Fils d’Helcias, de la race sacerdotale, il était natif d’Anathoth, bourgade de la tribu de Benjamin (Jérémie 1.1). Il fut destiné à l’emploi de prophète dès le sein de sa mère (Jérémie 1.5), et avant sa naissance. Lorsque Dieu lui parla pour la première fois, et qu’il l’envoya porter ses ordres aux rois, aux princes, aux prêtres et au peuple de Juda, il s’excusa sur son bas âge et sur son peu d’éloquence. C’était la quatorzième année du règne de Josias, l’an du monde 3375, avant l’ère commune 629. Il continua de prophétiser jusqu’après la ruine de Jérusalem par les Chaldéens, arrivée l’an du monde 3416, et il mourut, à ce qu’on croit, dans l’Égypte, deux ans après, savoir, l’an du monde, 3418, avant Jésus-Christ 582, avant l’ère vulgaire 586.
Jérémie s’était contenté de prêcher de vive voix, sans rien écrire jusqu’à la quatrième année de Joakim, roi de Juda. Ce fut alors qu’il commença à rédiger ses prophéties, ainsi que nous le dirons ci-après. Nous allons donner un abrégé de sa vie, autant que nous le pourrons, en suivant l’ordre des temps. Lorsque Dieu appela Jérémie au ministère de la prophétie, il lui fit voir tout d’un coup qu’il aurait beaucoup à souffrir de la part des Juifs ; mais il lui promit en même temps de le rendre comme un mur d’airain contre les rois, les princes et le peuple de Juda (Jérémie 1.18). Il lui fit voir aussi sous la figure d’une branche d’amandier qui commençait à fleurir (Jérémie 2.12), et sous celle d’une chaudière échauffée par un feu soufflé du côté du nord, que toute la Judée était menacée d’un très-grand malheur et très-prochain, de la part des Chaldéens. On peut dire que c’est là l’objet général de presque toutes les prophéties de Jérémie. Elles roulent sur les crimes de Juda et sur le châtiment que le Seigneur en devait faire par la main de Nabuchodonosor, roi des Chaldéens.
Le prophète commence par une forte invective contre les désordres du royaume de Juda (Jérémie 2-8). Ces désordres étaient extrêmes durant les premières années du règne de Josias, qui est le temps où ces prophéties furent prononcées, et avant que ce prince eût réformé ses États (2 Rois 23 ;4-6), ce qu’il ne fit que la dix-huitième année de son règne. Pendant tout ce temps, Jérémie souffrit de grandes persécutions de la part des Juifs. Ses parents et ses compatriotes mêmes (Jérémie 12-16), ceux de la petite ville d’Anathoth, le menaçaient de le tuer s’il continuait à prophétiser. Mais le prophète les menace eux-mêmes qu’ils seront mis à mort par le glaive, et qu’ils périront par la famine. En même temps il se plaint à Dieu du bonheur dont jouissent les méchants pendant que les gens de bien sont dans l’oppression et dans la douleur. Le pays était alors dans la famine, qui était un effet de la colère du Seigneur contre son peuple. Vers ce même temps, Dieu défend à son prophète de prendre une femme, et de nourrir des enfants dans Jérusalem ; d’entrer dans aucune maison de joie et de festin, ni dans aucune maison de deuil, pour consoler ceux qui étaient affligés. Tout cela désignait que le Seigneur avait résolu d’ôter à son peuple toute paix, toute joie, toute consolation (Jérémie 16-17).
Nous croyons que ce fut sous le règne de Sellum, fils de Josias (Josias mourut à Jérusalem avant l’ère vulgaire 610), que Jérémie reçut ordre du Seigneur (Jérémie 18) d’aller chez un potier de terre. Il y remarqua un pot qui se cassait entre les mains du potier, lequel en fit un autre sur-le-champ avec la même argile dont le premier était composé. Jérémie déclara que cela marquait la réprobation de Juda, au lieu duquel Dieu devait susciter un autre peuple plus fidèle. Pour faire sentir plus vivement la force de cette prophétie, il reçut ordre de prendre une cruche de terre, et de la casser en présence des anciens du peuple et des prêtres, dans la vallée des enfants d’Ennon. De là il monta au temple, où il confirma tout ce qu’il leur avait dit. Phassur, capitaine du temple, le fit arrêter, et le fit mettre dans une prison du temple, où il demeura jusqu’au lendemain. Alors il prédit à Phassur que lui, ses enfants et ses amis seraient réduits en captivité.
Joakim, roi de Juda, ayant succédé à Sellum (Sellum ne régna que trois mois. Joakim fut mis en sa place la même année 3594. Les prophéties de Jérémie contre Joakim peuvent être de 3395), Jérémie lui dit (Jérémie 22) que s’il veut demeurer fidèle à Dieu, on verra encore des rois de Juda dans son palais, accompagnés de tout l’éclat de leur dignité ; mais que s’il continue dans ses désordres, Dieu réduira ce lieu en solitude. Mais comme Joakim, au lieu de se corriger, s’abandonnait à la cruauté et à l’avarice, et s’amusait à faire des bâtiments somptueux, Jérémie le menace d’une mort malheureuse, et lui dit qu’il sera privé des honneurs de la sépulture. Il parle encore contre Jéchonias, frère de Joakim, et lui prédit qu’il sera livré entre les mains des Chaldéens, et qu’il ne verra jamais aucun roi de sa race sur le trône de Juda (Jérémie 23). Il déclame fortement contre ces deux princes, et les dépeint comme des pasteurs cruels, qui, au lieu de paître leur troupeau, le dévorent et le dissipent.
Vers le même temps, Jérémie étant monté au temple, en prédit clairement la destruction (Jérémie 26). Alors les faux prophètes et les prêtres le saisirent et le déclarèrent coupable de mort. Les princes du peuple y étant venus pour le juger, Jérémie, sans s’effrayer, leur déclara qu’il n’avait rien dit que par l’ordre de Dieu, et que s’ils ne se convertissaient, ils verraient bientôt l’effet de ses menaces. Ce discours arrêta les princes ; ils le renvoyèrent absous, et le justifièrent par l’exemple du prophète Michée, qui avait prédit la même chose sous le roi Ézéchias, sans qu’on lui eût fait la moindre peine.
Avant la quatrième année (l’an du monde 3398 et la quatrième de Joachim) de Joakim, Jérémie prophétisa contre divers peuples voisins de la Judée (Jérémie 46-49) ; comme les Égyptiens, les Philistins, les Tyriens, les Phéniciens, les Iduméens, les Ammonites, les Moabites et les peuples de Damas, de Cédar, d’Asor, etc. ; car Jérémie était établi le prophète des nations ou des gentils ; comme saint Paul était destiné pour être l’apôtre des gentils. Le prophète menace donc tous ces peuples de leur faire boire le calice de la colère du Seigneur. Mais cette prophétie n’eut son accomplissement parfait qu’après la ruine de Jérusalem par les Chaldéens.
La quatrième année de Joakim (An du monde 3398, Avant. Jésus-Christ 602, Avant l’ère vulgaire 606), Nabuchodonosor fut envoyé en Judée par son père Nabopolassar. Il fit le siège de Jérusalem, prit Joakim et plusieurs autres Juifs, entre lesquels étaient Daniel et ses compagnons. Il voulait les mener tous captifs à Babylone ; mais il relâcha Joakim, et se contenta d’y faire conduire les autres captifs. Ce fut cette année que Jérémie (Jérémie 25, 46, 47) annonça positivement la captivité des Juifs, qui devait durer soixante-dix ans, après lesquels Dieu devait punir à leur tour les Chaldéens et les Babyloniens. Dans le même temps, il prédit pour la seconde fois que les peuples voisins des Juifs seront enivrés du calice de la colère de Dieu.
Ce fut aussi cette quatrième année de Joakim que le prophète reçut ordre du Seigneur de mettre en écrit tout ce qui lui avait été révélé depuis la treizième année de Josias, jusqu’alors (Jérémie 36). Jérémie obéit. Il dicta ses prophéties à Baruch, son disciple, et lui dit de les aller lire dans le temple, n’y pouvant aller lui-même, parce qu’il était dans les liens, où il avait été mis par les ordres du roi. Baruch alla donc au temple la cinquième année de Joakim ; et le jour de l’Expiation solennelle, il lut devant l’assemblée du peuple les prédictions fâcheuses dont Jérémie les menaçait. Michée, fils de Gamarias, en alla donner avis aux princes et aux magistrats, qui envoyèrent quérir Baruch, avec le livre qu’il avait lu au peuple. Baruch vint et répéta de nouveau en leur présence ce qu’il avait récité devant le peuple. On informa le roi de tout ce qui s’était passé, et on interrogea Baruch sur la manière dont Jérémie lui avait dicté ce volume. Il répondit que ce prophète le lui avait dicté par cœur, sans hésiter et comme s’il avait lu dans un livre. Les magistrats dirent à Baruch de se retirer et de se tenir caché avec Jérémie ; et cependant ils portèrent le livre au roi, qui en fit lire trois ou quatre pages en sa présence ; mais ayant ouï ce qu’il contenait, il le coupa avec un canif, et le jeta dans un brasier, qui était allumé devant lui. Il ordonna en même temps qu’on se saisit de Baruch et de Jérémie : mais Dieu ne permit pas qu’on les trouvât. Jérémie reçut ordre une seconde fois de dicter à Baruch ce qui avait été brûlé, et Dieu y fit ajouter beaucoup de nouvelles choses.
Un jour Jérémie (Jérémie 35), par l’ordre de Dieu, introduisit dans le temple les Réchabites, et leur fit présenter du vin. Ils s’excusèrent d’en boire, disant que Jonadab, un de leurs ancêtres, le leur avait défendu, aussi bien que de demeurer dans des maisons et dans les villes, et ne leur avait permis de loger que sous des tentes. Ils ajoutèrent qu’ils n’étaient entrés dans la ville que par la nécessité, les Chaldéens occupant la campagne, et ne leur permettant pas d’y pouvoir demeurer en paix. Cette circonstance fait juger que ceci arriva pendant le siège de Jérusalem, la septième et dernière année de Joakim (An du monde 3405, Avant. Jésus-Christ 595, Avant l’ère vulgaire 599). Jérémie prit occasion de cette réponse de faire aux Juifs de vifs reproches de leur peu de soumission aux lois du Seigneur, pendant que les Réchabites avaient tant de déférence pour les ordres d’un de leurs ancêtres.
Peu de temps après cela, Joakim fut pris, tué et jeté à la voirie par les Chaldéens [comme Jérémie l’avait prédit (Jérémie 22.18)]. Jéchonias, son fils, lui succéda, et ne régna que trois mois. Il fut aussi pris par les Chaldéens, et mené captif à Babylone. Sédécias régna après Jéchonias, depuis l’an du monde 3405 jusqu’en 3416, qui est l’année de la prise de Jérusalem par les Chaldéens.
Les rois de Moab, d’Ammon, d’Idumée, de Tyr et de Sidon, avaient envoyé des ambassadeurs à Sédécias au commencement de son règne. Jérémie fit présent à chacun de ces ambassadeurs d’un joug, pour les porter aux rois leurs maîtres, avec ordre de leur dire de la part du Seigneur que quiconque refuserait de s’assujettir de bon gré à Nabuchodonosor serait malgré lui soumis à son joug et à son empire (Jérémie 36). Jérémie dit la même chose à Sédécias. Et comme le prophète portait sur son cou des jougs et des liens pour marquer par là aux Israélites leur captivité prochaine et leur assujettissement aux Chaldéens, un faux prophète nommé Hananie saisit ces liens et ces jougs qui étaient sur le cou de Jérémie, et les ayant brisés devant tout le monde, il dit : C’est ainsi que le Seigneur rompra le joug que Nabuchodonosor veut imposer aux Juifs. Comme Jérémie se retirait outré de douleur, le Seigneur lui inspira de retourner, et de dire à Hananie qu’an lieu de ce joug de bois qu’il venait de rompre, le roi Nabuchodonosor leur en imposerait un autre de fer. Et vous, Hananie, ajouta-t-il, puisque vous abusez du nom du Seigneur par vos mensonges, vous mourrez avant la fin de cette année. Il mourut en effet deux mois après cette prédiction.
Nous croyons que ce fut sous le règne de Sédécias que Jérémie reçut ordre du Seigneur (Jérémie 13) d’aller dans une caverne sur l’Euphrate pour y cacher une ceinture de lin. Il retourna quelque temps après au même lieu, et y trouva cette ceinture toute pourrie : ce qui marquait l’abandonnement que le Seigneur faisait de Juda, qu’il s’était autrefois attaché comme une ceinture. La quatrième année du même prince (An du monde 3409, Avant. Jésus-Christ 591, Avant l’ère vulgaire 595), Saraïas, frère de Baruch, ayant été envoyé à Babylone (Jérémie 50), apparemment pour redemander à Nabuchodonosor les vaisseaux du temple, Jérémie lui donna les prophéties qu’il avait écrites contre Babylone, avec ordre de les lire aux Juifs captifs, et après cela de les attacher à une pierre, et de les jeter dans l’eau de l’Euphrate. Jérémie (Jérémie 29) écrivit encore une autre fois aux mêmes captifs, par Gamarias, que le roi envoyait à Babylone, de s’établir dans ce pays, d’y bâtir des maisons, et de s’y marier, parce que leur captivité devait durer soixante et dix ans, après lesquels le Seigneur les délivrerait (Jérémie 19.24-27).
Un nommé Séméias, qui était alors à Babylone, écrivit à Sophonias, qui était un des premiers prêtres, et le reprit de ce qu’il permettait à Jérémie d’écrire ces choses aux captifs, et de ce qu’il ne l’avait pas mis en prison pour cela. Sophonias lut la lettre à Jérémie, et ce prophète écrivit de nouveau aux captifs de Babylone, et prédit à Séméias qu’il mourrait en captivité, et que ni lui ni sa postérité ne verraient point la délivrance du peuple de Juda.
Nabuchodonosor étant venu assièger Jérusalem la dixième année du règne de Sédécias (An du monde 3414, Avant. Jésus-Christ 586, Avant l’ère vulgaire 590), Jérémie, qui ne cessait de prédire que la ville serait prise et le peuple réduit en captivté, fut mis en prison dans le parvis du palais. Alors Hanaméel, fils de l’oncle de Jérémie, vint trouver le prophète dans sa prison, et lui dit : C’est à vous qu’appartient le droit de racheter un tel champ qui est à Anathoth, votre patrie. Jérémie l’acheta ; il en passa le contrat, et en délivra l’argent (Jérémie 32-33). Il en mit la cédule entre les mains de Baruch, et lui dit de la conserver ; parce, ajouta-t-il, que le temps viendra que ce pays sera de nouveau cultivé et habité. Durant le même siège (Jérémie 34), le roi et les habitants de Jérusalem remirent en liberté leurs esclaves, parce que c’était l’année sabbatique, et que la vue du danger présent les rendait plus exacts à garder la loi. Mais Nabuchodonosor ayant quitté pour quelque temps le siège de la ville pour repousser le roi d’Égypte, qui faisait mine de venir à son secours, le roi et le peuple reprirent leurs esclaves, sans se mettre en peine de leur parole ni de la loi de Dieu. Jérémie sur cela s’éleva contre eux, et leur fit de terribles menaces. Depuis la levée du siège, il fut mis en liberté, et Sédécias envoya vers lui pour se recommander à ses prières. Le prophète fit dire au roi (Jérémie 37) que Nabuchodonosor reviendrait contre la ville, qu’il la prendrait et la réduirait en cendres. Comme il voulait se retirer à Anathoth, sa patrie, les gardes l’arrêtèrent comme un transfuge, et les princes le jetèrent dans un cachot, où il fut en danger de sa vie, à cause de l’incommodité du lieu. Sédécias envoya lui demander quelque temps après s’il avait quelque nouvelle révélation. Jérémie lui dit qu’infailliblement il serait livré aux Chaldéens ; et le pria de le faire tirer de la prison où il était. Le roi lui accorda cette grâce, et lui fit donner tous les jours du pain pour sa nourriture, tandis qu’il y en eut dans la ville.
Nabuchodonosor étant revenu au siège de Jérusalem, la serra de plus près qu’auparavant ; et Sédécias ayant envoyé demander à Jérémie (Jérémie 21) s’il n’avait rien de bon à lui dire, il répondit à ceux que le roi avait envoyés que la perte du roi et des princes était résolue ; mais que, pour le peuple, ceux qui se rendraient aux Chaldéens auraient la vie sauve, et que ceux qui s’opiniâtreraient à demeurer dans la ville seraient enveloppés dans sa ruine. Comme ce prophète continuait à prédire les malheurs de la ville, les principaux de Jérusalem en firent leurs plaintes à Sédécias, qui leur permit de faire de Jérémie tout ce qu’ils voudraient. Ils le descendirent avec des cordes dans une citerne où il n’y avait point d’eau, mais seulement de la boue, et où le prophète serait bientôt mort, si Abdemelech n’en eût averti le roi, qui le fit tirer de là (Jérémie 38). Il fut toutefois laissé dans le parvis de la prison, où il demeura jusqu’à la prise de la ville, qui arriva quelque temps après, dans la onzième année de Sédécias, du monde 3416, avant Jésus-Christ 584, avant l’ère vulgaire 588.
Jérémie fut pris avec les autres captifs, et mené avec eux jusqu’à Ramath ; mais comme Nabuchodonosor avait expressément recommandé à Nabuzardan (Jérémie 39.11-12 ; 40.1-6 ; 41), général de ses troupes, d’avoir soin de Jérémie, et de lui laisser faire ce qu’il voudrait, Nabuzardan lui donna le choix de venir avec lui à Babylone, ou de demeurer dans la Judée avec le reste du peuple. Le prophète accepta ce dernier parti, et alla joindre Godolias à Masphath, où plusieurs Juifs, que la guerre avait dispersés en différents endroits, vinrent aussi se réunir. Ils y vivaient en paix et en assurance, lorsque Ismaël, fils de Nathanias, accompagné de dix hommes, vint trouver Godolias à Masphath, et le tua en trahison. Mais il fut poursuivi par Johanan, fils de Carée, qui l’obligea de relâcher le butin qu’il avait pris, et de se sauver lui huitième (?) chez les Ammonites.
Johanan ayant ramassé ce qu’il put de Juifs, les rassembla près de Bethléem (Jérémie 42), et l’on consulta Jérémie pour savoir si l’on devait demeurer dans la Judée ou se retirer en Égypte. Le prophète demanda du temps pour consulter le Seigneur, et au bout de dix jours il leur répondit que, s’ils allaient en Égypte, ils y périraient par l’épée, par la famine et par la peste ; et que s’ils demeuraient dans le pays de Juda, Dieu les y conserverait et les y protégerait. Les chefs du peuple se mutinèrent, et soutinrent que cette réponse ne venait pas du Seigneur, et que c’était Baruch qui la lui avait suggérée, pour les détourner d’aller en Égypte. Ils prirent donc la résolution de s’y en aller, et obligèrent Jérémie et Baruch de les y accompagner. Ce prophète y prononça des prophéties contre les Juifs et contre les Égyptiens, leur prédit que Nabuchodonosor viendrait dans ce pays, et désigna même le lieu où il placerait son trône, menaça le roi d’Égypte que Dieu le livrerait entre les mains des Chaldéens, comme il y avait déjà livré Sédécias. Voilà à -peu-près ce que nous trouvons de la vie de Jérémie dans ses propres écrits.
Plusieurs anciens (Tertull., …) tiennent qu’il fut lapidé à Taphnis en Égypte par les Juifs, qui ne pouvaient souffrir ses menaces et ses reproches ; et c’est de sa mort dont on explique ces mots de l’Épître aux Hébreux (Hébreux 11.37) : Ils ont été lapidés. Quelques rabbins croient qu’il revint en Judée, et d’autres veulent qu’il soit allé à Babylone et qu’il y soit mort. Quelques anciens Pères ont enseigné qu’il n’était pas mort, non plus qu’Élie, parce que l’Écriture ne dit rien de son décès, et parce que les apôtres répondirent à Jésus-Christ, qui leur demandait ce que les Juifs disaient de lui (Matthieu 26.14), que les uns le prenaient pour Élie, et les autres pour Jérémie. Mais le sentiment commun et général des théologiens est qu’il est mort, et qu’il doit un jour ressusciter.
Outre le livre de ses prophéties, nous avons encore ses Lamentations en cinq chapitres, qui sont des cantiques de deuil composés à l’occasion des derniers malheurs de Jésusalem et de sa ruine entière par les Chaldéens. C’est le sentiment qui nous parait mieux fondé. d’autres croient que Jérémie les composa à l’occasion du pieux roi Josias. Il est certain qu’il écrivit des Lamentations sur ce sujet (2 Chroniques 35.25) ; mais elles ne sont pas venues jusqu’a nous. Voici ce qu’on lit dans les Chroniques au sujet de ces Lamentations : « Tout Juda et Jérusalem pleurèrent Josias ; Jérémie surtout fit paraître sa douleur dans les Lamentations qu’il composa, et que tous les chantres et les chanteuses répètent tous les ans dans Israël. » On lui attribue aussi le (Psaumes 137), et on veut qu’il ait composé le (Psaumes 65) avec Ézéchiel. Quelques-uns lui attribuent la compilation des premier et deuxième livres des Rois, parce que le dernier chapitre de Jérémie est le même que le dernier du deuxième livre des Rois, mais c’est que le dernier chapitre de Jérémie a été tiré du deuxième livre des Rois, pour servir comme de supplément à sa prophétie. Les livres des Machabées (2 Machabées 2.1) citent certains écrits de Jérémie que l’on voyait encore l’an du monde 3880, avant Jésus-Christ 120, et 124 ans avant notre ère vulgaire. Mais ces écrits sont perdus. Enfin les Pères citent souvent Baruch sous le nom de Jérémie, parce qu’ordinairement Baruch est mis à la fin des prophéties de son maître.
Jérémie apparut après sa mort à Judas Machabée, accompagné du saint pontife Onias, et lui donna un glaive d’or tout brillant de clarté, en lui disant (2 Machabées 15.13) : Recevez cette épée comme un présent que Dieu vous envoie, et assurez-vous que par ce moyen vous abattrez les ennemis de mon peuple d’Israël. En même temps Onias lui dit, en lui montrant Jérémie : Voilà celui qui aime ses frères et tout le peuple d’Israël, et qui fait des prières continuelles à Dieu pour le peuple et la sainte cité.
La Chronique d’Alexandrie raconte que Jérémie, étant en Égypte, avait prédit aux prêtres égyptiens que leurs idoles seraient renversées par un tremblement de terre, lorsque le Sauveur du monde serait né et couché dans une crèche, ce qui fut cause que, depuis ce temps ils firent représenter une vierge et un enfant couché dans une crèche, et qu’ils lui rendirent des honneurs divins. Le roi Ptolémée en ayant demandé la raison aux prêtres, ils lui dirent ce que Jérémie avait prédit à leurs ancêtres. Cette Chronique ajoute qu’Alexandre le Grand étant un jour allé au tombeau de ce prophète, et ayant appris ce qu’il avait prédit touchant sa personne et ses conquêtes, fit transporter son corps à Alexandrie, et lui fit ériger un tombeau magnifique. Jean Mosque, dans le Pré spirituel raconte aussi cette dernière circonstance, et ajoute que Jérémie était fort honoré dans le quartier d’Alexandrie nommé Tétraphyle.
Eupolème, cité dans Eusèbe, nous apprend aussi quelques particularités de la vie de Jérémie, qui ne sont pas plus certaines que celles que nous venons de voir dans la Chronique d’Alexandrie. Cet auteur dit que Jérémie ayant dénoncé aux Juifs idolâtres leur perte prochaine, le roi Joakim voulut le faire brûler vif. Mais le prophète lui prédit que les Juifs, réduits en captivité à Babylone, emploieraient ce même bois avec lequel il le voulait brûler à préparer à manger aux Babyloniens et à leur creuser des fossés aux environs de l’Euphrate et du Tigre. Nabuchodonosor ayant appris cette prédiction de Jérémie, engagea Assibaze, roi des Mèdes, à l’accompagner dans la guerre qu’il voulait faire aux Juifs ; et après avoir pris Samarie, la Galilée, Scythopolis et le pays de Galaad, il ruina Jérusalem, prit Joakim, et enleva les richesses du temple, à l’exception de l’arche et des tables de la loi, qu’il laissa à Jérémie. Il y a dans ce récit bien des choses insoutenables. Mais quant à cette dernière circonstance de l’arche, nous lisons dans le second livre des Machabées (2 Machabées 2.5-6) ; que Jérémie ayant pris le feu sacré le cacha dans une citerne, où l’on ne trouva au retour de la captivité que de l’eau bourbeuse, qui ne laissa pas de s’enflammer lorsqu’on la répandit sur l’autel ; et que le même prophète transporta sur le mont Nébo le tabernacle et l’arche d’alliance, et les y cacha dans une caverne, où ils sont encore aujourd’hui.
Jérémie fut pendant toute sa vie exposé aux mauvais traitements des Juifs, dont il ne cessa de reprendre les désordres. L’auteur de l’Ecclésiastique (Ecclésiaste 49.9), dans l’éloge qu’il donne de ce prophète, semble faire son caractère de ces persécutions qu’il eut à souffrir. Saint Jérôme remarque que le style de Jérémie est plus bas et plus négligé que celui d’Isaïee, par exemple, et de quelques autres prophètes. Il attribue ce défaut à la naissance de ce prophète, qui était né et avait été élevé à Anathoth, qui n’était qu’un village ou une petite ville de la campagne d’autres critiques trouvent de la grandeur et de l’élévation dans son style. Grotius juge avec raison que son grand talent était de toucher et d’exciter des passions de tendresse et de pitié. Les Lamentations sont un chef-d’œuvre en ce genre [« Dans les plans de la Providence, dit M. Coquerel, ministre protestant, Jérémie est témoin pour Dieu contre son peuple à Jérusalem, comme Ézéchiel en Assyrie et Daniel à Babylone. Il assiste en quelque sorte, de la part de Dieu même, aux derniers événements, aux derniers jours du royaume de Juda ; il prédit ces grands désastres, les explique et les justifie, à mesure qu’ils arrivent ; au pied du trône de David et sur les marches du temple de Salomon, il représente à lui seul la justice divine, pendant cinq règnes de malheurs, tâche imposante et sublime, dont la récompense ne pouvait être sur la terre. Aucun ministère n’a été plus pénible que le sien ; à l’exception de quelques récompenses particulières et du retour de la captivité, il n’annonce que fléaux, désolations, châtiments, et n’obtient que de loin en loin un peu de confiance. Il était indispensable, sans doute, qu’au temps où Dieu semblait abandonner son peuple, une voix fût toujours prête à crier que le peuple, au contraire, abandonnait son Dieu. Admirable dispensation de l’Éternel ! Pendant le cours de cette période, qui aurait effacé de la terre toute autre nation que la nation élue, les captifs, en Asie, et les assiégés, à Jérusalem, avaient tous leur prophète. Daniel, Ézéchiel et Jérémie s’entre-répondent de l’Euphrate au Jourdain : le même esprit les inspire. Quelquefois ils échangent et se renvoient leurs oracles, et attestent, par l’accord de leurs ministères, qu’un seul Dieu tient dans sa main toute-puissante le fil des grands événements qui ébranlent l’Asie.
Une circonstance ne doit pas nous échapper (Jérémie 16.2) : il parait que, sur un ordre divin, Jérémie a vécu célibataire ; les vicissitudes de sa vie, les difficultés de sa mission rendaient cette liberté indispensable ; un tel ordre était un bienfait.
Son caractère convenait à la tâche qui lui a été confiée : la persévérance, la modération, forment le trait qui le distingue : on le voit revenir sans cesse à la charge, infatigable à remplir sans fruit son devoir ; il ne s’emporte pas contre les incrédules qui le contredisent, contre les méchants qui le persécutent, il les plaint trop pour cela ; mais il les presse, il les conjure, il ne se lasse point de les avertir. Citoyen dévoué, il n’oublie que lui-même ; prophète intrépide, tant de résistance n’a pu le décourager, et quand Jérusalem tombe, il reste debout ; au milieu des ruines de sa patrie, comme pour montrer aux vainqueurs et aux vaincus quel devait être un véritable Israélite.
L’ordre chronologique est entièrement interverti dans son livre. C’est sans doute après le retour de la captivité que ses oracles, ses discours et les fragments de son histoire ont été recueillis avec trop de négligence ; les peuples et les règnes y sont confusément mêlés. Son style est clair, simple et fort, et en général plus prolixe que celui des autres prophètes.
Nul ne pouvait mieux que lui déplorer les malheurs qu’il avait si longtemps prédits : Ses Lamentations, composées de cinq chants différents, expriment, sous les plus vives images, la douleur d’un citoyen et d’un fidèle. La poésie en est plus élevée que celle de ses oracles, et le triste état de la Judée, pendant la captivité, y est dépeint avec une vérité effrayante. On y reconnaît que Jérémie pouvait dire : J’ai vu les maux que je pleure. »]
De la ville de Lobna, père d’Amital, femme de Josias, roi de Juda ; et mère de Joachas et de Sédécias (2 Rois 24.18).
Homme très vaillant, de la tribu de Manassé, et chef de sa famille (1 Chroniques 5.24).
Il y eut deux [ou trois] héros de ce nom dans les armées de David (1 Chroniques 12.4-10, 13).
Prêtre considérable, qui, revenu de la captivité avec Zorobabel (Néhémie 11.1), fut un de ceux qui signèrent l’alliance avec le Seigneur (Néhémie 10.1). Est-ce le même que celui des versets 12 et 34 ?
Réchabite, père de Jezonias (Jérémie 35.3).
Village de Jérémie ou de Saint-Jérémie, nom que porte aujourd’hui le village où naquit le grand prophète de ce nom. Voyez Anathoth.