L’Écriture nous dit que la femme de Loth fut changée en statue de sel (Genèse 19.26). On peut voir Loth.
On forme sur cette métamorphose de la femme de Loth en statue de sel plusieurs questions, et on propose divers systèmes d’expliquer d’une manière simple et littérale les paroles de Moïse. Son texte porte simplement : La femme de Loth regarda derrière elle, et elle fut statue de sel.
Les uns l’expliquent ainsi : Elle devint immobile comme une statue de sel. D’autres, Elle mourut de douleur au même endroit, et y demeura debout comme une statue permanente. Le sel est le symbole de la durée et de l’incorruptibilité. Autrement : Elle demeura comme une statue dans ce pays de sel, dans la terre de Sodome, qui est un pays de nitre et de sel. Mais ces explications paraissent un peu trop violentes.
Les anciens ont cru que la femme de Loth, ayant affecté de marcher avec lenteur, avait été subitement changée en statue de sel métallique et solide, comme on en voit dans quelques montagnes de Hongrie, de Pologne, de Moscovie ; qu’elle avait conservé la forme de femme ; et qu’encore que les voyageurs en prissent souvent des morceaux pour contenter leur curiosité, la statue ne diminuait point, et ne perdait rien de sa grosseur. Saint Irénée et Tertullien ajoutent qu’elle était encore sujette aux incommodités communes à son âge :
Dicitur et vivens alio sub corpore sexus, Munificos solito dispungere sanguine menses.
Josèphe assure qu’il a vu cette statue, et les paraphrastes chaldéens de Jérusalem, et Jonathan, fils d’Uziel, disent qu’elle y demeurera jusqu’à la fin du monde. Plusieurs voyageurs assurent qu’ils l’ont vue ; et c’est la créance commune et populaire qu’elle subsiste encore aux environs de la mer Morte.
D’autres prétendent qu’on peut expliquer le texte de Moïse en disant que le feu qui tomba sur Sodome, et qui enflamma tout le pays d’alentour, ayant, par son activité, préparé le passage aux parties du sel ou du nitre dans les parties du corps de cette femme, le consolida et lui communiqua en quelque sorte son essence, et la rendit comme une statue de sel. Ces changements ne sont pas sans exemple. Aventin, dans ses Annales des Boïens, raconte que plus de cinquante paysans, occupés à traire leurs vaches, furent infectés d’un air empesté pendant un tremblement de terre, et changés en statues qui étaient comme de sel. On a plusieurs exemples de pareilles métamorphoses.
Nous avons proposé, dans notre Commentaire sur la Genèse, quelques conjectures sur la manière dont cela s’était pu faire. Nous avons remarqué que les environs de la mer Morte et de l’Arabie Pétrée avaient une vertu particulière pour pétrifier ; que les corps solides qui y demeuraient quelque temps s’y pétrifiaient aisément ; que les Égyptiens avaient des corps embaumés et raides comme des statues, que l’on pouvait appeler des statues de sel ou des statues salées. Hérodote et Diodore de Sicile se servent du verbe saler quand ils parlent de l’embaumement de ces corps que nous appelons momies. Ainsi Moïse a pu dire que la femme de Loth, étant tombée sur la terre, y devint en peu de temps comme une statue salée ou embaumée. On peut voir les commentateurs sur la Genèse, chapitre 19.26.
Ou plutôt, la statue que Nabuchodonosor vit en songe (Daniel 2.31), était très-haute et terrible à voir. Sa tête était d’or, et sa poitrine et ses bras d’argent, le ventre et les cuisses d’airain, les jambes de fer, et les pieds partie de fer et partie d’argile. L’explication que Daniel en donna fut que l’empire de Nabuchodonosor, c’est-à-dire, l’empire des Chaldéens, était représenté par la tête d’or ; l’empire des Perses, fondé par Cyrus, était représenté par la poitrine et les bras d’argent ; l’empire des Grecs fondé par Alexandre le Grand, était désigné par le ventre et les cuisses d’airain ; l’empire des Romains était marqué par les jambes de fer ; ou plutôt cet empire partagé en deux est celui des Séleucides en Syrie, et des Lagides en Égypte. Les efforts que les rois d’Égypte et de Syrie firent pour s’unir par des mariages qui ne réussirent pas sont représentés par les pieds moitié de fer et moitié d’argile. La petite pierre qui se détache de la montagne et qui renverse la statue est l’empire des Romains, sous lequel parut celui du Messie, qui vit la chute du colosse, opérée par les armes des Romains.
Le même Nabuchodonosor fit ériger une statue d’or de soixante coudées de haut et de six de large, et la fit mettre dans la province de Dura, dans la Babylonie (Daniel 3.1-3), et fit publier une ordonnance à tous ses sujets, de se prosterner devant cette statue dès qu’ils entendraient le son des instruments, sous peine d’être jetés tout vivants dans la fournaise ardente. Daniel et ses compagnons, n’ayant pas voulu obéir à cet ordre, furent jetés dans la fournaise ; mais Dieu les en délivra miraculeusement. Voyez Daniel.
On demande ce que c’était que cette statue, et ce qu’elle représentait. Quelques-uns croient que c’était celle de Nabuchodonosor lui-même ; d’autres, que c’était celle de son père, dont il voulait faire un dieu ; mais il nous paraît plus vraisemblable que c’était la statue du Dieu Bel [Voyez Bel], à qui il voulait qu’on rendît un culte particulier en certaines heures annoncées par le son des instruments. En effet, il ne se plaint pas que Daniel ait refusé de rendre ses adorations à sa personne ni à celle de son père, mais à ses dieux.
On forme quelques difficultes sur les proportions de cette statue. Les uns croient que c’était une colonne sur laquelle était posée la statue, et que Daniel a marqué la hauteur de la colonne et celle de la statue tout ensemble, en lui donnant soixante coudées de haut et six de large. On conjecture que la statue pouvait avoir quarante coudées de haut et six de large, et que sa base avait vingt coudées de haut, et de la largeur à proportion. On va même jusqu’à dire que cette statue est la même qui est décrite par Diodore de Sicile, ayant quarante pieds de haut, et posée dans le temple de Bélus. Elle était d’or, comme celle dont parle Daniel ; elle représentait la principale déité des Babyloniens : elle était adorée dans le plus auguste de leur temple. La proportion d’une statue de quarante coudées de haut est de six coudées de large ; car la hauteur ordinaire de l’homme est quatre fois et demie sa largeur, d’une épaule à l’autre : or quatre fois et demie six coudées sont vingt-sept coudées ou quarante pieds et demi, ce qui revient à très-peu de chose près à la mesure de Diodore de Sicile.