Nous avons, parlé, autant que l’occasion s’en est présentée, des diverses pierres précieuses dont il est fait mention dans l’Écriture. Tout ce que l’on trouve sur cette matière dans les commentateurs est très-peu assuré, parce que ni les Juifs, ni même les anciens interprètes grecs ne paraissent pas avoir assez connu la propre signification des’termes de l’original. Louis de Dieu en a traité exactement dans son Commentaire sur l’Exode, chapitre 28.17 et suivants ; et Braunius, De Vestitu Sacerdoturn Hebrœorum, livre 2 chapitres 8, 9, 10 et suivants Voyez aussi François de la Rue, De Gemmis.
Voici les noms des pierres précieuses dont il-est parlé dans l’Exode (Exode 28.17, 18, 19, 20), et qui étaient dans le Rational du grand’prêtre. On pourra les chercher chacune sous son article particulier.
1. La Sardoine. L’Hébreu, Odem. Elle était inscrite du nom de Ruben.
2. La Topase. L’Hébreu, Pithera. La nom de Siméon y était gravé.
3. L’Emeraude. L’Hebreu, Barecheth. La tribu de Lévi.
4. L’escarboucle. L’Hébreu, Nophech. La tribu de Juda.
5. Le Saphir. L’Hébreu, Sapphir. La tribu de Dan.
6. Le jaspe. L’Hébreu, Jahalom. La tribu de Nephtali.
7. Le ligure. L’Hébreu, Leschem. La tribu de Gad.
8. L’agathe. L’Hébreu, Schebo. La tribu d’Aser.
9. L’améthyste. L’Hébreu, Achelamah. La tribu d’Issachar.
10. La chrysolithe. L’Hébreu, Tharsis. La tribu de Zabulon.
11. L’onyx. L’Hébreu, Sehohem. Le nom de Joseph.
12. Et le bérille. L’Hébreu, Jaspé. Le nom de Benjamin.
Sur les deux épaules du grand prêtre, étaient deux pierres nommées dans l’Hébreu Sohem ;. dans la Vulgate, Onyx ; dans les Septante, des émeraudes (Exode 28.9). Nous croyons que c’est la vraie signification du terme hébreu Sohem.
Saint Jean dans l’Apocalypse (Apocalypse 21.19-21) nous parle de la nouvelle Jérusalem épouse de l’Agneau, dont les fondements étaient de pierres précieuses. Le premier fondement était de jaspe ; le second de saphir ; le troisième, de calcédoine ; le quatrième, d’émeraude ; le cinquième de sardonix ; le sixième, de sardoine ; le septième de chrysolithe ; le huitième, de bérille ; le neuvième de topaze ; le dixième de chrysoprase ; le onzième d’hyacinthe ; le douzième, d’améthyste.
On peut ajouter à ces pierres précieuses la pierre de sis, sés, ou saïs, marquée (1 Chroniques 29.2 ; Esther 1.6), que l’on traduit ordinairement par un marbre blanc et précieux. Voyez ci-devant Parius Lapis.
La Pierre Gazith (1 Chroniques 22.2). Mais je crois que c’est un simple marbre que l’on polissait, ou que l’on sciait.
La Pierre de Phuc. Voyez (1 Chroniques 29.2 ; Isaïe 54.11). Phuc en hébreu signifie de l’antimoine, ou du fard. On voit par Isaïe, que la pierre de phuc s’employait dans les pavés. La pierre de stibium ou d’antimoine est un minéral de couleur noire, qui est rempli de veines luisantes comme un fer poli, et qui tient de la nature du métal et de la pierre.
Il est aussi parlé dans l’Écriture de pierres ou rochers remarquables par quelques événements particuliers. Par exemple :
La Pierre du Désert. C’est la ville de Pétra. Voyez son article.
La Pierre de division. C’est le rocher où David et ses gens étant assiégés par Saül, on vint dire à ce prince que les Philistins avaient fait irruption dans le pays, ce qui l’obligea d’abandonner son entreprise (1 Samuel 23.28).
La Pierre d’Éthan, rocher dans lequel Samson demeura caché, pendant qu’il faisait la guerre aux Philistins (Juges 15.8).
La Pierre ou le rocher D’Oreb, où Gédéon fit mourir Oreb, prince de Madian (Juges 7.25).
La Pierre d’Agriculture, rocher où il y avait une caverne, dans laquelle David se retira (1 Chroniques 11.15).
La Pierre d’Ezel, ou le rocher près duquel David devait attendre la réponse de son ami Jonathas (1 Samuel 20.19).
La Pierre du secours ; c’est le lieu où les Philistins prirent l’arche du Seigneur (1 Samuel 5.1). [Voyez Aben-Eser]
La Pierre agnulaire. C’est celle que l’on met à l’angle du bâtiment, soit qu’on l’explique de celle qui se met au fondement de l’édifice, ou de celle qui se met au haut du mur. Jésus-Christ est la pierre angulaire qui a été rejetée par les Juifs (Psaumes 117.21), mais qui est devenue la pierre angulaire de l’Église (Actes 4.11 Isaïe 28.16 Éphésiens 2.20 1pi 2.6), et la pierre qui réunit la synagogue et la gentilité dans l’union d’une même foi, d’un même baptême, d’une même Église.
La Pierre de Zohaleth (1 Rois 1.9) était, disent les rabbins, une pierre qui servait aux exercices des jeunes gens, qui éprouvaient leurs forces à la lever, à la rouler, ou à la jeter ; car on ne convient pas tout à fait de son usage. Voyez aussi (Zacharie 12.3), une pierre d’épreuve.
La Pierre de Bohen, ou Aben-Bohen, est marquée (Josué 15.6 ; 18.17).
Les Hébreux donnent quelquefois le nom de pierre ou de rocher aux rois, aux princes, à Dieu même. Joseph dans l’Égypte devint la pierre d’Israël (Genèse 4ç :24).
Ils donnent le même nom de pierre aux poids dont ils se servaient dans le commerce : Ayez des pierres de justice (Lévitique 19.36), des poids justes. N’ayez pas deux sortes de pierres ; une grande et une petite (Deutéronome 25.13) ; c’est-à-dire, deux sortes de poids. La pierre du roi, c’est-à-dire, le poids du roi (2 Samuel 14.26). Voyez aussi (Proverbes 16.11 ; 20.10-23, Michée 6.11), une pierre de fraude, c’est-à-dire, un poids faux.
Ils appellent une grosse grêle (Josué 10.11), des pierres de grêle. Voyez (Isaïe 30.30).
Pierre de Jacob. C’est la pierre qui lui servit de chevet allant en Mésopotamie (Genèse 26.18), et sur laquelle il répandit de l’huile, par une espèce de consécration, parce qu’il devait y ériger un autel au Seigneur après son retour. En effet il vint y rendre ses vœux, et offrir ses sacrifices, lorsqu’il fut de retour de ce pays (Genèse 35.14). C’est de cette pierre, que Jacob oignit, que les païens prirent la coutume de l’épandre de l’huile sur certaines pierres qu’ils adoraient. Saint Clément d’Alexandrie assure qu’ils rendaient un culte religieux à ces sortes de pierres. Arnobe avoue qu’il était tombé lui-même dans ce genre d’idolâtrie avant qu’il eût embrassé le christianisme.
Les anciens Phéniciens appelaient Béthuides les pierres qui étaient consacrées au culte divin. Sanchoniathon en attribue l’invention au Dieu Ccelus ; il dit que ce sont des pierres vives et animées ; on en vit fort longtemps aux environs du mont Liban. Asclépiade en marque près d’Héliopolis en Syrie, et Damascius dit qu’il en a vu en l’air et en mouvement. On leur attribuait des oracles et la présence de quelque déité, ou de quelque génie qui les animait. Quelques-uns de ces Béthules étaient consacrés à Saturne, d’autres au soleil, ou à d’autres divinités. Hésychius dit que les poetes appellent Bahules la pierre que Saturne dévora en la place de son fils Jupiter. Je ne doute pas que ce nom de Béthules et Béthulées ne soit dérivé de Béthel, où Jacob oignit une pierre en l’honneur du vrai Dieu.
Donc pas étonnant qu’on en fit du cas, et qu’on les mit au rang des pierres précieuses.
On attribue encore aujourd’hui à ces pierres de foudre des effets extraordinaires. Pline (h) dit que les mages des Perses recherchaient avec grand soin une sorte de pierre de foudre qui était fort rare, et dont ils se servaient dans leurs opérations ; c’est, dit-il,
Les Mahométans (a) croient que la pierre de Jacob fut transportée dans le temple de Salomon, et qu’on la conserve encore à présent dans la mosquée qu’ils ont à Jérusalem, à l’endroit où l’on croit qu’était autrefois le temple de Jérusalem. Ils appellent cette pierre alsakra, ou la pierre de l’onction. Le cadi Gémaleddiu, fils de Vassel, écrit que passant à Jérusalem pour aller en Égypte, il vit des prêtres chrétiens qui portaient des fioles de verre pleines de vin, dessus la sakra, près de laquelle les Musulmans avaient bâti leur temple, qu’ils appellent pour cette raison, le temple de la pierre. Ce vin que les prêtres chrétiens portaient sur cette pierre, était sans doute destiné pour y célébrer le saint sacrifice de la messe.
Pierre de foudre. Nous croyons que la pierre gabisch, ou ulgabisch, dont il est parlé dans Job (b), et dans Ézéchiel (c), est la pierre de foudre.Les anciens connaissaient les pierres céraunies, ou de foudre, et en font grand cas. Job met la pierre de gabisch entre les pierres de prix ; et Ézéchiel dit quo le Seigneur accablera les méchants par une pluie impétueuse, qu’il les écrasera par la pierre do gabisch. De la manière dont Pline en parle (d), c’étaient des pierres noires, ou rouges, ayant la forme d’une cognée. Anselme de Boot (e) dit qu’on en montre dans les cabinets des curieux, qui ont la forme d’une hache, d’un sac de charrue, d’un marteau, d’un maillet, ou d’un coin ; que leur substance est pareille à celle de nos pierres à fusil ; que leur couleur n’est pas uniforme ; qu’elles sont percées pour la plupart, et semblent avoir servi à divers usages de la guerre, ou de la vie champêtre.
Ces remarques nous font croire que ces prétendues pierres de foudre ne sont autre chose que des pierres dont les anciens se servaientau lieu de fer, ou d’acier, pour labourer, pour s’armer, pour attaquer, et pour se défendre ; on voit des haches, des couteaux, des socs de charrues de ces sertes de pierres. Les anciens Hébreux se servaient des couteaux de pierre pour la circoncision. Les Galles, prêtres d’Isis, s’en servaient de même pour se couper. Hérodote (f) dit que les Éthiopiens armaient leurs flèches par le bout d’une pierre fort dure. Les haches de pierre qu’on trouva sous la tête de quelques barbares (g) enterrés depuis plusieurs siècles dans un village près d’Evreux, étaient de pierre ; et il y en avait d’une très-belle jade. Il n’estcelle qui tombe avec la foudre. Lotacus en parle de deux autres espèces, à l’une desquelles on attribuait la vertu de prendre des villes, et à l’autre de, battre les armées navales. Ces pierres se trouvent aujourd’hui assez communément dans la Picardie, dans la Germanie et dans le pays des Morins.
Mais les vraies pierres de foudre sont différentes de tout cela. On prétend qu’elles se forment dans la nuée, d’une matière sulfureuse et nitreuse, qui, après avoir acquis une certaine consistance par l’agitation de la nuée, prend feu, et en sort avec impétuosité. Plutarque (i) parle au long d’une pierre de foudre qui tomba autrefois dans la Thrace. Le philosophe Anaxagore avait prédit la chute de cette pierre, prétendant qu’elle s’était détachée du corps du soleil (j). On la vit pendant soixante et quinze jours dans les airs, agitée tantôt d’un côté, tantôt d’un autre, et il s’en détacha de temps en, temps plusieurs morceaux enflammés, qui parurent comme ces étoiles qui semblent tomber du ciel. La pierre tomba enfin, et se trouva tout éteinte et beaucoup diminuée de la grandeur qu’elle avait paru avoir dans les airs. Pline (k) dit qu’on la conservait encore de son temps, qu’elle était de la grandeur d’un chariot, et d’une couleur sombre et aduste ; Qui lapis etiam nunc ostenditur, mag ni tudine vehis, colore adusto.
Celle qu’on voit dans l’Église paroissialed’Ensisheien en Alsace, tomba du ciel en 14,92 ; elle est noirâtre, presque ronde, raboteuse, et pèse, dit-on, environ 300 livres. Celle dont parle M. Gassendi (t), et qui tomba le 29 novembre 1637, était de la grosseur do la tête d’un homme, du poids de 51i livres, d’une couleur noirâtre, et extrêmement dure : on la conserve à Aix, en Provence. Le comte Marcellin, dans sa chronique sous l’an 452, parle de trois grosses pierres qui tombèrent du ciel dans la Thrace. Cardan (m), raconte qu’en 1510, il tomba dans la campagne voisine d’Abdua, jusqu’à douze cents pierres d’une couleur de fer, d’une odeur de soufre et d’une dureté extraordinaire
Il y en a qui prétendent que ces pierres ne se forment pas dans l’air, mais qu’elles sont détachées de quelques rochers fort élevés ; que le soufre et le nitre, dont elles sont enveloppés, font qu’elles s’enflamment aisément, que la flamme contribue à les soutenir quelque temps en l’air ; que la matière combustible qui les environne, étant épuisée, elles se précipitent, et sont prises pour des pierres de foudre. Diodore de Sicile raconte que les Perses voulant aller piller le temple de Delphes, furent repoussés et mis en déroute par la foudre, la tempête, et de gros quartiers de rochers qui furent arrachés par la force des vents et de l’orage. Les voyageurs assurent que la même chose arrive assez souvent en Amérique dans certains endroits où les ouragans sont communs. Il est assez croyable que ce qu’on appelle pierres de foudre, et que ce que Job et Ézéchiel ont nommé gabisch, ne sont autre chose que de ces pierres détachées des montagnes, ou de ces armes de pierre, à qui dès-lors on donnait le nom de pierre de foudre.
Pluie de Pierres. Josué parle d’une pluie de pierres qui tomba sur les chananéens. Voici son texte (Josué 10.11) : Dieu fit pleuvoir sur eux de grosses pierres jusqu’à Azéca, de sorte qu’il en mourut un plus grand nombre par cette grêle de pierres, que par l’épée des Israélites. On est partagé sur cette grêle de pierres. Les uns prétendent qu’il ne s’agit que d’une grêle ordinaire, mais plus violente que celles que nous avons accoutumé de voir. D’autres soutiennent que Josué doit s’entendre à la lettre d’une grêle de pierres. Le texte paraît formel pour ce sentiment, et la chose n’est nullement impossible. On a plusieurs exemples de pluies de pierres, et quand on manquerait d’exemples dans une chose de cette nature, il nous suffit que l’Écriture en parle comme d’un événement surnaturel et miraculeux pour lever tous nos doutes sur cela. On ne doit recourir au sens figuré et métaphorique que quand les choses qui sont racontées dans l’Écriture, enferment quelque contradiction, quelque opposition à l’idée de Dieu, ou quelques contrariétés réelles aux lois de la nature ; en un mot, quand il n’y a pas de vraie nécessité de recourir à la figure, il faut s’en tenir à la lettre.
Toutes les fois que l’Écriture nous parle de ces événements, elle en parle comme d’un prodige. Or, certainement une grêle ordinaire n’est nullement miraculeuse. Les meilleurs commentateurs de Josué, comme Masius, Bonfrérius, Grotius, l’expliquent à la lettre d’une grêle de pierres. Moïse, dans le Deutéronome (Deutéronome 28.24), parle d’une pluie de poussière et de sable, dont il menace son peuple. Les Romains, qui regardaient les pluies de pierres comme des événements funestes, en ont conservé dans leurs annales un grand nombre d’exemples. Sous le règne de Tullus Hostilius, on annonça au peuple romain qu’il était tombé une pluie de pierres sur la montagne d’Albe ; la chose parut d’abord incroyable : on envoya du monde pour s’assurer du prodige, et on trouva que les pierres étaient tombées de la même sorte que la grêle poussée par les vents. Dans la suite le même prodige arriva souvent. Quelque temps après la bataille de Cannes, on vit sur la même montagne d’Albe, une pluie de pierres durer deux jours de suites En 1538 on vit près du village nommé Tripergola, en Italie, après plusieurs secousses de la terre, un pluie de pierres et de poussière, qui obscurcit l’air pendant deux jours, après quoi on remarqua une montagne qui s’était élevée au milieu du lac Lucrin.
Si donc les pluies de pierres n’ont rien de contraire aux lois de la nature, il n’y a aucune bonne raison qui nous oblige a abandonner le sens de la lettre en cet endroit, pour recourir à l’allégorie. Ce n’est pas à dire qu’il n’y ait point ici de miracle, comme il n’y en a point dans les pluies de pierres dont parle Tite-Live ; mais le miracle consiste bien moins dans la chose même que dans les circonstances du temps et dans ce que cette grêle de pierres tomba à point nommé sur les chananéens, sans endommager les Hébreux. On peut voir sur ce sujet notre dissertation imprimée à la tête de Josué, et les commentateurs sur le même livre.
Pierre de scandale, est celle qui se rencontre sur notre chemin et nous fait trébucher et tomber (Isaïe 8.14). Saint Pierre et saint Paul (Romains 9.33-1 Pierre 2.8) ont dit que Jésus-Christ a été la pierre de scandale et d’achoppement aux Juifs qui n’ont point cru en lui.
Dans l’Écriture Dieu est souvent qualifié du nom de pierre, ou de rocher. Le Seigneur est mon rocher et ma forteresse et vous êtes, ma pierre et mon fort (Psaumes 17.1-2 ; 30.4 2 Samuel 22.2). Et ailleurs : J’ai dit à ma pierre : Pourquoi m’avez-vous oublié ? Et encore : Soyez ma pierre et ma forteresse. La Vulgate traduit souvent le nom de pierre par refugium, fortitudo, etc.
Moïse dit que Dieu donnera aux Hébreux un pays dont les pierres et les rochers leur fourniront abondance de miel et d’huile (Deutéronome 32.13). Et le Psalmiste (Psaumes 80.17), parlant du miracle par lequel Moïse tira l’eau du rocher, dit qu’il les a rassasiés du miel qui sortait de la pierre. Dans la Palestine les abeilles font souvent leur miel dans les trous des rochers. C’est à quoi l’Écriture fait allusion en cet endroit. Job dit dans le même sens (Job 29.6), qu’au temps de sa prospérité la pierre lui fournissait des ruisseaux d’huile, parce que les oliviers viennent sur les montagnes.
Plusieurs peuples voisins de la Palestine avaient leur demeure dans les antres, dans les rochers et dans les pierres creusées dans les montagnes. Les peuples qui demeuraient sur le golfe Persique étaient logés de cette sorte ; c’est pour cela qu’on les appelait Troglodites, qui, en grec, signifie ceux qui demeurent dans des creux de montagnes. Ceux qui demeuraient dans le désert aux environs de Thécué, logeaient dans des grottes pratiquées sous terre, dit saint Jérôme. Les Iduméens avaient pour l’ordinaire leurs habitations dans les fentes des rochers (Jérémie 48.16 Abdias 1.3). Les Cinéens, dont la demeure était au midi de la mer Morte, étaient logés de même (Nombres 24.21). Les Moabites avaient aussi de pareilles retraites, au moins dans les temps de trouble (Jérémie 48.28) : Relinquite civitates, et habitate in petra, habitatores Moab.
Dans Isaïe (Isaïe 51.1) Dieu dit aux Jufs : Jetez les yeux sur la pierre, sur la carrière d’où vous avez été tirés. C’est-à-dire, à Abraham et aux autres patriarches d’où vous êtes sortis. Et saint Jean-Baptiste dans l’Évangile (Matthieu 3.7) disait aux Pharisiens : Ne vous flattez point de ce que vous avez pour père Abraham ; car Dieu peut susciter des enfants à ce patriarche de ces Pierres que vous voyez. Il peut convertir les cœurs les plus endurcis, et appeler à lui ceux qui en sont les plus éloignés. On croit qu’en disant cela le précurseur montrait de la main les pierres du désert, et qu’il entendait sous ce nom les peuples infidèles et les gentils.
Les couteaux de Pierre que l’on employait pour la circoncision parmi les Juifs n’étaient pas commandés par la lui ; mais l’usage qu’on en faisait était fondé, ou sur la coutume ou sur l’expérience qu’on avait que ces sortes d’instruments étaient moins dangereux que ceux de métal. Séphora se servit d’une pierre pour circoncire ses fils (Exode 4.25). Josué en usa de même (Josué 5.2) ; lorsqu’il fit circoncire à Galgal les Israélites qui n’avaient pas reçu la circoncision durant le voyage du désert. Cette expression de l’Écriture insinue que les couteaux n’étaient pas d’un usage ordinaire. Les Égyptiens usaient de ces couteaux de pierre pour ouvrir les corps qu’ils voulaient embaumer. Pline assure que les prêtres de la Mère des dieux se servaient de pierres tranchantes pour se mutiler, et ne croyaient pas pouvoir sans danger user d’autre chose. Catulle remarque qu’Athys se fit eunuque de la même manière.
On se servait de couteaux de pierre pour faire des incisions dans l’arbre d’où découlait le baume ; on s’en servait anciennement au lieu de canifs pour tailler les cannes à écrire. Scaliger dit qu’il a vu à Lyon deux de ces couteaux de pierre. Nous avons parlé ci-devant des haches d’armes et d’autres instruments de pierre. Les Africains de Maroc et quelques Américains s’en servent communément encore aujourd’hui pour faire des couteaux, des lancettes et des rasoirs. Les Juifs orientaux employaient d’ordinaire pour la circoncision de leurs enfants des couteaux d’une pierre semblable à la pierre à fusil ; mais les Juifs d’Occident se servent d’un rasoir.
Pierres élevées, monumentales, superstitieuses. Moïse défend aux Hébreux d’ériger dans leurs pays de pierre élevée et remarquable. On peut traduire l’Hébreu (Lévitique 26.1) par une pierre de vue qu’on voit de loin, qui est posée sur une hauteur ou sur un grand chemin. Strabon parle de ces pierres qui se voyaient en Égypte sur les chemins. Elles sont élevées, polies, rondes et presque de figure sphérique, composées d’une sorte de pierre noire et dure dont on fait en ce paysld des mortiers. Ces pierres ou colonnes sont posées sur une plus grosse pierre, qui leur sert comme de base, et quelquefois elles sont surmontées d’une pierre plus petite, qui leur sert comme de couronnement. Quelques-unes sont seules et séparées ; les plus grosses ont presque douze pieds de diamètre, et pour l’ordinaire elles ont plus de moitié de cette grosseur, dit Strabon : on voyait aussi plusieurs pierres insignes élevées sur le Liban, comme le témoigne Je même auteur. Les Syriens et les Égyptiens avaient pour ces pierres un respect qui allait jusqu’à l’adoration. On les oignait d’huile, comme on le voit par Apulée, on les baisait, on les saluait. Il y a apparence que c’est cela que Moïse voulait défendre aux Hébreux.
Salomon, dans ses Proverbes, dit (Proverbes 26.8), que celui qui accorde des honneurs à un insensé, fait comme celui qui jette une pierre sur les monceaux élevés en l’honneur de Mercure. On élevait d’ordinaire des statues de Mercure dans les carrefours, et on jetait aux pieds de ces statues des amas de pierres par des vues superstitieuses ; à-peu-près comme en ce pays les personnes jettent des pierres au pied de certaines croix plantées sur les grands chemins. Ils prétendent qu’autant de pierres qu’on jette ainsi sont comme un monument de la salutation qu’on lui a donnée. Il est certain que les païens avaient coutume de faire des tas de pierre au pied de la statue de Mercure, et en son honneur (Scalig. 1. V) et on ne peut guère douter que l’auteur de la Vulgate n’ait eu en vue cette pratique dans le passage des Proverbes.
Mais le texte hébreu (Proverbes 26.8) porte : de même qu’une petite pierre (à la lettre, un morceau, un éclat de pierre) jeté sur un tas de pierres ; ainsi l’honneur donné à un insensé. Cette petite pierre n’augmente pas le monceau, et n’y paraît point ; ainsi l’honneur qu’on fait à un insensé ne le rend ni plus grand, ni plus digne de considération. D’autres traduisent : Lier une pierre dans une pièce de pourpre, c’est donner des honneurs à un insensé. Comme rien n’est plus mal placé qu’une pierre dans une étoffe précieuse, aussi rien n’est plus mal appliqué que des honneurs à un Insensé. Enfin on peut encore traduire l’Hébreu de cette sorte : Donner des honneurs à un insensé, c’est mettre un faisceau d’argent éprouvé par la pierre de touche dans une fronde. Les Septante : Celui qui donne de la gloire à un insensé, est comme celui qui lie une pierre à une fronde. C’est perdre sa peine. De quoi sert une pierre attachée à une fronde ?
Monceaux de Pierres, Pierres monumentales. Voyez monceau. Les grands monceaux de pierres qu’on élevait en témoignage, pour conserver la mémoire des choses importantes, et des événements extraordinaires, sont ce qu’il y a de plus ancien parmi les Hébreux en fait de monuments. Dans ces anciens temps où l’on n’écrivait point, ces monuments tenaient lieu d’inscriptions, de pyramides, de médailles, d’histoires. Jacob et Laban érigèrent un semblable monument sur le mont de Galaad, en mémoire de leur alliance (Genèse 31.46). Josué (Josué 4.5-7) en érigea un à Galgal, composé de pierres qu’on avait tirées du lit du Jourdain, pour conserver le souvenir du passage miraculeux de ce fleuve. Les Israélites (Josué 2210) qui demeuraient au delà du Jourdain, en érigèrent de même sur le bord de ce fleuve, pour montrer qu’ils ne faisaient qu’un même peuple avec leurs frères de deçà le fleuve.
Quelquefois on amassait de ces tas de pierres sur les tombeaux des personnes odieuses, comme on le pratiqua à l’égard d’Achan (Josué 7.26) et d’Absalom (2 Samuel 18.17).
Il est souvent parlé de pierres dont on accablait ceux qu’on lapidait. Voyez l’article Lapider.
Les pierres brutes passaient pour plus pures et plus propres à des usages sacrés que les pierres taillées. Moïse veut qu’on érige au Seigneur un autel de pierres brutes (Exode 20.25) : Si vous me bdttssez un autel, vous ne le ferez point de pierres taillées ; car si vous levez le couteau (ou d’autres instruments) sur cet autel, il sera souillé. Dieu ordonne qu’on bâtisse sur le mont Hébal un autel de pierres brutes (Deutéronome 27.5) ; qu’on les enduise de chaux, et qu’on y écrive les paroles de l’alliance. C’est ce qui fut exécuté par Josué (Josué 8.31-32). L’autel du temple de Jérusalem que l’on bâtit au retour de la captivité, était de même de pierres brutes (Esdras 5.8), de même que celui que Judas Machabée rétablit (1 Machabées 4.46-47j), après la profanation d’Antiochus Épiphane.
Dans le Deutéronome (Deutéronome 8.9), Moïse parlant de la Palestine, dit que les pierres de ce pays-là sont des pierres de fer ; qu’on emploie les pierres de ce pays-là pour faire des couteaux, des haches, et d’autres instruments auxquels on emploie ordinairement le fer ; ou bien, les pierres de ce pays sont d’une dureté et d’une solidité égales au fer ; ou enfin, les montagnes de ce pays fournissent d’abondantes mines de fer.
Le cœur de Pierre se peut prendre en plusieurs manières. Job parlant du béhémoth (Job 41.15) ou de l’éléphant [de l’hippopotame. Voyez Béremoth], dit que son cœur est aussi dur que la pierre, aussi ferme qu’une enclume ; c’est-à-dire, qu’il est d’une force, d’une hardiesse, d’un courage extraordinaire. Il est dit ailleurs (1 Samuel 25.37), que le cœur de Nabal devint comme une pierre, lorsqu’on lui annonça le danger qu’il avait couru par son imprudence ; son cœur devint immobile comme une pierre, il fut resserré, et ce resserrement lui causa la mort. Ézéchiel (Ézéchiel 11.10 ; 36.26) dit que le Seigneur ôtera le cœur de pierre de son peuple, et lui donnera un cœur de chair ; qu’il le convertira, et lui inspirera des sentiments plus doux et plus humains. C’est à-peu-près dans le même sens que saint Jean-Baptiste disait, que Dieu était assez puissant pour susciter à Abraham des enfants des pierres du désert (Matthieu 3.9).
Le feu qu’on tirait des pierres par le moyen du fusil, ou même lorsqu’elles étaient embrasées par le feu, passait pour plus pur et plus propre aux actions de religion qu’un autre feu. Dans la consécration de l’autel du tabernacle, et dans la dédicace du temple de Jérusalem, Dieu envoya le feu du ciel, qui embrasa le bois de l’autel ; mais après que Judas Machabée eut purifié le temple, il alluma le feu ; il fit chauffer des cailloux, et en tira du feu pour allumer le bûcher de l’autel (2 Machabées 10.3).
Une Pierre est quelquefois mise pour une idole de pierre (Habakuk 2.19) : Malheur à celui qui dit au bois : Levez-vous ; et à une pierre muette : Èveillez-vous. Les Assyriens ont jeté au feu les dieux des nations (Isaïe 27.19) ; car ce n’étaient pas des dieux, ils n’étaient que de bois et de pierre. Et Jérémie (Jérémie 2.27) : Ils disent au bois : Vous êtes mon père ; et à la pierre : Vous m’avez engendré.
Être réduite en un monceau de Pierres, se dit d’une ville, ou d’une maison ruinée et abattue (Michée 1.6) : Je réduirai Samarie comme un monceau de pierres au milieu d’un champ lorsqu’on plante une vigne. Jérémie (Jérémie 17.1) dit que Damas cessera d’être ville, et sera réduite en un tas de pierres. C’est ainsi que le Sauveur, parlant de la ruine de Jérusalem (Matthieu 24.2), dit qu’il n’y restera pas pierre sur pierre.
Daniel (Daniel 2.34) parlant du règne du Messie, le compare à une petite pierre qui se détache de la montagne, vient frapper par le pied le colosse qui fut montré en songe à Nabuchodonosor, et qui remplit ensuite toute la terre.
L’auteur de l’Ecclésiastique (Ecclésiaste 22.1-2) dit que le paresseux sera lapidé avec des pierres de boue et des pierres d’ordure, ou de fiente ; c’est-à-dire, qu’outre la peine de la lapidation, il souffrira la honte et le mépris ; il sera sali par la boue et regardé comme souillé par la fiente.
Ézéchiel (Ézéchiel 28.14-16) compare le roi de Tyr au chérubin qui est dans le temple, au milieu des pierres de feu, ou des pierres brûlantes. Les chérubins étaient d’or, le pavé du sanctuaire était de pierres et de marbre précieux et éclatant. Ainsi le roi de Tyr était couvert d’habits superbes ; l’or et les pierreries l’environnaient de toutes parts ; les appartements étaient pavés de marbre précieux, etc.