Ville de Galilée. Josèphe dit qu’elle était à quarante stades de Gabara ou peut-être Gadara. C’était la plus forte place de la Galilée, étant située sur une montagne, et des rochers inaccessibles de tous côtés, hors la partie septentrionale, par où l’on pouvait y aller. Elle fut prise et ruinée l’an 67 de l’ère vulgaire. Plusieurs croient que c’est la même que Geth-epher [Voyez ce nom], patrie du prophète Jonas ; ce qui n’est nullement certain. On trouve dans un concile de Jérusalem, tenu en 536, la souscription d’un évêque de Jotabé, dans la Palestine. On ignore si Jotabé est la même que Jotapate.
La ville de Jotapate est célèbre par le siège que Josèphe l’historien y soutint contre Vespasien, alors général de l’armée romaine, et depuis empereur. Voici comme la chose se passa. Vespasien ayant résolu de faire la guerre en personne aux Juifs, entra dans la Galilée pour épouvanter Jérusalem et toute la Judée, et leur donner lieu de se repentir de leur soulèvement ; il marcha d’abord contre Jotapate, ayant fait premièrement aplanir les chemins qui y conduisaient, et qui étaient de très-difficile accès à l’infanterie, et inaccessibles à la cavalerie : il était à la tête d’environ soixante mille hommes, sans compter un très-grand nombre de valets qui, ayant servi au milieu des périls et des exercices de la guerre, pouvaient passer pour de bons soldats.
Josèphe, ayant appris le dessein de Vespasien, se jeta dans Jotapate le 21, mai de l’an du monde 4070. Vespasien en fut ravi, croyant qu’en le prenant il se rendrait bientôt maître de toute la Galilée ; ainsi il envoya sur-le-champ Placide et Ebutius, deux capitaines vaillants et expérimentés, avec mille chevaux pour investir la place de tous côtés, afin que Josèphe ne pût s’échapper. Le lendemain il y vint avec toute l’armée, et commença le jour suivant à l’attaquer ; mais il y trouva une résistance à laquelle il ne s’attendait pas ; il lui fallut faire le siège dans les formes ; et les Juifs faisant des sorties continuelles brûlaient les machines, et renversaient tous les travaux des Romains, en sorte que Vespasien se considérait lui-même comme assiégé dans son camp.
Voyant donc que les Juifs rendaient tous ses efforts et tous ses travaux inutiles et qu’il n’avançait rien, il se détermina à prendre la ville par la famine ou par la soif, car il savait que l’on y manquait d’eau ; mais Josèphe, pour lui ôter cette espérance, fit mettre aux créneaux des murs quantité d’habits tout dégouttants d’eau ; ce qui surprit et affligea tellement les Romains, que ne pouvant s’imaginer que des gens qui auraient manqué d’eau dussent la perdre ainsi inutilement, ils en revinrent à la voie de la force.
Vespasien fit dresser toutes ses machines contre la ville, le bélier fit brèche aux murs, il fut donné de terribles assauts, où il se passa de part et d’autre des actions extraordinaires de valeur. Enfin Vespasien ayant été averti par un transfuge de l’état de la place et que l’heure la plus favorable pour livrer l’assaut serait vers la pointe du jour, parce qu’alors les assiégés, épuisés par un siège si long et si opiniâtre et accablés de fatigues, étaient presque tous plongés dans un profond sommeil. Vespasien profita de cet avis : il envoya Tite et le tribun Sabinus avec quelques soldats choisis qui tuèrent les sentinelles ; ils furent suivis par Céréalis et Placide, et entrèrent dans la ville, longtemps avant que les habitants fussent éveillés, et qu’ils s’en fussent aperçus, et tuèrent tout ce qu’ils rencontrèrent, sans aucune-distinction. La ville fut prise le premier jour de juillet, la treizième année du règne de Néron, après quarante-sept jours de siège. On y compta quarante mille Juifs de tués, outre douze cents prisonniers, qui n’étaient apparemment que des femmes et des enfants. Josèphe se sauva dans une caverne secrète, où il trouva quarante des siens ; mais ayant été découverts, ils aimèrent mieux se tuer l’un l’autre que de se rendre. Josèphe étant resté lui deuxième se rendit, et comme on l’eut amené devant Vespasien, qui voulait l’envoyer à Néron, il le fit changer de dessein, en considération de Tite, dont, il avait gagné les bonnes grâces, en leur prédisant à tous deux l’empire.
Observations (de Folard) sur le siège de Jotapate.
Le siège de Jérusalem, si célèbre dans l’histoire et que l’on met au nombre des plus mémorables de l’antiquité pour l’attaque et la défense, est, au jugement des connaisseurs qui examinent de plus près les choses, beaucoup inférieur à celui de Jotapate. Tout ce que l’art a de plus grand et de plus profond, tout ce que l’on peut opposer à une attaque savante et d’une conduite admirable, tout ce que l’esprit humain peut inventer, de fin, de rusé, de hardi, sans être imprudent ni téméraire, se trouve dans celui-ci. Josèphe, un des plus fameux et des plus exacts des historiens de l’antiquité, nous à donné dans son Histoire de la guerre des Juifs contre les Romains, un détail merveilleux du siège de cette place, qu’il défendait lui-même avec toute la valeur, l’artifice et l’intelligence qu’on peut désirer dans un guerrier habile et expérimenté dans une des plus savantes parties et des plus délicates de la science des armes ; ce n’est pas peu de s’en tirer avec honneur, lorsqu’on a en tête un ennemi vigoureux, hardi et entreprenant, et qui excelle particulièrement dans l’attaque des places : car les Romains surtout l’emportaient dans cette partie des armes, et c’est ce qui rendit la défense de Josèphe plus glorieuse.
Vespasien fut choisi par l’empereur Néron pour réduire les Juifs ; il entra d’abord dans la Galilée, à la tête de plus de soixante mille hommes, et vint assièger Jotapate. Voici la description que Josèphe nous en donne : Cette ville est presque entièrement bâtie sur un roc escarpé et environné de trois côtés de vallées si profondes, que les yeux ne peuvent sans s’éblouir porter leurs regards jusqu’en bas. Le seul côté qui regarde le septentrion, et où l’on a bâti sur la pente de la montagne, est accessible : mais Josèphe l’avait fait fortifier et enfermer dans la ville, afin que les ennemis ne pussent approcher du haut de cette montagne qui la commandait et d’autres montagnes qui étaient à l’entour de la ville en cachaient la vue de telle sorte, que l’on ne pouvait l’apercevoir que l’on ne fût dedans. Telle était la force de Jotapate.
On voit par cette description qu’elle était capable d’une grande résistance ; mais si l’oit considère les travaux des Romains, et jusqu’où ils furent poussés, et les furieux assauts qu’ils donnèrent, on ne pourra s’empêcher d’admirer la grandeur du courage des assiégés et la conduite admirable de celui qui les commandait, car cela passe l’imagination. La ville de Jérusalem était infiniment plus forte par la hauteur et l’épaisseur de ses murailles lorsque Tite l’assiègea ; et ce qui est encore de plus remarquable, c’est que les troupes qui étaient dedans surpassaient le nombre des assiègeants, ce qui n’était pas à beaucoup près dans Jotapate. La valeur et l’audace déterminée étaient égales dans ces deux sièges ; mais on voit dans la défense de Jotapate la science jointe à une conduite merveilleuse, qu’on ne remarque pas dans celle de Jérusalem. Le « virtus indocta » de Végèce, c’est-à-dire, la fureur et la rage se trouvèrent dans ce dernier ; mais dans l’autre, la capacité du chef et le courage intrépide des soldats opposent à des Romains bien disciplinés et bien commandés une témérité prudente, c’est-à-dire, une valeur qui passe les bornes ordinaires, et qui produit dans le cœur des soldats un tel désir de vaincre, qu’un gouverneur est en état de les pousser jusqu’à périr plutôt que de céder dans une extrémité où le salut de tous se trouve en danger.
Comme les Romains étaient impérieux et violents dans tout ce qu’ils entreprenaient, il leur arrivait souvent de s’engager dans des desseins imprudents et téméraires, par l’opinion qu’ils avaient de leurs forces et de leur courage, et par le mépris qu’ils faisaient des peuples contre qui ils faisaient la guerre (j’entends ici les peuples de l’Asie, car ils agissaient avec moins de circonspection contre ceux-ci que contre les autres, si l’on en excepte les Parthes). Leur discipline était si admirable, leurs généraux si habiles et si expérimentés, surtout dans l’art des sièges dont ils connaissaient tout le fin, qu’il ne faut pas trouver étrange qu’ils sortissent quelquefois des règles de la prudence contre des ennemis qui leur étaient inférieurs. La guerre contre les Juifs les inquiétait, leur valeur désespérée leur paraissait redoutable ; mais comme ils manquaient alors de chefs, et qu’ils ne combattaient plus par conséquent que tumultuairement et sans discipline, ils crurent les trouver partout les mêmes, et ils se trompèrent fort à Jotapate.
Vespasien fit investir cette ville ; et comme il voulait répondre à la bonne opinion que l’empereur avait conçue de lui en terminant promptement une guerre qui pouvait avoir des suites fâcheuses, par la crainte qu’il avait que, si elle traînait en longueur, les peuples voisins ne se déclarassent en faveur des Juifs ou ne leur prêtassent sous main du secours, il résolut, malgré la force de la place, la capacité et la valeur du chef, et le nombre des habitants et des troupes qui s’étaient jetés dedans, de tenter une escalade, pour la prendre d’emblée ; mais il trouva à qui parler, et fut vigoureusement repoussé. Le lendemain on commença à battre la ville. Josèphe semble ici mal débuter, ou le traducteur n’est pas exact : il parait visiblement par le chapitre suivant, qu’on ne battit la ville qu’après plusieurs attaques et insultes réitérées, mais qu’on tâcha d’abord de l’emporter par escalade, l’épée à la main : ainsi il aurait dû dire, le lendemain on commença à attaquer la ville. Les Romains y trouvèrent une résistance surprenante, tous leurs efforts furent inutiles ; ils furent repoussés avec honte, et comme ils en étaient plus susceptibles que de crainte, ils se piquèrent et y revinrent le lendemain, et en sortirent aussi honteux et aussi avancés que le premier jour. Ils étaient trop fiers pour s’en tenir là, et les assiégés, trop braves et trop bien conduits pour ne pas leur apprendre à les mieux connaître ; aussi ne se rebutèrent-ils pas, car ils soutinrent cinq assauts consécutifs ; et pour faire voir qu’ils avaient plus besoin de brides que d’éperons ils firent de vigoureuses sorties, tandis qu’ils défendaient leurs remparts, grand sujet d’humiliation pour les Romains, qui avec de si grandes forces rebouchèrent partout ; ainsi Vespasien vit bien qu’il n’y avait rien à gagner contre des gens si braves et si résolus, et qu’il n’en viendrait jamais à bout que par un siège régulier et dans les formes.
Les préparatifs que les assiègeants firent pour s’assurer cette conquête sont surprenants, et les travaux presque incroyables ; car il fallut y aller pied à pied par des tranchées ou parallèles de claies, et élever des terrasses ou cavaliers d’une hauteur prodigieuse, pour dominer par-dessus les murs de la ville. À ces travaux Josèphe fit construire et opposa un mur encore plus haut, avec des tours et des créneaux, et pour y travailler à couvert, il fit planter debout de grosses poutres auxquelles il suspendit des rideaux de peaux de bœufs fraîchement tués, qui rendirent les coups de flèches inutiles, rompaient la force des pierres lancées par les machines, et amortissaient celle du feu par leur humidité.
Les Romains entreprirent ce siège avec un tel appareil de machines qui lançaient des traits et des pierres, que rien n’est plus surprenant. « Vespasien, dit l’auteur juif, disposa cent soixante machines qui tiraient incessamment quantité de dards contre ceux qui défendaient les murailles ; et il fit aussi mettre en batterie d’autres plus grosses machines, dont les unes lançaient des javelots, les autres de très-grosses pierres ; et il faisait en même temps jeter tant de feux, et tirer tant de flèches par ses Arabes et autres gens de trait, que tout l’espace qui se trouvait entre les murs et la terrasse en était si plein, qu’il paraissait impossible d’y aborder. Mais rien n’était capable d’étonner les Juifs ; ils ne laissaient pas de faire des sorties, où, après avoir arraché ce qui couvrait les travailleurs et les avoir contraints de quitter la place, ils ruinaient leurs ouvrages, mettaient le feu aux claies, et aux autres choses dont ils se couvraient ». Il est apparent que la vigoureuse défense des assiégés et les sorties fréquentes qu’ils faisaient sur les travaux des Romains les empêchèrent d’approcher plus tôt le bélier pour battre et ouvrir le mur de la ville ; et il est étonnant que Josèphe perdit toute espérance de sauver la place avant que le bélier eût été mis en batterie, puisqu’il tint conseil avec ses principaux officiers pour se retirer. Voulait-il sonder la garnison et les habitants ? Il était persuadé de leur résolution à se défendre. Était-ce le manquement de sel ? Ce n’était pas un mal insupportable ; mais le plus grand mal était l’eau qui leur manquait, et qu’il fut obligé de leur faire distribuer par mesure. Mais le peuple, dit-il, qui découvrit son dessein, vint en foule le conjurer de ne les point abandonner, et de considérer que toute leur confiance était en lui, qu’il pouvait seul les sauver en demeurant avec eux, parce que l’ayant à leur tête ils combattraient avec joie jusqu’au dernier soupir, etc. Un gouverneur brave et courageux qui se trouve à la tête de telles gens est sans doute heureux, et ce qu’il y a de plus admirable, c’est qu’ils lui tinrent parole. Je ne sais si Josèphe, avec les raisons qu’il leur allégua, était bien assuré, en sortant de la ville, de lever une armée assez forte pour les secourir contre la puissance des Romains ; mais on ne se paya pas de ses raisons : il n’y en eut pas un, jusqu’aux femmes et aux enfants, qui ne le conjurassent de demeurer avec eux, et ces femmes et ces enfants ne furent pas moins utiles dans ce siège mémorable que les hommes les plus vigoureux. Josèphe ne pensa donc plus à la retraite, mais à se défendre jusqu’à l’extrémité. Des paroles il passa aux effets : Il fit une sortie avec les plus braves de ses gens, poussa les gardes romaines, força leurs retranchements (la tranchée), donna jusque dans leur camp, renversa les peaux sous lesquelles les soldats étaient huilés, et mit le feu dans leurs travaux. Il fit le lendemain et les jours suivants la même chose, et continua encore durant quelques jours et quelques nuits d’agir avec une semblable vigueur, sans qu’une fatigue si extraordinaire la pût ralentir. Vespasien tomba en admiration d’une valeur et d’une audace si surprenante ; c’étaient, disait-il, des désespérés qu’il fallait éviter, plutôt que d’en venir aux mains avec eux ; mais ces désespérés remportèrent de grands avantages, et dans les défenses rien n’est plus à craindre que le désespoir bien conduit des chefs.
Contre des gens qui se défendent ainsi il faut user de grandes précautions. Les Romains allaient lentement et avançaient peu : il fallait de bonnes plates-formes pour assurer les béliers ; ils furent mis en batterie et soutenus d’une infinité de gens de trait, postés sur les tours et sur les terrasses, qui lançaient continuellement des flèches. Le mur fut battu vigoureusement, les Juifs opposèrent à l’effort du bélier des sacs pleins de paille, qu’ils descendaient à l’endroit où il frappait, et rompaient ainsi la force des coups. Cette invention, dit l’auteur juif, retarda beaucoup les Romains ; car de quelque côté qu’ils tournassent leur bélier, il y rencontrait ces sacs pleins de paille, qui rendaient ses coups inutiles ; mais enfin ils y remédièrent en coupant avec des faulx attachées à de longues perches, les cordes où ces sacs étaient attachés. Les Romains auraient été assez embarrassés, si au lieu de cordes les assiégés se fussent servis de chaînes pour suspendre leurs sacs : mais apparemment qu’ils en manquaient.
Rien n’est plus admirable dans les sièges que toutes ces machines de jet des anciens, c’est-à-dire, les catapultes et les balistes, particulièrement celles-ci, qui poussaient des pierres avec tant de force et de violence, que Josèphe dit : qu’elles abattaient les créneaux, faisaient des ouvertures aux angles des tours, et dans les endroits même où les assiégés étaient les plus pressés elles tuaient ceux qui étaient derrière les autres, sans que ceux qui étaient devant eux les pussent garantir de leurs coups. Cela n’est pas surprenant quand on connaît la force de ces machines. On voit dans plusieurs auteurs, et surtout dans Polybe, où je renvoie le lecteur, des effets encore plus étonnants de la force prodigieuse de ces machines, et les poids immenses qu’elles chassaient et portaient loin de plus d’un mille d’Italie.
Les béliers et les machines de jet désespéraient les assiégés ; déjà les murs menaçaient ruine, lorsqu’ils s’avisèrent de ramasser tout ce qu’ils purent de matières combustibles, y mêlèrent du bitume, de la poix et du soufre, y mirent le feu, et en même temps lancèrent tout cela par trois endroits différents sur les machines et dans les travaux des Romains, qui leur avaient coûté tant de temps et de peine à construire, et qui furent brûlés en moins d’une heure, sans qu’ils pussent l’empêcher. Josèphe dans le même temps, voyant que tout lui réussissait, fit une vigoureuse sortie avec ce qu’il avait de gens d’élite dans la ville ; et ayant pris des falots ardents en leurs mains, ils allèrent jusque dans le camp des Romains brûler toutes les machines, toutes les huttes, et tous les travaux de la dixième légion, qui était le corps le plus redoutable de l’infanterie romaine.
Les Romains, ne se décourageant pas après tant d’infortunes, rétablirent leurs travaux, remirent de nouveaux béliers en batterie, et battirent le mur déjà ébranlé avec tant de vigueur, qu’ils le renversèrent et firent une brèche assez large pour donner l’assaut. Je n’entrerai point ici dans le détail : la description que Josèphe en a faite est admirable, et d’un homme du métier ; je dirai seulement que jamais brèche ne fut insultée avec tant de vigueur, ni mieux défendue. Les Romains y rebouchèrent comme dans tous les assauts qu’ils donnèrent ; toujours battus et jamais rebutés, bien qu’ils perdissent une infinité de braves soldats. Vespasien vit bien qu’il fallait en venir à de nouveaux ouvrages ; il fit travailler à hausser ses plates-formes et dresser dessus des tours de bois de cinquante pieds de haut, toutes couvertes de fer pour les affermir par leur pesanteur, et les rendre à l’épreuve du feu. Il mit dessus, outre ces légères machines qui jetaient des flèches et des pierres, les plus adroits de ses archers et de ses frondeurs. Ainsi, comme ces tours et ces terrasses dominaient les remparts, les Juifs furent contraints d’abandonner la brèche ; mais ils chargèrent et repoussèrent vigoureusement, quoique avec perte, les Romains qui tentèrent d’y monter.
Enfin les habitants de Jotapate avaient soutenu, contre toute apparence, quarante-sept jours de siège, et supporté avec un courage invincible les fatigues, les misères et tous les maux les plus affreux, lorsqu’un transfuge de la ville fut la cause de sa perte. Il vint rendre compte à Vespasien de l’état de la place, du petit nombre de gens qui restaient pour la défendre, et que, pour la surprendre et s’en emparer il n’y avait qu’a les attaquer à la pointe du jour, parce que c’était alors qu’ils tâchaient de prendre quelque repos en suite de tant de fatigues ; et ceux même qui étaient en garde, ne pouvant résister au sommeil, étaient presque tous endormis. Ce rapport fut suspect à Vespasien ; mais comme il ne risquait pas beaucoup d’ajouter foi aux avis de ce traître qui ne disait que trop vrai, il le fit garder, et donna ses ordres pour l’attaque. Ainsi, à l’heure marquée, Tite, avec quelques officiers à la tête d’une troupe de soldats choisis, s’avancèrent sans bruit, et trouvant tout endormi, tuèrent les sentinelles, coupèrent la gorge au corps de garde, et s’emparèrent de la forteresse. Toute l’armée ensuite étant entrée dans la ville, ils firent main basse sur ses infortunés habitants, qui étaient pour la plupart encore ensevelis dans le sommeil ; et le souvenir des maux qu’ils avaient soufferts ayant effacé de leur cœur tout sentiment de compassion, ils commirent des cruautés inouïes, et ne pardonnèrent à personne.