Ville située au delà du Jourdain, Sur un torrent, pas loin de Carnaïm. Cette ville n’est connue dans l’Écriture que par la Victoire de Judas Machabée contre Timothée (1 Machabées 5.37). Celui-ci après la défaite de son armée devant la forteresse de Dathman, avait rassemblé une nouvelle armée, composée d’Arabes et autres peuples ramassés au nombre de six vingt mitre hommes de pied et de deux mille cinq cents chevaux (1 Machabées 12.20), et ayant envoyé les femmes les enfants et tout le bagage dans la ville de Carnaïm, ou Astaroth-Carnaïm, qui était une place au delà du Jourdain de très-difficile accès, il se campa à Raphon, ou peut-être Saphon, au delà et au nord du torrent de Jabok.
Judas n’avait alors que six mille hommes de troupes (1ma 12.20), il envoya reconnaître l’armée des ennemis, et on lui rapporta qu’elle était très-nombreuse et composée de toutes les nations qui étaient dans les pays circonvoisins, et que Timothée se préparaît à le venir attaquer. Aussitôt Judas marcha contre eux et passa le torrent à la tête desa petite armée ; les ennemis, surpris de son audace, ne purent soutenir le choc et prirent la fuite etc.
Observations sur le passage du torrent de Jabok, et sur la défaite de Timothée près de Raphon par Juda Machabée (1 Machabées 5.37-38 2 Machabées 22.20-21) et suivants. On remarque une audace et une hardiesse surprenante dans toutes les entreprises de Judas Machabée, et une conduite admirable dans l’exécution, non-seulement pour éviter les pièges de ses ennemis, mais même pour les y faire tomber eux-mêmes. Judas n’a pas-plutôt appris que Timothée a levé une nouvelle armée, et qu’il est posté près de Raphon, au delà du torrent de Jabok, qu’il envoie reconnaître cette armée, et on lui vient dire : Toutes les nations qui nous environnent se sont assemblées près de Timothée, et l’armée qu’elles composent est extraordinairement grande. Elle l’était en effet en comparaison de celle de Judas, puisque l’auteur sacré (2 Machabées 12.20) dit que Machabée ayant mis en ordre autour de lui six mille hommes, et les ayant divisés par cohortes, il’marcha contre Timothée, qui avait six vingt mille hommes dé Pied et deux mille cinq cents chevaux. Le nombre de ses ennemis ne l’étonne point il apprend qu’ils se préparent pour le venir attaquer ; il ne juge pas à propos de les attendre, il se résout de les prévenir et d’aller sur-le-champ au-devant d’eux, et cette résolution le rend plus redoutable à ses ennemis.
Timothée, qui connaissait la valeur de Judas, semble prévoir ce qui allait arriver ; et ce qu’il dit aux principaux officiers de son armée ne nous laisse aucun lieu de douter de sa lâcheté et de son peu de hardiesse à l’a tête d’une armée si nombreuse : Lorsque Judas sera venu avec ses gens près du torrent, leur dit-il (1 Machabées 5.40-41), s’il passe vers nous le premier, nous n’en pourrons soutenir le choc ; parce qu’il aura tout l’avantage sur nous. Mais s’il craint de passer, et qu’il se campe au delà du fleuve, passons à eux, et nous les batrons. Le savant commentateur dit là-dessus que Timothée veut de là tirer un présage de sa victoire ou de sa défaite future, par un mouvement libre de ses ennemis, ce qui est la chose du monde la plus incertaine et l’a plus superstitieuse. Je répondrai à cela qu’il n’y a nulle superstition, et que l’expérience nous fait voir tous les jours qu’un général habile et prudent peut fort bien prévoir sans étre prophète et sans être accusé de superstition ; que si l’ennemi prend un tel parti, s’il fait un tel mouvement, il peut être battu ; que s’il fait le contraire, il est assuré de la victoire. On se résout quelquefôis à des manœuvres dangereuses par l’opinion où l’on est qu’un antagoniste ignorant ne s’en apercevra pas, et l’on se trompe quelquefois, si habile que l’on soit, voilà ce qu’il y a d’incertain : souvent les partis les plus sages et fondés sur les règles les plus fines de la guerre sont renversés et détruits par des manœuvres toutes contraires et auxquelles on ne s’attend pas ; parce qu’on ne s’imagine pas que l’ennemi soit capable de les faire, et souvent il les fait sans les avoir prévues et par hasard. M. de Turenne avouait qu’il se trouvait en certaines occasions plus embarrassé contre un général ignorant que contre un très-habile ; mais lorsqu’on connaît parfaitement le génie de son antagoniste, on prend si bien ses mesures, qu’on le bat autant de fois qu’il ose se présenter. La seconde réflexion du commentateur me paraît plus juste que la première. Il faut pourtant reconnaître, dit-il, que Timothée demande pour présage de sa victoire une chose qui devait marquer une espèce de timidité dans les troupes de Judas. S’il passe le torrent ; dit-il, nous serons battus ; mais s’il craint de le passer, nous le battrons. Si ce capitaine eût été plus plus hardi ; il n’eût pas resté au delà du torrent avec des forces si supérieures, rien ne l’empêchait de le passer et d’aller à la rencontré de Judas, qu’il eût sans doute enveloppé ; mais il l’attendit au delà, et fût battu, et peut-être par sa faute, c’est-à dire, pour avoir prévenu ses officiers généraux de sa défaite.
Judas étant arrivé au bord du torrent, dit l’auteur sacré (1 Machabées 5.42), mit le long de l’eau les scribes du peuple, et leur dit : Ne laissez demeurer ici aucun homme ; mais que tous viennent combattre. Il y a toute apparence que Judas appréhendait qu’il n’y eût dans son armée des gens timides et épouvantés par le grand nombre des ennemis, puisqu’il donna cet ordre : le torrent sans doute était guéable, et Judas ayant partagé ses six mille hommes par cohortes, sous différents chefs, c’est-à-dire, en plusieurs corps sur une grande profondeur, selon sa coutume ordinaire, en même temps il passa l’eau le premier, et toute l’armée le suivit. On pourrait accuser Judas de témérité d’oser risquer le passage d’une rivière avec si peu de troupes, à la vue d’une armée de plus de cent vingt-deux mille hommes, si on ne savait qu’il mettait toute sa force et toute sa confiance dans le Seigneur qui le protégeait, et qu’appuyé de cette invincible protection il osait tout entreprendre et faisait des prodiges de valeur. C’est ce que l’auteur du second livre des Machabées (2 Machabées 12.22) exprime parfaitement bien : Et la première cohorte de Judas ayant paru, les ennemis furent frappés de terreur, par la présence de Dieu qui voit toutes choses, et ils furent renversés et mis en fuite les uns par les autres ; en sorte qu’ils étaient percés plutôt par leurs propres épées que par celles de leurs ennemis. Judas les poursuivit sans quartier en punissant ces profanes, et il en tua trente mille.
Une çhose très-remarquable dans les Machabées, c’est qu’on ne voit point ou rarement de cavalerie dans leurs armées ; on n’y trouve que de l’infanterie, mais si brave et si résolue, qu’elle ne faisait point difficulté d’attaquer la cavalerie, aussi l’extrême profondeur sur laquelle elle combattait, la rendait impénétrable. À l’égard de l’armée de Timothée, je range son infanterie en phalange et sa cavalerie sur les ailes, suivant la méthode des peuples de l’Asie, qui était celle de toutes les nations d’Occident, excepté les Romains. Judas l’attaqua brusquement et avec tant de vigueur, qu’il ouvrit l’ennemi partout où il donna, et le mit en fuite.