Les Orientaux avaient coutume de laver les pieds aux étrangers qui venaient de voyage, parce que, pour l’ordinaire, on marchait ayant les jambes nues, et les pieds garnis seulement d’une sandale. Ainsi Abraham fit laver les pieds aux trois anges (Génèse 18.4). On lava aussi les pieds à Eliézer et à ceux qui l’accompagnaient, lorsqu’ils arrivèrent à la maison de Laban (Genèse 24.32), et aux frères de Joseph lorsqu’ils vinrent en Égypte (Genèse 43.24). Cet office s’exerçait d’ordinaire par les serviteurs et les esclaves. Abigaïl témoigne à David (1 Samuel 25.41), qui la demandait en mariage, qu’elle s’estimerait heureuse de laver les pieds aux serviteurs du roi.
Le Sauveur du monde, après le dernier souper qu’il fit avec ses apôtres, voulut leur donner la dernière leçon d’humilité en leur lavant les pieds (Jean 13.5-6). Il commença donc à les laver, et à les essuyer avec le linge qu’il avait autour de lui ; étant venu à Simon Pierre, cet apôtre lui dit : Quoi ! Seigneur, vous me laveriez les pieds ? Jésus lui répondit : Vous ne savez pas maintenant ce que je fais, mais vous le saurez ensuite. Pierre lui dit : Vous ne me laverez jamais les pieds. Jésus lui répartit : Si je ne vous lave, vous n’aurez point de part avec moi. Alors Simon lui dit : Seigneur, non-seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête.
Cette menace du Sauveur, qui dit à Pierre : Si je ne vous lave, vous n’aurez point de part avec moi, a fait croire à plusieurs anciens que le lavement des pieds avait à-peu-près le même effet que le baptême. Saint Ambroise témoigne que de son temps on lavait les pieds aux nouveaux baptisés au sortir du bain sacré. Il semble croire que, comme le baptême efface les péchés actuels, le lavement des pieds, qui se donne ensuite, ôte le péché originel, ou du moins diminue la concupiscence. Il dit la même chose sur le psaume 48 (Id au Psaumes 46.6-8) ; mais il ajoute que ce qui est nettoyé par le lavement des pieds, est plutôt la concupiscence, ou, comme il s’explique, le penchant que nous avons au péché, que le péché même. Saint Augustin cite à-peu-près la même chose d’un ouvrage de saint Ambroise sur Isaïe, que nous n’avons plus.
L’usage de laver les pieds aux nouveaux baptisés n’était pas particulier à l’Église de Milan ; il se voyait aussi dans d’autres endroits de l’Italie, dans les Gaules, dans l’Espagne et dans l’Afrique. Quelques anciens lui ont donné le nom de sacrement, et lui ont attribué la grâce de remettre les péchés véniels. Saint Bernard et Ernalde, abbé de Bonnevalle, sont de ce sentiment. Un auteur, imprimé dans l’appendice du cinquième tome de saint Augustin, lui attribue même le pouvoir de remettre les péchés mortels. Saint Augustin ne doute pas que cette cérémonie, pratiquée avec foi et humilité, ne puisse effacer les péchés véniels. Saint Gérard, évêque de Toul, pratiquait tous les jours le lavement des pieds sur certain nombre de pauvres, persuadé que celui qui le recevait, obtenait la rémission de ses péchés. Ce saint évêque mourut en 994, et sa vie a été écrite par Vidric, abbé de Saint-Evre, qui était presque conteinporain.
Les Syriens célèbrent la fête du lavement des pieds le jour du jeudi saint : les Grecs font le même jour le sacré Niptère, ou le sacré lavement ; on pratique aussi, ce jour-là, la dévote cérémonie du lavement des pieds dans l’Église latine. Les évêques, les abbés, les princes, en plusieurs endroits, la pratiquent en personne. Le concile d’Elvire, voyant l’abus que quelques-uns en faisaient, par la trop grande confiance qu’on y avait, la supprima en Espagne.
Saint Paul, recommandant l’hospitalité, veut qu’on ne choisisse pour veuve et diaconesse de l’Église, que celle qui a lavé les pieds aux saints (1 Timothée 5.10). Se laver les pieds, dans le sens moral signifie se purifier des affections terrestres et charnelles.
L’on se lavait fréquemment les mains parmi les Hébreux, comme on le voit dans saint Marc (Marc 7.3-4). Le Grec peut signifier qu’ils se lavaient les mains depuis le coude, jusqu’à l’extrémité des doigts. Élisée versait de l’eau sur les mains d’Élie (2 Rois 3.11). Pilate lava ses mains, pour marque de son innocence, dans le jugement injuste qu’il porta contre Jésus-Christ (Matthieu 27.24). [Pilate ne porta pas de jugement contre Jésus-Christ].
On lavait les enfants aussitôt après leur naissance (Ézéchiel 16.4). On lavait aussi les morts. Ainsi, on lava Tabithe (Actes 9.37). On lavait ses vêtements, lorsqu’on voulait se purifier de quelque souillure, ou se disposer à quelque action qui demandait une sainteté particulière. Les lotions extérieures étaient des symboles de la pureté intérieure que Dieu demande de ceux qui s’approchent des choses saintes, et de ceux qui le servent.
Laver ses pieds dans le beurre (Job 29.6), laver son habit dans le vin (Genèse 49.11), laver ses pieds dans le sang du pécheur (Psaumes 57.11), sont des expressions exagérées, pour marquer l’abondance du beurre et du vin, et la vengeance que le juste tire du pécheur.