Nommé auparavant Saul, était de la tribu de Benjamin, natif de Tharse en Cilicie, pharisien de profession, premièrement persécuteur de l’Église, et ensuite disciple de Jésus-Christ et apôtre des gentils. On croit qu’il naquit environ deux ans avant notre Sauveur, supposé qu’il ait vécu soiitante-huit ans, ainsi qu’on le lit dans une homélie qui est dans le sixième tome des œuvres de saint Chrysostome. Les Ebionites racontaient diverses particularités de l’éducation, de la famille et de la conversion de saint Paul ; mais elles ne méritent pas d’être rapportées ici. Il était citoyen romain (Actes 22.27-28) à cause qu’Auguste avait donné ce droit à tous les bourgeois de Tharse, en considération de leur attachement à ses intérêts. Ses parents l’envoyèrent de bonne heure à Jérusalem (Actes 22.3), où il étudia la loi aux pieds de Gamaliel, fameux docteur. Il fit de très-grands progrès dans ses études, et sa vie fut toujours irrépréhensible aux yeux des hommes (Actes 26.4-5), étant très-zélé pour toutes les observations de la loi de Moïse. Mais son zèle le porta trop loin : il persécuta l’Église et outragea Jésus-Christ dans ses membres (1 Timothée 1.13) ; et lorsque l’on lapidait saint Étienne, premier martyr, non-seulement Saul consentait à sa mort, mais il gardait même les habits de ceux qui le lapidaient (Actes 7.57-59) : le lapidant ainsi en quelque sorte par les mains de tous les autres. Ceci arriva l’an 33 de l’ère commune, quelque temps après la mort du Sauveur.
Pendant la persécution qui s’éleva dans l’Église après la mort de saint Étienne, Saul fut un de ceux qui témoignèrent plus de chaleur pour maltraiter les fidèles (Galates 1.13 Actes 26.11). Il entrait dans les maisons, et en tirait par force les hommes et les femmes, les chargeait de chitines et les faisait mettre en prison (Actes 8.3 ; 22.4) ; il entrait même dans les synagogues, où il faisait battre de verges ceux qui croyaient en Jésus-Christ, les contraignant de blasphémer le nom du Sauveur. Et ayant obtenu du grand pontife Caïphe et des anciens des Juifs des lettres adressées aux Juifs de Damas, avec pouvoir d’amener à Jérusalem tout ce qu’il y trouverait de chrétiens (Actes 9.1-3), il partit tout plein de menaces et ne respirant que le sang. Mais lorsqu’il était en chemin, et qu’il approchait déj à de la ville de Damas, il vit tout d’un coup, vers l’heure de midi, venir du ciel une grande lumière, qui l’environna et tous ceux qui étaient avec lui. Cet éclat les renversa, et Saul ouït une voix qui lui dit : Saul, Saul, pourquoi me persécutez-vous ? C’était Jésus-Christ qui lui parlait. Saul répondit : Qui êtes-vous, Seigneur ? Et le Seigneur lui dit Je suis Jésus de Nazareth, que vous persécutez ; il vous est dur de regimber contre l’aiguillon. Saul, tout effrayé, ré pondit : Seigneur, que voulez-vous que je fasse ? Jésus lui dit de se lever et d’aller à Damas, et que là il lui ferait connattre ses volontés.
Saul se leva donc de terre ; et quoiqu’il eût les yeux ouverts, il ne voyait point mais ses compagnons le menèrent par la main, et le conduisirent à Damas, où il demeura trois jours sans voir, et sans prendre de nourriture. Il logeait chez un Juif nommé Juda. Le troisième jour le Seigneur ordonna à un disciple de Jésus-Christ nommé Ananie, d’aller trouver Saul, de lui imposer lesmains, et de le guérir. Et comme Ananie s’excusait, en disant que cet homme était tin des plus ardents persécuteurs de l’Église, le Seigneur lui dit : Allez le trouver, parce que cet homme est un instrument que j’ai choisi pour porter mon nom devant les gentils, devant les rois et devant les enfants d’Israël ; car je lui montrerai combien il aura à souffrir pour mon nom. Ananie alla donc trouver Saul, lui imposa les mains, lui rendit la vue ; et s’étant levé, il fut baptisé, et rempli du Saint-Esprit. Ensuite ayant mangé, il reprit ses forces, et demeura quelques jours avec les disciples qui étaient à Damas, prêchant dans les synagogues, et montrant que Jésus était le Messie.
Après avoir prêché quelque temps à Damas, il alla en Arabie (Galates 1.17), apparemment aux environs de Damas, qui obéissait alors à Aréfas, roi d’Arabie ; et après y avoir demeuré assez peu de temps, il revint à Damas, où il se mit de nouveau à prêcher. Les Juifs, ne pouvant souffrir les progrès qu’y faisait l’Évangile, se résolurent de le faire mourir, et ils gagnèrent le gouverneur de Damas, afin qu’il l’arrêtât et le leur livrât. Mais Saul en étant averti, et sachant qu’on gardait nuit et jour les portes de la ville pour empêcher qu’il ne pût sortir, il se fit descendre par la muraille dans une corbeille (Actes 9.24, 25, 26, 27). An de Jésus-Christ 37, la troisième année de son arrivée à Damas). Et étant venu à Jérusalem pour voir saint Pierre (Actes 9.26, 27 ; Galates 1.18), les disciples craignaient de se joindre à lui, ne croyant pas qu’il fût converti. Mais Barnabé l’ayant amené aux apôtres, Saul leur raconta sa conversion, et tout ce qui l’avait suivie. Il se mit ensuite à prêcher tant aux Juifs qu’aux gentils, et il leur parlait avec tant de force, que ne pouvant lui résister, ils résolurent de le tuer. Ce qui fut cause que les frères le menèrent à Césarée de Palestine, d’où il se rendit apparemment par mer à Tharse de Cilicie, sa patrie.
Il y demeura environ cinq ou six ans, depuis l’an 37 de Jésus-Christ jusqu’en l’an 43, que Barnabé, étant venu à Antioche par ordre des apôtres, et y ayant trouvé beaucoup de chrétiens, alla chercher Saul à Tharse, et l’emmena avec lui à Antioche (Actes 11.20-23,26), où ils demeurèrent ensemble un an entier, prêchant et instruisant les fidèles. Pendant ce temps-là il arriva une grande famine dans la Judée (Actes 11.27-28) ; et les chrétiens d’Antioche, ayant fait quelques cueillettes pour secourir leurs frères de Jérusalem, chargèrent Paul et Barnabé d’y porter leurs aumônes lls y arrivèrent l’an 44 de Jésus-Christ ; et après avoir accompli leur commission, ils s’en retournèrent à Antioche. Ils n’y furent pas longtemps que Dieu leur fit savoir par les prophètes qui étaient dans cette Église qu’il les destinait à porter sa parole dans d’autres lieux. L’Église se mit donc à jeûner et à prier, et les prophètes Siméon, Luce et Manahem leur imposèrent les mains, et les envoyèrent prêcher où le Saint-Esprit les conduirait. Et ce fut apparemment vers ce temps-là, c’est-à-dire, vers l’an 44 de Jésus-Christ, que Paul ayant été ravi au troisième ciel, y vit des choses ineffables, et qui sont au-dessus de la portée des hommes (2 Corinthiens 12.2-4).
Saul et Barnabé allèrent d’abord en Chypre (Actes 13.4-6), où ils commencèrent à prêcher dans les synagogues des Juifs. Après avoir parcouru toute l’île, ils trouvèrent un Juif magicien, nommé Bar-Jésu, qui était avec le proconsul Serge Paul. Ce proconsul ayant envoyé chercher Saul et Barnabé, les pria de lui annoncer la parole de Dieu. Bar-Jésu faisait ce qu’il pouvait pour empêcher le proconsul d’embrasser la foi. Alors Saut rempli du Saint-Esprit, et regardant fixement cet homme, lui dit : Ô homme rempli de tromperie, enfant du diable, et ennemi de toute justice, ne cesserez-vous jamais de pervertir les voies du Seigneur ? Maintenant la main du Seigneur sera sur vous, et vous allez devenir aveugle jusqu’à un certain temps. L’effet suivit aussitôt la parole de Saul ; et le proconsul ayant vu ce miracle, embrassa la foi. Plusieurs croient que saint Paul commença seulement alors à porter le nom de Paul, que saint Luc lui donne toujours dans la suite, en mémoire de la conversion de Serge Paul, que Dieu venait de faire par son moyen. Saint Astère croit qu’il changea de nom à sa conversion dans la ville de Damas. Saint Chrysostome veut qu’il en ait changé lorsqu’il fut ordonné, et qu’il reçut sa mission à Antioche. D’autres veulent qu’il n’ait pris le nom de Paul, qui est latin, que depuis qu’il commença à prêcher aux gentils, et surtout aux Romains. Enfin plusieurs croient qu’il porta toute sa vie les noms de Saul et de Paul, à l’imitation de plusieurs autres Juifs qui avaient un nom hébreu et un autre nom grec ou latin. Mais si cela est, d’où vient que ni saint Paul lui-même, ni saint Luc, ni aucun autre auteur ne lui a donné le nom de Saul, depuis la conversion de Serge Paul, et que tous uniformément l’appellent toujours Paul ? La conversion de ce proconsul arriva dans la ville de Paphos, l’an 45 de Jésus-Christ.
De l’îl de Chypre, saint Paul et ceux qui l’accompagnaient allèrent à Perge en Pamphylie (Actes 13.13), où Jean-Marc, cousin de Barnabé, les quitta pour retourner à Jérusalem. Étant partis de Perge sans s’y arrêter, ils vinrent à Antioche de Pisidie, ou étant entrés dans la synagogue, et ayant été invités à parler, saint Paul leur fit un assez long discours, par lequel il leur montra que Jésus était le Messie promis par les prophètes, et annoncé par Jean-Baptiste ; qu’il avait été injustement mis à mort par la jalousie des Juifs, et qu’il était ressuscité le troisième jour. On les écouta fort paisiblement, et on les pria de venir parler encore du même sujet au sabbat suivant ; et plusieurs les suivirent, tant des Juifs, que des prosélytes, pour écouter plus à loisir leurs instructions particulières.
Le jour de sabbat suivant, presque toute la ville s’assembla, pour entendre la parole de Dieu. Mais les Juifs, voyant ce concours de peuple furent remplis d’envie ; et ils s’opposaient avec blasphème à ce que saint Paul leur disait. Alors Paul et Barnabé leur dirent hardiment : Vous étiez les premiers à qui il fallait annoncer la parole de Dieu ; mais puisque vous la rejetez, nous l’allons porter aux gentils, ainsi que le Seigneur nous l’a commandé. Et tous ceux qui avaient été prédestinés à la vie éternelle crurent en Jésus-Christ, et la parole du Seigneur se répandait heureusement dans le pays. Les Juifs, ne pouvant souffrir le progrès de l’Évangile, excitèrent une persécution contre Paul et Barnabé, et les chassèrent de là. Alors Paul et Barnabé secouant contre eux la poussière de leurs pieds, vinrent d’Antioche de Pisidie à Icone. Y étant arrivés (Actes 14.1-3), ils y prêchèrent dans la synagogue, et y convertirent un grand nombre de Juifs et de gentils ; et Dieu accompagna leur mission d’un grand nombre de prodiges. Cependant les Juifs incrédules ayant animé les gentils contre Paul et Barnabé, et menaçant de les lapider, les obligèrent à se retirer à Lystres et à Derbes, villes de Lycaonie, où ils prêchèrent l’Évangile.
Or il y avait à Lystres un homme perclus de ses jambes, nommé Enée. Cet homme arrêtant ses yeux sur saint Paul, l’Apôtre lui dit : Levez-vous, et tenez-vous droit sur vos pieds. Aussitôt il se leva, et commença à marcher. Le peuple ayant vu ce miracle, s’écria : Ce sont des dieux, qui sont descendus vers nous sous la forme d’hommes. Ils appelaient Barnabé Jupiter, et Paul Mercure, à cause de son éloquence, et parce qu’il portait la parole ; le sacrificateur du temple de Jupiter amena même des taureaux, et apporta des couronnes devant la porte, voulant, aussi bien que le peuple, leur sacrifier. Mais Paul et Barnabé déchirant leurs habits, et se jetant au milieu de la multitude, leur crièrent. : Mes amis, que voulez-vous faire ? Nous ne sommes que des hommes, non plus que vous, et nous vousprêchons, afin que vous vous convertissiez de ces vaines superstitions au Dieu vivant, qui a fait le ciel et la terre. Mais quoi qu’ils pussent dire, ils eurent bien de la peine à empêcher qu’ils ne leur sacrifiassent.
Pendant ce temps-là, quelques Juifs d’Antioche de Pisidie et d’Icone, étant survenus à Lystres, soulevèrent le peuple contre les apôtres. Ils lapidèrent Paul, et le traînèrent hors de la ville, croyant qu’il fût mort. Mais les disciples s’étant ramassés autour de lui, il se leva, rentra dans la ville, et le lendemain il en partit pour aller à Derbe. Et après avoir annoncé l’Évangile dans cette ville-là, ils retournèrent à Lystres, à Icone et à Antioche de Pisidie (Actes 14.25-26). Ils traversèrent la Pisidie, vinrent en Pamphylie, et ayant annoncé la parole de Dieu à Perge, ils descendirent à Attalie. De là ils firent voile à Antioche de Syrie, d’où ils étaient partis l’année précédente. Y étant arrivés, et ayant assemblé l’Église, ils racontèrent les grandes choses que Dieu avait faites par leur moyen, et comme ils avaient ouvert aux gentils la porte de la foi et ils demeurèrent là assez longtemps avec les disciples.
Saint Luc ne nous apprend rien des actions de saint Paul depuis l’an 45 de Jésus-Christ jusqu’au concile de Jérusalem, tenu en l’an 50 de Jésus-Christ. Il y a assez d’apparence que ce fut durant cet intervalle que l’Apôtre porta l’Évangile depuis Jérusalem jusqu’en Illyrie, comme il nous l’apprend dans l’Épître aux Romains (Romains 15.19) ; et cela, sans s’arrêter dans les lieux où d’autres avaient déjà prêché (Romains 10.10). Il ne nous apprend ni le détail de ses voyages, ni le succès de ses prédications : mais il nous dit, en général, qu’il a souffert plus de travaux que personne, qu’il a enduré plus de prisons. Il se vit souvent tout près de la mort, tantôt sur les rivières, tantôt entre des voleurs. Il courut de grands périls, tantôt de la part des Juifs, et tantôt de la part des faux frères et des mauvais chrétiens ; il en eut à essuyer dans les villes et dans les déserts. Il souffrit la faim, la soif, la nudité, le froid, les jeûnes, les veilles et les fatigues (2 Corinthiens 11.23-27), inséparables des longs voyages qui sont entrepris dans le dépouillement des secours humains. Bien différent en cela de bien d’autres qui vivaient de l’Évangile, qui recevaient la subsistance de ceux à qui ils prêchaient, et qui se faisaient accompagner de femmes dévotes qui prenaient soin de ce qui leur était nécessaire, il mettait son honneur à prêcher gratuitement (2 Corinthiens 11.8-9), travaillant de ses mains pour n’être à charge à personne : car il avait un métier, comme il était ordinaire parmi les Juifs, et ce métier était de faire des tentes de cuir (Actes 18.3) à l’usage des gens de guerre.
Ce fut pendant le cours de sa prédication qu’il reçut cinq fois des Juifs trente-neuf coups de fouet (2 Corinthiens 11.24-25) ; car c’est la coutume parmi eux de ne pas excéder ce nombre de coups. Moïse avait défendu de donner plus de quarante coups (Deutéronome 25.3). Il nous apprend aussi qu’il avait été trois fois battu de verges par les Romains (2 Corinthiens 11.25) ; qu’il avait fait trois fois naufrage, qu’il avait passé une nuit et un jour au fond de la mer ; ce que l’on explique diversement. Les uns croient qu’il fut réellement pendant une nuit et un jour au fond de l’eau, Dieu l’y conservant miraculeusement, comme autrefois Jonas dans le ventre du poisson. D’autres veulent qu’il fut une nuit et un jour caché au fond d’un puits, après le danger qu’il courut à Lystres, ou il avait été lapidé. D’autres l’expliquent en disant qu’il fut en prison à Cyzique dans une prison nommée Bythos, ou la profonde : car c’est le terme dont se sert saint Paul, sans y ajouter le nom de mer, qui est dans la Vulgate. Mais la plupart des Pères, comme saint Chrysostome, Théodoret, Œcuménius, l’Ambrosiaster, saint Thomas et plusieurs nouveaux l’expliquent en disant que saint Paul, après un naufrage, fut un jour et une nuit en pleine mer à combattre contre les flots ; et c’est le sentiment qui paraît le plus juste. Le grec Buthos, lorsqu’il est mis seul, se prend ordinairement pour le fond de la mer, on pour la haute mer. Or saint Paul avait souffert tout cela avant l’an de Jésus-Christ 58, où il écrivit sa seconde Épître aux Corinthiens.
Saint Paul et saint Barnabé étaient à Antioche, lorsque quelques personnes venues de Judée (Actes 15.1-3) y voulurent soutenir que l’on ne pouvait être sauvé sans la circoncision et l’observation des cérémonies de la Loi. Saint Épiphane et saint Philastre disent que celui qui soutenait cela était Cérinthe et ses sectateurs. Paul et Barnabé s’élevèrent contre ces nouveaux docteurs, et il fut résolu que l’on enverrait à Jérusalem vers les apôtres et les prêtres, pour leur proposer cette question. Paul et Barnabé furent députés ; et étant arrivés à Jérusalem, ils rapportèrent aux apôtres le sujet de leur députation. Quelques-uns des Pharisiens qui avaient embrassé la foi, soutinrent qu’il fallait soumettre les gentils qui se convertissaient à recevoir la circoncision et à observer le reste de la Loi. Mais les apôtres et les prêtres s’étant assemblés pour examiner cette affaire, il fut arrêté que l’on n’obligerait point les gentils qui embrasseraient le christianisme à porter le joug de la Loi, mais seulement à éviter l’idolâtrie, la fornication et l’usage des chairs étouffées et du sang.
Saint Paul et saint Barnabé furent donc renvoyés à Antioche avec des lettres des apôtres, qui marquaient la résolution que l’on avait prise dans l’assemblée. Les apôtres députèrent aussi Jude, surnommé Barsabas, et Silas, qui étaient des principaux des frères, pour aller à Antioche avec Paul et Barnabé, pour rendre témoignage de ce qui s’était passé à Jérusalem. Étant arrivés à Antioche, ils assemblèrent les fidèles, leur lurent la lettre des apôtres, et les consolèrent, en leur apprenant que l’on avait conclu à les décharger du joug de la Loi cérémonielle. Silos jugea à propos de demeurer à Antioche ; mais Jude s’en retourna à Jérusalem. Tout cela se passa l’an 51 de l’ère vulgaire et 55 de Jésus-Christ Quelque temps après, salut Pierre étant aussi venu à Antioche, et s’étant joint aux gentils convertis, avec qui il vivait sans scrupule, tout d’un coup lorsqu’il survint des frères de Jérusalem, il se sépara d’eux et ne mangea plus avec eux. Alors saint Paul le reprit publiquement, parce qu’il était répréhensible, et que son exemple pouvait être d’une dangereuse conséquence (Galates 2.11-16).
Dans ce même voyage de saint Paul à Jérusalem (Galates 2.2-3), il exposa publiquement devant les fidèles la doctrine qu’il prêchait parmi les gentils, et il en conféra encore en parti entier avec les principaux, en présence de Barnabé et de Tite. Saint Pierre, saint Jacques et saint Jean, avec qui il s’en entretint, ne trouvèrent rien à ajouter ni à corriger dans une doctrine si pure. Ils virent avec joie la grâce que Dieu lui avait donnée ; ils reconnurent qu’il l’avait établi apôtre des nations, comme saint Pierre l’était de la circoncision. Ils conclurent que Paul et Barnabé continueraient de prêcher aux gentils, et leur recommandèrent seulement d’avoir soin des aumônes, c’est-à-dire, d’exhorter les chrétiens convertis d’entre les nations à assister les fidèles de la Judée, qui étaient dans la nécessité, soit pour avoir vendu et distribué leurs biens, soit pour en avoir été dépouillés (Hébreux 10.34). On verra dans la suite de quelle manière saint Paul s’acquitta de cette commission.
Après que saint Paul et saint Barnabé eurent passé quelques jours à Antioche, saint Paul dit à Barnabé (Actes 15.36) : Retournons visiter nos frères par toutes les villes où nous avons prêché la parole du Seigneur, pour voir en quel état ils sont. Barnabé voulait prendre avec lui Jean-Marc, qui les avait quittés la première fois ; mais Paul s’y opposa : ce qui fut cause qu’ils se séparèrent. Barnabé alla en Chypre avec Jean-Marc ; et saint Paul ayant choisi Silas, traversa la Syrie et la Cilicie, arriva à Derbes et ensuite à Lystres (Actes 16.1), où il trouva un disciple, nommé Timothée, fils d’une femme juive et d’un père gentil. Paul le prit avec lui et le circoncit, pour ne pas déplaire aux Juifs de ces pays-là. Lors donc qu’ils eurent parcouru les provinces de Lycaonie, de Phrygie et de Galatie, le Saint-Esprit ne leur permit pas d’annoncer la parole de Dieu en Asie, c’est-à-dire dans l’Asie proconsulaire, qui comprenait l’Ionie, l’Eolie et la Lydie. Ils passèrent ensuite la Mysie et descendirent à Troade, où saint Paul eut la nuit cette vision : Un homme, vêtu comme un Macédonien, se présenta devant lui et lui dit : Passez en Macédoine, et venez nous secourir. Aussitôt il se disposa à passer en Macédoine, ne doutant pas que Dieu ne l’appelât dans ce pays.
S’étant donc embarqués à Troade, ils vinrent aborder à Naples (Actes 16.11), ville de Macédoine, mais très-voisine des frontières de la Thrace. De là ils vinrent à Philippes, qui est la première colonie romaine que l’on trouve dans la Macédoine de ce côté-là. Le jour du sabbat, ils allèrent près de la rivière où était la Proseuque, ou le lieu de prières des Juifs. Ils y trouvèrent quelques femmes dévotes, entre autres une nommée Lyda, marchande de pourpre, qui se convertit, reçut le baptême et invita saint Paul à venir loger chez elle avec ceux de sa compagnie. Un autre jour, comme ils allaient encore au lieu de prières des Juifs, ils rencontrèrent une servante qui avait un esprit de Python ou un démon familier qui lui découvrait quantité de choses cachées. Elle se mit à suivre Paul et ceux qui l’accompagnaient, en criant : Ces hommes sont des serviteurs du Dieu très-haut, qui vous annoncent la voie du salut. Elle fit la même chose pendant plusieurs jours. Alors Paul se tournant vers elle, dit à l’esprit : je te commande, au nom de Jésus-Christ, de sortir du corps de cette fille. Il sortit à l’heure même. Mais les maîtres de la fille, qui tiraient de grands profits de cette servante, traînèrent Paul et Silas devant les magistrats, et les accusèrent de vouloir introduire dans la ville une religion nouvelle. Les magistrats leur firent donner des coups de verges sur les épaules et sur le dus, puis les envoyèrent en prison.
Sur le minuit, Paul et Silas s’étant mis à chanter des hymnes à la louangede Dieu, tout d’un coup il se fit un si grand tremblement de terre, que les fondements de la prison en furent ébranlés, que toutes les portes s’ouvrirent en même temps, et les liens des prisonniers furent brisés. Le geôlier s’étant éveillé au bruit, et voyant que toutes les portes de la prison étaient ouvertes, tira son épée et voulut se tuer, s’imaginant que tous les prisonniers s’étaient enfuis, mais Paul lui cria : Ne vous faites point de mal ; car nous voici encore tous. Alors le geôlier étant entré, et ayant trouvé tous les prisonniers, il tira Paul et Silas de ce lieu-là, et leur demanda ce qu’il devait faire pour être sauvé. Paul et Silas l’instruisirent avec toute sa famille, et leur donnèrent le baptême. Après cela, le geôlier leur servit à-manger ; et le matin étant venu, les magistrats lui envoyèrent dire qu’il pouvait laisser aller ces deux prisonniers. Mais Paul répondit aux huissiers : Après nous avoir battus publiquement à coups de verges, nous qui sommes citoyens romains, ils nous ont mis en prison ; et à présent ils nous en font sortir en secret. Il n’en sera pas ainsi ; il faut qu’ils viennent eux-mémes nous en tirer. Les magistrats ayant appris qu’ils étaient citoyens romains, vinrent leur faire des excuses ; et les ayant tirés de prison, ils les prièrent de se retirer de leur ville. Paul et Silas allèrent d’abord chez Lydie, où ayant consolé et visité les frères, ils partirent de Philippes.
De là ils passèrent par Amphipolis et par Apollonie, et vinrent à Thessalonique, capitale de la Macédoine ; où les Juifs avaient une synagogue (Actes 17.1-3). Paul y entra, selon sa coutume, et leur annonça l’Évangile trois jours de sabbat de suite. Quelques Juifs et plusieurs prosélytes crurent en Jésus-Christ et se joignirent à Paul et à Silas. Mais les autres Juifs, portés d’un faux zèle, excitèrent un tumulte dans la ville, et allèrent à la maison de Jason, où logeait saint Paul. Ne l’y ayant point trouvé, ils prirent Jason, le menèrent devant les magistrats, et l’accusérent d’avoir reçu dans sa maison des gens qui étaient rebelles aux ordonnances de l’empereur, et qui disaient qu’il y avait un autre roi que lui, qui était un certain Jésus qu’ils prêchaient. Mais Jason ayant donné caution de représenter les personnes dont il s’agissait, fut renvoyé dans sa maison, et dès la nuit suivante, les frères conduisirent hors de la ville Paul et Silas, qui allèrent à Bérée, où ils commencèrent de nouveau à prêcher dans la synagogue. Les Juifs de Bérée les écoutèrent avec joie, et plusieurs d’entre eux, comme aussi plusieurs gentils et plusieurs femmes de qualité, qui n’étaient pas juives, se convertirent.
Les Juifs de Thessalonique ayant su que saint Paul et Silas étaient à Bérée, y vinrent et y causèrent du tumulte contre eux ; de manière que saint Paul fut obligé de se retirer, laissant Sites et Timothée à Bérée, pour y continuer l’ouvrage qu’il y avait commencé. Ceux qui conduisaient saint Paul, s’étant embarqués avec lui, le menèrent jusqu’à Athènes. Il y arriva en l’an 52 de Jésus-Christ. Aussitôt qu’il y fut arrivé, il renvoya ceux qui l’y avaient amené, avec ordre de dire à Silas et à Timothée de le venir trouver à Athènes au plus tôt. Cependant il alla dans la synagogue des Juifs, où il parlait aussi souvent qu’il en avait l’occasion, et s’entretenait avec les philosophes qu’il rencontrait sur la place. Un jour ces philosophes le prirent et le menèrent devant l’aréopage, comme annonçant une nouvelle religion. Saint Paul étant en présence des juges, leur dit qu’il avait remarqué dans leur ville plusieurs marques de superstition, entre autres un autel où il est écrit : Au Dieu inconnu. C’est donc ce Dieu que vous ne connaissez point, que je viens aujourd’hui vous annoncer. Après cela, il parla du Dieu créateurdu ciel et de la terre, de l’ordre de la Providence, du jugement dernier et de la résurrection des morts. Mais lorsqu’ils entendirent la résurrection des morts, les uns s’en moquèrent, et les autres dirent : Nous vous entendrons une autre fois sur ce point. Quelques-uns néanmoins embrassèrent la foi, entre lesquels fut Denys, sénateur de l’aréopage, et une femme nommée Damaris, et quelques autres avec eux.
Saint Timothée vint de Bérée à Athènes trouver saint Paul, et lui apprit la persécution que souffraient les chrétiens de Thessalonique. Ce qui obligea l’apôtre à le renvoyer en Macédoine, afin de les affermir et de les consoler. Après cela saint Paul partit d’Athènes, et alla a Corinthe (Actes 18.1-3), et se logea chez un Juif, nommé Aquilas, dont le métier était de faire des tentes ; en sorte que saint Paul qui savait le même métier, travaillait avec lui. Cependant il ne négligeait pas la prédication de l’Évangile ; mais il prêchait tous les jours de sabbat dans la synagogue, s’efforçant de persuader aux Juifs et aux gentils que Jésus était le Messie. Il y fit quelques conversions, et il nous apprend lui-même (1 Corinthiens 1.14-17 ; 17.15) qu’il y baptisa Stéphane et sa maison, avec Crispe et Caïus. Vers le même temps, Silas et Timothée vinrent à Corinthe (Actes 18.5 1 Thessaloniciens 3.6-9), et le consolèrent beaucoup, en lui apprenant l’état des fidèles de Thessalonique ; et peu de temps après il écrivit sa première Épître aux Thessaloniciens, qui est la première de toutes celles qu’il ait écrites. Il y console les fidèles de Thessalonique ; il loue leur ferveur, leur constance, leur charité envers tous les chrétiens de la Macédoine ; leur donne quelques avis touchant l’usage du mariage, la fuite de l’oisiveté, la manière de pleurer les morts, les précautions qu’il faut apporter, pour n’être point surpris par l’Antechrist, et sur divers autres points.
La seconde Épître aux Thessaloniciens fut écrite peu de temps après la première. Il l’écrivit pour les rassurer contre les frayeurs que leur avaient inspirées certains faux docteurs, qui disaient que le monde allait finir, et qui supposaient même une fausse lettre de l’Apôtre, pour le prouver. Il y reprend ceux qui vivaient dans l’oisiveté, et exhorte les Thessaloniciens à souffrir patiemment les persécutions.
Saint Paul se sentant donc consolé par la présence de Silas et de Timothée, prêchait avec une nouvelle ardeur, montrant que Jésus était le vrai Messie. Mais les Juifs le contredisant avec des paroles de blasphème, il secoua ses habits, et leur dit : Que votre sang soit sur votre tète. Pour moi, j’en suis innocent. Je m’en vats ddsormais vers les gentils. Il quitta même la maison d’Aquilas, et alla loger chez un nommé Tite Juste, qui était gentil d’origine, mais craignant Dieu. Cependant le Seigneur l’encouragea par une vision, et lui dit qu’il avait dans Corinthe un grand peuple. Ce qui fut cause qu’il y demeura dix-huit mois.
Or Gallion, proconsul d’Achaïe, étant à Corinthe, les Juifs de cette ville s’élevèrent contre Paul, et le menèrent à son tribunal (Actes 18.12-13), l’accusant de vouloir introduire parmi eux une religion nouvelle. Mais Gallion les renvoya, disant qu’il ne voulait point entrer dans ces disputes, qui ne regardaient point sa charge. Paul demeura encore quelque temps à Corinthe, et en partit enfin, pour se rendre à Jérusalem, où il voulait passer la fête de la Pentecôte. Avant que de s’embarquer, il coupa ses cheveux à Cenchrée, port de Corinthe, à cause qu’il avait accompli un vœu de nazaréen, qu’il avait fait auparavant. Il arriva à Éphèse avec Aquilas et Priscille. De là il se rendit à Césarée de Palestine, d’où il alla à Jérusalem ; et après y avoir satisfait sa dévotion, il vint à Antioche, où il passa quelque temps, et en partit ensuite, traversant par ordre et de suite, les Églises de la Galatie et de la Phrygie ; et ayant parcouru les hautes provinces de l’Asie, il revint à Éphèse (Actes 19.1-3), où il demeura trois ans ; depuis l’an de Jésus-Christ 54 jusqu’en l’an 57.
Or saint Paul arrivant à Éphèse, y trouva quelques disciples, qui avaient été instruits par saint Apollon, lequel les avait simple ment baptisés du baptême de Jean-Baptiste. Saint Paul les instruisit, les baptisa du baptême de Jésus-Christ, leur imposa les mains ; et ils reçurent le Saint-Esprit, le don des langues et le don de prophétie. Il entra ensuite dans la synagogue, et prêcha aux Juifs pendant trois mois, s’efforçaht de les persuader que Jésus-Christ était le Messie. Mais comme il y trouvait beaucoup d’opposition de leur part, il se sépara d’eux, et enseignait tous les jours dans l’école d’un nommé Tyran. Il ne cessait ni jour, ni nuit (Actes 20.19-20,33,34), allant même par les maisons, pour affermir ceux qui croyaient, et pour gagner ceux qui ne croyaient pas encore, travaillant de ses mains, pour n’être à charge à personne. Il y fit plusieurs miracles (Actes 19.11-12), jusque-là même que les linges qui avaient touché son corps, étant appliqués aux malades, ils étaient guéris de leurs maladies, et délivrés des démons qui les possédaient. Il y eut aussi beaucoup à souffrir (1 Corinthiens 15.31-32), tant de la part des Juifs que de la part des gentils, et il nous apprend lui-même qu’il y combattit contre les bites selon les hommes, c’est-à-dire, qu’il y fut exposé aux bêtes dans l’amphithéatre ; en sorte que les hommes avaient cru qu’il en serait dévoré, si Dieu ne l’en eût miraculeusement délivré.
Quelques-uns croient que ce combat dont parle saint Paul n’est autre chose que celui qu’il eut à soutenir contre Démétrios l’orfévre et ses compagnons qui faillirent à faire mourir ce saint apôtre. Mais ce sentiment est insoutenable, puisque la première lettre aux Corinthiens, où il parle de ce combat, fut écrite avant la sédition excitée par Démétrius l’orfévre. Saint Jérôme entend par ces bêtes les démons qui suscitèrent à saint Paul une infinité d’ennemis.
Mais le sens le plus naturel du texte est qu’il fut exposé aux bêtes à Éphèse, et qu’il en fut miraculeusement délivré. C’est le sentiment de, saint Chrysostome, de Théodoret, de l’Ambrosiaster, de saint Cyprien, de saint Hilaire, et de plusieurs nouveaux commentateurs. Nicéphore cite le livre apocryphe des Voyages de saint Paul, qui porte que Jérôme, gouverneur d’Éphèse, condamna l’Apôtre à être exposé aux bêtes. Étant en prison il fut visité pendant la nuit par deux femmes nommées Tabule et Artemille, qui lui demandèrent le baptême. Il se dégagea de ses liens, sortit de prison, et alla sur le bord de la mer, où il les baptisa.
Il revint en prison et se remit dans les liens sans que personne s’en aperçût. Lorsqu’il fut exposé dans le théâtre on lâcha contre lui un lion, qui vint se coucher à ses pieds, plusieurs autres bêtes en firent de même. Dans ce même temps il tomba u ne grêle si furieuse, que plusieurs des assistants en furent tués. Jérôme se convertit et reçut le baptême. Les anciens ont beaucoup parlé de ce livre apocryphe des Voyages de saint Paul. Nous n’y faisons toutefois aucun fond.
Ce fut pendant son séjour à Éphèse qu’il écrivit aux Galates, qu’il avait instruits, et que des faux docteurs avaient séduits et troublés, en leur persuadant que, pour arriver au salut, il fallait qu’ils se fissent circoncire et qu’ils se soumissent à l’observation de toute la loi. Saint Paul leur écrivit donc avec beaucoup de zèle et de force, relevant son apostolat, et dépeignant les faux docteurs par des couleurs très-vives. Il prouve par les Écritures que les chrétiens étaient affranchis du joug de la loi. Il y mêle plusieurs exhortations pour les mœurs et pour la conduite de la vie. Il l’écrivit tout entière de sa main, au lieu qu’il avait accoutumé de se servir d’un secrétaire pour écrire ses autres lettres.
Après cela saint Paul se proposa, par l’instinct du Saint-Esprit, de passer par la Macédoine et par l’Achaïe (Actes 19.21-22), pour aller ensuite à Jérusalem, disant : Lorsque j’aurai été là, il faut aussi que je voie Rome. Et ayant envoyé devant Timothée et Eraste en Macédoine, fi demeura encore quelque temps en Asie. Pendant ce temps il apprit les troubles domestiques qui étaient dans l’Église de Corinthe, la division qui y régnait, et les abus qui commençaient à s’y introduire. C’est ce qui le détermina à leur écrire sa première Épître, dans laquelle il reprend les Corinthiens de leur division, de la mauvaise liberté que quelques-uns prenaient de manger des viandes immolées aux idoles, sans se mettre en peine du scandale de leurs frères. Il s’élève contre l’incestueux qui avait épousé sa belle-mère, et contre ceux qui ne feignaient point de plaider devant les tribunaux séculiers ; contre ceux qui s’enflaient d’orgueil, à cause des dons surnaturels qu’ils avaient reçus de Dieu : enfin contre le désordre qui régnait dans leurs assemblées, où tout le monde voulait parler ensemble, et où les femmes mêmes voulaient parler en public. À près avoir réprimé tous ces abus, il leur donne d’excellents avis pour les mœurs. La lettre fut écrite d’Éphèse et envoyée par Stéphanas, Fortunat et Achaïque.
Avant que saint Paul partît d’Éphèse la voie du Seigneur y fut troublée (Actes 19.23-24) par la sédition qu’y excita l’orfèvre Démétrius, dont le principal trafic consistait dans de petits temples de Diane d’Éphèse, qu’il faisait et qu’ilvendait aux pèlerins qui venaient à Éphèse de tous côtés, pour y voir ce fameux temple de Diane d’Éphèse, qui passait pour une merveille du monde. Il émut d’abord les autree orfévres, en leur remontrant que la religion que Paul prêchait allait à ruiner tout leur commerce, en faisant tomber le culte de leur déesse. Des orfévres le tumulte se répandit parmi le peuple, et bientôt toute la ville se trouva en confusion. Ils amenèrent au théâtre Caius et Aristarque, Macédoniens, qui avaient accompagné saint Paul dans son voyage. Saint Paul lui-même voulait s’y aller présenter ; mais ses amis l’en dissuadèrent. Le magistrat de la ville, ou le greffier, comme porte le texte, eut assez de peine à se faire entendre et à apaiser le tumulte, en disant au peuple que si Démétrius avait quelque affaire particulière contre quelqu’un qui en voulût au culte de Diane, il pouvait avoir recours au proconsul, et ne pas causer une sédition dans la ville. Ayant dit cela, il congédia l’assemblée ; et saint Paul après avoir dit adieu aux disciples, partit pour aller en Macédoine (Actes 20.1-3).
Il s’embarqua à Troade (2 Corinthiens 2.12), et mena avec lui Timothée, avec lequel il passa en Macédoine (2 Corinthiens 7.5-7). Tite l’y vint trouver (2 Corinthiens 6.6-15) et lui rapporta les bons effets que sa lettre avait causés dans l’Église de Corinthe, et lui dit que les aumônes que les Corinthiens destinaient aux fidèles de la Palestine étaient prêtes. C’est ce qui l’engagea à écrire sa seconde Épître aux Corinthiens, dans laquelle il s’élèvecontre les fauxdocteurshui affectaient de le décrier dans l’esprit des Corinthiens. Il relève son ministère, et parle de lui-même avec quelque avantage, mais toutefois avec beaucoup de modestie. Il parle de ses révélations, de son désintéressement, de ses persécutions, de ses souffrances. Il exhorte les Corinthiens à faire pénitence, de peur qu’il ne soit obligé, lorsqu’il arriverait chez eux, d’user de son pouvoir envers les méchants. Il accorde le pardon à l’incestueux, et exhorte les Corinthiens à tenir leurs aumônes prêtes, afin qu’il les trouvât lorsqu’il arriverait à Corinthe. La lettre fut envoyée par Tite, auquel il joignit un frère, que les Églises lui avaient associé pour recueillir les aumônes des fidèles. Les uns croient que c’est Sites ; d’autres Barnabé, et d’autres saint Luc.
Saint Paul, après avoir traversé la Macédoine, vint en Grèce, ou en Achaïe, il y demeura trois mois (Actes 20.2). Il visita les dèles de Corinthe, et ayant recueilli leurs aumônes, comme il était prêt de s’en retourner en Macédoine, il écrivit son Épître aux Romains, dans laquelle il s’applique principalement à expliquer la doctrine de la grâce et de la prédestination. Il montre que ce ne sont ni les œuvres de la loi qui ont mérité aux Juifs fidèles la grâce de leur vocation, ni les bonnes
œuvres morales qu’ont pu pratiquer les philosophes gentils, qui leur ont mérité la même faveur, à l’exclusion de plusieurs Juifs ; mais que c’est à la pure grâce de Dieu qu’ils doivent tout ce qu’ils sont. Saint Paul n’avait pas encore été à Rome, lorsqu’il écrivit cette Épître aux Romains. Il leur promet de les aller voir, et salue plusieurs fidèles de cette Église. La lettre fut dictée par saint Paul, et écrite par Tertius. On croit que Phébé, diazonisse de l’Église de Genchrée, la porta. Saint Paul la recommande aux Romains d’une manière toute particulière.
Il partit enfin de la Grèce, et vint en Macédoine, dans le dessein de se rendre à Jérusalem pour la fête de la Pentecôte. Il s’arrêta quelque temps à Philippes, et y célébra la fête de Pâque (Actes 20.6-7). De là il s’embarqua et arriva à Troade, où ildemeura une semaine. Le premier jour de la semaine, les disciples étant assemblés pour rompre le pain, saint Paul, qui devait partir le lendemain, leur fit un sermon, qui continua jusqu’à minuit. Pendant ce temps, un jeune homme nommé Eutyque, qui était assis sur une fenêtre, s’endormit et tomba d’un troisième étage en bas. Saint Paul étant descendu, l’embrassa et lui rendit la vie. Puis étant remonté, et ayant rompu le pain et mangé, il leur parla encore jusqu’au point du jour, et s’en alla ensuite. Ceux de sa compagnie s’embarquèrent à Troade. Pour lui, il alla à pied jusqu’à Aslen, appelée autrement Apollonie, et s’embarqua avec eux à Mytilène. De là il vint à Milet, où étant, il fit venir les prêtres de l’Église d’Éphèse, ne pouvant aller jusque-là, parce qu’il voulait être pour la Pentecôte à Jérusalem.
Lorsque ces évêques et ces prêtres furent arrivés à Milet, saint Paul leur parla et leur dit qu’il allait à Jérusalem, sans savoir distinctement ce qui lui devait arriver ; mais qu’il ne doutait pas qu’il n’eût beaucoup à y souffrir, puisque dans toutes les villes le Saint-Esprit lui faisait connaître que des chaînes et des afflictions l’y attendaient. Mais il leur déclara que rien de tout cela ne l’effrayait, pourvu qu’il pût remplir son ministère. Après les avoir exhortés à la patience, et avoir prié avec eux, il s’embarqua et alla droit à Cos, puis à Rhodes, et de là à Patare (Actes 21.1-2), où ayant trouvé un vaisseau qui allait en Phénicie, ils montèrent dessus et arrivèrent heureusement à Tyr. Ils y demeurèrent sept jours ; et en étant partis, ils arrivèrent à Ptolémaïde, et de là à Césarée, où ils trouvèrent Philippe l’Évangéliste, qui était l’un des sept diacres. Pendant que saint Paul était là, le prophète Agabus y arriva de Judée ; et ayant pris la ceinture de Paul, il s’en lia les pieds et les mains, disant : L’homme à qui cette ceinture appartient, sera ainsi lié par les Juifs dans Jérusalem, et ils le livreront aux gentils. Mais saint Paul ne se laissa point ébranler par toutes ces prédictions, et il dit qu’il était prêt de souffrir non-seulement la prison, mais la mort même pour le nom de Jésus-Christ.
Lorsqu’il fut arrivé à Jérusalem, les frères le reçurent avec joie ; et dès le lendemain il alla visiter saint Jacques le Mineur, évêque de Jérusalem, chez qui tous les prêtres s’assemblèrent. Paul leur raconta tout ce que Dieu avait fait par son ministère parmi les gentils. Alors saint Jacques l’avertit que les Juifs convertis étaient étrangement prévenus cintre lui, parce qu’on leur avait fait entendre qu’il enseignait aux Juifs qui vivaient parmi les gentils et hors de la Palestine, qu’ils devaient renoncer à la loi de Moïse, et ne plus circoncire leurs enfants. Il faut donc, continua saint Jacques, les assembler tous ici et que vous leur parliez vous-même, pour les détromper ; faites plus, afin que les actions répondent aux paroles, joignez-vous à quatre hommes qui sont ici, et qui ont fait vœu de nazaréat, et pour avoir part au mérite de leur action, contribuez aux frais de leur purification, vous purifiant aussi, pour offrir avec eux les offrandes et les sacrifices ordonnés pour la purification d’un nazaréen. Voyez ci-devant ce qu’on a dit sur l’article Nazaréen.
Saint Paul exécuta ponctuellement ce que saint Jacques lui avait conseillé, et dès le lendemain il alla au temple, où il déclara aux prêtres que dans sept jours ces quatre nazaréens achèveraient leur nazaréat, et qu’il y contribuerait pour sa part. Mais sur la fin des sept jours, les Juifs d’Asie l’ayant vu dans le temple, émurent tout le peuple, et le saisirent, en criant : Au secours, Israélites, voici celui qui dogmatise partout contre la loi et contre le temple, et qui a amené les gentils dans le temple, et a profané ce saint lieu. En même temps on l’arrêta, on ferma les portes du temple, et ils l’auraient tué, si Lysias, tribun de la cohorte romaine, ne fût accouru, et ne l’eût tiré de leurs mains pour le faire mener dans la forteresse. Saint Paul étant sur les degrés, pria le tribun de lui permettre de parler au peuple, qui suivait en grande foule. Le tribun le lui permit ; et saint Paul ayant fait signe de la main, harangua en hébreu (Actes 21), raconta sa conversion et sa mission de Dieu pour aller prêcher aux gentils. À ce mot de gentils, les Juifs commencèrent à crier : Otez du monde ce méchant ; il n’est pas digne de vivre.
Aussitôt le tribun le fit entrer dans la forteresse, et commanda qu’on lui donnât la question, en le fouettant, pour tâcher de lui faire dire le sujet qui avait ainsi ému les Juifs contre lui. Comme il était déjà lié, il dit au tribun : Vous est-il permis de fouetter un citoyen romain, sans l’entendre ? Le tribun sur cela, le fit délier, et le lendemain ayant assemblé les prêtres et le sénat des Juifs, il fit amener Paul devant eux, afin d’apprendre le sujet de l’émotion du peuple. Alors Paul commença à leur parler (Actes 23) en ces termes : Mes frères, jusqu’à cette heure je me suis conduit devant Dieu suivant le mouvement de ma conscience. À cette parole, Ananie, fils de Nébédée, qui était souverain pontife, lui fit donner un soufflet. Saint Paul dit : Dieu vous frappera vous-même, muraille blanchie, qui oubliant le devoir de juge, me faites ainsi frapper, contre la loi. Ceux qui étaient présents, lui dirent : Osez-vous ainsi maudire le grand prêtre de Dieu ? Paul répondit : Je ne savais pas, mes frères, que ce fût le grand prêtre ; car il est écrit : Vous n’outragerez point de paroles le prince de votre peuple. Et comme il savait qu’une partie de l’assemblée étaient saducéens, et l’autre pharisiens, il s’écria : Mes frères, je suis pharisien, et fils de pharisien ; c’est à cause de l’espérance d’une autre vie et de la résurrection des morts, que l’on me veut condamner.
Alors l’assemblée se trouva partagée d’intérêts et de sentiments, et le bruit s’augmentant de plus en plus, le tribun fit signe aux soldats de l’enlever du milieu de l’assemblée et de le conduire dans la forteresse. La nuit suivante le Seigneur apparut à Paul et lui dit : Ayez bon courage ; car de même que vous m’avez rendu témoignage à Jérusalem, il faut aussi que vous me le rendiez dans Borne. Le lendemain plus de quarante Juifs s’engagèrent par vœu accompagné de serment, de ne manger ni boire, qu’ils n’eussent tué Paul. Ils vinrent déclarer leur résolution devant les prêtres et les principaux du peuple, et leur dirent : Faites demain comparaître Paul devant vous, comme pour connaître plus particulièrement de son affaire, et nous le tuerons avant qu’il arrive. Mais saint Paul ayant été informé de cette conjuration par le fils de sa sœur, en avertit le tribun, qui donna ordre que la nuit suivante on conduisit Paul à Césarée, au gouverneur Félix, qui y faisait sa résidence ordinaire. Félix ayant reçu les lettres du tribun Lysias, et ayant appris que saint Paul était de Cilicie, il lui dit qu’il l’entendrait quand ses accusateurs seraient venus.
Cinq jours après, le grand prêtre Ananie avec quelques sénateurs vinrent à Césarée (Actes 24), amenant avec eux un avocat nommé Tertulle, pour porter la parole. Tertulle accusa saint Paul comme étant un séditieux et un perturbateur du repos public, qui se faisait passer pour chef de la secte des nazaréens, et qui avait même voulu profaner le temple. Mais saint Paul réfuta aisément ces calomnies, et défia ses accusateurs de prouver aucun des chefs dont ils l’accusaient. Il finit en disant que c’était à cause de la résurrection des morts qu’on voulait le condamner. Félix, ayant ouï ces discours, remit l’affaire à une autre fois, et dit qu’il la jugerait quand Lysias serait venu de Jérusalem. Quelques jours après, Félix et sa femme, Drusille, qui était Juive, se trouvant à Césarée, firent venir saint Paul, pour entendre ce qu’il leur dirait de la foi de Jésus-Christ. Paul leur parla de la justice, de la charité et du jugement dernier, de manière que Félix en fut effrayé, et lui dit : C’est assez pour cette heure, quand j’aurai le temps, je vous entendrai. Et comme il espérait que Paul lui donnerait de l’argent pour être élargi, il le traitait assez bien, et l’envoyait querir souvent, et s’entretenait avec lui.
Deux ans s’étant passés, Félix eut pour successeur Portius Festus (Actes 24.27), et voulant obliger les Juifs, il laissa Paul en prison. Festus étant arrivé dans la province, vint trois jours après à Jérusalem, où les princes des prêtres le prièrent de faire venir Paul, ayant dessein de le faire enlever sur le chemin. Mais Festus leur dit qu’ils pouvaient venir à Césarée, et qu’il leur rendrait justice. Lorsqu’il fut de retour dans cette ville, dès le lendemain il fit comparaître saint Paul devant son tribunal. Les Juifs l’accusèrent de plusieurs chefs dont ils ne purent prouver aucun ; et Paul se défendit si bien, que Festus ne put rien trouver en lui qui méritât punition. Il lui proposa s’il voulait aller à Jérusalem, pour y être jugé ; mais il répondit qu’il était au tribunal de l’empereur, qu’il en appelait à César. Festus, après en avoir conféré avec son conseil, prononça : Vous avez appelé à César, vous irez devant César.
Quelques jours après le roi Agrippa et Bérénice étant venus à Césarée pour saluer Festus, ce gouverneur leur parla de Paul et leur dit qu’il ne savait de quoi il était coupable, ni comment il écrirait son affaire à l’empereur Agrippa ; ayant souhaité de l’entendre, Festus le fit venir, et lui dit qu’il pouvait parler (Actes 25). Alors saint Paul raconta à Agrippa la manière dont il avait été converti, en allant à Damas. Il lui parla de Jésus-Christ et de sa résurrection. Mais pendant qu’il disait ces choses, Festus s’écria : Vous êtes insensé, Paul ; votre grand savoir vous met hors de sens. Paul lui répondit : Je ne suis point insensé, très-excellent Festus, car les paroles que je viens de dire sont des paroles de vérité et de bon sens ; et le roi Agrippa est bien informé de ce que je dis. Ô roi Agrippa, ne croyez-vous pas aux prophètes ? Je sais que vous y croyez. Et Agrippa dit à Paul : Peut s’en faut que vous ne me persuadiez d’être chrétien. Paul lui répondit : Plût à Dieu que nonseulement il ne s’en fallût guère, mais qu’il ne s’en fallût rien du tout, que vous et tous ceux qui m’écoutent présentement, ne devinssiez tels que je suis, à la réserve de ces liens ! Alors le roi, Bérénice et Festus se levèrent, et Agrippa dit à Festus : Cet homme aurait pu être renvoyé absous, s’il n’eût appelé à César.
Lors donc qu’il eut été résolu d’envoyer Paul en Italie, il fut embarqué sur un vaisseau d’Adrumette (Actes 26.2), ou plutôt d’Adramitte, ville de Mysie, et après avoir traversé les mers de Cilicie et de Pamphylie, ils arrivèrent à Lystres en Lycie, où ayant trouvé un vaisseau qui faisait voile en Italie, ils s’enbarquèrent dessus. Mais comme la saison était fort avancée, car c’était au moins vers la fin de septembre, et que le vent était contraire, ils arrivèrent avec assez de peine à Bons-Ports dans l’lle de Crète. Saint Paul était d’avis qu’on y passât l’hiver : mais d’autres crurent qu’il valait mieux aller à Phénice, autre port de la même île. Comme ils y allaient, le vent les emporta vers une petite île nommée Caude ou Claude ; et alors les matelots craignant de donnercontre quelque banc de sable, ils baissèrent le mât et s’abandonnèrent ainsi au gré de la mer. Trois jours après, ils y jetèrent les agrès de rechange du vaisseau. Le soleil ni les étoiles ne parurent pas durant quatorze jours. Dans cet extrême danger, un ange apparut à saint Paul, et l’assura que Dieu lui avait accordé le salut de tous ceux qui étaient dans le vaisseau. Il y avait deux cent soixante-seize personnes. Saint Paul leur raconta cette vision, les exhorta à prendre courage, et leur promit qu’ils se sauveraient tous dans une Île, et que le vaisseau seul serait perdu. La quatorzième nuit les matelots jetèrent la sonde, et crurent qu’ils approchaient de quelque terre. Ils voulaient se sauver en descendant dans l’esquif : mais saint Paul dit au centenier et aux soldats. Si ces gens-ci ne demeurent dans le vaisseau, vous ne pourrez vous sauver. Alors les soldats coupèrent les câbles de l’esquif, et le laissèrent aller.
Sur le point du jour, saint Paul les exhorta à prendre de la nourriture, leur promettant qu’il ne périrait pas un cheveu de leur tête. À son exemple ils prirent de la nourriture ; et quand ils eurent mangé, ils soulagèrent le vaisseau, en jetant le blé dans la mer. Le jour étant venu, ils aperçurent un rivage, et résolurent d’y faire aborder le vaisseau, s’ils pouvaient ; mais le vaisseau ayant donné de la proue contre une langue de terre avancée, en sorte que la proue demeurant immobile, la poupe était exposée au gré des vagues, les soldats craignant que quelqu’un des prisonniers ne se sauvât à la nage, étaient d’avis de les tuer tous : mais le centenier les en empêcha, parce qu’il voulait sauver Paul ; et il commanda que ceux qui pouvaient nager, se jetassent les premiers hors du vaisseau. Les autres se mirent sur des planches ; et ainsi ils arrivèrent heureusement tous à terre. Alors ils reconnurent que l’île s’appelait Malte (Actes 28.1-3), et les habitants les y reçurent avec beaucoup d’humanité.
Comme ils étaient tout mouillés et refroidis, on alluma un grand feu ; et Paul ayant ramassé quantité de sarments, et les ayant mis au feu, une vipère que la chaleur en fit sortir, le prit à la main. Alors les barbares s’entre-dirent : Cet homme est sans doute quelque meurtrier, puisqu’après avoir éte sauvé de la mer, la vengeance divine le poursuit encore, et ne veut pas le laisser vivre. Mais Paul ayant secoué la vipère dans le feu, n’en reçut aucun mal. Alors les barbares le prirent pour un dieu ; et leur estime augmenta encore de beaucoup, lorsqu’il eut guéri d’une dyssenterie le père de Publius qui était le premier de cette île. Après ce miracle, tous ceux qui avaient des malades les lui amenèrent, et ils furent guéris. On assure que depuis ce temps on ne voit plus de bête venimeuse dans l’ïle de Malte. Voyez Malte.
Au bout de trois mois, ils se rembarquèrent et arrivèrent premièrement à Syracuse, puis à Rhéges, et enfin à Pouzzoles. Saint Paul y trouva des chrétiens, qui l’y retinrent pendant sept jours. Ensuite on prit le chemin de Rome. Les frères qui étaient dans cette ville, informés de l’arrivée de Paul, vinrent au-devant de lui jusqu’au marché d’Appius et aux Trois-Loges. [Voyez Appius]. Et lorsqu’il fut arrivé à Rome, on lui permit de demeurer où il voudrait avec le soldat qui le gardait et qui était attaché à la même chaîne avec lui. Trois jours après, saint Paul pria les principaux des Juifs de le venir trouver. Il leur raconta de quelle manière il avait été arrêté au temple de Jérusalem, et les raisons qui l’avaient obligé d’appeler à César. Les Juifs lui répondirent qu’ils n’avaient encore reçu aucune nouvelle de cette affaire, et qu’à l’égard du christianisme, ils n’en savaient rien autre chose sinon qu’on le combattait partout, et qu’ils seraient bien aises d’apprendre de lui-même de quoi il s’agissait. On prit donc jour pour cela ; et saint Paul leur prêcha le royaume de Dieu, et essaya de les convaincre par Moïse et par les prophètes, que Jésus était le Messie. Les uns crurent ce qu’il dit, et les autres ne le crurent pas ; et ils se retirèrent ainsi divisés entre eux, Paul demeura deux ans entiers à Rome, dans un logis qu’il avait loué, où il recevait tous ceux qui le venaient voir, prêchant le royaume de Dieu et la religion de Jésus-Christ, sans que personne l’en empêchât.
Jusqu’ici nous avons tiré l’histoire de saint Paul des Actes des apôtres. Ce que nous en dirons ci-après est tiré de ses Épîtres. Sa captivité servit beaucoup à l’avancement de la religion, et il convertit même plusieurs personnes jusque dans la cour de l’empereur (Philippiens 1.12-14, Philippiens 1.18 ; Philippiens 4.22). On dit que pendant son séjour à home il eut grande liaison par lettres avec Sénèque : mais les lettres que l’on en montre aujourd’hui sont rejetées de tout le monde quoique saint Augustin et saint Jérôme paraissent les avoir crues véritables, et que saint Jérôme ait même rangé pour cette raison Sénèque parmi les écrivains ecclésiastiques. L’Église n’a jamais reconnu celles qu’on attribue à saint Paul, comme écrites à Sénèque ; et celles qu’on voit sous le nom de Sénèque sont indignes de ce grand homme. Ces lettres n’ont le style ni de l’un ni de l’autre ; et sans parler des faussetés que Baronius y a remarquées, Lipse soutient que les unes et les autres sont de la main et du style d’un même imposteur.
Les chrétiens de Philippes en Macédoine ayant su que saint Paul était prisonnier à Rome, lui envoyèrent Epaphrodite, leur évêque, pour lui porter de l’argent et pour l’assister de sa personne en leur nom (Philippiens 2.25 ; Philippiens 4.18). Epaphrodite tomba malade à Rome, et lorsqu’il s’en retourna en Macédoine, l’Apôtre le chargea d’une lettre pour les Philippiens dans laquelle il leur rend grâces des secours qu’ils lui ont envoyés, leur parle du fruit de ses liens, les exhorte à vivre comme des enfants de lumière au milieu des païens qui les environnaient. Il les fortifie contre les faux docteurs du judaïsme. Il les conjura de vivre entre eux dans une parfaite union et dans une sincère humilité. Il témoigne espérer qu’il ira bientôt les voir ; car quoiqu’il souhaitât de mourir, il voyait bien toutefois que Dieu lui conserverait encore la vie.
Onésime, esclave de Philémon, s’étant enfui de la maison de son maître, qui demeurait à Colosses en Phrygie, vint aussi trouver saint Paul à nonne, et lui rendit toutes sortes de services. Saint Paul le convertit et le renvoya avec une lettre à Philémon. Voyez les articles Onésimé et Philémon. Il le chargea aussi d’une autre lettre pour les fidèles de la ville de Colosses. Saint Paul n’avait pas prêché dans cette ville, et n’était pas connu de visage par les fidèles de Colosses ; mais il avait appris d’Epaphras, qui était alors prisonnier à Rome avec lui, et qui avait été leur apôtre, de quelle manière ils avaient reçu la parole de vérité ; et en même temps comment l’ennemi y avait semé l’ivraie parmi le bon grain : car quelques faux apôtres leur voulaient persuader que nous ne devons pas nous approcherde Dieu par Jésus-Christ parce qu’il est trop élevé au-dessus de nous ; mais par les anges, qui sont, disaient-ils, nos médiateurs. Saint Paul leur écrivit donc pour les détromper. Il relève la grandeur de Jésus-Christ, et sa qualité de médiateur. Il les précautionne contre les faux docteurs, et leur donne d’excellentes règles de vie. Il leur recommande de faire lire sa lettre dans l’Église de Laodicée, et de lire dans leur Église celle que les Laodicéens lui avaient écrite. Quelques-uns ont cru que saint Paul avait aussi écrit aux Laodicéens. Voyez l’article Laodicée ou Laodicéens.
On ignore de quelle manière saint Paul fut délivré de prison et déchargé de l’accusation que les Juifs avaient formée contre lui. Il y a beaucoup d’apparence qu’ils n’osèrent le poursuivre devant l’empereur, n’ayant point de preuves de ce qu’ils avançaient contre lui. Ce qui est certain, c’est qu’il fut mis en liberté l’an 63 de Jésus-Christ, après avoir été deux ans à Rome. Il était encore dans cette ville, ou du moins en Italie, lorsqu’il écrivit son Épître aux Hébreux. Il l’adressa aux fidèles de la Palestine, pour les affermir contre les maux qu’ils souffraient de la part des Juifs incrédules. Son but principal dans cette Filtre est de montrer que la vraie justice ne vient pas de l’observation de la loi, mais de la foi et de la grâce de Jésus-Christ ; et que l’ancien sacerdoce et les cérémonies légales sont abrogés par le sacerdoce de Jésus-Christ et par là religion chrétienne.
On forme sur cette Épître un grand nombre de difficultés. On l’a attribuée à saint Clément, pape, à saint Luc, à saint Marc, à saint Barnabé, à Apollon, à un Paul différent de l’apôtre ; enfin on l’a donnée plus communément à l’Apôtre des gentils. On a disputé sur la langue dans laquelle elle a été écrite, si c’est en grec ou en hébreu. Quelques-uns ont cru qu’ayant d’abord été écrite en hébreu par saint Paul, elle fut ensuite traduite en grec par saint Clément ou par quelque autre. D’autres ont soutenu que l’original de l’Épître aux Hébreux était le syriaque, que nous avons encore aujourd’hui. On convient assez qu’elle a été écrite avant la ruine du temple de Jérusalem : mais on ne convient pas de l’année, ni même du lieu où elle a été écrite. Il y parle des frères d’Italie (Hébreux 14.24) : mais on ignore s’il la composa étant encore à Borne dans les liens, ou si ce fut après qu’il fut mis en liberté et dans quelque ville d’Italie. Enfin on a été longtemps en dispute sur l’authenticité de cette Épître. Les ariens soutenaient qu’elle n’était pas de saint Paul. Les marcionites disaient qu’elle était corrompue. Les Grecs l’ont reçue depuis très-longtemps pour canonique, mais les Latins ont balancé pendant quelques siècles. Ce n’est point ici le lieu de traiter à fond tous ces points. On peut consulter les commentateurs sut cette Épître, et notre préface sur la même Épître.
Saint Paul étant sorti de prison, parcourut l’Italie, alla, selon plusieurs Pères, en Espagne, passa en Judée (Hébreux 13.24), alla à Éphèse, et y laissa saint Timothée (1 Timothée 1.3), prêcha en Crète et y établit saint Tite (Tite 1.5), pour avoir soin de cultiver l’Église qu’il y avait plantée. Il visita aussi apparemment les Philippiens, à qui il avait promis de les aller voir (Philippiens 2.24 ; 1.25-26) ; et on croit que c’est de la Macédoine qu’il écrivit sa première Épître à Timothée, dans laquelle il lui marque quels sont les devoirs des évêques, et lui donne des avis pour sa conduite particulière. Il lui recommande de s’appliquer à la lecture et de boire un peu de vin, à cause de la faiblesse de son estomac. Il lui mande qu’il a excommunié Hyménée et Alexandre, dont le premier disait que la résurrection des morts était déjà faite.
Quelque temps après, il écrivit à Tite, qu’il avait laissé en Crète. Il lui mande de le venir trouver à Nicopole, d’où apparemment il lui envoya cette lettre. Il lui explique les devoirs d’un évêque, et les qualités qu’il doit avoir pour bien remplir ce que Dieu demande de lui. Il lui dit de reprendre avec force ceux qui étaient durs et obstinés, et lui donne diverses instructions pour conduire des personnes de toute condition. L’année suivante il alla en Asie, et vint à Troade (2 Timothée 4.13), où il laissa un habit et quelques livres chez un nommé Carpe qui était son hôte. De là il visita saint Tirtiothée à Éphèse (2 Timothée 1.4) ; puis il vint à Milet, où il laissa Trophine malade (2 Timothée 4.20). Enfin il se transporta à Rome, où les Pères croient que Dieu lui avait révélé qu’il souffrirait le martyre. Il y arriva l’an 65 de Jésus-Christ.
Saint Chrysostome dit qu’on racontait que saint Paul étant allé saluer un échanson et une concubine de Néron, pour les attirer à la foi, il convertit en effet la concubine ; de sorte que Néron, qui était passionné pour elle, fil arrêter saint Paul et le fit mettre en prison. L’Apôtre nous apprend dans sa seconde Épître à Timothée (2 Timothée 4.16), que dans sa première comparution, fut abandonné de tout le monde. Il fut assisté dans sa prison par Onésiphore qui le trouva après l’avoir beaucoup cherché (2 Timothée 1.16). Ce fut dans sa dernière prison qu’il écrivit sa seconde Épître à Timothée, que saint Chrysostome regarde comme le testament de l’Apôtre. Il y prie Timothée de le venir trouver avant l’hiver. Il l’exhorte à remplir tous les devoirs d’un évêque, et à n’oublier jamais les instructions qu’il avait reçues de lui.
Il lui dit qu’il avait envoyé Tychique à Éphèse (2 Timothée 4.12) ; ce qui fait conjecturer qu’il l’y avait envoyé pour porter la lettre qu’il écrivait aux Éphésiens et aux autres Églises d’Asie. Son but dans cette Épître est de les instruire des principaux mystères de la foi, de la rédemption et de la justification par la mort de Jésus-Christ, de la prédestination gratuite, de la vocation des gentils, de la réunion des deux peuples en un seul corps, dont Jésus-Christ est le chef, et de l’élévation de ce divin chef au-dessus de toutes les créatures spirituelles et corporelles. Cette Épître est peut-être la plus sublime et la plus difficile de toutes celles de S. Paul.
Ce grand apôtre consomma enfin son martyre le vingt-neuvième jour de juin de l’an 66 de Jésus-Christ. Il eut la tête tranchée au lieu nommé les Eaux-Salviennes. Quelques-uns ont dit que sa tête avait jeté du lait au lieu de sang, et que ce miracle avait converti l’exécuteur et deux autres, qui furent martyrisés ou avec lui, ou quelques jours après lui ; savoir, le 2 de juillet : mais ces particularités ne sont nullement autorisées dans l’antiquité. Il fut enterré sur le chemin d’Ostie, et on bâtit sur son tombeau une église magnifique, qui subsiste encore aujourd’hui. Ses chaînes se conservaient à Rome, et y faisaient beaucoup de miracles.
Outre les quatorze Épîtres de saint Paul, dont nous avons parlé dans la suite de son histoire, saint Clément d’Alexandrie cite de lui quelques discours, que nous n’avons plus. Nous avons vu ci-devant qu’on lui attribuait aussi des lettres à Sénèque. On voit une fausse Épître aux Laodicéens, qui porte son nom dans divers manuscrits. On a prétendu qu’il avait aussi écrit une troisième Épître aux Thessaloniciens, une troisième aux Corinthiens, et une seconde aux Éphésiens. On lui attribue une Apocalypse et un Évangile condamnés dans le concile de Rome sous Gélase. Les simoniens avaient composé sous son nom un livre intitulé : la Prédication de saint Paul ; et un prêtre d’Asie composa des Voyages de saint Paul et de sainte Thècle : mais ayant été convaincu d’imposture, il fut déposé du sacerdoce par l’apôtre saint Jean [Voyez Ananie. Apôtres, Damas, Espagne, Gaules, Pierre (Saint)].