Fils du grand-prêtre Aaron et d’Elizabeth, fut consumé avec son frère Nadab, par un feu sorti de devant le Seigneur (Certains pensent que ce feu sortit de l’autel des holocaustes, d’autres qu’il sortit de l’autel des parfums), parce qu’il avait offert l’encens avec un feu étranger, au lieu d’en prendre sur l’autel des holocaustes (Lévitique 10.2). Ce malheur arriva pendant l’octave de la consécration d’Aaron et de ses fils, et de la dédicace du Tabernacle, l’an du monde 2514 ; avant Jésus-Christ 1486 ; avant l’ère vulgaire 1490. Plusieurs commentateurs croient que Nadab et Abiu s’étaient laissés prendre de vin, et que c’est ce qui leur fit oublier de prendre du feu sacré dans leurs encensoirs. On fonde cette conjecture sur la défense que Dieu fait aux prêtres, immédiatement après, de boire du vin tout le temps qu’ils seront occupés au service du temple (Lévitique 10.9). Quelques interprètes enseignent que ces deux frères, qui furent si sévèrement punis de Dieu pour cette faute, ne commirent pas en cela un péché mortel ; mais que Dieu leur fit porter en ce monde toute la peine de leur négligence, pour leur procurer en l’autre le salut éternel, et pour donner aux hommes, dans leurs personnes, un exemple de la fidélité et de l’exactitude avec lesquelles Dieu veut être servi par ses ministres [Cet événement, défiguré par les Grecs, est entré dans la fable de Phaéton, où on le reconnaît néanmoins. M. Coquerel, fait sur ce même événement, dont il pense que la date ne peut-être précisée, des remarques et des réflexions que je crois utile au lecteur de rapporter ici. Voici ce qu’il dit : « La loi (Lévitique 6.12-13) ordonnait d’entretenir continuellement le feu de l’autel, auquel s’était mêlé le feu céleste (Lévitique 9.24), descendu sur les premières victimes d’Aaron ; il devait servir à consumer les holocaustes, à brûler les parfums, et la défense positive (Exode 30.9) d’offrir un encens étranger emportait celle d’allumer un feu étranger. Il est vrai que l’on ne trouve point cette défense formellement exprimée avant la mort funeste des deux frères ; mals ce jugement même la suppose ; le terme adouci dont se sert Moïse, quand il semble borner le blâme qu’il prononce à ces mots : Ce que l’Éternel n’avait point commandé (Lévitique 10.1), indique une prohibition déjà promulguée, et pour presser cette objection, il faudrait connaître jusqu’aux jours mêmes où ces rites ont été fondées, ou ces lois ont été rendues. Il est certain, au moins, que dans les statuts concernant la grande fête des expiations, lorsque le souverain sacrificateur entrait une fois l’année dans le lieu très-saint, se trouve l’ordre positif (Lévitique 16.12-13) de brûler le parfum sur le feu de l’autel. Ce rite de cette institution, renouvelé peut-être avec plus de force après la fin déplorable des deux fils d’Aaron, conduit naturellement à penser que la même obligation était imposée aux simples sacrificateurs (Exode 30.7-8 ; Luc 1.9) pour le parfum de tous les jours.
Ce point éclairci, le reste du sacrilège, commis dans le lieu saint, et non dans le lieu très-saint, est facile à comprendre : Nadab et Abihu, fiers de leur haute dignité, empressés de jouir de leurs nouveaux droits, sans attendre le moment rigoureusement fixé des offrandes journalières, et, comme on peut le conclure de la suite du récit (Lévitique 10.9-10), sortant dans un état d’ivresse du repas qui avait suivi les derniers sacrifices, courent au tabernacle célébrer par plaisir et par orgueil une des cérémonies saintes qui venaient de leur être confiées. Sans aggraver le crime à l’aide des circonstances peu fondées que divers interprètes y ajoutent, on voit que, pour justifier la condamnation divine, il ne manque pas ici d’impiété. Le moment de ce scandale, le danger de cet exemple rendaient la punition aussi nécessaire qu’elle était juste. Le culte Lévitique commençait ; son sacerdoce venait d’être installé ; ses premières victimes fumaient encore, et le feu du ciel avait sanctifié ses institutions ; était-il possible de laisser impunie, au milieu de tout cela, une profanation publique ? La religion de Moïse devait-elle s’ouvrir par une impiété ? Quel coup porté à ce culte naissant ! Quelle tache imprimée sur ce sacerdoce d’un jour ! Si tels étaient les prêtres, qu’auraient été les simples fidèles ? Combien cette profanation aurait-elle fait de profanateurs, et dans le système des institutions de Moïse, où tout est lié, où tout cet appareil de céremonies demandait une attention constante, et servait comme d’entourage et de défense au dogme de l’unité de Dieu, que serait-il resté d’utile et de bon, si une ivresse avait excusé une impiété, si, dès le premier jour, un prodige n’eût vengé un sacrilège commis dans l’exercice même d’un pontificat ? L’erreur presque involontaire et trop commune dans laquelle on tombe, en jugeant des faits pareils, est de les isoler ; Israël ne pouvait être Israël, sans culte et sans sacerdoce ; donc chaque rite devait être défendu, chaque prêtre devait être surveillé par Dieu même, et la mort de Nadab, du temps de Moïse, a eu la même utilité que celle d’Huza sous le règne de David. Ce feu qui sort de devant l’Éternel a été, selon les uns, un coup de foudre parti de la nuée sainte, selon les autres un jet de flamme élancé de l’autel des parfums ; il importe peu ; c’était toujours punir les deux frères par où ils avaient péché. Leur mort a eu lieu par un étouffement subit, puisque les vêtements n’ont pas été atteints (Lévitique 10.5), et que les corps ont été ensevelis par Misael ; cet exemple fit introduire parmi les Juifs la coutume d’étouffer ceux que la loi condamnait au supplice du feu.
Du caractère de Nadab et d’Abihu, l’on ne peut rien dire ; mais deux frères que ce lien du sang conduit à commettre ensemble un sacrilège, sont un triste exemple que l’intimité la plus chère peut amener une ressemblance de transgressions aussi bien que de vertus].