Ou Beth-Lechem, la maison du pain, ville de la tribu de Juda (Josué 17.7), nommée ordinairement Bethléhem de Juda, pour la distinguer d’une autre ville de même nom dans la tribu de Zabulon (Josué 19.15). On lui donne aussi le nom d’Ephrata (Genèse 48.7, Michée 5.2, Ruth 1.2, 1 Samuel 17.12), et ses habitants sont nommés Ephratéeus ; [elle est encore appelée ville de David (Luc 2.4), parce que ce saint roi-prophète y reçut le jour. Elle était aussi la patrie de Booz (Ruth 1.2-19,22 ; Ruth 2.2 ; Ruth 4.11), l’un des ancêtres de ce grand homme (Ruth 4.21-22)]. Cette ville est assez peu considérable par sa grandeur et par ses richesses ; mais elle l’est infiniment, pour avoir donné naissance au Messie. Michée, relevant cet avantage de Bethlehem, lui dit : Et vous, Bethléhem de Juda, quoique vous soyez une des moindres villes de Juda, il sortira de vous un dominateur, qui régnera sur tout mon peuple d’Israël. Il ne voulait pas sans doute marquer David, qui était né à Bethlehem tant de siècles auparavant, mais Jésus-Christ, qui y prit naissance plusieurs siècles après.
On forme sur la prophétie de Michée, qui prédit la naissance du Messie à Bethléhem, quelques difficultés. Premièrement saint Matthieu lit (Matthieu 2.6 Michée 5.2) : Et vous, Bethléhem de Juda, vous n’êtes pas la plus petite des villes de Juda ; au lieu que Michée lit : Et vous, Bethléhem, petite ville pour étre entre les milliers de Juda. Et secondement Michée dit : qu’il sortira de Juda un dominateur qui dominera sur Israël, et sa naissance est dès le commencement, et dès le temps de l’éternité. On objecte donc qu’il y a contrariété entre saint Matthieu et Michée, dont l’un dit que Bethlehem est trop petite pour être comptée entre les villes les plus considérables de Juda ; et l’autre au contraire dit qu’elle n’est pas des petites villes de Juda.
Mais on répond que saint Matthieu a pu lire le texte de Michée avec une interrogation, de cette sorte : Et vous, Bethléhem êtes-vous trop petite pour être mise ou rang des grandes villes de Juda ? Ainsi il a fort bien rendu le sens du prophète : Vous n’êtes pas une des petites villes de Juda. De plus, quelques critiques soutiennent que l’Hébreu zéhir, que l’on traduit ordinairement par petit, signifie aussi le contraire ; et on cite pour le prouver (Jérémie 48.4 ; 49.20 Zacharie 23.7), où zéhir (Michée 5.1), du consentement des Juifs, signifie les chefs, les principaux du peuple. Enfin saint Jérôme et plusieurs autres après lui, ont cru que saint Matthieu avait proposé historiquement le passage de Michée, non comme il est écrit dans Michée, mais comme il avait été proposé par les prêtres, pour relever, en passant, leur négligence ou leur ignorance.
Quant à la seconde difficulté, la plupart des Juifs veulent bien reconnaître que le Messie sortira de Bethléhem, mais ils soutiennent que ce Messie n’est point Jésus, et que la prophétie de Michée ne regarde ni Jésus, ni le Messie. Celui dont parle Michée (Michée 5.2), règnera sûr Israël. Et 3 : Les restes de ses frères se convertiront et se réuniront aux enfants d’Israël. Jésus n’a pas régné sur Israël, et s’il est Dieu, il ne peut avoir de frères. De plus, n’est-ce pas trop borner le règne du Messie, que de le resserrer dans Israël ? On répond que Jésus, comme Dieu, n’a point de frères, mais qu’il en a comme fils de Marie. Le prophète distingue fort bien ici sa naissance temporelle à Bethlehem, et sa naissance éternelle. Il n’est pas plus contraire à la grandeur du Messie de dire qu’il régnera sur Israël, qu’il l’est à Dieu de se qualifier en tant d’endroits le Dieu d’Israël. Cela n’exclut pas le domaine de l’un ni de l’autre sur tout le reste des hommes et des autres créatures.
Bethlehem est située sur le penchant d’une colline, à six milles, ou deux lieues de Jérusalem, vers le midi. Josèphe semble ne l’éloigner que de trente stades, qui font seulement trois mille sept cent cinquante pas ; et saint Justin le martyr, de trente-cinq stades, qui font quatre mille trois cent soixante-quinze pas. Mais il y a quelque apparence que les chiffres qui marquent cette distance, sont corrompus dans ces deux auteurs ; car tous les autres, tant anciens que modernes, mettent constamment deux lieues de distance de Jérusalem à Bethléhem. Saint Jérôme met quarante-six milles de Joppé à Bethlehem.
La caverne où naquit notre Sauveur n’est pas précisément dans la ville, mais au dehors de Bethlehem. Saint-Jérôme dit qu’elle est du côté du midi. Saint Justin le martyr et Eusèbe disent simplement qu’elle était hors de la ville et à la campagne l’hôtellerie où la sainte Vierge et saint Joseph se retirèrent, était apparemment un carvansérail, ou maison publique, où l’on recevait les hôtes gratuitement, et où on leur donnait seulement le couvert. Mais comme la foule était grande lorsque saint Joseph et Marie arrivèrent, toutes les chambres étaient prises, et ils furent contraints de se retirer dans une caverne, qui servait d’étable au carvansérail. Ce qui est certain, c’est que les anciens marquent la naissance de Jésus-Christ dans une caverne. Les voyageurs disent que le lieu où naquit notre Sauveur, a environ quaraate pieds de profondeur, et douze de largeur, allant toujours en retrécissant jusqu’au fond. Saint Jérôme nous apprend que l’empereur Adrien, pour effacer la mémoire du lieu où Jésus-Christ était né, avait fait planter au-dessus de la caverne un bois de futaie eu l’honneur de Thammuz, ou Adbnis ; en sorte que, dans les fêles de cette infâme divinité, on entendait retentir la sainte grotte des lamentations que l’on faisait en l’honneur de l’amant de Vénus [Écoutons sur Bethlehem un voyageur qui l’a visitée récemment. Il m’a fallu peu de temps, dit M. Poujoulat, pour bien connaître la petite cité appelée Maison de pain ou Maison de chair. Je suis déjà devenu comme un habitant de Bethléhem… J’éprouve ici des impressions tout à fait différentes de celles que me donnait Jérusalem. Pendant que j’étais dans la ville sainte, mon esprit n’était rempli que de sombres idées, une douleur indéfinissable me poursuivait partout, et chaque objet se teignait à mes yeux des couleurs du deuil ; ici, au contraire, mon esprit ne me présente que de riantes images, la nature semble m’inviter à une douce joie, et je respire plus à mon aise ; cette différence d’impression, que j’attribue d’abord au changement de paysage, provient sans doute aussi des souvenirs austères ou joyeux que réveillent les deux cités : à Jérusalem, on trouve toutes les douleurs, toutes les calamités qui peuvent tomber sur un peuple, et, pour dernier malheur, on voit le Juste condamné à la croix et à l’ignominie ; Bethléhem, au contraire, nous offre tout ce qui peut enchanter l’imagination : c’est une jeune Nazaréenne qui met au monde Celui que les siècles attendaient ; ce sont des rois des pays lointains qu’une étoile conduit vers le sacre berceau, des pasteurs qui laissent leurs troupeaux pendant la nuit pour venir adorer un enfant ; j’entends les chœurs des anges, les symphonies du ciel, je sens la terre tressaillir d’allégresse : à Jérusalem, la mort et la dévastation ; à Bethlehem, la vie et l’espérance…
Après l’histoire merveilleuse de la naissance du Christ, ce qui frappe le plus mon imagination à Bethléhem, c’est le souvenir de saint Jérôme… Souvent je descends dans la grotte où ce grand homme écrivit et pria, et je repasse sa vie toute pleine de souffrances, de travaux et de larmes…
Vous connaissez l’histoire de Paule et d’Eustochie, sa fille, qui préférèrent la pauvreté de la crèche aux grandeurs de Rome, et qu’une sainte amitié liait à l’anachorète de Bethlehem. Après avoir visité tous les lieux sacrés de la Syrie et de l’Égypte, la fille des Gracques et des Scipions vint établir sa demeure à Bethlehem. Paule y fonda un monastère pour les hommes, et trois monastères pour les jeunes filles. Maintenant, les trois plus illustres hôtes du désert de Bethlehem ont leurs tombeaux à côté de l’étable qui recueillit autrefois leurs soupirs et leurs larmes…
Bethlehem n’a pour tout monument que le couvent latin, semblable à une forteresse, et une église qui remonte au temps de Justinien ; les deux édifices se touchent, el c’est dans leur enceinte que se trouvent tous les lieux que les traditions chrétiennes ont rendus sacrés. Deux entrées conduisent à la grotte de la Nativité, la première appartient aux Latins, la seconde aux Grecs ; elles sont à l’opposé l’une de l’autre l’entrée latine est à l’extrémité de la chapelle des franciscains ; on descend quinze degrés, à la lueur d’un flambeau qu’on porte soi-même, et après avoir traversé ces grottes ou chapelles obscures consacrées aux saints Innocents, à saint Joseph, à saint Jérôme, à sainte Paule et à sa fille Eustochie, on arrive au sanctuaire de la Nativité ; c’est une grotte taillée dans le roc, revêtue de marbre et de draperies de soie rouge, et soutenue par trois colonnes de marbre ; elle est illuminée par trente-cinq lampes d’argent, suspendues a la voûte ;… la place où enfanta le Sauveur est marquée d’un marbre, au milieu duquel on a enchâssé du jaspe, entouré d’un cercle d’argent, formant comme un soleil ; autour du rayon de ce soleil, on lit les mots suivants gravés en gros caractères :
Hic de Virgine Harialesus Christus nains est.
C’est ici que Jésus-Christ est né de la Vierge Marie.
Au-dessus de cette table de marbre s’élève un petit autel, éclairé par trois lampes, dont la plus riche fut envoyée par Louis XIII. À quelques pas de là, à droite, deux marches qu’on descend vous mènent à la crèche : la véritable crèche a été emportée de Bethlehem, et c’est Rome qui a hérité de cette précieuse relique ; elle a été remplacée par un bloc de marbre, posé à un pied au-dessus du sol, en travers d’une petite voûte formée dans le roc…
Beaucoup de voyageurs ont parlé de l’ancienne église attenant au couvent latin, et qui fut jadis un des plus beaux monuments de la Terre-Sainte ; quelques inscriptions, qu’on y reconnaît encore, annoncent que l’église fut réparée et embellie par les rois latins de Jérusalem. Les Grecs se sont emparés de la partie du chœur de l’église, et en ont fait leur sanctuaire. Ce temple vénérable où Baudouin Ier fut sacré roi, et qui retentit pendant un siècle et demi des chants et des prières de nos croisés, est maintenant abandonné à la poussière et à la destruction, et n’est plus qu’un passage public pour les religieux du monastère et les Arabes chrétiens.
Les collines où s’élève Bethléhem présentent un aspect riant avec leurs vergers d’oliviers et leurs figuiers, dont la verdure éclate davantage sur un sol rougeâtre et semé de pierres ; le territoire de Bethlehem mérite encore le nom d’Ephrata (fertilité). Les arbres fruitiers et les moissons donnent d’abondantes récoltes, sans beaucoup de culture. Bethlehem compte deux mille habitants, dont quinze cents catholiques, quatre cents Grecs schismatiques, et le reste musulman. Les mécréants ont toujours été en petit nombre dans ce pays, parce que les Bethléhémites, hommes forts et courageux, ne supportent qu’avec peine la présence des sectateurs de Mahomet. Une remarque à faire, c’est que Bethlehem est peut-être la seule cité d’Orient qui ne soit point gouvernée par un chef musulman ; il n’y a ici ni aga, ni mutzelin… Le monastère franc est pour les Bethléhémites un temple d’où leur prière monte au ciel, un tribunal où se jugent toutes leurs querelles, une hôtellerie où les pauvres trouvent du pain, et, au besoin, comme je l’ai dit plus haut, une forteresse pour repousser toute espèce d’agression. Les troupeaux, la culture des champs, et surtout le commerce des croix, des images de la Vierge, des boîtes en nacre, sont les ressources de Bethléhem…
Bethlehem est un lieu que j’aime, dit encore M. Poujoulat dans une autre lettre ; sa colline me sourit plus que les autres collines de la Judée : le nom de Bethlehem est si doux à prononcer ! Tout est gracieux, tout est noble et pur dans les impressions et les souvenirs qu’il éveille. Quelle ravissante histoire que celle de Ruth et de Booz ! Et c’est là, dans les champs voisins, que se sont passées toutes ces scènes bibliques d’un intérêt si touchant. Ce divin berceau sur lequel une étoile est descendue, ce berceau qui doit sauver le monde, et qui n’est connu que du bœuf et de l’ânon, ne jette-t-il pas sur le pays un charme merveilleux, une douce et grande poésie ! Ruth et Booz, Jésus enfant et les pasteurs expriment tout Bethlehem : Bethlehem a des idylles comme Jérusalem a des lamentations.
Le monastère est habité par douze religieux franciscains, gardiens de la crèche du Sauveur. Chaque jour, à quatre heures aprés midi, les religieux, portant un flambeau, vont visiter en procession la grotte de la Nativité ; ils chantent des versets et des hymnes analogues à la naissance du Christ. En sortant de la grotte de la Nativité, les cénobites font des stations pieuses à l’autel de saint Joseph, à la grotte des saints Innocents, à l’oratoire de saint Jérôme et à son tombeau, aux tombeaux de sainte Paule et de sainte Eustochie, et de saint Eusèbe de Crémone. De là on remonte dans la chapelle de sainte Catherine, qui est l’église du couvent. Dans cette chapelle est un puits qui ne tarit jamais, et qui fournit une eau délicieuse à boire…
Les troupeaux ne manquent pas à Bethlehem ; il n’est pas une famille qui ne possède au moins quelques chèvres. Nulle part je n’ai bu un lait aussi doux, aussi parfumé qu’à Bethlehem…
Autour de Bethléhem, lieux révérés attirent la curiosité des pèlerins : La Grotte du lait de la Vierge, à peu de distance, à l’est du monastère, renferme sept à huit colonnes de pierre et un pauvre autel, sur lequel on dit quelquefois la messe ; ce lieu est sacré, dit la tradition, parce que la Vierge y laissa tomber de son lait, un jour que Jésus enfant était suspendu à sa mamelle. La grotte appartient aux Grecs ; une lampe, entretenue par eux, veille sans cesse en face de l’autel. À quelques centaines de pas, à l’est de la grotte, on visite le petit village de Bastours, dont presque tous les habitants sont musulmans ; c’était là, dit la tradition, la demeure des pasteurs à qui les anges apparurent la nuit de la naissance du Sauveur. Au-dessous de ce village, à un quart d’heure, on m’a montré le champ où les bergers paissaient leurs troupeaux au moment de la miraculeuse apparition. Une chapelle ruinée se voit dans le champ sacré. Vous avez lu, dans l’histoire du peuple de Dieu, que David, près de combattre les Philistins, éprouvant une soif ardente, souhaita de boire de l’eau de la citerne de Bethléhem : les chrétiens du pays donnent le nom de citerne de David à un puits situé à vingt minutes, au nord de Bethléhem, à droite du chemin qui mène à Jérusalem ; les savants qui ont passé par ici ne sont point d’accord avec la tradition, et placent ailleurs la citerne historique. Pour moi, je serais tenté de croire que la citerne de David n’est autre chose que le puits enfermé aujourd’hui dans la chapelle du monastère latin, et qui porte le nom de puits de Sainte-Catherine l’eau de ce puits est la meilleure du pays, et méritait le souvenir du roi David, dans une journée brûlante. Je n’entrerai point dans les dissertations historiques, pour prouver que la situation du puits de Sainte Catherine n’a rien qui puisse nous empêcher de le regarder comme étant la véritable citerne de David ; j’aime peu les longs discours pour les petites questions.
De la tribu de Zabulon (Josué 19.15), n’est guère connue que parce qu’elle porte le même nom que la ville qui a donné la naissance au roi David et à Jésus-Christ, Roi des rois. [Voyez Abesan].