Ou l’aîné, pour le distinguer de saint Jacques le Mineur, ou le plus jeune ; il était frère de saint Jean l’Évangéliste (Matthieu 4.21), et fils de Zébédée et de Salomé. Il était de Bethzaïde en Galilée, et quitta toutes choses pour suivre Jésus-Christ. Sa mère Salomé, qui était une des femmes qui suivaient Jésus-Christ dans ses voyages, demanda un jour à Jésus-Christ, que Jacques et Jean, ses deux fils, fussent assis à sa droite, lorsqu’il serait dans son royaume. Mais le Fils de Dieu lui répondit que c’était au Père céleste à donner ces places d’honneur (Matthieu 20.21). Saint Jacques et saint Jean son frère faisaient le métier de pêcheurs avec Zébédée leur père, avant leur vocation ; ils ne quittèrent absolument leur profession que lorsque Jésus-Christ les appela, comme ils étaient dans leur barque occupés à raccommoder leurs filets (Marc 1.18-19). Ils furent témoins de la transfiguration du Sauveur (Matthieu 17.2) ; et un jour quelques Samaritains n’ayant pas voulu recevoir Jésus-Christ dans leur ville, Jacques et Jean lui demandèrent s’il voulait qu’ils fissent descendre le feu du ciel pour les consumer (Luc 9.54). On croit que c’est là ce qui leur fit donner le nom de Boanergès, ou fils du tonnerre. Mais Jésus-Christ réprima leur zèle, en leur disant qu’ils ne savaient pas l’esprit qui les animait, ou qui devait les animer.
Quelques jours après la résurrection du Sauveur, Jacques et Jean allèrent pécher dans la mer de Tibériade. Ils assistèrent à l’Ascension du Sauveur ; et on dit que saint Jacques prêcha à toutes les douze tribus d’Israël dispersées dans le monde. Mais cela n’est pas autrement certain. Son martyre est rapporté dans les Actes des Apôtres (Actes 12.1-2), en l’an 42 ou 44, de Jésus-Christ ; car la date n’est pas bien fixée. Hérode Agrippa, roi des Juifs, et petit-fils du Grand Hérode, le fit arrêter et le fit mourir par l’épée à Jérusalem, vers le temps de Pâque ; et voyant que sa mort avait fait plaisir aux Juifs, il arrêta aussi saint Pierre. Saint Clément d’Alexandrie raconte que celui qui avait mené saint Jacques devant les juges, fut si touché de sa fermeté à confesser Jésus-Christ, qu’il avoua qu’il était aussi chrétien, et qu’il fut condamné comme lui à avoir la tête tranchée. Comme ils allaient ensemble au supplice, cet homme demanda pardon à saint Jacques ; celui-ci délibéra un peu s’il devait traiter comme frère un homme qui n’avait pas encore reçu le sacrement de Jésus-Christ. Mais aussitôt il l’embrassa et lui dit : la paix soit avec vous. Ils eurent ensuite tous deux la tête tranchée.
Les Grecs font sa fête le 30 d’avril, et les Latins le 25 de juillet. Saint Épiphane dit que saint Jacques conserva une virginité perpétuelle, aussi bien que saint Jean, son frère ; qu’ils ne se faisaient jamais couper les cheveux, qu’ils ne se baignaient jamais, qu’ils ne portaient qu’une simple tunique et un seul manteau de lin, et ne mangeaient jamais ni poisson, ni viande. Les Espagnols prétendent que ce saint est le premier Apôtre de leur pays, et que son corps y fut apporté peu de temps après sa mort. De quoi ils ne donnent pas de fort bonnes preuves. Il est certain que dès le neuvième siècle ses reliques étaient fort célèbres et fort révérées dans ce pays-là .
Surnommé le frère du Seigneur(Galates 1.19), et évêque de Jérusalem, était fils de Cléophas, autrement Alphée ; et de Marie, sœur de la très-sainte Vierge, ainsi il était cousin germain de Jésus-Christ selon la chair. Sa sainteté admirable et sa pureté de vie lui firent donner le surnom de Juste. On dit qu’il était prêtre du Seigneur, et qu’il observait les lois du Nazaréat dès le ventre de sa mère, ne buvant ni vin, ni rien qui puisse enivrer ; il ne faisait jamais raser ses cheveux, ne mangeait de rien qui eût eu vie, ne se servait ni de bain, ni d’huile pour se frotter, ne portait point de sandales, ne portait jamais d’habits de laine, mais un simple manteau de lin et une tunique de même matière. Il se prosternait si souvent en terre pour faire oraison, que son front et ses genoux s’étaient endurcis comme la peau d’un chameau. Il obtint un jour de la pluie par ses prières, étendant les mains au ciel pendant une grande sécheresse. Le souverain respect que sa vertu lui avait acquis, lui mérita, dit-on, un privilège fort extraordinaire, qui est qu’il pouvait entrer quand il voulait dans le lieu saint du temple de Jérusalem. Saint Jérôme assure que les Juifs faisaient une telle estime de saint Jacques, qu’ils s’efforçaient à l’envi de toucher le bord de sa robe. Le Talmud des Juifs rapporte plusieurs miracles opérés par Jacques disciple de Jésus le charpentier. Entre autres qu’ayant été appelé pour guérir un Juif nommé Eligazar, qui avait été mordu d’un serpent, un rabbin prétendit qu’il ne devait point se laisser guérir au nom de Jésus-Christ. Pendant qu’on délibérait sur cela, Eligazar mourut, au grand contentement des Juifs endurcis, qui préféraient la mort à la santé procurée par le nom de Jésus-Christ.
Le Sauveur apparut à saint Jacques le Mineur huit jours après sa résurrection (1 Corinthiens 15.7), et lui communiqua le don de science. Et en montant au ciel, il lui confia son trône sur la terre, et lui recommanda son Épouse, l’Église de Jérusalem. Il fut donc dès lors désigné évêque de cette Église ; mais il n’en fit proprement les fonctions que depuis que les apôtres lui eurent déféré cet honneur, soit par une élection, soit par une déférence de respect et d’estime. On assure que pour marque de son épiscopat, il portait sur son front une lame d’or, apparemment avec l’empreinte du nom de Dieu, à l’imitation des grands prêtres des Juifs. Saint Jacques était à Jérusalem, et y était considéré comme une des principales colonnes de l’Église, lorsque saint Paul y vint pour la première fois après sa conversion (Galates 1.18), l’an 37 de Jésus-Christ ; et au concile de Jérusalem tenu l’an 51, saint Jacques, comme évêque de la ville, opina le dernier (Actes 15.12-13) ; et le résultat du concile fut principalement formé sur ce que dit saint Jacques qui, quoiqu’il observât les cérémonies de la loi, et qu’il les fit observer dans son Église, fut d’avis qu’on ne devait point imposer un tel joug aux fidèles convertis du judaïsme [Il y a dans ces dernières lignes plusieurs erreurs ; j’en vais relever deux. La moins importante est en ceci, que saint Jacques fut d’avis qu’on ne devait point imposer le joug de la loi cérémonielle aux fidèles convertis du judaïsme ; car, au contraire, c’étaient les pharisiens, fidèles convertis du judaïsme, qui prétendaient que les fidèles convertis du paganisme devaient observer cette loi, que les Juifs convertis, pharisiens ou non, saint Jacques lui-même, continuaient d’observer. De là , à Antioche, une dispute par suite de laquelle fut assemblé le concile de Jérusalem. Ainsi l’auteur aurait dû écrire : convertis du paganisme, au lieu de : convertis du judaïsme. La seconde erreur provient d’un préjugé plutôt que d’un défaut d’attention ; elle, consiste en ce que l’auteur prétend que saint Jacques, au concile de Jérusalem, opina le dernier. La question qui avait donné occasion à la tenue du concile était celle-ci : Les fidèles convertis du paganisme doivent-ils, pour être sauvés, se soumettre au joug de la loi cérémonielle ? d’abord un grand débat eut lieu dans l’assemblée ; mais l’historien ne nomme pas ceux qui y prirent part. Ensuite Pierre se leva et prononça un discours qu’il termina en décidant que les fidèles convertis du paganisme ne seront pas soumis à la loi cérémonielle, et seront néanmoins sauvés. Toute l’assemblée se tut, ne fit aucune observation et accepta la décision de Pierre. Après cela, Paul et Barnabé entretinrent l’assemblée des merveilles que, par eux, le Seigneur opérait parmi les païens ; et ce ne fut que quand ils eurent fini leurs récits que Jacques parla aussi. Alors, évidemment, la question soumise au concile était décidée ; c’en était plus une question. Donc il est inexact de dire que saint Jacques opina sur cette question. Si saint Jacques exposa son opinion, ce fut dans le débat qui précéda le discours et la décision de saint Pierre ; mais quel qu’ait été son avis, nous ne le connaissons pas. Et quand, la décision étant rendue, il prend la parole, c’est pour en proclamer la conformité avec les prophéties et déclarer formellement qu’il l’acceptait ; c’est ensuite pour dire à l’assemblée qu’il pensait utile de mander aux Gentils convertis de s’abstenir de certaines choses, non pas suivant la loi cérémonielle, maintenant déclarée abrogée, mais suivant une loi antérieure à Moïse et Seulement disciplinaire].
Le progrès que faisait l’Évangile ayant alarmé les principaux des Juifs, Ananus, fils du grand prêtre Anne, dont il est parlé dans l’Évangile, entreprit de faire mourir saint Jacques. Il prit pour cela le temps que Festus, gouverneur de la Judée, étant mort, et Albin son successeur n’étant pas encore arrivé, la province se trouvait sans gouverneur. Ananus et les principaux pharisiens ayant donc fait venir Jacques devant tout le monde (source : Eusèbe), lui dirent que le peuple était dans l’erreur à l’occasion de Jésus qu’il prenait pour le Christ, et que c’était à lui à le délivrer de cet égarement, puisque tout le monde était prêt à croire ce qu’il en dirait. On le fit monter sur une des galeries du temple, afin qu’il pût être ouï de la multitude, qui était assemblée de tous côtés pour la fête de Pâques. Lors donc qu’il fut monté, ils lui crièrent d’en bas : Dites-nous, homme juste, ce que nous devons croire de Jésus qui a été crucifié. Il répondit à haute voix : Jésus le Fils de l’homme, dont vous parlez, est maintenant assis à la droite de la Majesté souveraine comme Fils de Dieu, et doit venir un jour porté sur les nuées du ciel. À ces mots, un grand nombre de personnes rendirent gloire à Dieu, en criant hosanna ! Mais les docteurs et les pharisiens s’écrièrent : Quoi ! Le juste s’égare aussi ! Et montant au lieu où il était, ils le précipitèrent du haut du temple. Il ne mourut pas de sa chute, mais mettant les genoux en terre, il pria pour ses ennemis. Mais ceux-ci par ordre d’Ananus commencèrent à le lapider (Josèphe) ; enfin un foulon l’acheva en lui donnant sur la tête un grand coup du bâton, dont il se servait pour son métier.
Il fut enterré auprès du temple, au lieu même où il avait été martyrisé ; et on lui dressa au même endroit un monument qui fut fort célèbre jusqu’à la ruine de Jérusalem par les Romains. Les plus sages des Juifs désapprouvèrent fort le meurtre commis sur saint Jacques, et les emportements d’Ananus. Ils en firent de grandes plaintes à Agrippa et à Albin, gouverneur de la province ; celui-ci le menaça par ses lettres de punir sa témérité, et Agrippa le dépouilla du pontificat, qu’il n’avait exercé que trois mois. On cite même de Josèphe que l’on a imputé à la mort de cet homme si juste, la guerre que les Romains firent aux Juifs, et tous les malheurs qui leur arrivèrent dans la suite. Les anciens hérétiques ont supposé quelques écrits à saint Jacques, frère du Seigneur (Protoévangile). Mais l’Église ne reconnaît pour authentique que son Épître, qui est la première des sept canoniques. Elle est écrite à tous les Juifs convertis qui étaient dans toutes les parties du monde. Nous croyons qu’il l’écrivit assez peu de temps avant sa mort, arrivée en l’an 62. Il y combat principalement l’abus que plusieurs personnes faisaient du principe de saint Paul, qui dit que c’est la foi, et non les œuvres de la loi, qui nous rend justes devant Dieu. Saint Jacques y établit fortement la nécessité des bonnes œuvres. Quoiqu’il adresse son Épître aux Juifs dispersés, on croit qu’il l’écrivit en grec, parce qu’il y cite l’Écriture suivant la version des Septante d’ailleurs le grec était alors la langue commune de presque tout l’Orient [Dom Calmet n’a donné qu’une analyse du passage où Josèphe parle du crime commis sur la personne de saint Jacques, et il ne nomme pas Hégésippe, car Josèphe n’est pas le seul historien qui ait parlé de ce crime. Il ne dit rien non plus des successeurs de saint Jacques. Nous allons y suppléer par une page empruntée de Statler, Certitude de la religion révélée, n° 246.
« Josèphe, témoin contemporain et non suspect, dit-il, rapporte lui-même le meurtre de saint Jacques, qui eut lieu à Jérusalem. Albinus (nouvellement nommé par Néron gouverneur romain, à la place de Festus, étant encore en chemin, Ananas (grand prêtre de Jérusalem) convoque le conseil des juges, et après avoir fait amener devant lui le frère de Jésus-Christ nommé Jacques, ainsi que quelques autres coupables d’impiété, il les livra pour qu’on les lapidât, ce qui déplut beaucoup à tous les gens de bien et à tous les observateurs de la loi qui étaient dans la ville : aussi firent-ils prier le roi (Agrippa) par des envoyés secrets, d’enjoindre à Ananus de ne plus renouveler pareille chose dans la suite. Quelques-cris même, allant au-devant d’Albinus qui venait d’Alexandrie, lui apprirent qu’Ananus n’avait pu sans son consentement rassembler le conseil : sensible à ces paroles, Albinus écrivit avec colère au grand prêtre, le menaçant de le punir, et c’est pour cela que trois mois après, le roi Agrippa transféra à Jésus, fils de Damnée, la charge de grand prêtre dont il dépouilla Ananus. Ce passage est tellement lié avec le texte qui précède et qui suit, qu’aucun soupçon d’interpolation ne peut être élevé, à ce sujet. Eusèbe (Histoire Ecclésiastique, liv.11, chapitre 23) raconte le même fait d’après Hégésippe, écrivain ecclésiastique, qui florissant au temps des premiers successeurs des apôtres, c’est-à -dire vers l’an 120. Cet écrivain, juif de nation, dans cinq livres qu’il écrivit sur l’histoire ecclésiastique, réunit dans un style simple, depuis la passion de Jésus-Christ jusqu’à son époque, toutes les traditions apostoliques ; et, après avoir parcouru toutes les provinces, après être venu de Judée à Rome, il apprit par les évêques des Églises chrétiennes que la même foi dans les doctrines et dans les traditions apostoliques régnait partout.
Selon Eusèbe (Histoire 4.8-14, 22), et d’après le même Hégésippe, saint Jacques eut pour successeur à Jérusalem dans son épiscopat, saint Siméon, parent de Jésus-Christ et fils de Cléophas, frère de saint Joseph, qui gouverna cette Église pendant plus de quarante ans. Saint Siméon étant mort vers la centième année depuis Jésus-Christ, eut « Juste » pour successeur ; à celui-ci, environ vers l’an cent onze, succédèrent les uns après les autres, Zachée, Tobie, Benjamin 1er, Jean, Matthias, Benjamin II qui moururent tous dans l’espace de treize ans (Eusèbe, Chron. à l’ann. 112 ; Histoire 4.5). Ainsi, jusqu’à la dix-huitième année de l’empereur Adrien, qui dans cette année renversa Jérusalem de fond en comble, et en chassa tous les Juifs, les évêques juifs de nation, sont tous nommés dans Eusèbe sans interruption ; dans la suite, des hommes qui descendaient des Gentils leur ont succédé continuellement jusqu’au temps où vivait Eusèbe.