Ou, comme les appelle Pline, Jamne et Jotape, deux magiciens, que saint Paul dit avoir résisté à Moïse pendant qu’il était en Égypte (2 Timothée 3.8). Le roi Pharaon ne trouva que ces deux hommes capables de tenir contre Moïse, et d’imiter par leurs prestiges une partie de ses vrais miracles. Le paraphraste Jonathan (Jonathan in (Nombres 22.22) dit que c’étaient les deux fils de Balaam qui l’accompagnaient lorsqu’il vint vers Balac, roi de Moab. Artapan dit que Pharaon fit venir de la haute Égypte, au-dessus de Memphis, des magiciens, pour les opposer à Moïse. L’Ambrosiaster ou Hilaire, diacre, dit qu’ils étaient deux frères. Il cite un livre, intitulé : Jannès et Mambrès, qui est aussi cité par Origène, et mis au rang des Livres apocryphes par le pape Gélase. Quelques Hébreux les appellent Janès et Mambrès ; d’autres Jochana et Mamré, ou Jonas et Jombros. Il y en a qui disent que leurs noms sont les mêmes que Jean et Ambroise. Les uns veulent qu’ils s’en soient envolés avec leurs pères ; d’autres, qu’ils furent noyés dans la mer Rouge avec les Égyptiens ; d’autres, enfin, qu’ils furent mis à Mort par Phinées, dans la guerre qu’il fit aux Madianites. Pallade, auteur de l’histoire Lausiaque, raconte que saint Macaire l’Égyptien alla exprès dans un désert éloigné de quelques journées de sa demeure, pour y voir les tombeaux de ces fameux magiciens, qu’il trouva dans un ancien jardin planté d’arbres, où il y avait une maison avec divers meubles précieux. Les démons en défendaient l’entrée, et menaçaient saint Macaire ; mais il les dissipa, et ayant visité la maison et le jardin, il se retira.
Numénius, cité dans Aristobule, dit que « Jannès et Mambrès étaient des scribes sacrés des Égyptiens, qui excellaient dans la magie, au temps que les Juifs furent chassés de l’Égypte. Ce furent les seuls que les Égyptiens trouvèrent capables de s’opposer à Moïse, qui était un homme dont les prières auprès de Dieu étaient très-puissantes. Ces deux hommes, Jannès et Mambrès, furent seuls capables de rendre inutiles les maux que Moïse faisait aux Égyptiens. » Pline parle aussi de la faction ou de la secte des magiciens, dont il dit que Moïse, Jannès et Jocabel ou Jotapa, furent les chefs. Par ce dernier terme, il veut apparemment marquer le patriarche Joseph, que les Égyptiens regardaient comme un de leurs sages les plus célèbres.
Les musulmans ajoutent à la véritable histoire de Moïse plusieurs particularités, tirées des livres apocryphes ou de la tradition des Orientaux. Ils disent, par exemple, que Moïse ayant fait ses premiers miracles devant Pharaon, ce prince délibéra avec son conseil ce qu’il y avait à faire dans une telle conjoncture, et que le résultat du conseil fut qu’il fallait entretenir Moïse par de belles espérances, et faire venir cependant à la cour les plus habiles magiciens de l’Égypte, dont le nombre était alors fort grand dans la Thébaïde, pour les opposer à cet homme qui leur paraissait plus expert qu’aucun de ceux qui avaient paru jusqu’alors.
On dépêcha donc aussitôt des courriers aux plus célèbres magiciens de la Thébaïde, pour leur commander de se rendre à la cour de Pharaon. Sabour et Gadour, frères, qui passaient pour les plus expérimentés, et qui étaient les principaux du pays, se mirent en devoir d’obéir au roi ; mais auparavant, par le conseil de leur mère, ils allèrent au tombeau de leur père pour consulter ses mânes sur le succès de leur voyage. Ils l’évoquèrent, en l’appelant par son nom ; il leur répondit, et ils lui dirent qu’il était venu en Égypte deux frères, car Moïse et Aaron ne se quittaient point, qui, sans armes ni soldats, avaient causé de très grands dérangements dans les affaires du roi ; que ce prince les avait mandés pour résister aux deux frères et pour leur opposer des prestiges plus puissants que les leurs ; qu’ils avaient appris que ces deux étrangers avaient une verge qui se changeait en dragon, et qui dévorait tout ce qui paraissait devant elle.
Le père leur répondit : Dès que vous serez arrivés à la cour de Pharaon, informez-vous si la verge dont vous me parlez se transforme en dragon pendant le sommeil de ces deux magiciens ; car les enchantements qu’un magicien peut faire n’ont nul effet pendant qu’il dort, et sachez que s’il en arrive autrement à ceux-ci, nulle créature n’est capable de leur résister. Les deux frères étant donc partis de la Thébaïde, arrivèrent à la cour du roi à Memphis, et apprirent avec grand étonnement que tandis que Moïse et Aaron prenaient leur repos, leur verge prenait aussitôt la figure d’un serpent, qui veillait à leur garde et ne laissait approcher qui que ce fût de leurs personnes.
Les deux magiciens, fort étonnés de ce prodige, ne laissèrent pas de se présenter devant le roi avec tous les autres magiciens du pays, qui s’y étaient rendus de toutes parts, et que quelques-uns font monter au nombre de soixante-dix mille ; car outre ces deux frères Sabour et Gadour, qui y étaient venus avec tous leurs disciples, on y en vit encore deux autres nommés Giaath et Mospha, dont la suite n’était pas moindre. Enfin le grand Siméon, souverain pontife de tous les prêtres d’Égypte et de tous ceux qui faisaient profession particulière de magie, s’y rendit aussi à la tête d’une très-nombreuse suite de gens de sa profession.
Tous ces gens avaient préparé des baguettes et des cordes pour contrefaire le miracle de Moïse ; et aussitôt que ce prophète eut jeté la verge miraculeuse parterre, et qu’elle fut devenue serpent ; ils jetèrent aussi leurs baguettes et leurs cordes qu’ils avaient remplies de vif-argent au dedans. Ces baguettes n’eurent pas plutôt senti la chaleur du soleil, qu’elles se mirent en mouvement et à faire plusieurs plis et replis sur elles-mêmes. La plupart des spectateurs qui regardaient la chose de loin crurent d’abord, à voir ce mouvement, que c’étaient de véritables serpents. Mais ils en furent bientôt désabusés, lorsqu’ils virent que le serpent de Moïse avait mis en pièces et dévoré tous ces faux serpents.
Ce spectacle jeta la frayeur dans l’esprit des assistants, qui prirent la fuite aussitôt. Les deux frères Sabour et Gadour rendirent gloire à Dieu et se convertirent : ils renoncèrent sincèrement à leur vaine profession, et moururent généreusement pour la vraie religion, Pharaon leur ayant fait couper les pieds et les mains, et ayant fait attacher leurs corps à des gibets, supposant qu’ils avaient été gagnés par les Israélites pour favoriser Moïse et Aaron.
Tout ce récit suppose que les magiciens ne firent aucun vrai miracle, mais seulement de vains prestiges, pour tâcher d’en imposer aux yeux et à l’esprit des spectateurs. Cependant Moïse s’exprime partout d’une manière à persuader que les magiciens de Pharaon opérèrent réellement les mêmes effets que lui-même avait produits, en sorte que Pharaon et toute sa cour demeurèrent persuadés de l’égalité de la force de leurs magiciens et de celle de Moïse, jusqu’à ce que les Égyptiens, ne pouvant produire de moucherons, comme avait fait Moïse, furent contraints d’avouer que le doigt de Dieu s’en mêlait (Exode 8.18-19). Jusqu’alors ils n’y avaient donc reconnu rien de divin ni de surnaturel. Et on convient que la magie et les prestiges, les mauvais anges et les sorciers peuvent quelquefois imiter de fort près les vrais miracles et les opérations du Tout-Puissant : avouons même que Dieu peut permettre quelquefois que le démon et les méchants fassent de vrais miracles ; mais il ne permettra jamais que les élus et ceux qui cherchent sincèrement et véritablement la vérité soient induits à erreur jusqu’à la fin. Le mensonge, l’erreur, la malice, le désordre, que le démon cherche à établir, se découvriront tôt ou tard. On peut voir ci-après l’article miracle.