Se prend en plusieurs sens dans l’Écriture.
1° Pour ce qui est opposé à la fausseté, au mensonge, à l’erreur, à la tromperie. Par exemple : Il n’y aura personne parmi vous qui consulte les morts pour en apprendre la vérité (Deutéronome 18.11) ; et le Psalmiste, parlant des impies (Psaumes 5.5) Non est in ore eorum veritas ; et saint Paul (Romains 9.1) : Veritatem dico in Christo, non mentior.
2° La vérité se met pour la fidélité, la sincérité et l’exactitude à tenir ses promesses. Ordinairement on joint la vérité prise eu ce sens avec la miséricorde ; par exemple (Genèse 24.27), Eliézer, serviteur d’Abraham, rend grâces à Dieu de ce qu’il a usé de sa miséricorde et de sa vérité envers son maître Abraham. Il l’a comblé de biens par sa miséricorde, et il a parfaitement accompli en lui toutes ses promesses. Misericordia et veritas peuvent aussi marquer une miséricorde stable, constante, permanente. Loué soit le Seigneur qui a favorisé d’une manière si constante mon seigneur et mon maitre Abraham.
Ces expressions, misericordia et veritas sont très-fréquentes dans l’Écriture. Par exemple (Genèse 24.4.9) et (Genèse 47, 29), Jacob dit à son fils Joseph : Si j’ai trouvé grâce à vos yeux, vous ferez miséricorde et vérité avec moi, que vous ne m’ensevelirez point en Égypte, vous me promettrez cette grâce, et vous l’effectuerez fidèlement. Et dans Josué (Josué 2.14), les espions Israélites promettent à Rahab qu’ils lui feront miséricorde et vérité, qu’ils lui tiendront fidèlement tout ce qu’ils lui ont promis. Et (2 Samuel 11.6). David envoie dire aux habitants de Jabès de Galaad que le Seigneur leur rendra miséricorde et vérité pour avoir donné la sépulture aux os de Saül, que lui-même leur en marquera sa bienveillance. Enfin ces manières de parler qui se rencontrent, pour ainsi dire, à chaque page dans l’Écriture, peuvent, à mon avis, signifier que Dieu comblera de ses grâces, de ses faveurs et de ses bontés ceux à qui il promet la miséricorde et la vérité, et qu’il le fera d’une manière ferme, constante et persévérante.
Il y a des personnes à qui il fait des promesses, mais seulement conditionnelles ; d’autres à qui il fait des grâces, mais s’eulement pour un temps ; d’autres sont prévenus de ses premières bénédictions ; mais, n’obtiennent pas la grâce de la persévérance finale. Dieu a fait aux Israélites plusieurs promesses, mais simplement à condition qu’ils lui demeureraient fidèles. Il a donné la royauté à Saül, mais seulement pour un temps. Salomon a été combla de ses premières grâces, mais on doute s’il a eu le don de la persévérance : Dieu leur a fait en ce sens miséricorde, mais non pas vérité. Au contraire il a fait l’un et l’autre à David d’une manière éclatante, et au Messie d’une manière encore plus parfaite. David dit de lui-même (Psaumes 39.12) : Misericordia tua et veritas tua semper susceperunt me. Et encore (Psaumes 56.4). Et ailleurs en parlant du Messie (Psaumes 88.34) : Misericordiam autem meam non dispergam ab eo, neque nocebo in veritate mea, etc.
Les Septante traduisent ordinairement par justice le mot hébreu chesed, que la Vulgate a rendu par miséricorde. Béni soit le Seigneur qui n’a point retiré sa justice et sa virité de mon maître. Mais dans ces endroits, comme dans plusieurs autres, la miséricorde et la justice, même dans l’Hébreu, sont synonymes.
Isaïe demande au Seigneur que la paix et la vérité régnent dans ses jours (2 Rois 20.19 Isaïe 39.8). Ou, selon l’Hébreu : Y aura-t-il paix et vérité pendant ma vie ? puis-je me flatter que Dieu suspendra jusqu’après ma mort les effets de sa vengeance ? La paix et la vérité marquent une paix, une prospérité constante et persévérante. Jérémie (Jérémie 33.6), se sert à-peu-près de la même expression : Je leur découvrirai une manière de prier efficace pour obtenir la paix et la vérité, ou une paix fixe et durable. Autrement : Je leur ferai goûter ce solide bonheur après lequel ils soupirent : Deprecationem pacis, c’est-à-dire, pacem quam enixe precantur. Et Zacharie (Zacharie 8.19) : Pacem et veritatem diligite ; ce qui est relatif à ce qu’il a dit un peu auparavant, verset 16 : Veritatem et judicium pacis judicate : Juges dans la vérité et dans la paix ; vivez en paix, et pratiquez la justice envers vos frères. Que les juges et les magistrats rendent la justice à leurs inférieurs dans la vérité, dans l’équité, et qu’ils les maintiennent en pais ; ou bien judicium veritatis et pacis marquera un jugement qui leur procure une paix, un bonheur constant. Ou enfin judicium veritatis et pacis est mis pour judicium verum et perfectum, un jugement accompagné d’une équité parfaite. Le mot hébreu schalom, qui signifie la paix, se prend aussi pour la perfection.
Jésus-Christ est la vérité éternelle et essentielle : Ego sum via, veritas et vita (Psaumes 35.6 ; 56.11). Et encore dans la première Épître de saint Jean (1 Jean 5.6) : Quoniam Christus est veritas. Il est le verbe rempli de grâce et de vérité (Jean 1.14) : Plenum gratioe et veritatis. C’est lui qui nous a donné et communiqué la plénitude de l’une et de l’autre (Jean 1.17) : Gratia et veritas per Jesum Christum facta est. C’est lui qui a envoyé à ses apôtres l’esprit de vérité (Jean 15.26).
La Parole de Vérité, la voie de la vérité, la science de la vérité, marcher dans la vérité, parler dans la vérité, rendre témoignage à la vérité, dans les auteurs sacrés du Nouveau Testament, signifient la vérité de l’Évangile, les vérités saintes du christianisme.
Le Psalmiste dit que la miséricorde du Seigneur s’étend jusqu’aux cieux, et sa vérité jusqu’aux nues (Psaumes 35.6 ; 56.11), pour marquer leur grandeur, leur étendue, leur immensité, et qu’elles se répandent sur toutes les créatures. Ailleurs (Psaumes 84.11-12) il dit que la miséricorde et la vérité se sont rencontrées ; que la justice et la paix se sont embrassées ; que la vérité est sortie de la terre, et que la justice a regardé du haut du ciel. Le prophète en cet endroit décrit le bonheur du pays de Juda après le retour de la captivité, et dans un sens plus relevé, les avantages dont jouira l’Église après la venue du Messie. La miséricorde et la justice, la paix et la vérité peuvent être considérées comme synonymes dans ces passages. On verra régner dans Juda la miséricorde et la vérité, la justice et la paix, une miséricorde constante et permanente, une justice pleine et parfaite. Il est certain que la justice se met souvent pour la clémence, la bénignité, la miséricorde.
David, dans le psaume 88, relève en plusieurs manières la vérité de Dieu, ou sa fidélité dans ses promesses ; c’est un cantique d’actions de grâces pour les faveurs que Dieu a faites à la maison de David. La fécondité de l’esprit du prophète lui fournit vingt manières de publier la grandeur des miséricordes de Dieu, et l’efficace de ses promesses. Verset 1 : J’annoncerai éternellement ses miséricordes, je publierai sa vérité de race en race. Verset 3 : Sa miséricorde est bâtie dans le ciel ; il y a affermi sa vérité. Verset 6 : On louera sa vérité dans l’assemblée des saints. Verset 9 : Sa puissance est grande, et sa vérité l’environne de toutes parts. Verset 14. : La justice et l’équité sont la base de son trône. Verset 15 : La miséricorde et la vérité marchent devant lui. Verset 24. : Sa miséricorde et sa vérité seront toujours avec David. Toutes ces expressions et ces tours ne signifient autre chose que la miséricorde qui prévient et qui promet, et la vérité qui exécute.