Le Seigneur créa le soleil et la lune le quatrième jour du monde, afin qu’ils présidassent au jour et à la nuit (Genèse 1.15-16), et qu’ils servissent à faire distinguer les temps et les saisons. Le soleil préside au jour, et la lune à la nuit ; le soleil règle le cours de l’année, et la lune celui du mois ; le soleil est comme le roi de l’armée du ciel, et la lune en est comme la reine. Moïse parle de la lune comme d’un corps lumineux, à-peu-près égal à celui du soleil. Il est pourtant certain que la lune comparée au soleil est un très-petit corps. Les astronomes croient qu’elle est environ cinquante-deux fois, plus petite que la terre, et 4150 fois plus petite que le soleil ; mais les auteurs sacrés parlent souvent d’une manière populaire et peu exacte. Ils appellent grand luminaire, ce qui nous parait grand, et qui l’est en effet par rapport à nous, mais sans égard à la grandeur réelle des autres corps que le peuple n’est pas capable de mesurer, et dont il ne juge que sur le rapport de ses sens.
Les auteurs sacrés nous disent aussi que la lune fut destinée de Dieu pour marquer les temps, les jours de fêtes et d’assemblée (Genèse 1.14) ; Et le Psalmiste (Psaumes 10.19) : Fecit lunam in tempora. Et l’auteur de l’Ecclésiastique (Ecclésiaste 43.6-8) : La lune est dans toutes les révolutions qui lui arrivent, la marque des temps, et le signe des changements de l’année. C’est la lune qui fixe les jours des fêtes : la lune a donné le nom aux mois. Les Hébreux ont varié sur la manière de compter leurs mois et leurs années. Nous croyons que du temps de Moïse, et encore longtemps depuis, ils ont suivi l’année solaire ; mais depuis le retour de la captivité de Babylone ils ont eu leurs années lunaires ; c’est ce que l’auteur de l’Ecclésiastique insinue dans le passage que nous venons de citer. Il est toujours vrai, soit qu’on suive l’année solaire ou lunaire, que la lune marque les révolutions des temps, et que les hommes ont partagé l’année en douze mois, en suivant les douze révolutions qu’ils ont remarquées en la lune dans le cours d’une année.
Je ne sais si les Hébreux connaissaient la cause des éclipses de la lune ; mais ils en parlent toujours en des termes qui marquent qu’ils les considéraient comme miraculeux, et comme des effets de la puissance et de la colère de Dieu. Les prophètes, parlant de la ruine des empires, ne manquent guère de dire que le soleil sera couvert de ténèbres, que la lune retirera sa lumière, que les étoiles du ciel tomberont. Ainsi Isaïe (Isaïe 24.23) parlant de la chute de Babylone : Ecce dies Domini venit crudelis, et indignatione plenus… Obtenebratus est sol in ortu suo, et luna non splendebit in lumine suo. Et ailleurs (Isaïe 24.23) : La lune sera couverte de confusion, et le soleil sera dans la honte quand le Seigneur aura établi son règne sur la montagne de Sion. Et Ézéchiel (Ézéchiel 32.7) parlant de la ruine du roi de Babylone. Et Joël (Joël 2.10 ; 3.75) : Le soleil et la lune seront couverts de ténèbres, et les étoiles retireront leur lumière. Ces expressions sont très-communes dans l’Écriture, et je ne sache pas qu’il soit parlé expressément d’éclipse en aucun endroit. Aussi les Hébreux, qui ne croyaient pas que le soleil tournât autour de la terre, ne pouvaient expliquer d’une manière physique les éclipses de la lime, ni celles du soleil.
Les Orientaux en général, et les Hébreux en particulier, avaient plus de respect pour la lune que pour le soleil. Le culte de la lune parmi eux était plus étendu et plus célèbre que celui du soleil. Moïse (Deutéronome 4.19 ; 18.3) dit aux Israélites de se donner de garde, en voyant le soleil, la lune, les étoiles et la milice du ciel ; de leur rendre un culte superstitieux, puisque ce ne sont que des créatures destinées au service de toutes les nations qui sont sous le ciel. Job parle aussi du culte du soleil et de la lune (Job 31.27) : Si j’ai vu le soleil dans sa clarté et la lune : dans son éclat, si je m’en suis réjoui dans le secret, et si j’ai porté ma main à ma bouche pour la baiser en signe d’adoration, Les Hébreux adoraient en particulier la lune sous le nom de Meni, d’Astarté, de Déesse du bois, de Reine du ciel, etc. Les Syriens lui rendaient leur culte sous le nom d’Astarté, et d’Uranie, ou de Céleste ; les Arabes sous le nom d’Alilat ; les egyptiens sous celui d’Isis ; les Grecs sous le none de Diane, Vénus, Junon, Hécate, Bellone, Minerve, etc. [Voyez la plupart de ces noms, et Mylitta].
Macrobe et Julius Firmicus disent que les hommes déguisés en femmes, et les femmes déguisées en hommes sacrifiaient à la lune ; et le rabbin Maimonides croit que c’est là ce que Moïse a voulu défendre en interdisant les déguisements et les changemepts d’habits. La lune était adorée sous le nom d’un Dieu, et non d’une déesse, chez les peuples de Syrie, de Mésopotamie et d’Arménie. Les Sépharvaïm l’appelaient Anamélech, le roi Bénin. Strabon le nomma en Isaïe (Isaïe 65.11) lui donne le même nom. On la dépeignait vêtue en homme, et on voit encore des médailles où elle est dépeinte sous l’habit et la forme d’un homme armé, ayant à ses pieds un coq, et coiffée d’un bonnet à la phrygienne, ou à l’arménienne. Spartieu assure que ceux de Charres en Mésopotamie croyaient que tous ceux qui tenaient la lune pour une déesse seraient toujours assujettis à leurs femmes ll ajoute qu’encore que les Grecs et les Égyptiens lui donnent quelquefois le nom de déesse, toutefois ils lui donnent toujours le nom de Dieu dans leurs mystères. Dans l’Écriture nous n’avons aucun nom pour désigner une déesse, et Astarté, qui est la lune, est nommée Dieu, de même que Baal, qui est le soleil.
On faisait à la lune des sacrifices de plusieurs sortes. On voit dans Isaïe (Isaïe 55.11) et dans Jérémie (Jérémie 7.18), qu’on lui offrait aux carrefours, ou sur le toit des maisons, des sacrifices de gâteaux et de semblables offrandes. C’est ainsi que les Grecs honoraient Hécate ou Trivia, qui est la même que la lune ; mais ailleurs, on lui offrait des victimes humaines. Strabon raconte que dans les pays voisins de l’Araxe on adore principalement la lune, qui y a un temple fameux. La déesse y a plusieurs esclaves, et tous les ans on lui en immole un en sacrifice, après l’avoir nourri toute l’année somptueusement. Lucien parle de semblables sacrifices qu’on faisait à la déesse de Syrie, qui n’était autre que la déesse Céleste, ou la lune. Les pères conduisent leurs enfants enfermés dans des sacs au haut du vestibule du temple de la déesse, et les précipitent dans la place, et lorsque ces malheureuses et innocentes victimes crient et se plaignent, les pères répondent que ce ne sont pas leurs fils, mais des bœufs.
Les Juifs attribuaient différents effets à la lune ; par exemple, Moïse parle des fruits du soleil et de la lune (Deutéronome 33.14) : De pomis fructuum salis et lunoe. Le soleil et la lune sont considérés comme les deux principes de la production des fruits de la terre. La lune leur fournit l’humidité et le suc qui les nourrit ; le soleil cuit cette humidité, et dissipe ce qui abonde. Quelques commentateurs croient que les fruits du soleil sont ceux qui ne viennent qu’une fois l’année comme le froment, les raisins, etc., et que les fruits de la lune sont ceux qui se recueillent en différents mois de l’année, comme les concombres, les figues, etc.