Le Sauveur fut mis en croix entre deux larrons. Or l’un des deux le blasphémait en disant (Luc 32.39-40) : Si tu es le Christ, sauve-toi toi-même, et nous avec toi ; mais l’autre, le reprenant, lui disait : N’avez-vous point de crainte de Dieu non plus que les autres, vous qui étes condamné au même supplice ? Encore pour nous, c’est avec justice, parce que nous souffrons la peine que nos crimes ont méritée ; mais celui-ci n’a fait aucun mal ; et il disait à Jésus-Christ : Seigneur, souvenez-vous de moi, lorsque vous serez arrivé en votre royaume ; et Jésus lui répondit : Je vous dis en vérité que vous serez aujourd’hui avec moi dans le paradis. C’est là tout ce qu’on sait du bon larron.
Les autres évangélistes, je veux dire saint Matthieu (Matthieu 22.44) et saint Marc (Marc 15.32) disent au pluriel que les deux larrons insultaient à Jésus-Christ : ce que les uns n’expliquent par une figure de discours, qui fait qu’on parle d’un seul comme de plusieurs. D’autres croient que les deux voleurs insultèrent d’abord Jésus-Christ ; mais qu’ensuite le bon larron, touché par les miracles de Jésus-Christ et prévenu par sa grâce, se convertit et reprit son compagnon de ses emportements et de ses blasphèmes.
Le faux Évangile de l’enfance de Jésus, qui est un ouvrage très-ancien, raconte que, pendant la fuite du Sauveur en Égypte, l’enfant Jésus, la Vierge et saint Joseph, tombèrent dans une bande de voleurs qui étaient tous endormis, à l’exception de deux, dont l’un voulait tuer toute cette sainte compagnie ; mais que l’autre l’en détourna ; qu’alors Jésus enfant prédit qu’un jour ces deux voleurs seraient attachés à côté de lui à la croix ; que l’un entrerait en paradis, et l’autre irait en enfer. Le premier s’appelait Titus, et le second Dainachus. Le faux Évangile de Nicodème les nomme l’un Demas, et l’autre Gertas. Une histoire persane de la vie de Jésus-Christ leur donne les noms de Vicimus et de, Justinus. L’auteur des Fleurs, ou Recueils attribués à Bède, les appelle Matha et Joca. Les chrétiens orientaux appellent le bon larron, Laas-al-jemin, le larron de la droite. Saint Hilaire met aussi le bon larron à la droite, et le mauvais à la gauche du Sauveur [« À trois ou quatre milles d’Amoas (village situé à trois lieues de Ramla, sur la route de cette ville à Jérusalem), on aperçoit sur une hauteur à droite un amas de ruines avec quelques pauvres cabanes ; ce lieu se nomme dans le pays Attroum ou Latroum ; les traditions rapportent que celui des deux larrons qui fut crucifié à la droite de Jésus-Christ était le seigneur de ce village, et qu’il y attendait les passants pour les dévaliser ; il est rare, néanmoins, dit le Père Nau, qu’un seigneur de marque se fasse voleur de grand chemin. Quoi qu’il en soit, le village de Latroum est encore redouté des voyageurs, et ses habitants, que l’exemple du larron de la droite n’a point convertis, passent pour être des gens adonnés au brigandage. À peu de distance de Latroum, on trouve un petit village, appelé Deriou. Ce village, situé à l’entrée des montagnes, est à la gauche du chemin de Jérusalem. Michaud Correspond d’Orient, lettr. 91 tome 4 pages 179, Mo].
Plusieurs Pères ont donné au bon larron le nom de martyr, à cause du témoignage qu’il a rendu à la vérité dans un temps ou elle paraissait presque abandonnée de tout le monde. Il fut baptisé dans son propre sang, et ta mort qu’il souffrit dans un esprit de foi et de charité lui mérita la grâce de la béatitude immédiatement après sa mort, comme Jésus-Christ l’en assure : Hodie mecum eris in paradiso. Soit qu’on entende sous le nom de paradis le lieu de repos où les âmes des saints attendaient la venue du Messie ; ou le paradis terrestre, où on place Hénoch et Élie ; ou le ciel, où les bienheureux jouissent de la béatitude. Plusieurs Pères l’entendent en ce dernier sens.
Marcion, au rapport de saint Épiphane, avait retranché de l’Évangile ces paroles Je vous dis en vérité que vous serez aujourd’hui avec moi dans le paradis. Et Origène remarque que quelques catholiques par simplicité les avaient aussi effacées de leurs exemplaires, s’imaginant qu’il y avait de la contrariété à dire que le bon larron serait ce jour-là en paradis avec Jésus-Christ, pendant que le corps du Sauveur était dans le tombeau, et que lui-même descendait dans le sein d’Abraham pour en tirer les âmes des patriarches. Hésychius de Jérusalem remarque que quelques-uns mettaient une virgule après aujourd’hui, de cette sorte : Je vous dis aujourd’hui, que vous serez avec moi dans le paradis. Mais il est inutile de toucher au texte de saint Luc, que l’on peut très-bien expliquer sans aucun de ces changements.
Les Églises orientales, la grecque et la latine, ont cru devoir rendre un culte public à un saint si favorisé de Dieu. Les Églises de Syrie et de Mésopotamie marquent sa fête dans leur calendrier le neuvième jour après le vendredi de Douleurs, ou le Vendredi Saint, c’est-à-dire, au samedi de la semaine de Pâques. Anba Jacoub, évêque de Sarouge, a fait un sermon sur la fête du bon larron, qui se trouve manuscrit dans la Bibliothèque du roi.
L’Église grecque marque sa fête au vingt-trois de mars, et la latine au vingt-cinq du même mois, conformément à l’ancienne tradition qui tenait que Jésus-Christ était mort le même jour. D’autres ont mis sa fête au 3 avril, ou au 5 de mai. On lui a érigé des chapelles en certains endroits, sous le nom de saint Dimas ou Dysmas. La croix du bon larron et celle de son compagnon furent trouvées avec celle du Sauveur par sainte Hélène. On ajoute que la croix du bon larron fut envoyée à Constantinople et enterrée dans la place Constantinienne, et de là transportée à Nicosie en Chypre.