Ou Joseph Caïphe. Grand-prêtre des Juifs, succéda dans la grande sacrificature à Simon, fils de Camith ; et après avoir possédé neuf ans cette dignité, c’est-à-dire depuis l’an dut monde 4029 jusqu’en 4038, il eut pour successeur Jonathas, fils d’Ananus. Caïphe était grand-prêtre l’an du monde 4037, qui est celui de la mort de Jésus-Christ.
Il fut déposé par Vitellius, gouverneur de Syrie. Caïphe avait épousé une des filles d’Ananus ou Anne, qui est aussi nommé grand-prêtre dans l’Évangile, parce qu’il avait possédé assez longtemps cette dignité.
Lorsque les prêtres délibéraient s’ils arrêteraient et feraient mourir Jésus-Christ, Caïphe leur dit qu’il n’y avait point à délibérer là-dessus, et qu’il fallait qu’un homme mourût pour tout le peuple, afin que toute la nation ne périt point (Jean 11.51-52). Ce qui était une prophétie que Dieu permit qui fût prononcée par la bouche du grand-prêtre dans cette occasion, pour montrer que la mort du Sauveur serait le salut du monde.
Après que Judas eut livré Jésus-Christ, et que le Sauveur eut été pris et lié au Jardin des Oliviers, pendant la nuit qui précéda sa passion, il fut d’abord amené par les soldats qui l’avaient arrêté, dans la maison d’Anne, beau-gère de Caïphe. Anne interrogea Jésus-Christ sur ses disciples et sur sa doctrine (Jean 18.21-22). Jésus lui répondit qu’il n’avait rien enseigné en secret, et que tout le peuple était témoin de sa doctrine et de ses sentiments. Alors un des serviteurs de Caïphe lui donna un soufflet, en lui disant : Est-ce ainsi que vous répondez au pontife ? Toutefois Anne n’était pas grand-prêtre cette année-là, mais Caïphe, ainsi qu’on l’a dit. Mais comme il l’avait été auparavant, On lui en conservait le titre.
Anne ayant ouï Jésus, le renvoya à Caïphe, son gendre (Jean 18.24), qui demeurait peut-être dans la même maison. Les prêtres et les docteurs de la loi s’y étaient assemblés pour juger Jésus, et ils cherchaient contre lui des témoignages pour le pouvoir condamner. On ouït quelques faux témoins, mais leurs témoignages ne suffisant pas pour faire prononcer contre lui une sentence de mort, et Jésus demeurant dans un profond silence, Caïphe lui demanda pourquoi il ne parlait point : mais Jésus ne lui répondit rien. Alors le grand-prêtre lui dit : Je te conjure par le Dieu vivant ! de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu ? Jésus répondit : Vous l’avez dit ; je le suis. Mais je vous dis que vous verrez un jour le Fils de l’Homme à la droite de la Vertu du Père, qui viendra dans les nues pour exercer le jugement. Caïphe ayant entendu ces paroles, déchira ses vêtements, et dit : Qu’avons-nous encore besoin de témoins ? Vous avez tous ouï ses blasphèmes. Que vous en semble ? Ils répondirent : Il est digité de mort.
Alors Jésus fut remis entre les mains des soldats, et l’assemblée des prêtres se sépara, jusqu’à ce qu’il fit jour. De grand matin, Caïphe, les autres prêtres, les docteurs et le Sénat, se rassemblèrent dans le Sanhédrin, qui se tenait dans le temple. Jésus y fut amené et ils lui demandèrent s’il était le Christ. Il répondit : Quand je vous le dirai, vous ne me croirez point, et quand je vous supplierai de me mettre eu liberté, vous ne m’écouterez point : mais je vous dis qu’un jour vous verrez le Fils de l’Homme assis à la droite de Dieu. Ils lui dirent tous : Vous êtes donc le Fils de Dieu ? Il répondit : Je le suis. Alors ils conclurent qu’il était digne de mort. Et comme ils n’avaient plue le droit de vie et de mort, et que ce droit était réservé aux Romains, ils le conduisirent à Pilate, gouverneur de la province, afin qu’il confirmât leur sentence, et qu’il le fît exécuter à mort.
Deux ans après, c’est-à-dire, l’an 35 de l’ère vulgaire, et 38 depuis la naissance de Jésus-Christ, Vitellius, gouverneur de Syrie, étant venu à Jérusalem à la fête de Pâques, fut reçu magnifiquement par le peuple, et, par reconnaissance, il rendit aux prêtres la garde des ornements du souverain Pontife, leur remit certains impôts que l’on levait sur les fruits, et déposa le grand-prêtre Caïphe. Josèphe semble mettre cette déposition entre les faveurs qua Vitellius accorda aux Juifs. On ne sait quelle fut la fin de Caïphe, ni quand il mourut. On montre encore aujourd’hui sa maison à Jérusalem. Mais quel fond peut-on faire sur ces sortes de monuments, après tant de révolutions arrivées à la ville de Jérusalem ?
[« Le trait le plus curieux de l’histoire de Caïphe, dit un écrivain protestant, est sans contredit le conseil qu’il a donné de faire mourir un homme pour le peuple (Jean 11.51), conseil que l’évangéliste prend ensuite dans un sens prophétique. Si Balaam et Saül sont comptés parmi les prophètes, certes, Caïphe peut bien être mis de pair avec eux. Mais il nous semble qu’il ne doit point porter ce titre. Les chefs du peuple, comme le récit le prouve, craignaient de voir les Juifs excités ou non par Jésus qu’ils prenaient pour un Messie temporel, lui décerner la couronne que souvent on lui avait offerte, s’armer contre les Romains, et attirer ainsi de nouveaux orages sur la Judée. Peut-être au fond n’étaient-ils pas sincères dans cette crainte ; peut-être savaient-ils que Jésus avait toujours refusé d’être fait roi, et ne cherchaient-ils qu’un prétexte pour le perdre. Caïphe saisit avidement cette idée, et dit : Vous n’y entendez rien ; vous craignez ces Romains, et vous ne considérez pas qu’il est utile alors qu’un homme meure pour le peuple, et qu’ainsi la nation ne périsse point. La preuve évidente que Caïphe, en parlant ainsi, donnait un conseil et ne rendait pas un oracle, c’est que saint Jean (Jean 18.14) a rappelé cet avis pour montrer ce que le Christ devait espérer d’un tel juge. Mais Dieu se sert contre les méchants de leurs propres paroles, et les tourne contre eux ; ce qu’ils pensent en mal, Dieu le pense en bien. Caïphe, en ce sens, prophétisait sans le savoir ; l’analogie entre le conseil politique de ce pontife, et la charité du bon Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis, était trop frappante pour échapper aux auteurs sacrés et aux premiers chrétiens ; c’est là ce qu’il n’a pas dit de lui-même ; car de lui-même il a dit seulement qu’un homme devait mourir pour éviter une nouvelle tentative du peuple de secouer le joug des Romains. Prophétiser en effet n’est pas toujours prédire ; le don des oracles n’était pas attaché à la souveraine sacrificature, et ce qui achève d’éclaircir ce passage remarquable, c’est que saint Jean, par une explication qui lui est propre, complète le sens chrétien de la pensée de Caïphe, et l’étend à tous les fidèles ; ce que Caïphe, qui ne songeait qu’aux Juifs, n’avait pu faire. La haine de ce pontife contre le Christ et sa doctrine, est le seul trait de son caractère que l’Évangile fasse connaître. On n’y remarque que beaucoup d’envie et de colère, et quelque adresse. Il est si facile de haïr et de persécuter, que tous les ennemis de Jésus ont été des hommes médiocres. »
Le triste rôle que Caïphe a joué dans les faits qui ont préparé le crucifiement de l’Homme-Dieu, a trouvé un défenseur dans M. Salvador, israélite, qui prétend que Caïphe agissait dans les limites de son droit ; mais M. Dupin aîné a prouvé le contraire dans un petit ouvrage intitulé : Jésus devant Caïphe et Pilate, et qui fait partie du seizième volume de la collection des Démonstrations évangéliques].
Ou Caipha ou Hepha. Ville située au pied du mont Carmel, au septentrion, sur le golfe de Ptolémaïde. Son nom ancien était Sycamînos, ou Porphyreôn. Le nom de Sycamînos, ou Sycaminôn, lui vient apparemment des sycomores qui y étaient, et celui de Porphyreôn, de la pêche des poissons qui servaient à teindre de couleur de pourpre. On pourrait croire que celui de Cépha, ou Caipha, lui a été donné à cause de ses rochers, appelés en syriaque Cépha : mais les Hébreux l’écrivent Hépha, et non pas Chépa, ou Képha. Cette ville était séparée de celle d’Acco, ou Ptolémaïde, par son port, qui est beau et vaste d’Acco à Cépha, par mer, et en droite ligne, il n’y a qu’environ quinze milles, ou cinq lieues ; mais par terre, il y a le double de chemin.