Chez les Hébreux, même avant la loi, la veuve qui n’avait point eu des enfants de son mari, devait épouser le frère de son époux décedé afin de lui susciter des enfants qui héritassent de ses biens, et qui fissent passer son nom et sa mémoire à la postérité. Nous voyons la pratique de cet usage avant la loi dans la personne de Thamar, qui épousa successivement lier et Onan fils de Juda (Genèse 38.6-9), qui devait encore épouser Séla, troisième fils de ce patriarche, les deux premiers étant morts sans lignée.
La loi qui ordonne ces mariages est conçue en ces termes (Deutéronome 25.7) : Lorsque deux frères demeurent ensemble, et que l’un d’eux meurt sans enfants, la femme de celui qui est mort n’en épousera point d’autre que le frère de son mari, qui la prendra pour femme, et suscitera des enfants à son frère, et il donnera le nom de son frère à l’aîné des fils qu’il aura d’elle, afin que le nom de son frère ne soit point éteint dans Israël ; que s’il ne veut épouser la veuve de son frère, selon la loi, cette femme se rendra à la porte de la ville, et s’adressera aux anciens et leur dira : Le frère de mon mari ne veut pas susciter dans Israël le nom de son frère, ni me prendre pour femme ; et aussitôt ils le feront appeler, et ils l’interrogeront ; et s’il répond : Je ne veux point épouser cette femme-là, la femme s’approchera devant lui en présence des anciens, lui ôtera son soulier du pied, et lui crachera au visage, ën lui disant : C’est ainsi que sera traité celui qui ne veut pas établir la maison de son frère ; et sa maison sera appelée dans Israël la maison du déchaussé.
Il y avait deux motifs de cette loi : le premier, la conservation des biens dans la même famille, et le second, de perpétuer le nom d’un homme dans Israël. On regardait comme un grand malheur de mourir sans héritier, et de voir passer son héritage dans une autre famille ; on faisait peu d’attention à l’indécence de faire épouser la belle-sœur à son beau-frère, ce qui était d’ailleurs, et en tout autre cas, défendu par la loi (Lévitique 18.16). On regardait apparemment un mariage dont il n’était point sorti d’enfants comme non consommé. Cette loi ne se bornait pas au seul beau-frère, elle s’étendait aux parents plus éloignés de la même ligne, ainsi qu’il Paraît par l’exemple de Ruth, qui épousa Booz, au refus d’un autre parent plus proche.
Nous avons déjà traité la matière de ces mariages entre le beau-frère et la belle-sœur, ci-devant, sous le titre de Lévirat. Ce mariage se devait faire sans solennité, et seulement en vertu de la loi ; le beau-frère prenait sa belle-sœur sans autre cérémonie. Cependant la coutume avait voulu que cela se fit en présence au moins de deux témoins, que l’époux donnât une pièce d’argent à l’épouse ; on y ajouta même la bénédiction nuptiale, et un écrit pour assurer la dot de la femme. Les Juifs depuis la captivité de Babylone, selon Fagius, ou seulement depuis la destruction du second temple, selon d’autres, ne pratiquent plus cette loi, à cause de la confusion des familles et des héritages.
Dieu recommande souvent à son peuple d’avoir grand soin de soulager la veuve et l’orphelin (Exode 22.22 Deutéronome 10.18 ; 14.29).
Saint Paul veut qu’on honore les veuves, qui sont vraiment veuves et désolées (1 Timothée 5.3-5) ; c’est-à-dire, que l’évêque ait beaucoup d’égard pour elles, et qu’il pourvoie à leurs besoins, car c’est ce que signifie souvent le verbe honorer. Dieu défend à son grand prêtre d’épouser une femme veuve ou répudiée (Lévitique 21.14). Dans l’Église chrétienne, il y avait autrefois des veuves qui, à cause de leur pauvreté, étaient entretenues aux dépens des fidèles, et qui étaient sur le catalogue des personnes qui étaient à la charge de l’Église.
Il y en avait aussi d’autres qui avaient certains emplois dans l’Église, comme de visiter les femmes malades, de leur aider lorsqu’elles recevaient le baptême, enfin de faire sous les ordres de l’évêque certaines choses que la bienséance ne lui permettait pas de faire par lui-même. Saint Paul (1 Timothée 5.9) ne souffre pas qu’on choisisse ces sortes de veuves, à moins qu’elles n’aient au moins soixante ans. Il veut qu’elles n’aient eu qu’un mari, qu’on leur rende bon témoignage à cause de leurs bonnes œuvres, qu’elles aient bien élevé leurs enfants, qu’elles aient exercé l’hospitalité, qu’elles aient lavé les pieds des saints, qu’elles aient secouru les affligés. Il défend d’admettre dans ces emplois les jeunes veuves : car, dit-il, après avoir mené une vie molle au service de Jésus-Christ, elles veulent se remarier. Elles sont dignes de condamnation, pour avoir violé leur premier engagement.
L’Écriture nous propose plusieurs exemples de vraies veuves qui vivaient dans les exercices de la piété, dans la retraite, et dans l’humiliation de leur état ; par exemple, Judith, Tabithe, Anne, fille de Phanuel, la mère des sept frères Machabées, la veuve de Sarepta, qui logea et nourrit Élie pendant quelque temps. Jésus-Christ reproche aux Pharisiens que, sous prétexte de prières, ils mangent les maisons des veuves (Matthieu 23.14 Luc 20.47), abusant de leur simplicité et de leur crédulité, ou flattant leur passiim, et entretenant leurs vaines superstitions.
Le veuvage ou la viduité, de même que la stérilité, était une espèce de honte et d’opprobre dans Israël : Vous oublierez la honte de votre jeunesse, passée dans la stérilité et le célibat, et vous ne vous souviendrez plus de l’opprobre de votre viduité, dit Isaïe (Isaïe 54.4). On présumait qu’une femme de mérite et de bonne réputation aurait trouvé un mari, ou dans la propre famille de son époux décédé, s’il était mort sans entants, ou dans une autre maison, s’il avait laissé quelques enfants. Il est vrai néanmoins qu’on louait une veuve, qui, par un principe d’amitié pour son mari défunt, ne voulait pas se remarier, et demeurait dans le deuil et dans la viduité comme Judith.
C’était aussi un des plus grands malheurs qui pût arriver à un homme que de mourir sans être pleuré de sa veuve, c’est-à-dire, sans recevoir les honneurs solennels de la sépulture, dont les pleurs et les louanges de la veuve faisaient la principale partie. L’impie et ses enfants mourront, et leurs veuves ne les pleureront point, dit Job (Job 27.15). Le Psalmiste, parlant de la mort funeste d’Ophni et de Phinéès, remarque comme un grand désastre qu’ils ne furent pas pleurés par leurs veuves (Psaumes 87.64) : Viduoe eorum non plorabantur ; ou plutôt : Non plorabant, selon l’Hébreu.
Les veuves des rois demeuraient dans la viduité. Adonias fut puni de mort pour avoir demandé en mariage Abisag de Sunam, qui avait été épouse de David, quoiqu’il n’eût point consommé son mariage avec elle (1 Rois 2.13-15). On enferma dans le palais, pour y demeurer jusqu’à la mort, les concubines du roi David dont Absalon avait abusé (2 Samuel 20.3).