Ou Achar (Hacan ou Hacar), fils de Charmi ou Carmi, de la tribu de Juda (Achan (Josué 7.1-17), est nommé Achar (1 Chroniques 2.7), c’est-à-dire Trouble, pour la raison qu’on va voir. Il est dit fils de Zaré (Josué 7.24 ; 22.20) parce que Zaré était le chef de la famille à laquelle il appartenait (Josué 7.17.18 ; 1 Chroniques 2.6-7). Charmi, père d’Achan était fils de Zabdi nommé aussi Zamri).
Ayant vu un manteau d’écarlate, un lingot d’or et deux cents sicles en argent parmi les dépouilles de Jéricho, il les prit, et les alla cacher dans sa tente contre la défense expresse du Seigneur qui avait ordonné que l’on dévouât à l’anathème la ville de Jéricho sans en réserver la moindre chose (Josué 6.17-19). Quelques jours après, Josué envoya trois mille hommes pour prendre la ville de Haï (Josué 7, An du monde 2553, Avant Jésus-Christ 1447, Avant l’ère vulgaire 1451), qui était à trois ou quatre lieues de Jéricho ; mais ils furent chargés par ceux de Haï, et obligés de prendre la fuite. Toutefois, la perte ne fut pas grande, puisque les Israélites ne perdirent que trente-six hommes. Mais cette perte ne laissa pas de les décourager Josué, et les anciens du peuple déchirèrent leurs vêtements et se mirent de la poussière sur la tête, criant au Seigneur, et le conjurant de ne pas abandonner son peuple au milieu de ses ennemis. Alors le Seigneur dit à Josué : Levez-vous. Pourquoi demeurez-vous couché par terre ? Israël a Péché et a violé mon alliance en prenant de l’anathème et en cachant leur vol parmi leur bagage. Je ne serai plus avec vous jusqu’à ce que vous ayez exterminé celui qui est coupable de ce crime. Levez-vous, et sanctifiez le peuple pour demain. Le sort vous découvrira celui qui est coupable de ce crime, et il sera brûlé avec tout ce qui lui appartient.
Le lendemain Josué fit assembler toutes les tribus d’Israël ; et ayant jeté le sort, il tomba sur la tribu de Juda, ensuite il tomba sur la famille de Zaré, puis sur la maison de Zabdi, et enfin sur la personne d’Achan. Alors Josué dit à Achan : Mon fils, rendez gloire au Seigneur le Dieu d’Israël ; confessez votre faute, et déclarez-moi ce que vous avez fait, sans en rien cacher. Achan lui répondit : Il est vrai que j’ai péché contre le Seigneur, et voici ce que j’ai fait : ayant vu parmi les dépouilles un manteau d’écarlate et deux cents sicles d’argent avec un lingot d’or du poids de cinquante sicles, je les ai pris et les ai cachés dans une fosse que j’ai faite dans ma tente. Josué envoya aussitôt du monde dans la tente d’Achan, et on y trouva tout ce qu’il avait dit ; et ayant apporté ces choses en présence du peuple, ils les jetèrent devant le Seigneur. Josué et tout le peuple ayant pris Achan avec ce qu’on avait trouvé dans sa tente, l’or, l’argent, les meubles, ses fils et ses filles, ses bœufs et ses ânes, sa tente même et tout ce qui était à lui, les menèrent à la vallée d’Achor ; et Josué lui dit : Puisque vous nous avez troublés, le Seigneur vous troublera en ce jour-ci. Alors (Josué 7.25) tout le peuple le lapida avec ceux de sa famille que l’on présuma avoir été complices de son crime ; et tout ce qui avait été à lui fut consumé par le feu. Ils amassèrent sur lui un grand monceau de pierres qui y est demeuré jusqu’aujourd’hui. Ainsi parle l’auleur du livre de Josué. Cette histoire arriva l’an du monde 2553, avant Jésus-Christ 1447, avant l’ère vulgaire 1451. Le lieu où Achan fut lapidé s’appela dans la suite la vallée d’Achor (ou du Trouble), au septentrion de Jéricho [L’histoire d’Achan a offert quelques difficultés aux interprètes et quelques objections aux incrédules. Une de ces difficultés et de ces objections vient de ce que, d’après le verset 25, il est vraisemblable que les fils et les filles d’Achan subirent la même peine que lui. Des interprètes ont adopté cette opinion, et je l’ai admise pour la même raison qu’eux, savoir, que le coupable ne put creuser la terre dans sa tente, et y cacher son vol sans avoir sa famille pour complice. M. Coquerel repousse cette interprétation : « Quoique le texte, dit-il, présente quelque obscurité, nous ne croyons pas qu’on doive envelopper les proches d’Achan dans son crime et sa perte ; le soupçon de complicité est gratuit ; la loi défendait (Deutéronome 24.16) en termes exprès de punir les enfants avec le père, et ce qui achève de nous convaincre, c’est que l’oracle n’avait ordonné (Josué 7.15) de livrer aux flammes que le coupable et ses biens. Josué aurait-il laissé donner aux paroles divines une extension si terrible ? D’après ces explications, le sens du verset qui nous arrête sera seulement que la famille d’Achan fut témoin de son supplice (Josué 7.24). » Ces explications ne nous paraissent pas assez fortes pour détruire le soupçon de complicité. La loi citée ne dit point que les enfants ne seront pas mis à mort avec les pères ; car, pourquoi, s’ils étaient coupables avec eux, ne seraient-ils pas punis avec eux ? Elle dit qu’ils « ne seront pas mis à mort pour les pères, » ce qui est bien différent, et veut dire que les enfants innocents ne seront pas punis pour les pères coupables ; pourquoi ? Parce qu’il est juste que les uns et les autres soient mis à mort, ajoute-t-elle, chacun pour son péché, et qu’il ne le serait pas si on punissait l’innocent à la place du coupable. On voit que l’auteur n’a pu invoquer ce texte sans être obligé d’y changer un mot, et que malgré ce changement il ne prouve absolument rien contre l’interprétation qu’il combat. L’oracle avait dit : Quiconque sera trouvé coupable de ce crime… Cela ne veut pas dire qu’il n’y avait qu’un coupable ; s’il y en avait eu quelque autre étranger à la maison d’Achan, l’oracle se serait exprimé de même ; celui qui ou quiconque marque ici un nombre indéfini, deux, quatre, dix, aussi bien qu’un. Un texte était plus favorable à l’opinion de M. Coquerel ; l’historien dit (Josué 7.18) : Le sort atteignit Achan (seul), et c’est lui seul que Josué interroge. Mais il néglige les détails, il montre l’auteur du crime qui a fait venir le trouble ou le malheur en Israël dans une circonstance critique, il relate en abrégé le procès, et passe à l’exécution du coupable : Tout Israël, dit-il, l’assomma à coups de pierres : Il ajoute : On les brûla au feu, on les accabla de pierres (ou bien : On les brûla après les avoir lapidés) ; on plaça sur lui un grand monceau de pierres. L’extrême concision du récit fait l’obscurité de ce texte, on n’y trouve rien qui explique la pluralité des suppliciés ; mais on ne saurait la nier ; il est évident qu’Achan n’est pas puni seul, que d’autres le sont avec lui. Qui, si ce n’est sa famille ? pourquoi, si elle ne s’est rendue complice de son crime ? Trente-six hommes avaient été tués, suivant M. Coqueret, le soupçon de complicité est gratuit ; je le crois trop fondé, malheureusement ;
1° On ne peut admettre qu’Achan fit, pour cacher son vol, une fosse dans sa tente à l’insu de sa famille ; sa famille eut donc connaissance de ce vol, et le texte ne dit pas qu’elle ait fait à ce sujet quelque représentation à son chef.
2° Il est plus vraisemblable qu’elle consentit à cette action coupable, et qu’elle aida à en faire disparaître les traces.
3° Le texte fait entendre qu’il y eut plusieurs suppliciés, bien qu’il n’en nomme qu’un ; ces malheureux compagnons du malheureux Achan ne peuvent être que les membres de sa famille ; si donc ils furent punis, c’est qu’ils étaient coupables.
4° Le supplice d’Achan et de sa famille fut rappelé peu de temps après ainsi que son crime et le malheur qu’il avait attiré sur Israël (Josué 22.20). Achan n’a-t-ilpas violé le commandement touchant les (objets) interdits, et la colère (divine) n’est-elle pas tombée sur tout le peuple d’Israël ? Quant à lui, seul homme (qui eût commis cette violation), il ne périt pas (seul) par son crime. Je sais bien que dans cette dernière partie du verset, plusieurs voient les trente-six Israélites qui furent tués dans l’entreprise contre Haï avant la découverte du crime d’Achan ; mais je crois qu’il le faut voir plutôt dans la seconde, car ce verset rappelle trois faits distincts, et suivant l’ordre dans lequel ils sont arrivés.
5° Il est donc malheureusement trop vrai que les fils et les filles d’Achan partagèrent son crime et sa perte ; ce qui le prouve encore, c’est que sa branche généalogique qui est la première de la famille de Zaré, s’arrête à lui (1 Chroniques 2.6-7), quoiqu’il eût des fils.
Que M. Coquerel nous pardonne cette réfutation, et nous permette de rapporter ses réflexions sur le supplice d’Achan, que nous n’avons pas le dessein de combattre. « Tout cet événement, dit-il, est un de ceux qui, expliquent et attestent le mieux la théocratie judaïque, et, sans l’y reconnaître, le fait, d’après toutes les règles de la critique historique, est inexpliquable. Surtout, on ne comprend pas les aveux d’Achan ; lorsqu’il n’avait contre lui qu’un oracle, pourquoi ne l’a-t-il pas accusé de mensonge, au lieu de demander lui-même qu’on aille creuser la terre de sa tente ? En admettant la théocratie, tout est clair ; Israël, peuple élu, est responsable en corps des transgressions de ses membres ; Dieu est le chef de ses armées, le juge de ses coupables, et les punitions des infracteurs sont ordonnées par des oracles ou infligées par des prodiges. Nous sommes tentés aujourd’hui d’excuser Achan ; la loi de l’interdit est celle qui s’éloigne le plus de l’esprit du christianisme, et dans l’illusion de nos idées modernes, nous considérons ce crime comme le délit d’un soldat contre la discipline, et non comme le sacrilège d’un fidèle. Une grande réflexion domine toute cette matière ; Dieu en dépossédant par Josué les nations chananéennes pour donner une patrie à son peuple, devait réserver pour lui-même, c’est-à-dire, faire servir à son culte toutes les dépouilles des vaincus ; s’il avait cédé aux Hébreux cet immense butin, la soif des richesses, les querelles et les impuretés qu’elle entraîne, auraient perverti le peuple, au point que jamais il ne se serait établi dans la terre promise ; tous les monuments de l’idolâtrie auraient été conservés ; l’idolâtrie se serait conservée avec eux. C’était donc une sage dispensation que de prélever et de sanctifier d’avance toutes ces dépouilles ; mais une loi pareille ne souffrait ni exception, ni indulgence. Ces réflexions s’accordent avec les formes du jugement ; le coupable fut découvert (comme Jonathan) et condamné par les sorts, c’est-à-dire l’Urim et le Thummim ; on croit que ces sorts étaient composés de trois pierres précieuses, l’une portant le mot oui, l’autre le mot non, la troisième sans inscription. Le grand-prêtre les conservait dans une bourse très-riche (Exode 28.30), suspendue sur le pectoral. Les questions étaient toujours posées de manière à ce qu’une affirmation ou une négation pût servir de réponse, et lorsque le pontife amenait la pierre sans inscription, l’oracle réfusait de répondre (1 Samuel 28.6).