Prêtre ou prince (l’hébreu « cohen » signifie parfois « prince ») de Madian, beau-père de Moïse. On croit qu’il était prêtre du vrai Dieu, et qu’il tenait la vraie religion, comme descendant de Madian, fils d’Abraham et de Céthura. Moïse ne feint pas de prendre alliance dans sa famille, et de l’inviter à offrir des sacrifices au Seigneur à son arrivée dans le camp d’Israël (Exode 18.11-12), comme adorant le même Dieu que les Israélites. On prétend qu’il avait quatre noms, Jethro, Raguel, Hobab et Céni d’autres veulent que Jéthro et Raguel soient une même personne ; que Hobab soit fils de Jethro, frère de Séphora et beau-frère de Moïse ; et qu’enfin Céni soit un nom commun pour marquer le pays des Cinéens, que les descendants de Hobab habitèrent au midi de la terre promise. L’hébreu Choten, que saint Jérôme traduit par cognatus, parent, est employé (Nombres 10.29), pour marquer le degré de parenté qui était entre Moïse et Hobab. Et ailleurs le même terme est mis pour désigner la même chose entre Jéthro et Moïse (Exode 18.1-27). Et cependant, dans le lieu cité des Nombres, Hobab est nommé fils de Raguel. Ce qui fait que quelques autres croient que Raguel est père de Jéthro, et Jéthro, père de Hobab d’autre part, Raguel donne en mariage Séphora à Moïse (Exode 2.18-21). La signification de l’hébreu choten n’étant pas fixée, il est impossible de prendre un parti bien sûr dans cette question. [Voyez Amalec].
Voici l’occasion qui donna entrée à Moïse dans la famille de Jéthro. Moïse, ayant tué un Égyptien qui maltraitait un Hébreu, fut obligé de se sauver de l’Égypte. Il se retira dans le pays de Madian, à l’orient de la mer Rouge, entre le golfe Elanitique et le golfe Héroopolite. Étant arrivé près d’un puits où les filles de Jéthro étaient venues pour abreuver leur bétail, il survint des pasteurs qui les chassèrent. Moïse défendit ces filles et fit boire leurs brebis. Leur père, ayant su ce qui s’était passé, fit venir Moïse dans sa maison et lui donna sa fille Séphora en mariage (Exode 2.15-17). [Voyez Moïse, ma note sur son mariage]. Moïse en eut deux fils, Gersam et Eliézer. Après avoir été quarante ans (Depuis l’An du monde 2473, jusqu’en 2513, Avant. Jésus-Christ 1487, Avant l’ère vulgaire 1491) chez Jéthro, il eut la vision d’un ange, qui lui parla dans le buisson ardent, et qui lui ordonna de tirer les Israélites de l’Égypte. Jéthro, informé de la volonté de Dieu, lui permit de s’en retourner en son pays avec sa femme et ses enfants. Mais Séphora ayant été obligée de retourner à Madian auprès de son père, avant que d’entrer en Égypte, Jéthro la ramena à Moïse, dans le camp au pied du mont Sinaï, environ un an après que les Hébreux furent sortis d’Égypte (An du monde 2514, Avant. Jésus-Christ 1486, Avant l’ère vulgaire 1490).
Jéthro, ayant fait avertir Moïse de son arrivée (Exode 18.1-5), Moïse sortit hors du camp, vint au-devant de lui, se prosterna en sa présence, l’embrassa [Voyez baiser], l’introduisit dans sa tente, et lui raconta tout ce que le Seigneur avait fait en faveur des Israélites. Jéthro en bénit Dieu, lui offrit des holocaustes et des hosties pacifiques, et mangea avec Moïse, Aaron et les principaux d’Israël, en la présence du Seigneur. Le lendemain Moïse, s’étant assis pour juger Israël, demeura dans cette occupation depuis le matin jusqu’au soir. Jéthro lui remontra que ce travail était au-dessus de ses forces, et qu’il se fatiguait mal à propos, lui et son peuple : qu’il devait choisir des hommes fermes et courageux, qui craignissent Dieu et haïssent l’avarice, afin de partager avec eux le poids du gouvernement ; qu’il leur confierait la connaissance des moindres affaires, et qu’il se réserverait celles qui seraient le plus de conséquence. Moïse se rendit aisément à cet avis, et choisit dans tout Israël des hommes de mérite, qu’il établit sur tout le peuple, les uns sur mille, les autres sur cent, les autres cent cinquante, et les autres sur dix hommes. Ils rendaient la justice au peuple ; et lorsqu’il se rencontrait quelque chose de plus difficile, ils le rapportaient à Moïse.
Lorsque les Israélites furent sur le point de décamper du désert de Sinaï, pour s’avancer vers la terre promise, Moïse pria Jéthro de demeurer avec le peuple, afin de leur servir de guide dans leur voyage (Exode 18.27) ; mais Jéthro s’en excusa et retourna à Madian, laissant, comme l’on croit, Hobab, son fils, pour conduire les Israélites dans le désert (Nombres 10.29-33). Hobab entra avec eux dans la terre promise, et eut part au partage que Josué en fit. On ne sait pas ce qui arriva à Jéthro depuis ce temps. [Voyez Josué, et addition, § 12].
Les Juifs ont débité sur le sujet de Jéthro bien des fables, que nous toucherons ici en passant. Ils disent premièrement qu’il avait six noms ; Jéthro, Jéther, Raguel, Chobab, Céni, Phutiel et Chéber. Ils ajoutent qu’étant un des premiers conseillers de Pharaon, et lui donnant des conseils modérés et favorables aux Hébreux, au lieu que Balaam, autre conseiller de ce prince, lui en donnait de tout contraires, il fut obligé de se sauver de la cour de Pharaon et de se retirer à Madian. Il y porta avec lui une verge de saphir, qui avait été créée le sixième jour du monde, et qui avait passé par succession de temps, d’Adam à Noé, à Abraham, à Isaac, à Jacob, à Joseph, et enfin à Pharaon.
Jéthro trouva le secret de l’emporter à Madian ; et l’ayant fichée en terre dans son jardin, il ne put jamais l’en arracher : mais Moïse, par le nom de Dieu dont il savait la prononciation, l’arracha très-aisément ; ce qui lui procura le mariage de Séphora. Et c’est avec la même verge que dans la suite il fit tant de miracles. Ils croient qu’il écrivit, dans le Pentateuque, la section qu’ils appellent Jéthro. Les mahométans le nomment Soaib, nom que l’on remarque dans Saadias et dans la version arabique de l’Exode.
Voici des détails curieux, mais peu certains, de la vie de Jéthro, qui nous ont été conservés par les Arabes. Ils lui donnent pour père Michel, fils de Taskir, et petit-fils de Madian : ce dernier était fils immédiat d’Ismaël, selon l’auteur de Leb-Tarik ; car Moïse ne parle pas de Madian parmi les fils d’Ismaël (Genèse 25.13-14). Jéthro donna à Moïse, son gendre, la verge miraculeuse avec laquelle il fit tant de prodiges. Il fut favorisé du don de prophétie, et Dieu l’envoya pour prêcher l’unité d’un Dieu aux peuples de Madian, ses compatriotes, et les retirer de l’idolâtrie. Mahomet dit qu’il fit des miracles pour convertir cette nation ; et un de ses commentateurs avance que, lorsque Jéthro voulait monter sur le haut d’une certaine montagne pour y faire sa prière, cette montagne s’abaissait pour lui en rendre la montée plus facile.
Un autre commentateur de l’Alcoran dit que Jéthro s’appliqua principalement à corriger les Madianites de l’habitude où ils étaient de voler, d’avoir deux sortes de poids et de mesures, d’acheter avec la grande, et de vendre avec la petite. Il leur disait souvent : Ayez des mesures et des balances justes, et ne fraudez personne de ce qui lui appartient.
Outre ces fraudes que les Madianites commettaient dans le commerce, ils usaient de violences envers les voyageurs et les volaient impunément sur les grands chemins. Ils menacèrent même Jéthro de le chasser de leur pays avec ses disciples, s’ils ne rentraient tous dans la voie, c’est-à-dire, dans l’impiété qui régnait parmi eux.
Cette insolence obligea la colère de Dieu de faire éclater un exemple de sa juste sévérité contre eux. Il envoya l’ange Gabriel, qui, avec une voix de tonnerre et un cri effroyable excita un tremblement de terre qui les fit tous périr, à la réserve de Jéthro et de ceux qui, conne lui, croyaient l’unité d’un Dieu. Ce fut après cette punition que Jéthro alla trouver Moïse, son gendre, ainsi qu’il est rapporté dans l’Exode (Exode 18.1-10). Les avis que Jéthro donna à Moïse dans cette occasion l’ont fait nommer par les musulmans le prédicateur des prophètes.