezabel.
Élisée étant tombé malade de la maladie dont il mourut (2 Rois 13.14-15), Joas, roi d’Israël, le vint voir (1 Rois 0.1-3) ; et il pleurait, en lui disant : Mon père, mon père, vous êtes le char d’Israël, et celui qui le conduit. Élisée lui dit : Apportez-moi un arc et des flèches ; et le roi les lui ayant apportées, il dit au roi de mettre ses mains sur cet arc ; et en même temps le prophète mit les siennes sur celles du roi, et lui dit : Ouvrez la fenêtre qui regarde l’orient, et tirez une flèche. Et l’ayant tirée, Élisée dit : C’est la flèche du salut du Seigneur, c’est la flèche du salut contre la Syrie ;. vous remporterez la victoire à Aphec contre la Syrie. Élisée lui dit encore de tirer contre la terre ; et il tira trois fois, puis s’arrêta. Alors l’homme de Dieu se mit en colère, et lui dit : Si vous eussiez frappé la terre cinq, six ou sept fois, vous auriez battu la Syrie jusqu’à l’exterminer entièrement ; mais vous ne la battrez que trois fois.
Élisée mourut donc ; et cette même année, il vint des voleurs de Moab sur les terres d’Israël. Or il arriva que quelques Israélites portant un homme au tombeau à la campagne, virent ces voleurs, et jetèrent le corps qu’ils portaient, dans le tombeau d’Élisée. Le corps ayant touché les os d’Élisée, cet homme ressuscita, et se leva sur ses pieds. C’est ce que l’auteur de l’Ecclésiastique a relevé dans l’éloge qu’il a fait d’Élisée, en disant (Ecclésiaste 48.13-14) : Son corps prophétisa même après sa mort ; il fit quantité de prodiges pendant sa vie, et il continua d’opérer dès merveilles après sa mort.
On lit dans quelques auteurs peu autorisés, qu’au jour de la naissance d’Élisée, un des veaux d’or de Galgale meugla avec tant de force, que l’on entendit sa voix jusqu’à Jérusalem. Et il dit : Celui-ci détruira leurs idoles, de sculpture, et il brisera leurs statues de fonte.
Fontaine d’Élisée, prend sa source à deux traits d’arbalète de la montagne de la Quarantaine. Elle coule dans la plaine de Jéricho, qui a soixante stades de Long, et vingt de large. Elle passe au midi de Galgale ; et après avoir été partagée en plusieurs ruisseaux, elle tombe dans le Jourdain. C’est cette fontaine dont les eaux furent adoucies par Élisée, ainsi que nous l’avons vu ci-devant [A mi-chemin de la montagne de la Quarantaine, dit M. Poujoulat (Correspondances d’Orient, lettre 106, mars 1831, tome 4 pages 374), nous nous sommes arrêtés à la fontaine d’Élisée ; cette source, d’abord semblable à une petite rivière, est bientôt réduite à un petit ruisseau qui se partage en trois branches ; l’une de ces branches se rend, à l’aide d’un conduit, dans le bassin de Rihha ; les deux autres vont arroser les terres environnantes. Un bouquet de ces arbres, que les Arabes appellent dom, couvre d’ombre et de fraicheur la fontaine d’Élisée… La fontaine d’Élisée, avec ses bords fleuris et ses ombrages, par le cours de ses eaux et par tout ce qui tient à son site, m’a rappelé les sources du Scatnandre ; mais les images qu’on y rencontre ne sont pas les mêmes. Au lieu où naît le fleuve, fils de Jupiter, nous avions vu des femmes avec des urnes sur leur tête et vêtues comme les anciennes filles d’Ilion. Dans la source qui porte le nom du prophète du Seigneur, j’ai vu deux bédouins au corps noirâtre, qui se baignaient accroupis au milieu des eaux. »