Il était de la tribu de Siméon, et natif de Bethzacar, si l’on en croit l’auteur de la Vie des prophètes. Voyant que Nabuchodonosor s’approchait de Jérusalem et prévoyant la prise de cette ville, il se sauva à Ostracine dans l’Arabie, près le lac Sirbon. Il y vécut quelque temps. Mais les Chaldéens ayant pris Jérusalem, et étant retournés dans leur pays, Habacuc revint en Judée, pendant que les autres Juifs, qui n’avaient pas été menés à Babylone, après la mort de Godolias, se retirèrent en Égypte. Il s’occupa à cultiver ses champs ; et un jour qu’il se disposait à porter à dîner à ses moissonneurs (Bel 2), il ouït une voix qui lui ordonna de porter a Daniel la même nourriture qu’il destinait à ses ouvriers. Il s’en excusa sur ce qu’il ne connaissait ni Daniel ni Babylone. Mais l’ange du Seigneur le transporta tout d’un coup par les cheveux dans cette ville, avec ce qu’il avait préparé pour ses moissonneurs ; et ayant donné à manger à Daniel, qui était enfermé dans la fosse aux lions, la même main qui l’avait porté à Babylone le rapporta en Judée. Il y mourut, et fut enterré deux ans avant la fin de la captivité (An du monde 3466, Avant. Jésus-Christ 534, Avant l’ère vulgaire 538).
On lui attribue diverses prophéties, qui ne se trouvent point dans celles que nous recevons comme canoniques. On dit qu’il prédit le retour prochain du peuple captif ; que le temps viendrait qu’on verrait dans le temple une grande lumière, et qu’on y contemplerait la gloire de Dieu (il voulait parler du Messie) ; que la ville de Jérusalem serait détruite par un peuple venu d’Occident (c’est-à-dire, par les Romains) ; qu’alors le voile nommé dabir serait fendu en deux parties ; que les chapiteaux des deux colonnes seraient enlevés par les anges et cachés dans le désert, au même endroit où l’on avait caché, peu de temps avant la captivité, l’arche de l’alliance.
On lui a attribué aussi les histoires de Susanne, de Bel et du Dragon, et celles de son propre transport à Babylone, qui sont parmi les œuvres de Daniel, mais qui ne se lisent pas en hébreu. Tout cela n’est fondé que sur une inscription qui se lisait autrefois dans quelques exemplaires grecs, en ces termes : Prophéties d’Abacum, prêtre de Juda, de la tribu de Lévi. D’autres ont prétendu que cet Abacum, prêtre dans la tribu de Juda, était fort différent du prophète dont nous avons les écrits. On montrait autrefois le tombeau d’Habacuc à Bethzacar, ou à Ceïla, ou à Echela, ou à Gabbatha. Ces quatre lieux ne marquent apparemment que la même chose. Il est certain qu’ils étaient très-voisins l’un de l’autre, et au voisinage d’Eleuthéropolis. Sozomène parle de la découverte que l’on fit de son corps à Bethzacar, du temps de Théodose l’Ancien.
Les œuvres incontestables que nous avons d’Habacuc sont en trois chapitres. Le prophète s’y plaint d’abord, dans des termes très-vifs, des désordres qu’il voyait dans le royaume de Juda (Habakuk 1.2-4) ; Dieu lui révèle que bientôt il en tirera une terrible vengeance par les armes des Chaldéens (Habakuk 1.5-10). Il prédit ensuite les conquêtes de Nabuchodonosor, sa métamorphose et sa mort (Habakuk 1.7-12) et comme le prophète était scandalisé des prospérités de ce prince idolâtre, Dieu lui fait voir ce qui doit arriver aux Chaldéens après sa mort (Habakuk 1.13-14 ; 2.1-4). Il prédit ensuite que les vastes projets de Joakim seront renversés (Habakuk 2.9-11). Il parle contre un prince qui bâtissait par le sang et par l’iniquité (Habakuk 2.12-14) ; c’est apparemment le roi de Tyr. Il accuse un autre roi d’avoir enivré son ami, pour lui faire découvrir sa nudité (Habakuk 2.15-17). Nous croyons que c’est le roi d’Égypte qui engagea Sédécias, roi de Juda, dans la révolte contre Nabuchodonosor.
Habacuc, rempli de ces idées, composa un cantique (Habakuk 3), dans lequel il montre que Dieu se souvient de sa miséricorde, lorsqu’il est le plus en colère ; il relève les grandes merveilles que le Seigneur opéra autrefois en faveur de son peuple ; il espère que Dieu lui fera voir ses frères dans leur captivité, mais qu’il l’en délivrera, et lui donnera l’agilité et la promptitude des chevreuils, pour se sauver dans les montagnes et pour éviter la main des Chaldéens, dans le temps qu’ils ravageront la Judée. Tous ces caractères conviennent parfaitement à ce que nous avons dit de la vie de ce prophète. Il prophétisa sur la fin du royaume de Juda, en même temps que Jérémie. Il demeura dans la Judée pendant la captivité des autres Juifs à Babylone, et mourut, comme nous l’avons dit, deux ans avant le retour des Juifs sous Zorobabel (An du monde 3455, Avant. Jésus-Christ 545, Avant l’ère vulgaire 549).