(Daniel 9.1) ; autrement Astyages (Daniel 13.65), et Artaxerxès (Daniel 6.1), dans le Grec. Voyez ci-après l’article d’Astyages.
Nous avons déjà parlé d’Assuérus, époux d’Esther, sous le nom d’Artaxerxès ; et nous avons remarqué que c’était le même que Darius, fils d’Hystaspe. Ce prince naquit vers l’an de la période Julienne 4165, du monde 3455, avant Jésus-Christ 545, avant l’ère vulgaire 549. Après la mort de Cambyse, roi de Perse, arrivée l’an du monde 3482, sept mages du pays usurpèrent la souveraine autorité, feignant que Smerdis, fils de Cyrus, et frère de Cambyse, était vivant, et que c’était lui qui régnait. Mais Ostanès, un des grands de la Perse, s’étant infeirmé de sa fille, qui était une des concubines du roi, si celui qui régnait, c’est-à-dire le premier des mages avait des oreilles (car Cyrus, ou, selon d’autres, Cambyse, les lui avait coupées), elle répondit qu’il n’en avait point. Alors il reconnut que c’étaient les mages, et non pas Smerdis, qui régnaient.
Ostanès en informa les principaux seigneurs de la cour, qui, s’étant engagés par serment à tuer le roi, partirent sur-le-champ et allèrent au palais. Ils égorgèrent d’abord tous ceux qu’ils rencontrèrent, et étant arrivés à l’appartement des mages, ils les attaquèrent. Ceux-ci se défendirent et blessèrent deux des conjurés ; mais les conjurés étant les plus forts, un nommé Gobryas saisit au corps le premier des mages ; et, comme ses compagnons craignaient de le frapper au lieu du mage, parce que la chose se passait dans un lieu obscur, Gobryas leur cria de percer l’ennemi, même au travers de son corps, de peur de le manquer ; mais la Providence permit que le mage fût tué, sans que Gobryas fût seulement blessé. Ainsi les sept conjurés délivrèrent leur patrie de l’oppression de ces usurpateurs.
Six jours après, les sept conjurés s’assemblèrent pour délibérer sur la forme de gouvernement qu’ils devaient établir dans la Perse. Ostanès était pour la démocratie, ou, pour le gouvernement populaire ; Mégabyse pour l’oligarchie, c’est-à-dire, pour donner le gouvernement à un petit nombre de personnes choisies ; et Darius, fils d’Hystaspe, que nous appelons Assuérus, pour la monarchie, ou le gouvernement royal. Ce dernier sentiment l’emporta, et ils convinrent que le lendemain ils se rendraient tous en un même lieu à cheval, avant le lever du soleil, et que celui dont le cheval saluerait le premier le soleil par son hennissement, serait reconnu pour roi des Perses et successeur de Cambyse. L’écuyer de Darius ayant su cela, mena le soir même le cheval de son maître avec une jument sur la place où ils devaient se trouver : en sorte que le lendemain, dès que le cheval de Darius y arriva, l’odeur et le sentiment de ce qui s’était passé la veille lui firent pousser des hennissements qui valurent le royaume à son maître ; car aussitôt les autres six conjurés descendirent de cheval, et le saluèrent roi des Perses. [Voyez mon Histoire de l’Ancien Testament, livre 8 chapitre 1, n. 11, tome 2 pages 108).
Darius étant ainsi monté sur le trône de Cambyse ; épousa Atharse, qui était fille de Cyrus, fondateur de cette monarchie, et qui avait été premièrement femme de Cambyse, et puis du mage usurpateur de la couronne. La seconde année de son règne, les Juifs qui étaient de retour dans la Palestine, étant poussés par les exhortations des prophètes Aggée (Aggée 1.1-15 ; 2.2-10) et Zacharie (Zacharie 1.1-6), commencèrent à travailler au rétablissement odu temple, dont l’ouvrage avait été interrompu neuf ans auparavant, sous le règne de Cambyse (Esdras 4.6). Alors les gouverneurs de la province, de la part des Perses, vinrent leur demander en vertu de quoi ils entreprenaient de rétablir cet édifice (Esdras 5.3-13). Mais les Juifs leur répondirent que c’était en suite de l’édit de Cyrus, qui le leur avait permis. Cependant ces gouverneurs en écrivirent à Darius, lui dirent que l’édit de Cyrus devait se trouver à Babylone, et lui demandèrent ce qu’il souhaitait que l’on fît. Darius ordonna que l’on cherchât l’édit de Cyrus ; et l’ayant trouvé à Ecbatane, il le confirma, et manda à ses officiers de prêter la main aux Juifs pour l’exécution de ce dessein, et de leur fournir même les choses nécessaires pour les sacrifices et pour l’édifice du temple. Ces ordres furent exécutés, et dans peu le temple s’avança très-considérablement.
L’année suivante, Assuérus fit un festin aux principaux de son empire dans la ville de Suse, où il fit éclater toute la grandeur de sa magnificence (Esther 1.1) etc. Ce festin dura cent-quatre-vingts jours, ou six mois entiers. Après ce terme, le roi invita tout le peuple de Suse, depuis le plus grand jusqu’au plus petit, et commanda qu’on leur préparât un festin pendant sept jours. Rien n’égalait la magnificence et la somptuosité de ce banquet. L’appareil et la chère étaient dignes de la grandeur du plus puissant monarque du monde. La reine Vasthi fit aussi un festin aux femmes dans le palais du roi. Le septième jour, Assuérus étant plus gai qu’à l’ordinaire et dans la chaleur du vin, ordonna à ses principaux eunuques de faire venir la reine devant tout le peuple pour leur faire voir sa beauté car elle était parfaitement belle. Mais Vasthi refusa de venir. Ce qui irrita extrêmement le roi. Il assembla son conseil et lui demanda ce qui lui semblait de la conduite de Vasthi. Ils répondirent qu’elle n’avait pas seulement offensé le roi, mais que sa résistance à ses ordres pourrait engager les autres femmes à en user de même envers leurs maris ; et qu’ils étaient d’avis que le roi la répudiât et en prit une autre.
Ce conseil fut suivi, et Esther, nièce de Mardochée, Juif de nation, fut choisie pour devenir épouse d’Assuérus, ainsi que nous le verrons ailleurs. Mardochée ne déclara pas qui il était et il se contenta de demeurer à la porte du palais pour savoir l’état de la santé d’Esther, sa nièce. Toutefois lorsqu’Aman eut obtenu du roi un édit qui condamnait tous les Juifs à la mort et à la perte de leurs biens, il engagea Esther à se présenter devant le roi, pour lui demander la révocation de cet édit. Or, Assuérus avait fait défense sous peine de la vie, à quelque personne que ce fût, de se présenter devant lui, à moins qu’elle ne fût mandée ou qu’il n’étendit son sceptre vers elle, lorsqu’elle s’approcherait de son trône (Esther 5.1) et suivants Esther se hasarda d’y paraître sans être appelée. Le roi étendit son sceptre vers elle et lui dit de lui demander ce qu’elle souhaitait. Esther le supplia de venir le jour même au festin qu’elle lui avait préparé, et Aman avec lui. Assuérus y vint ; et après avoir bu et mangé, il dit à Esther de lui demander tout co qu’elle voudrait et qu’il le lui accorderait. Mais Esther lui dit que la seule faveur qu’elle lui demandait, était qu’il vint encore le lendemain, avec Aman, au festin qu’elle lui préparerait. Assuérus y consentit ; et Aman, qui se croyait au comble de son bonheur, n’avait point d’autre chagrin que de voir Mardochée qui ne se prosternait pas en sa présence lorsqu’il passait.
Cependant il arriva une chose qui l’humilia extrêmement. Le roi ne put dormir la nuit suivante (Esther 6.1) etc., et il ordonna qu’on lui lût les journaux et les annales des années précédentes. On tomba sur l’endroit où il était dit que deux eunuques ayant conspiré d’ôter la vie au roi, un nommé Mardochée avait découvert la conspiration et avait sauvé la vie au roi. Assuérus interrompit la lecture et demanda si Mardochée avait été récompensé. On lui dit qu’il n’avait reçu aucune récompense. Le lendemain du grand matin, Aman étant venu au lever du roi pour lui demander que Mardochée fût attaché à un poteau qu’il avait fait dresser, Assuérus le fit entrer ; et avant qu’il parlât, il lui dit : Que peut-on faire pour honorer un homme que le roi désire de combler d’honneur ? Aman qui crut que c’était lui-même à qui le roi voulait faire cette grâce, lui répondit : Il faut que cet homme soit revêtu des habits royaux, qu’il monte le même cheval que le roi a accoutumé de monter, et qu’il ait sur la tête le diadème royal ; que le premier des grands de la cour tienne les rênes de son cheval et qu’il marche devant lui dans la place de la ville, en criant : C’est ainsi que sera honoré celui qu’il plaira au roi d’honorer. Le roi lui répondit : Hâtez-vous et faites au Juif Mardochée ce que vous venez de dire. Aman n’osa désobéir au roi ; et Mardochée reçut un honneur qu’il n’attendait guère et qu’il ne goûta point du tout, à cause du danger où il voyait tous ses frères.
Cependant l’heure du dîner étant venue, on vint chercher Aman, qui alla, avec le roi, au festin que la reine Esther leur avait préparé. Assuérus, dans la chaleur du vin (Esther 7.1) etc., dit de nouveau à Esther : Que me demandez-vous et que désirez-vous que je fasse ? Esther lui répondit : Ô roi, si j’ai trouvé grâce à vos yeux, je vous prie de m’accorder, s’il vous plaît, ma propre vie et celle de mon peuple ; car nous avons tous été livrés pour être égorgés et exterminés. Le roi répondit : Et qui est assez puissant pour oser entreprendre ce que vous dites ? Esther lui dit : C’est cet Aman que vous voyez, qui est notre ennemi mortel. Aman, entendant cela, demeura tout interdit ; elle roi en même temps se leva tout en colère et sortit du lieu du festin, pour entrer dans un verger qui était là auprès. Alors Aman se jeta aux pieds de la reine qui était couchée sur un lit de table, à la manière des Perses. Assuérus étant rentré dans ce moment, et ayant vu Aman sur le lit où était la reine, s’écria : Comment, il veut encore faire violence à la reine en ma présence et dans ma maison ? À peine cette parole était sortie de la bouche du roi, que des eunuques se saisirent d’Aman et lui couvrirent le visage comme à un homme condamné à mort. Alors un des eunuques du roi lui dit : Il y a une potence de cinquante coudées de haut dans la maison d’Aman, qu’il avait destinée pour y pendre Mardochée. Assuérus dit : Qu’Aman y soit pendu.
Après cela (Esther 8.1), il donna à Mardochée les emplois d’Aman, et à Esther la confiscation de ses biens. Il révoqua l’édit qui portait que les Juifs seraient mis à mort dans le treizième jour du mois d’adar, donna des lettres contraires et leur permit de se venger de leurs ennemis le même jour qui avait été destiné pour leur propre perte. Tout cela se passa les années du monde 3494, 3495 et 3496. Comme le reste de la vie de Darius, fils d’Hystaspe, n’a point de rapport avec l’histoire sainte, nous ne nous étendrons pas sur ses conquêtes et sur ses guerres. [Voyez Darius, fils d’Hystaspe]. Ce prince mourut l’an du monde 3519, avant Jésus-Christ 481, avant l’ère vulgaire 485, après trente-six ans de règne. Il eut pour successeur Xerxès, qu’il avait eu d’Atharse ou Vasthi, dont on a parlé au commencement de cet article.
Nous avons suivi le sentiment qui explique de Darius, fils d’Hystaspe, ce que l’Écriture nous apprend d’Assuérus, époux d’Esther. Cependant comme la chose n’est pas sans difficulté, nous allons proposer ce que M. Prideaux a écrit contre cette opinion et en faveur de la sienne, qui est qu’Artaxerxès à la longue main était celui que l’Écriture appelle Assuérus, époux d’Esther. Il s’éloigne en cela, comme il le reconnaît lui-même, de deux grands hommes, Ussérius et Joseph Scaliger. Ussérius croit qu’Assuérus était Darius, fils d’Hystaspe ; et Scaliger que c’était Xerxès. Voici ce qu’il dit contre le sentiment d’Ussérius et par conséquent contre notre système, puisque nous avons adopté celui d’Ussérius, mais non pas dans tout, comme on le peut voir par notre commentaire.
Ussérius croit que Darius, fils d’Hystaspe, épousa Athosse, qui est la même que Vasthi, qu’il répudia dans la suite ; et qu’il prit aussi pour femme Aristone, fille de Cyrus et veuve de Cambyse, qui est la même qu’Esther. Mais ce sentiment est contredit par Hérodote, qui nous apprend qu’Aristone était fille de Cyrus, et par conséquent elle ne pouvait être Esther qui était jeune. Il dit encore qu’Athosse eut quatre fils de Darius, sans compter les filles, et qu’elle eut toujours un si grand ascendant sur l’esprit de Darius, qu’elle le détermina à déclarer Xerxès, son fils, successeur à la couronne, à l’exclusion de ses fils.
Nous avons prévu cette objection dans le commentaire sur Esther (Esther 1.9) ; et sans oser dire qui était Vasthi qui fut répudiée par Assuérus, nous avons fait voir qu’il n’avait répudié ni Athosse, que nous croyons avoir été la fille de Cyrus, ni Aristone qu’il avait épousée vierge, et qui pourrait bienêtre Esther. Hérodote dit expressément, au troisième livre, que la fille de Cyrus, épouse de Darius, était Athosse.
M. Prideaux ajoute que la principale raison qui a engagé Ussérius dans le sentiment qu’il a soutenu, c’est que le livre d’Esther dit que Darius, fils d’Hystaspe, imposa un tribut sur la terre ferme et sur les îles (Esther 10.1), ce qui se lit aussi dans Hérodote ; mais Strabon attribue cela à Darius Longue-main, ce que notre auteur veut qu’on explique d’Artaxerxès Longue-Main.
Pour ce qui est de Scaliger, il croit que Xerxès est l’Assuérus de l’Écriture, et Amestris, son épouse, la reine Esther. Il se fonde uniquement sur la ressemblance des noms. Mais les caractères que l’histoire donne à Amestris prouvent invinciblement qu’elle n’est point du tout l’Esther de l’Écriture. Amestris, épouse de Xerxès, avait un fils de ce prince, qui était en âge d’être marié la septième année du règne de son père : ce ne peut doncêtre Esther, qui ne fut mariée à Assuérus que la septième année de son règne. Il n’en faut pas davantage pour détruire le sentiment de Scaliger.
Venons à présent aux raisons que M. Prideaux apporte pour Artaxerxès Longue-Main. Il montre premièrement que Josèphe dit en termes exprès, que l’époux d’Esther était Artaxerxès Longue-Main. La version des Septante et les additions grecques au livre d’Esther, nomment Assuérus Artaxerxès ; il y a diverses circonstances dans ces additions qui ne peuvent être appliquées à Artaxerxès Mnémon ; la faveur extraordinaire dont Artaxerxès Longue-Main honora les Juifs, prouve encore qu’apparemment il avait épousé une Juive. Ce sentiment est soutenu par Sulpice-Sévère, et par quautité d’anciens et de modernes. C’est ce qu’on dit en faveur de ce sentiment. On peut voir aussi notre préface sur Esther (L’art de vérifier les dates croit aussi que Darius, fils d’Hystaspe, fut l’époux d’Esther ; et monseigneur de Bovet l’a récemment prouvé, à la manière de Guérin du Rocher, dans son Histoire des premiers rois de Perse. Vence et D. Cellier croient que ce fut Artaxerxès Longue-Main. Cette dernière opinion m’a paru mieux appuyée que la première, et je l’ai adoptée. Voyez mon Histoire de l’Ancien Testament, livre 8 chapitre 3 n. 1, tome 2 pages 113, 114.