[ou Geth-Hepher], ou Gethopher, ou Geth du canton d’Opher, dans la Galilée, était la patrie du prophète Jonas (2 Rois 14.25). Josué (Josué 19.13) attribue cette ville à la tribu de Zabulon, et saint Jérôme, dans sa préface sur Jonas, dit qu’elle était à deux milles de Séphoris, autrement Diocésarée.
Quelque temps avant la bataille de Tibériade, dit M. Gilot de Kerhardène (Correspondances d’Or., lettre 134, tom.V, pages 460 464), les templiers eurent à soutenir un combat terrible contre le fils de Saladin, sur la route de Nazareth à Cana ; j’ai trouvé le champ de bataille, au pied du monticule que couronne le village d’el-Mahed. Le village d’el-Mahed était autrefois une ville nommée Geth-Epher ; quelques géographes y placent Jotapat, célèbre par le siège que l’historien Josèphe, gouverneur de la Galilée, soutint contre les Romains. Je n’ai point vu les précipices dont l’histoire de la guerre des Juifs fait une mention expresse. Il était cinq heures du soir, je mis pied à terre pour observer le sol à mon aise, et, confiant mon cheval au guide, j’allai visiter el-Mahed et la route aux environs.
D’après l’inspection du terrain dont chaque forme éclaircit un fait, où chaque débris fournit une histoire, et chaque écho un nom propre, il m’est démontré que c’est précisément là. à une heure à l’est nord-est de Nazareth, dans cette étroite vallée dominée de toutes parts par des collines pierreuses et nues, qu’eut lieu le combat des templiers et des Sarrasins ; ce fut là qu’au milieu des gorges de montagnes, à l’ombre de l’immense Thabor, à l’heure où le soleil était encore loin de son zénith, que la France de l’Orient eut son Léonidas, ses Spartiates parés de la croix, et ses Thermopyles chrétiennes.
Quelques détails du combat ne seront point ici déplacés. Les templiers étaient partis du château de Belvoir, situé au delà de la plaine d’Esdrelon, presque vis-à-vis du Thabor ; ils arrivèrent à Nazareth pour y passer la nuit. Le lendemain, les deux grands-maîtres du Temple et de l’Hôpital, à la tête d’une poignée de chevaliers, se mirent en route pour Tibériade. La petite troupe de chevaliers croisés eut à combattre des troupes musulmanes dix fois plus nombreuses. On vit les héros chrétiens arracher les flèches dont ils étaient percés et les renvoyer aux infidèles, boire leur propre sang pour étancher leur soif, brisant leurs lances et leurs épées, se jeter sur les ennemis, se battre corps à corps, et mourir en menaçant leurs vainqueurs. Mais rien n’égala l’héroïsme de Jacquelin de Maillé, chevalier tourangeau, maréchal de l’ordre du Temple. Monté sur un destrier blanc, revêtu d’armes éclatantes, il combattit longtemps au premier rang, aidé d’un chevalier hospitalier, nommé Henri. Resté seul, il lutta parmi des monceaux de cadavres dont il s’était entouré. Son courage étonna tellement les infidèles, que la plupart lui criaient avec une pitié affectueuse : Rendez-vous, on ne vous fera point de mal ; mais, préférant le martyre à une faiblesse, il ne voulut jamais se rendre. Quand son cheval tomba mort, le Décius français se releva, se précipita au milieu des ennemis, et ne succomba enfin qu’après des efforts inouïs. On vit alors des Sarrasins, qui n’avaient osé l’approcher dans le feu du combat, se ruer sur son cadavre, le déchirer comme des forcenés, et en semer à terre les lambeaux sanglants. Mais d’autres, pleins d’une admiration fanatique et superstitieuse, le prenant pour saint Georges, se partagèrent ses dépouilles comme des reliques. En effet, les musulmans se représentaient saint Georges monté sur un cheval blanc et paré d’armes brillantes. Il y en eut qui répandirent de la poussière sur le cadavre, et qui, reprenant ensuite cette poussière, en couvrirent leur tête, croyant par ce contact s’inoculer dans l’âme l’héroïsme du chevalier. On sait que par esprit de vengeance les Asiatiques mutilent leurs ennemis tombés sur le champ de bataille. On raconte qu’au milieu de ces scènes d’horreur, dignes des cannibales, un Sarrasin s’étant enthousiasmé pour Jacquelin de Maillé, le fit eunuque après sa mort, et conserva avec un soin brutal les signes de sa virilité, les disposant tamguam ad usum gignendi, afin que, s’il était possible, il sortît des restes mutilés d’un cadavre un héritier d’un si sublime héroïsme. Un tel fait prouve le délire de l’admiration poussé jusqu’à la stupidité.
À peine les Sarrasins, comme épouvantés de leur victoire, se furent-ils retirés, que les chrétiens de Nazareth, ayant l’archevêque à leur tête, allèrent chercher les cadavres mutilés des héros chrétiens, et les ensevelirent dans la basilique de Sainte-Marie, aujourd’hui détruite, mais dont la cour du couvent latin occupe la nef. Sans doute qu’eu traversant cette cour on foule la cendre inconnue des preux chevaliers. Il faut lire dans la chronique de Raoul de Coggeshale, moine anglais, tout le détail de ce fait d’armes, qui eut lieu le premier mai 1187, quand la campagne, en se ranimant, s’était parée de fleurs printanières. Dieu tient dans ses mains le sort des combattants ; le cours des siècles a ramené la victoire du côté des Français. Le onze avril 1799 vengea les templiers, sur la même route de Nazareth à Tibériade. Le combat de Cana fut la représaille du combat d’el-Mahed, et tous deux portent dans l’histoire le nom de combat de Nazareth.
On trouve dans le récit de Bernard le Trésorier une circonstance très-précieuse pour la reconnaissance des lieux : le chroniqueur parle de l’aire du village près duquel tombèrent les héros chrétiens ; les paysans, dit-il, ayant séparé les grains de l’épi, avaient laissé la paille sur l’aire ; la multitude des musulmans était si grande, et Jacquelin combattit si longtemps seul au milieu de l’aire, que tout le sol couvert de paille ne fut bientôt qu’une poussière. Les lieux n’ont point changé depuis cette époque ; j’ai foulé à el-Mahed l’aire qui fut le théâtre de ces grands exploits ; j’y ai vu les gerbes des fellahs comme au temps de Jacquelin de Maillé.