On fait du vinaigre de vin, de bière, de cidre, et même avec de l’eau ; le vin de palmier se tourne en vinaigre si on le garde trois ou quatre jours. Les anciens avaient plusieurs sortes de vinaigre, dont ils se servaient pour boire. L’empereur Pescennius Niger avait ordonné que ses soldats ne boiraient que du vinaigre dans les expéditions. Booz disait à Ruth (Ruth 2.14) de venir tremper son pain dans le vinaigre avec ses gens. Les moissonneurs se servaient de cette liqueur pour se rafraîchir : Aceto somma vis in refrigerendo, dit Pline. Il y a beaucoup d’apparence que le vinaigre que les soldats romains donnèrent à Jésus-Christ pendant qu’il était à la croix (Matthieu 27.48) était du vinaigre dont ils se servaient eux-mêmes pour leur boisson. Le grand Constantin leur permit le vin à l’alternative avec le vinaigre de deux jours l’un.
Ce vinaigre n’était pas de ces sortes de vinaigre dont nous nous servons dans les salades et dans les sauces, mais un petit vin nommé pesca ou sera, dont les auteurs de Re rustica nous ont donné la composition. On s’en sert encore beaucoup en Espagne et en Italie pendant les moissons ; on s’en sert aussi en Hollande et dans les vaisseaux pour ôter à l’eau son mauvais goût. L’Écriture défend aux nazaréens le vinaigre (Nombres 6.3) et toute sorte de boisson qui vient de la vigne, et qui est capable d’enivrer. L’Hébreu porte : Du vinaigre fait de vin, et du vinaigre fait de secar, ou de vin de palmier. Pline, parle de diverses sortes de vinaigre dont on peut boire.
Il faut toutefois avouer qu’il y avait certain vinaigre fort dont on ne pouvait pas boire, ou dont on n’usait qu’après l’avoir bien délayé. Le Psalmiste se plaint que ses ennemis lui aient donné du vinaigre à boire (Psaumes 68.26) ; et Jésus-Christ, pour accomplir en sa personne cette prophétie, ne voulut pas boire le vinaigre qu’on lui présenta. Et Salomon dans les Proverbes (Proverbes 10.26) : Tel qu’est le vinaigre aux dents, tel est le paresseux à l’égard de ceux qui l’ont envoyé. Le vinaigre passait doncpour une boisson fort agréable à boire ; mais, comme on l’a dit, il faut distinguer le vinaigre ou petit vin dont on buvait, et dans quoi les moissonneurs trempaient leur pain, du vinaigre qu’on mettait dans les sauces.
Le même Salomon (Proverbes 25.20) dit dans un autre endroit que chanter des cantiques devant celui dont le cœur est corrompu, c’est mettre du vinaigre dans le nitre. Le vinaigre dissous dans le nitre augmente la force détersive du nitre, et le rend plus propre à ôter les taches de la peau et la graisse ou l’ordure du linge. Chanter des cantiques devant un homme dont le cœur est corrompu, c’est augmenter sa corruption, c’est allumer de plus en plus le feu de ses passions ; les airs les plus touchants et les plus passionnés, loin de le guérir, le feront empirer.