Femme d’Abraham, fille de Tharé, mais d’une autre mère qu’Abraham, puisque Abraham (Genèse 12.13 ; 20.12) assure qu’elle est vraiment sa sœur, fille de son père, mais non pas fille de sa mère, Tharé ayant pu avoir plusieurs femmes à la fois, suivant l’usage du pays où il vivait, ou ayant épousé, après la mort de la mère d’Abraham, une autre femme, dont il aurait eu Saraï. Quoi qu’il en soit, ce sentiment nous paraît beaucoup mieux fondé que celui qui veut que Sand soit la même que Jescha, fille d’Aran (Genèse 11.29), nièce d’Abraham, et petite-fille de Tharé. C’est toutefois l’opinion de Josèphe, de saint Jérôme, de saint Augustin, de Tostat, de Génébrard, et d’un grand nombre de commentateurs.
Saraï naquit l’an du monde 2018, avant Jésus-Christ 1982, avant l’ère vulgaire 1986. Elle épousa Abraham avant que ce patriarche sortit de la ville d’Ur (Genèse 20.13) ; et Abraham, sortant de son pays, convint avec elle qu’elle dirait toujours qu’elle était sa sœur, parce que, comme elle était d’une rare beauté, il craignait qu’on ne la lui ravit et qu’on ne le fît mourir à cause d’elle. La famine étant survenue dans la terre de Chanaan l’année qui suivit l’arrivée d’Abraham en ce pays, il fut obligé de se retirer en Égypte, où la famine ne régnait pas ; et il dit à Saraï : Dites, je vous prie, que vous êtes ma sœur, afin que les Egypiiens me traitent favorablement à cause de vous, et qu’ils ne m’ôtent pas la vie. Abraham étant donc entré dans ce pays, Saraï fut enlevée et conduite dans le palais de Pharaon. Mais le Seigneur affligea ce prince et toute sa maison par de très-grandes plaies à cause de Saraï. Et Pharaon, ayant su qu’elle était femme d’Abraham, lui fit de grands reproches de ce qu’il lui avait dit qu’elle était sa sœur, et que par là il l’avait mis dans l’occasion de la prendre pour femme, si Dieu ne l’en avait empêché. Il la lui rendit donc, et le fit conduire par ses gens hors de l’Égypte, de peur qu’on ne lui fit quelque insulte.
On a fort raisonné sur cette conduite d’Abraham et de Sara. Abraham semblait exposer Sara à l’adultère, et Sara paraissait y consentir par la qualité qu’elle prenait de sœur d’Abraham, au lieu de convenir qu’elle en était femme. On a de la peine à justifier une telle conduite. Il y paraît du mensonge, du déguisement et une trop grande facilité dans Abraham d’exposer la pudeur de son épouse, et dans Sara d’y consentir. Origene, parlant de ce qui arriva à Abraham à l’égard d’Abimélech, roi de Gérare, où il courut le même danger que celui que nous venons de voir, dit que ce patriarche non-seulement fit un mensonge, mais même qu’il trahit et abandonna la chasteté de son épouse. Fauste le Manichéen appelle Abraham un infâme marchand de la pudeur de sa femme, qu’il a vendue à deux rois, pour satisfaire son avarice et sa gourmandise. Saint Chrysostome, qui veut sérieusement excuser Abraham et Sara, reconnaît néanmoins que le patriarche a exposé Sara à commettre un adultère, et que Sara a consenti à s’exposer à ce danger pour sauver la vie de son mari. Enfin quelques nouveaux ont témoigné d’une manière très-expresse qu’ils ite pouvaient approuver en tout cela la conduite d’Abraham, ni celle de Sara.
Saint Augustin fait l’apologie d’Abraham, en disant, 1° qu’il n’a point fait un mensonge en avançant que Sara était sa sœur ; elle l’etait en effet : il a tu une vérité qu’il n’était pas obligé de découvrir, en ne disant pas qu’elle fût sa femme. 2° Exposé à la fois à deux dangers, l’un de perdre la vie, et l’autre de voir enlever ou déshonorer sa femme, ne pouvant éviter ni l’un ni l’autre en disant qu’elle était sa femme, et pouvant au moins éviter la mort en disant qu’elle était sa sœur, il prend ce dernier parti, et de deux maux il choisit le moindre, laissant à la Providence le soin de conserver la chasteté de son épouse, et sachant d’ailleurs qu’étant aussi vertueuse qu’elle l’était, quand elle souffrirait quelque injure dans son corps, sa volonté n’y aurait aucune part, et que l’adultère étant très-involontaire de la part de l’un et de l’autre, il serait aussi sans crime et sans infamie. On peut voir saint Chrysostome sur cet endroit, et les commentateurs sur la Genèse, chapitre 12.12-13, etc.
Revenons à l’histoire de Sara. Voyant d’une part que Dieu avait promis une nombreuse postérité à Abraham, et de l’autre, se sentant stérile, elle crut que peut-être les promesses de Dieu s’exécuteraient par une autre femme que son mari pourrait prendre. Elle dit donc à Abraham de prendre Agar sa servante (Genèse 16.1-3), afin qu’au moins par son moyen elle pût voir sortir de lui une nombreuse postérité. Abraham se rendit à la prière de Sara ; il prit Agar sur le pied de femme du second rang, suivant l’usage de ce temps là. Mais Agar, étant devenue enceinte, commença à mépriser sa maliresse. Sara s’en plaignit à Abraham, et Abraham lui dit que son esclave était entre ses mains, et qu’elle en pouvait user comme elle jugerait à propos. Sara maltraita donc Agar, et Agar s’enfuit ; mais elle revint quelque temps après, et s’humilia sous la main de sa maîtresse.
Quelques années après, Dieu apparut à Abraham (Genèse 17), fit alliance avec lui, institua la circoncision, lui changea son nom d’Abram, père élevé, en celui d’Abraham, père d’une grande multitude, et celui de Saraï, ma princesse, en celui de Sara, princesse, et lui promit qu’il lui naîtrait un fils de Sara ; et la même année, ayant reçu dans sa tente trois anges sous la forme d’hommes (Genèse 18), ils lui réitérèrent la promesse que Dieu lui a vaitfaite de la naissance d’un fils, et ajoutèrent que l’année ne se passerait pas qu’il ne vit l’exécution de cette promesse. Sara, qui était derrière la porte de sa tente, ayant ouï cela, se mit à rire secrètement, en disant : Après que je suis devenue vieille, et que mon seigneur est avancé en âge, je goûterai du plaisir. Alors le Seigneur dit à Abraham : Pourquoi Sara a-t-elle ri ? Y a-t-il rien d’impossible à Dieu ? Oui, dans un an Sara aura un fils. Sara nia qu’elle eût ri : mais le Seigneur lui dit : Cela n’est pas ainsi ; car vous avez ri.
Peu de temps après (Genèse 20), Abraham étant allé demeurer à Gérare, ville des Philistins, Abimélech, roi de cette ville, enleva Sara, qui ; quoique âgée de quatre-vingt-dix ans et pour lors enceinte d’Isaac, était encore une très-belle femme. Mais le Seigneur apparut en songe à Abimélech et le menaça de le punir de mort s’il ne la rendait à son mari. Le lendemain de très-grand matin, ce prince fit venir Abraham, et lui rendit sa femme, lui faisant de grands reproches de ce qu’il avait dit qu’elle était sa sœur. Abraharn s’excusa, en lui disant que véritablement elle était sa sœur, née du même père, mais non pas de, la même mère. Abimélech donna de grands présents à Abraham et offrit mille pièces d’argent à Sara pour lui avoir un voile pour couvrir son visage, et afin qu’une autre fois elle ne s’exposât plus à pareil danger.
L’année suivante, elle enfanta un fils (Genèse 21), à qui elle donna le nom d’Isaac, c’est-à-dire, Ris, comme par allusion au ris qu’elle avait fait lorsque Dieu lui promit un fils, et pour marquer la joie que lui causait cette naissance. Elle allaita elle-même l’enfant, et lorsqu’il fut temps de le sevrer, c’est-à-dire, selon la plus probable opinion, après trois ans, Abraham fit un grand festin à ses amis. À quelque temps de là, Sara ayant vu Ismaël qui jouait avec Isaac, ou, selon saint Paul (Galates 4.29), le voyant qui persécutait son fils, elle dit à Abraham : Chassez cette servante avec son fils ; car Ismaël ne sera point héritier avec Isaac. Abraham eut quelque peine à s’y résoudre : mais Dieu lui ayant dit de faire cc que Sara désirait, il renvoya Agar avec lsmael, de la manière que nous avons dite sous leurs articles.
L’Écriture ne nous apprend plus rien de Sara jusqu’à sa mort (Genèse 28.1-19), arrivée quelques années après la fameuse épreuve que Dieu fit de la foi d’Abraham, en lui commandant de lui immoler Isaac. Sara était âgée de cent vingt-sept ans lorsqu’elle mourut. Elle était alors dans la vallée d’Hébron, et Abraham vint de Bersabée pour en faire le deuil. On ignore la cause de cette absence d’Abraham ; mais l’Écriture nous dit expressément qu’il alla dans cette vallée pour la pleurer, et qu’après lui avoir rendu ce devoir, il entra dans la ville, et acheta auprès d’Ephron, Amorrhéen, un champ dans lequel il y avait une caverne creusée dans le roc, où étaient des tombeaux tout neufs. Le texte de la Vulgate apelle cette caverne double ; mais l’Hébreux porte Macphela, qui pourrait bien être le nom du champ où était celle caverne.
Quelques-uns ont cru que Sara n’avait rien su du dessein qu’avait eu Abraham d’immoler son fils, et qu’elle n’en fut informée qu’au retour de Moria. D’autres ont avancé qu’elle était morte de douleur, ayant appris qu’Isaac avait été sacrifié par son père. C’était un faux bruit dont on voulut l’effrayer. Josèphe dit qu’elle mourut bientôt après cet événement ; mais, selon son calcul, elle a dà vivre encore douze ans depuis cela, puisque, selon lui, Isaac avait vingt-cinq ans lorsqu’Abraham voulut l’immoler, et que Sara avait quatre-vingt-dix ails lorsqu’elle enfanta Isaac, et cent vingt-sept lorsqu’elle mourut. Ussérius met aussi onze ou douze ans entre la tentation d’Abraham et la mort de Sara. Les Talmudistes et saint Épiphane placent Sara au nombre des prophétesses de l’Ancien Testament. [Voyez Josué, addition, paragraphe paragraphe 6-7]
Sara était, selon les Orientaux, fille de Nachor et petite-fille de Tharé, et par conséquent mère de ce patriarche. Sara eut pour mère une autre Sara, fille de Tharé et de Tahouiah, sa seconde femme ; car sa première femme, nommée Jounah, fut mère d’Abraham.
Fille de Béria, de la tribu d’Éphraïm, laquelle fit bâtir ou réparer les villes de Béthoron-la-Haute, Béthorod-la-Basse, et Ozen-Sara (1 Chroniques 7.24).
Fille du patriarche Aser (Nombres 26.46 ; 1 Chroniques 5.24. ; 30).
Fille de Raguel et d’Anne, de la tribu de Nephtali, et de la parenté de Tobie. Sara était fille unique, et son père l’ayant mariée successivement à sept maris, Dieu les avait tous frappés de mort, sans qu’ils pussent consommer leur mariage (Tobie 3.7-9). On disait qu’un mauvais esprit nommé Asmodée les empêchait de s’approcher d’elle. Un jour Sara ayant repris une de ses servantes pour quelque faute qu’elle avait faite, elle lui répondit : Que jamais nous ne voyions de toi ni fils ni filles, meurtrière de tes maris ! Ne veux-tu point aussi nie tuer, comme tu as dejà tué sept de tes maris ? À ces mots, Sara monta à une chambre qui était au haut de la maison, et y demeura en prières trois jours et trois nuits sans boire et sans manger. Le troisième jour, en finissant sa prière, elle dit à Dieu : Que votre nom soit béni, Ô Dieu de nôs pères ! Délivrez-moi, Seigneur, de ce reproche, ou retirez-moi de dessus la terre. Vous savez que jamais je n’ai désiré un mari et que j’ai conservé mon âme pure de tous mauvais désirs ; que je n’ai jamais cherché la compagnie des personnes qui se conduisent avec légèreté. Si j’ai consenti de recevoir un mari, je l’ai fait dans votre crainte, et non pour suivre nia passion. Ou j’ai été indigne de ceux qu’on m’a donnés, ou peut-étre qu’ils n’ont pas été dignes de moi, parce que volis m’avez peut ire réservée pour un autre époux. 0 Dieu d’Israël, que voire nom soit béni dans tous les siècles !
La prière de Sara fut présentée au Seigneur en même temps que celle de Tobie l’ancien, que Dieu avait affligé par la perte de la vue ; et le Seigneur envoya l’ange Raphael pour les guérir tous deux. On verra l’histoire de Tobie sous son article. Le jeune Tobie étant en chemin pour aller à Ragés avec Raphael, qui était revêtu d’une forme humaine, et étant arrivés près de la ville d’Ecbatanes, Tobie demanda à Raphael : Où voulez-vous que nous logions ? L’ange lui rependit : Il y a ici un homme nommé Raguel, qui est de vos proches et de votre tribu ; il a une fille nommée Sara, qui est unique. Tout son bien doit vous revenir ; et comme plus proche parent, vous étes obligé, selon la loi, de l’épouser : demandez-la donc à son père, j et il vous la donnera en mariage. Le jeune Tobie répondit qu’il craignait que la même chose ne lui arrivât qui était déjà arrivée aux sept premiers maris de Sara ; mais Raphael l’ayant rassuré et lui ayant dit de quelle manière les gens de bien doivent s’engager dans le mariage, ils s’en allèrent chez Raguel (Tobie 7.1-3). Tobie demanda Sara en mariage et l’obtint aisément ; surtout l’ange ayant dit à Raguel de ne rien appréhender, que ce jeune homme craignait Dieu, que sa fille lui était réservée, et que c’était pour cela que nul autre ne l’avait pu avoir pour femme. Raguel ayant donc mis la main de sa fille dans celle de Tobie, il bénit leur mariage, écrivit le contrat et fit un grand festin.
Le soir étant venu, on introduisit Tobie dans la chambre de Sara (Tobie 8). Alors, tirant de son sac une partie du foie d’un poisson qu’il avait pris dans le Tigre, il le mit sur des charbons ardents, et le démon Asmodée ne pouvant souffrir cette odeur, se retira, et l’ange Raphael le saisit et l’enchalna dans la haute Égypte. Cela se passa invisiblement, et l’on ne s’aperçut de l’absence du mauvais ange que parce qu’il ne nuisit plus au jeune Tobie. Il n’est pas aisé de comprendre, suivant l’idée que nous avons aujourd’hui des anges et des démons, que la fumée et la mauvaise odeur soient capables de les faire fuir, ni qu’ils soient chatouillés par la bonne odeur des parfums. Les anciens n’en jugeaient pas de même. Mais indépendamment de leurs préjugés et des nôtres sur cela, ou peut croire que cette fumée ne fut que la cause morale ou occasionnelle de la fuite du démon, et que ce qui le chassa véritablement fut l’ange Raphael, envoyé de Dieu pour cela. L’odeur bonne ou mauvaise du foie de ce poisson put aussi faire quelque impression sur les sens des deux jeunes mariés, et par là réprimer en eux les mouvements de la concupiscence, et les disposer à passer cette nuit et les deux suivantes dans la prière et dans la continence : ce qui était encore un moyen très-efficace pour éloigner d’eux le démon de l’impureté.
Au reste, l’Écriture parle assez souvent d’enchaîner le démon (Matthieu 12.19 Marc 3.27 Apocalypse 20.2 2 Pierre 2.5 Jude 1.6). Les profanes mêmes emploient quelquefois cette manière de parler pour exprimer l’action d’une force supérieure et d’un démon plus puissant, qui commande aux démons inférieurs et qui les empêche d’agir, soit qu’on parle des effets causés, par exemple, par la magie ou par les sortiléges, soit qu’on réprime les démons par des herbes ou des os de morts, etc. Mais, dans l’Écriture et dans l’Église, nous ne reconnaissons que la force du nom de Jésus-Christ, les prières des saints, les exorcismes et les autres armes spirituelles qui puissent produire réellement cet effet sur les démons. Ainsi, quand on dit que l’ange Raphael enchaîna le démon dans les déserts de la haute Égypte, on doit l’entendre de la puissance de Dieu, au nom et par les ordres duquel Raphael agissait dans tout cela. On peut voir notre Dissertation sur le démon Asmodée, imprimée à la tête du livre de Tobie.
Pour revenir à Sara, Tobie l’ayant prise pour femme, la ramena à Ninive, où demeurait Tohie l’ancien, son père. Elle y fut mère d’une nombreuse postérité ; et après la mort de Tobie l’ancien, le jeune Tobie la conduisit avec ses fils et ses petits-fils auprès de ses parents, à Ecbatanes (Tobie 14.14-15), parce que Tobie père leur avait dit avant sa mort que la ruine de Ninive était proche, et qu’ils en devaient sortir au plus tôt pour n’être pas enveloppés dans sa disgrâce. Ou ne sait pas l’année de la mort de Sara ; mais elle a vécu jusqu’après l’an 3363, avant Jésus-Christ 637, avant l’ère vulgaire 641.
Voyez Thamnat-Sara.